Cet article sur le Psaume 8 et Hébreux 2 a pour sujet la dignité de l'homme, infiniment petit, mais grand parce que Dieu l'a établi gérant de sa création (écologie). Il a perdu sa dignité par son péché, mais la retrouve en Jésus-Christ.

Source: Pour une écologie biblique. 5 pages.

Psaume 8 - Qui est l'homme?

« Au chef de chœur. Sur la guittith. Psaume de David. Éternel, notre Seigneur! Que ton nom est magnifique sur toute la terre! Toi qui établis ta majesté au-dessus des cieux. Par la bouche des enfants et des nourrissons, tu as fondé ta force à cause de tes adversaires, pour imposer silence à l’ennemi et au vindicatif. Quand je regarde tes cieux, ouvrage de tes mains, la lune et les étoiles que tu as établies : Qu’est-ce que l’homme, pour que tu te souviennes de lui? Et le fils de l’homme, pour que tu prennes garde à lui? Tu l’as fait de peu inférieur à Dieu, et tu l’as couronné de gloire et de splendeur. Tu lui as donné la domination sur les œuvres de tes mains, tu as tout mis sous ses pieds, les brebis comme les bœufs tous ensemble, et même les bêtes des champs, les oiseaux du ciel et les poissons de la mer, tout ce qui parcourt les courants marins. Éternel, notre Seigneur! Que ton nom est magnifique sur toute la terre! »

Psaume 8

« En effet, ce n’est pas à des anges que Dieu a soumis le monde à venir dont nous parlons. Mais quelqu’un a rendu quelque part ce témoignage : Qu’est-ce que l’homme, pour que tu te souviennes de lui, le fils de l’homme, pour que tu prennes soin de lui? Tu l’as fait pour un peu de temps inférieur aux anges, tu l’as couronné de gloire et d’honneur, tu l’as établi sur les œuvres de tes mains; tu as mis toutes choses sous ses pieds. En lui soumettant ainsi toutes choses, Dieu n’a rien laissé qui reste insoumis. Cependant, nous ne voyons pas encore maintenant que toutes choses lui soient soumises. Mais celui qui a été fait pour un peu de temps inférieur aux anges, Jésus, nous le contemplons, couronné de gloire et d’honneur, à cause de la mort qu’il a soufferte; ainsi, par la grâce de Dieu, il a goûté la mort pour tous. »

Hébreux 2.5-9

Une des idées modernes débattues et défendues avec le plus d’acharnement — idée d’ailleurs pleine d’équivoque — est celle de la dignité humaine. « La seule querelle qui vaille la peine est celle de l’homme », a dit l’un de nos hommes d’État.

Porte-parole de toute tendance et de tous horizons clament avec une sainte ardeur les droits de l’homme, sa valeur, voire sa sainteté. Paradoxalement, l’éloquence et la ferveur mises au service du combat pour les droits inaliénables de l’homme sont de nature et de ferveur religieuses. Je dis paradoxalement parce que, du côté des humanistes athées, on ne reconnaît ni loi ni maître au-dessus de celui-ci. Or, le respect — nous pourrions même dire le culte de l’homme — est devenu le premier article du credo humaniste, nouvelle religion à prétention universelle. « Gloire à l’homme au plus haut des cieux! L’homme est le maître de l’univers », écrivait un poète anglo-saxon de notre époque.

Descartes, lui, voulait l’homme maître et possesseur de l’univers. Mais les humanistes athées ne sont pas les seuls à s’être engagés dans ce rude combat. Nourris de bons sentiments et pleins de bonnes intentions, certains chrétiens cherchent à leur manière à abolir toute barrière et toute ségrégation entre races, classes et langues. Certains représentants d’Églises sont allés jusqu’à prétendre que le terrain où s’enracinent toutes les valeurs, la dignité et les privilèges de l’homme est un terrain — ou un droit — qui lui serait inhérent.

L’un des chefs itinérants de ces idées humanistico-religieuses disait naguère que les hommes de bonne volonté sont capables d’établir et de maintenir la paix internationale…

L’Écriture sainte, la Bible, n’est pas indifférente à ce débat. Elle aussi parle de la dignité humaine, elle nous dit que Dieu a accordé à l’homme gloire et honneur. Il lui a confié le règne sur toute la création. Telles sont les affirmations des textes que je vous invite à lire dans la Bible : le Psaume 8 et le chapitre 2 de l’épître aux Hébreux.

Nous devons noter que l’idée de la dignité humaine n’est pas seulement une idée très répandue, mais qu’elle se situe au cœur même de ce débat et qu’elle est chargée d’un potentiel émotif inhabituel. Comment en serait-il autrement puisque parlant de la dignité humaine on parle de soi-même? L’homme est assoiffé d’éloges et de discours à son propre sujet. D’où l’intense acuité des débats et des prises de position, parfois même passionnées et passionnelles.

Il ne suffit pas d’employer les mêmes mots pour véhiculer la même idée au sujet des droits de l’homme. Car nous devons constater que l’idée humaniste de la dignité humaine est tout autre que l’idée biblique et chrétienne. De même, l’idée prétendument chrétienne de la dignité humaine, et qui n’est qu’un syncrétisme ménageant indistinctement la chèvre et le chou, est différente (pour ne pas dire opposée) de l’idée des chrétiens issus de la Réforme protestante du 16siècle. Je suppose aussi qu’une déclaration islamique des droits de l’homme sera différente d’une déclaration émanant du judaïsme.

Nous nous placerons donc une fois de plus sur le terrain de la révélation biblique pour définir la dignité de l’homme et pour lui reconnaître des droits inaliénables. Mais nous devrons nous poser auparavant la question essentielle, à savoir : Qui est l’homme?

Placés sur ce terrain nous avons trois aperçus successifs que je résumerai de manière très succincte.

  • Comparé à l’immensité de la création, l’homme est une créature insignifiante.
  • Face à Dieu qui l’a investi d’une mission, l’homme accède à une position exaltée.
  • Enfin, c’est en considérant Jésus, le Christ, prototype de l’homme idéal et parfait qui communique à l’homme dignité, valeur et droits, que nous pouvons savoir quelque chose de vrai concernant les droits de l’homme.

Les textes bibliques du Psaume 8 et d’Hébreux 2 posent la même question : Qui est l’homme? La première réponse dit qu’il est infiniment petit. Tellement petit qu’il est étonnant que Dieu se souvienne de lui. Un chercheur dans un laboratoire bactériologique se souvient-il de chaque microbe examiné? Or, non seulement Dieu se souvient de l’homme, mais il condescend encore à le visiter. Notre point de départ biblique et chrétien est par conséquent celui de Dieu. Une expression de Jean Calvin l’exprime bien : « Coram Deo vivere », vivre devant Dieu. Si l’homme est petit et insignifiant, il l’est d’abord au regard du Dieu Créateur du ciel et de la terre, qui établit les corps célestes et qui, avec une régularité infiniment plus précise que celle de milliers d’ordinateurs, règle les révolutions des étoiles. Le point de vue chrétien place l’homme dans la seule perspective correcte : celle de Dieu. Et c’est parce que Dieu se souvient de l’homme que nous voyons celui-ci revêtu de sa véritable valeur, infiniment plus grand que si nous le comparions à l’univers créé aux dimensions incommensurables. Car Dieu en personne, Créateur de toutes choses, visibles et invisibles, et Maître souverain de l’univers de toute éternité daigne rendre visite à cette créature insignifiante.

Malheureusement, cette approche est soit ignorée, soit récusée, et nos contemporains cherchent en vain à examiner l’homme « en soi ». Ils le comparent au monde et ils le situent dans l’univers, mais ils n’osent pas — et sans doute, ils ne peuvent pas non plus — s’élever au-dessus de ce qui est temporel et spatial. Je crois qu’il n’existe de conception plus réductionniste de l’homme que la conception humaniste athée. Elle le réduit, malgré ses prétentions, au niveau d’une quelconque vermine.

Pour comprendre l’homme, nous devrions tout d’abord saisir sa véritable grandeur.

Notre position chrétienne à cet égard se fonde sur les deux textes bibliques cités plus haut. D’après l’Écriture « Dieu fit l’homme quelque peu inférieur à Dieu » (Ps 8.6). Mais il le couronna de gloire et d’honneur. Il l’investit d’un pouvoir, le désigna comme gérant sur ses œuvres et le qualifia pour être le garant de l’univers. Voilà l’office — revêtu d’une incomparable dignité — que l’homme reçut des mains mêmes de Dieu. C’est alors qu’apparaît toute sa grandeur. Dieu est au-dessus de lui et, à l’échelle des créatures, les anges sont placés un peu plus haut que lui. Nous respecterons l’homme et nous lui reconnaîtrons toute sa valeur si, au préalable, nous tenons compte de la dignité qui lui a été conférée par Dieu, le Créateur et le Maître. Car, placé entre Dieu et la création, l’homme est véritablement grand. Ainsi, du point de vue biblique, l’homme est à la fois créature insignifiante et misérable et couronnée de gloire et entourée d’honneur. Pascal a prononcé à ce sujet une phrase immortelle : « L’homme est un roseau, le plus faible de tous, mais il est un roseau pensant. »

Cependant, l’homme n’exerce plus l’autorité dont il a été investi. Entre lui et la création qu’il doit soumettre s’étend un fossé qui rappelle l’horrible réalité du péché et toutes ses conséquences. Une perspective historique et une rétrospective sur la biographie de l’homme, depuis ses origines, retracent toutes ses rébellions, sa chute, ses égarements, sa décadence et ses multiples asservissements. Placé au milieu d’un jardin de délices, il en fut chassé pour se retrouver actuellement « à l’est de l’Éden », là où ne poussent que les ronces et ne croissent que les épines. Il est dégradé et sans force pour résoudre ses problèmes; incapable de vivre en paix avec autrui et surtout avec lui-même. Ayant tourné le dos à Dieu, il se dresse contre son prochain pour l’asservir, l’exploiter ou l’écraser. En réalité, il demeure la plus grande énigme pour lui-même. Si nous cherchons une solution et un remède au mal qui le ronge, nous devrions commencer par reconnaître la réalité de son péché.

Alberto Giacometti nous a laissé l’expression la plus tragique de la condition humaine. Le sculpteur nous présente une figure démesurément haute et mince qui avance : C’est un homme sans forme extérieure ni contenu intérieur. Il est encore plus mince et plus fragile qu’un roseau. Depuis la lointaine période où nos premiers parents cherchèrent à se couvrir de feuilles de figuier pour dissimuler aux yeux de Dieu et à leurs propres yeux leur absolue nudité, leurs descendants, eux aussi, se sont toujours acharnés à se couvrir avec le tissu imaginaire de leur valeur à jamais perdue, de leur dignité avilie par leurs actes et de leurs droits qu’ils aliènent les uns aux autres. Ils rappellent l’empereur nu du conte d’Andersen. Leur obsession de s’habiller toujours avec du neuf ne couvre pas leur honte et leur confusion. Et l’Écriture vient, tel le jeune enfant lucide et audacieux du conte, leur crier qu’ils sont nus!

L’Écriture s’oppose à toutes nos obsessions, qu’elles soient humanistes athées ou syncrétistes infrachrétiennes. Elle crie haut et fort pour nous apprendre qu’en dépit de toutes ses prétentions intellectuelles, l’homme reste dépourvu de son essentielle dignité. Ce qui est confirmé par une parole de Jésus rapportée par le livre de l’Apocalypse : « Tu dis que tu es riche et voilà que tu es pauvre, misérable, aveugle et nu » (Ap 3.17). Oui, l’homme moderne oublie qu’il n’est rien d’autre que la figure vide et informe de Giacometti.

Mais arrivés à ce point, nous ferons intervenir une autre figure : celle de Jésus-Christ qui est la parfaite révélation de l’homme. Lui, à qui tout sera soumis à l’âge futur. Il est non seulement la révélation de Dieu, mais encore la révélation sur l’homme.

Nous ne pourrons pas bien parler de l’homme à moins de connaître Jésus-Christ, l’unique être parfait que les hommes aient jamais rencontré au cours de leur histoire, qui est remplie de sens et de contenu parce que le Fils de Dieu devint aussi le fils de l’homme.

Il exerça une autorité incontestable sur les vents et sur les vagues. Il multiplia les pains et les poissons. Il guérit des malades et exorcisa des démoniaques. Christ, l’homme parfait, est actuellement revêtu de la plus haute dignité et de la plus grande valeur. Mais pour nous permettre d’accéder à sa position et à celle qui nous avait été initialement désignée, Jésus dut s’abaisser jusqu’à mourir par l’infâme supplice de la croix. À présent, par la foi en lui, nous sommes devenus comme lui, fils de Dieu et hommes véritables. Jésus est non seulement le modèle de l’humanité, mais encore le chef de notre salut, le seul qui puisse nous restaurer dans notre dignité initiale. Désormais, nul ne devrait parler de la dignité de l’homme en soi ni de valeurs qui lui seraient inhérentes.

Il n’y a de dignité de l’homme qu’en Christ, le Fils de Dieu mort sur une croix pour payer le prix de cette valeur restituée aux hommes. Désormais, nul ne devrait traiter l’homme — aucun homme — de vermine de la terre. Car ce n’est pas au prix « d’or ou d’argent » que celui-ci a été racheté, mais par le sang précieux du Fils de Dieu. En lui, Dieu nous couronne de gloire et nous entoure d’honneur.

Quelle voie devons-nous suivre à présent? Celle des démagogues et des athées — ou encore celle de certains chefs d’Églises imbus d’eux-mêmes — ou bien la voie du Christ?

Les auteurs bibliques situent toujours l’homme par rapport à Christ et à la lumière. Nous, chrétiens de cette fin de siècle, nous allons en faire autant. Et c’est encore Christ qui conseille par la bouche de son saint apôtre Jean : « Je te conseille d’acheter chez moi de l’or fin et éprouvé pour être riche, et des vêtements blancs pour te vêtir » (Ap 3.18). En lui, notre valeur est reconnue, notre dignité restaurée et nos droits sont déclarés à jamais inaliénables. En Christ, nous sommes des hommes véritables.