Cet article a pour sujet la faiblesse du chrétien qui trouve en Dieu sa force. Nous sommes sans force pour être agréables à Dieu, faibles comme un enfant, des disciples qui vivent par la foi dans la dépendance envers Dieu.

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Quand je suis faible

Mes deux collègues ont, je crois, approché le texte de 2 Corinthiens 12.10. « Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort. » Nous le gardons à l’esprit, bien sûr, et allons simplement l’illustrer avec d’autres textes pris tout au long de l’Écriture. Ce qu’exprime Paul, en effet, a été la part de tous les personnages bibliques! Tous? Oui, y compris et peut-être avant tout de Jésus-Christ lui-même.

Je reviens un instant sur le sens de ce mot grec « asthénos » qui est traduit ici par « faible », mais qui est traduit par d’autres mots dans d’autres passages : malade, infirme, sans force… Je crois que l’expression « sans force », avec le « a » privatif, est celle qui convient le mieux.

Tout de suite, ce qui apparaît, c’est que nous le sommes tous. Un verset le dit clairement : « Quand nous étions sans force, Christ est mort pour nous » (Rm 5.6). Sans argent? Malade? Infirme? Pas forcément, mais sans force. Il faut entendre : sans force pour être agréable à Dieu, sans force pour répondre à son attente, sans force pour obéir à ses commandements, pour faire sa volonté. Y compris si je suis un athlète ou un professeur d’Université. Sans force… sauf pour faire des bêtises! On pense à l’apôtre Pierre qui l’apprendra en pleurant amèrement (Mt 26.75). On pense aussi à la parole de Jésus : « Je ne suis pas venu pour les bien-portants, mais pour les malades » (Mt 9.12).

Le mot « asthénos » pourrait se traduire aussi par : qui ne peut pas tenir debout tout seul. Par extension : qui a besoin qu’on le soutienne, qu’on lui donne la main, qu’on l’entoure. Qui ne peut pas s’en sortir tout seul! Tout cela décrit parfaitement la posture de la brebis, du chrétien, du disciple de Jésus-Christ. Le contraire du désir d’autonomie qui est la racine du péché : Je décide tout seul, je me débrouille tout seul.

Saul de Tarse, par exemple, n’était pas sans force, au début : instruit, zélé, il avait des pouvoirs et pouvait faire arrêter qui il voulait. Je pense qu’il croyait, à lui tout seul, être en mesure d’exterminer rapidement les disciples de Jésus de toute la contrée. Mais en réalité, il luttait contre Dieu. Après, il dira : « J’agissais par ignorance, dans l’incrédulité » (1 Tm 1.13). En cela, il était comme les païens qui sont « étranger à la vie de Dieu, à cause de l’ignorance qui est en eux et de l’endurcissement de leur cœur » (Ép 4.18). Vous vous souvenez de ce qui s’est passé : Jésus le met par terre. Là, il ne tient plus debout! « Tremblant d’effroi », il demande : « Que veux-tu que je fasse? Et le Seigneur lui dit : Lève-toi, entre dans la ville et on te dira ce que tu dois faire. » Saul reste sans voir et sans manger pendant trois jours. Faible! Luc dit : « On le prit par la main et on le conduisit à Damas » (Ac 9.8-9). Comme un enfant.

En réalité, on peut remarquer dans la Bible que les mots « enfant » et « disciple » sont comme synonymes. Normalement, un enfant est un disciple, et un disciple est un enfant. Jésus dit au paralytique de Matthieu 9 : « Mon enfant, tes péchés te sont pardonnés » (Mt 9.2). Ce n’était pas un enfant, mais il était porté par quatre hommes. Sans force. Paul (qui n’avait pas d’enfant) appelle à plusieurs reprises Timothée : « Mon enfant! » Or Timothée n’était pas un enfant. Jean, s’adressant à ses lecteurs, écrit plusieurs fois : « Mes enfants », et même : « Petits enfants »! Je ne pense pas que c’était seulement un usage de l’époque. C’est la pédagogie du Royaume de Dieu.

Dans sa première lettre, Jean dit en substance aux disciples : Petits enfants, vous n’êtes plus des enfants! (1 Jn 2.18-21). C’est paradoxal, mais cela s’explique. Il veut dire : Si vous retenez ce que vous avez appris du Seigneur, vous devez être capables maintenant d’exercer un discernement et de ne plus vous fier aux apparences. C’est-à-dire : Vous devez commencer à devenir des maîtres (Lc 6.40), à même d’instruire ou d’avertir d’autres, qui en ont besoin. Mais en même temps, il dit : Quand bien même vous serez devenus des maîtres, continuez à apprendre, continuez à écouter, à vous laissez diriger comme il convient à des disciples du Seigneur. À des petits enfants!

Faibles et forts en même temps! Petits enfants, vous n’êtes plus des enfants…

On remarque la même chose avec le mot « petit », dans la bouche de Jésus : il ne fait pas référence à la taille physique ou à la condition sociale, mais au fait d’être devenu un disciple. « Quiconque donnera seulement un verre d’eau froide à l’un de ces petits parce qu’il est mon disciple, je vous le dis en vérité, il ne perdra point sa récompense » (Mt 10.42). Un disciple de Jésus, qu’il soit un enfant de 12 ans ou un professeur d’Université, c’est un petit! C’est l’esprit des Béatitudes… qui fait qu’un chrétien accepte d’être comparé à un petit oiseau qui ne s’inquiète pas du lendemain, car il sait que Dieu sait ce dont il a besoin (Mt 6.26, 32). C’est ce que j’exprime chaque fois que je me mets à genoux pour prier.

Je voudrais conclure ce parcours d’aujourd’hui avec ce que dit Jean dans sa première lettre. « Voyez quel amour le Père nous a témoigné, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu! [Il parle aux chrétiens]. Et nous le sommes. Si le monde ne nous connaît pas, c’est qu’il ne l’a pas connu » (1 Jn 3.1). Si le monde ne nous connaît pas… Qu’est-ce que cela signifie?

Nous savons le sens fort du verbe « connaître » dans la Bible. Si le monde ne nous reconnaît pas, ne nous comprend pas, ne nous accepte pas… C’est assez fort. C’est même assez violent. On aimerait tellement être ami de tout le monde, aimé, compris, accepté de tous… C’est tellement plus agréable. Mais non… Jésus a dit cela aussi, d’ailleurs : « Si le monde vous rejette, sachez qu’il m’a rejeté [haï] avant vous » (Jn 15.18). Pourquoi? Parce que le principe même du Royaume de Dieu : se reconnaître pauvre, petit, pécheur… et se tenir devant Dieu comme un enfant… est incompréhensible pour ceux qui ne connaissent pas Jésus. Quand je suis sans force… la force de Dieu se révèle enfin dans ma vie. Comment voulez-vous que le monde comprenne cela? Folie pour le monde, sagesse pour la foi; faiblesse pour le monde, puissance pour la foi! Ce n’est compréhensible que dans la foi1.

Note

1. La suite se trouve dans mon article Quand je suis sans force.