Cet article a pour sujet la vocation des femmes chrétiennes qui souffrent l'épreuve de ne pas pouvoir être mères et le vide d'être sans enfants. Dieu les appelle à consacrer leur vie au service de Dieu et des autres.

4 pages.

Quelle est l'étendue de votre vocation?

Je ne suis pas bonne avec les machines. Vraiment, vraiment pas bonne! Surtout avec les machines électroniques! Je ne pense pas comme une machine, je n’éprouve pas d’empathie envers elles et les questions qu’elles posent me laissent complètement perplexe. Quand j’arrive à en utiliser une, c’est généralement parce que je dois faire une même tâche assez souvent pour pouvoir la mémoriser. C’est sans espoir!

Comment toutes mes amies y arrivent-elles? Facile! Elles ont appris de leurs enfants ou, comme c’est le cas des amies de ma mère, de leurs petits-enfants. Fin de l’histoire! Elles ont tout simplement des tuteurs sur place qui leur donnent des leçons dans le cadre des interactions courantes de la vie familiale. Mais pour moi, c’est différent. Voyez-vous, je n’ai pas d’enfants et je n’aurai jamais de petits-enfants.

Cette réalité a eu d’importantes répercussions dans ma vie au cours des vingt-cinq dernières années et, comme vous pouvez l’imaginer, a modifié le parcours de ma vie qui, autrement, aurait été bien différente. C’est une réalité qui m’a conduite dans des directions auxquelles je ne me serais certainement pas attendu il y a trente ou quarante ans et dont je n’aurais probablement pas voulu à ce moment-là. Je suis passé par des moments de grande tristesse, d’envie et même de jalousie. Je suis toutefois contente de ne pas avoir mis mes pensées par écrit pendant ces moments — qui finissent toujours par passer. Au cours des années, Dieu a transformé mon cœur et j’en suis venue à voir que nous parvenons à une meilleure réflexion sur nos épreuves personnelles une fois que nous avons appris les leçons que Dieu voulait nous enseigner à travers elles. Alors seulement avons-nous suffisamment de perspective pour en faire une bonne évaluation.

Certaines d’entre vous ont peut-être traversé une épreuve similaire. Peut-être êtes-vous même en ce moment au cœur de la fournaise ardente. Si tel est le cas, j’espère que les réflexions que j’ai rassemblées dans cet article pourront vous encourager. Bien que la route que Dieu appelle certaines d’entre nous à parcourir puisse sembler longue et difficile, c’est une route sur laquelle nous pouvons nous attendre à des bénédictions.

Soyons honnêtes : il peut être très difficile de marcher sur cette route. Ne pas avoir d’enfants, tout particulièrement pour une femme chrétienne, est certainement une réalité très douloureuse. La plupart des femmes aiment les enfants et espèrent en avoir. Sans enfants, nous ressentons un grand vide, une grande perte, un profond désir non comblé. De toute évidence, le désir d’avoir des enfants est donné par Dieu. À bien des endroits, la Bible parle de l’amour maternel. « Comme un homme que sa mère console, ainsi moi je vous consolerai » (És 66.13). Voilà une image qui n’a nul besoin d’explication, quelle que soit la culture à laquelle nous appartenons. Lorsque le médecin apprend à un jeune couple chrétien qu’ils ne pourront vraisemblablement pas avoir d’enfants, ils sont assaillis par une multitude de questions sans réponses.

Pourquoi Dieu parle-t-il autant de la vie de famille? Pourquoi promet-il des enfants en signe de bénédiction aussi souvent dans l’Ancien Testament? Si je n’ai pas d’enfants, est-ce un signe que la malédiction de Dieu est sur moi? Est-ce que j’ai péché? Est-ce que Dieu me punit? Comment vais-je arriver à passer à travers toutes ces rencontres avec mes amies ou avec les membres de ma famille qui ne cessent de voir leurs familles grandir avec tous ces nouveaux enfants qui naissent? Comment vais-je arriver à passer à travers toutes ces rencontres pour fêter l’arrivée des nouveaux bébés et à travers tous ces baptêmes? Ça n’a pas de fin. Et quand vous pensez que cette étape de la vie est enfin terminée et que vous avez pu passer au travers, les enfants de vos amies se marient et vos amies deviennent alors complètement concentrées sur leurs petits-enfants. Ça n’arrête jamais, n’est-ce pas?

Il nous faut peut-être réfléchir à ce qui rend le fait de ne pas avoir d’enfants aussi douloureux et aussi pénible pour le couple chrétien, en particulier pour les couples croyants réformés. J’ai découvert que préciser ces choses et rechercher les réponses que la Bible donne permet de commencer à mieux faire face à ce grand vide dans nos vies. Par où commencer?

La première réalité à laquelle nous devons faire face est le choc terrible qui survient, semblable à un train qui déraille, lorsque nous apprenons la nouvelle nous annonçant que, pour une raison ou une autre, nous sommes incapables d’avoir des enfants. C’est un coup très dur à encaisser, car l’une de nos plus grandes aspirations dans la vie vient de s’écrouler. Les petites filles chrétiennes grandissent en se faisant enseigner que devenir mère est la plus grande bénédiction dans la vie et qu’avoir des enfants est un peu comme recevoir une couronne de gloire. Dans l’ère de féminisme dans laquelle nous vivons, l’Église évangélique a fait des pieds et des mains pour défendre et soutenir l’idéal biblique du mariage et de la famille, encourageant les mères à rester à la maison avec leurs enfants, etc. Nous grandissons en pensant que nos vies se dérouleront selon le schéma suivant : l’école, les études supérieures, le travail, le mariage, la famille. Tout le reste s’ensuit. Quand ce n’est pas cela qui se produit, c’est comme si la vie basculait et nous nous retrouvons alors déroutées et accablées de douleur. Nos maris ont au moins la possibilité d’aller de l’avant dans leur carrière ou dans l’entreprise à laquelle ils allaient se consacrer de toute façon. Mais nous, que faisons-nous?

L’autre raison pour laquelle le coup est si dur à encaisser est que, ayant été éduquées selon la perspective de l’alliance établie dans l’Ancien Testament, nous considérons qu’avoir des enfants est une bénédiction liée au rôle auquel nous sommes appelées dans le peuple fidèle de Dieu. Nous insistons tellement sur le fait que les enfants des croyants sont des dons « spéciaux » et qu’ils sont un héritage du Seigneur que nous sommes portées à nous demander si le fait de ne pas pouvoir avoir d’enfants n’est pas un signe de malédiction ou de mise à l’écart de l’alliance de Dieu avec les fidèles. Je me souviens d’avoir éprouvé une grande détresse à ces pensées. Que faire de ce réalignement douloureux dans ma vie? Comment réaligner mes pensées?

Je pense que la doctrine biblique de la vocation est une des clés qui aide beaucoup. Les réformateurs étaient d’ardents défenseurs de cet enseignement important, auquel ils ont beaucoup travaillé à redonner le vrai sens biblique, en réponse aux mauvais traitements de l’Église catholique romaine médiévale dans ce domaine. Au cours du Moyen Âge, toute personne qui voulait vivre de la manière la plus spirituelle possible devait devenir moine ou religieuse. Se retirer du monde et consacrer sa vie à la prière était considéré davantage à la gloire de Dieu qu’un emploi ordinaire dans le monde, par exemple les métiers de servante, de jardinier, d’avocat ou de pêcheur. Les réformateurs enseignaient plutôt que tout travail légitime est sanctifié dans le service envers Dieu et que les chrétiens doivent accomplir ce travail en reconnaissant que c’est là leur vocation propre dans la vie.

Pour clarifier les choses encore davantage, ils ont souligné que tous les chrétiens ont deux vocations. La première est la vocation générale du chrétien qui consiste à servir et à glorifier Dieu chaque jour, par la foi en Jésus-Christ. La deuxième est la vocation spécifique de chaque chrétien qui consiste à accomplir une tâche particulière ou un travail particulier que Dieu confie à chacun de ses enfants pour qu’ils servent leur Dieu et qu’ils servent les autres chaque jour dans ce monde. Les réformateurs considéraient qu’aucune tâche dans ce monde ne peut être estimée plus « spirituelle » ou davantage à la gloire de Dieu qu’une autre.

Comment cela s’applique-t-il à notre sujet? Il me semble que nous devrions toujours nous rappeler que la chose la plus importante définissant nos vies, c’est que nous sommes des femmes pécheresses sauvées par la grâce de Dieu — les filles d’un Roi qui a donné sa vie pour nous — et que toute notre vie est consacrée à son service. Quoiqu’il arrive, ce sera toujours vrai, pour toute l’éternité. Dans le contexte de cette vocation générale, la nature de notre vocation spécifique, bien qu’importante, est moins prédominante. C’est pourquoi, lorsque Dieu change cette vocation spécifique, nous pouvons demeurer en paix, sachant que son bon plan pour nous n’a pas changé. Nous pouvons encore le servir de tout notre cœur. C’est ainsi qu’une chrétienne telle que ma mère a été capable de continuer à aller de l’avant lorsque mon père est mort subitement d’une crise cardiaque, alors que personne ne s’y attendait. En l’espace d’un moment, elle est passée de l’état d’épouse à celle de veuve, un changement entraînant de nombreux bouleversements dans sa vie. C’est ainsi également que nous pouvons tenir le coup lorsque nos espoirs sont anéantis et qu’un avenir sans enfants se dessine devant nous. Notre vie en est-elle toute bouleversée? Oui, assurément! Mais Dieu nous aime-t-il toujours en tant que ses enfants et a-t-il un travail utile en réserve pour nous? Très certainement!

Un deuxième élément important, découlant de l’égalité spirituelle de toutes les vocations qu’ont soulignée les réformateurs, est le fait qu’aucune d’entre nous ne devrait considérer les autres vocations auxquelles Dieu peut nous appeler comme étant de second ordre par rapport à la maternité. Parfois, je pense que nous ratons la cible quand notre désir d’avoir des enfants est tellement fort que toute autre vocation est vue comme un prix de consolation pour la perdante. Il y a beaucoup de choses valables qu’une femme chrétienne peut faire. Notre premier choix serait sans doute souvent la maternité, et les chrétiens devraient bien sûr souhaiter avoir des enfants; cependant, Dieu a dit « non » à certaines d’entre nous. Il lui arrive de le faire et c’est sa prérogative de nous appeler à une vocation différente.

Il peut nous appeler à un travail utile dans un emploi, une profession ou une entreprise quelconque. Il nous donnera peut-être de nombreuses occasions, à travers cet appel, de servir les autres et de rendre témoignage à Jésus-Christ — et c’est merveilleux. Ou peut-être vous appellera-t-il à contribuer à la formation de la prochaine génération comme enseignante, que ce soit au niveau primaire, secondaire ou postsecondaire, ou encore, de manière informelle, en vous permettant de vous lier d’amitié avec des plus jeunes, leur enseignant les vérités de la Bible lorsque l’occasion se présente. Votre mari et vous (si vous êtes mariée) avez peut-être une merveilleuse facilité à ouvrir votre maison aux jeunes dont les parents ne connaissent pas le Sauveur ou qui, pour une raison ou une autre, ne leur ont pas enseigné à connaître Jésus-Christ. Vous pourrez ainsi devenir les parents spirituels de nombreux enfants. C’est là un privilège inestimable.

Ceci m’amène à la question plus théologique que j’ai soulevée précédemment. Trop souvent, nous comprenons les bénédictions de l’alliance en termes matériels, comme le faisait Israël dans l’Ancien Testament. L’année dernière, nous avons étudié le livre du Lévitique dans notre groupe d’étude biblique pour femmes. Nous avons vu dans cette étude comment Dieu a commandé à Israël d’être une nation sainte et séparée des autres de diverses façons matérielles et tangibles. Nous avons lu les passages de ce livre dans lesquels Dieu promettait des bénédictions matérielles à son peuple s’ils obéissaient à ses commandements. Dieu leur promettait de bonnes récoltes, de la prospérité et des enfants. Cependant, comme le souligne l’auteur du commentaire que nous utilisions, en Jésus-Christ ces promesses doivent être comprises spirituellement1.

Aujourd’hui, nous ne regardons pas aux récoltes ou au nombre d’enfants pour découvrir si Dieu est content de nous. Ses façons de nous multiplier et de nous rendre « fructueux » ne se limitent pas au nombre d’enfants que nous recevons. Par exemple, Romains 4 enseigne que ce ne sont pas les descendants physiques d’Abraham qui sont ses enfants, mais ceux qui croient comme Abraham a cru. Ce sont les descendants spirituels qui comptent, pas seulement les descendants dans la chair. C’est ainsi que si nous sommes disposés à être une bénédiction dans la vie de personnes qui font partie d’autres familles, nous pourrons devenir les parents spirituels de plusieurs.

Alors, ne vous découragez pas, ne vous laissez pas abattre. Dieu a un but et une espérance pour vous. L’étendue de sa vocation pour vous est peut-être beaucoup plus grande que tout ce dont vous avez pu rêver.

Note

1. Philip H. Eveson, The Beauty of Holiness. Evangelical Press, Darlington, 2007. Il écrit : « Le soi-disant “évangile de la prospérité” utilise des passages tel que [Lévitique 26.3-10] pour encourager les gens à croire que s’ils suivent le Seigneur de tout leur cœur et s’ils gardent ses commandements, ils seront bénis de beaucoup d’argent, d’une bonne santé et d’une longue vie. Ni Jésus ni les apôtres n’ont encouragé une telle croyance et l’histoire de l’Église chrétienne à travers les siècles révèle de véritables disciples de Jésus-Christ souffrant de la pauvreté, d’une mauvaise santé, de mort précoce ainsi que subissant de sévères persécutions à cause de leur foi. Dieu bénit cependant les croyants de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ Jésus (Ép 1.3) et Jésus nous promet de compenser les liens familiaux que nous perdons à cause de notre engagement envers le Christ en nous donnant une nouvelle famille spirituelle. Les Écritures nous enseignent également que les souffrances du temps présent du peuple de Dieu ne peuvent être comparées à la gloire à venir » (p. 381).