Cet article a pour sujet la vérité que rejette le relativisme de la postmodernité actuelle, mais qui correspond à la réalité objective, n'est pas opposée à l'amour, et consiste à connaître Jésus-Christ par la foi.

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Qu'est-ce que la vérité?

  1. Le relativisme actuel
  2. Le silence de Jésus
  3. Le principe de réalité
  4. Matériel, moral, spirituel
  5. La vérité et l’amour
  6. La vérité et la personne de Jésus

1. Le relativisme actuel🔗

La période actuelle est appelée « post-moderne » par les philosophes et les sociologues. La postmodernité se caractérise par le refus de toute vérité définitive ou universelle : tout est particulier, tout est singulier. « Quant à moi, personnellement, je pense que, c’est mon opinion… » C’est le primat de la subjectivité, du ressenti, du contextuel. Chacun a sa représentation des choses, sa culture, sa tradition, son chemin, et nul ne peut prétendre avoir raison1.

La spiritualité du dalaï-lama correspond assez bien à cela quand elle dit que le dialogue religieux a pour seul objectif que chacun progresse dans sa propre religion. Cela paraît être une belle expression de respect. Évidemment, c’est mieux que de poser des bombes. Mais qu’aurait dit Jésus? Si tout est vrai, cela ne signifie-t-il pas en même temps que tout est faux? En réalité, si Bouddha, Jésus et Mahomet sont équivalents, Jésus est simplement un menteur… Si quelqu’un s’égare et que je lui dis qu’il est dans la vérité, est-ce vraiment le respecter?

2. Le silence de Jésus🔗

On se souvient que Ponce Pilate a posé cette question à Jésus lors de son procès (Jn 18.38), et que Jésus n’a pas répondu. Pourtant, qui mieux que lui aurait pu nous donner la bonne réponse ou au moins des pistes intéressantes? N’est-ce pas lui qui a introduit souvent ses paroles en disant : Amen, amen2! traduites par : En vérité, en vérité? Ce silence devant Pilate nous surprend, mais peut contribuer à introduire le sujet. Y a-t-il une définition de la vérité? Et : Doit-on la vérité à tout le monde? En effet, pourquoi Jésus demeure-t-il silencieux, lui qui avait dit que, lors des procès, justement, le Saint-Esprit nous viendrait en aide pour que nous puissions apporter un bon témoignage? (Lc 12.12). N’était-ce pas une magnifique occasion?

Nous observons que ce n’est pas le seul cas où Jésus demeure silencieux alors qu’on l’interroge. Dans une autre circonstance, il répond à la question qu’on lui pose par une autre question; et comme ses interlocuteurs demeurent silencieux, il répond : « Moi non plus je ne vous dirai pas par quelle autorité je fais ces choses » (Mt 21.23-27). L’apôtre Pierre ne dit-il pas que nous devons être prêts à « répondre à quiconque nous demande les raisons de l’espérance qui est en nous »? (1 Pi 3.15). La question de départ posée à Jésus était bonne pourtant, mais pas l’intention de ceux qui la posaient. Le cœur n’était pas droit (voir Jn 5.39-40).

Le pasteur Dietrich Bonhoeffer dit qu’on ne doit pas la vérité à tout le monde, mais seulement à ceux qui ont soif de vérité (voir Jn 7.37). Cela peut nous surprendre, mais n’est-ce pas ce que dit Jésus : « Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux » (Mt 7.6). Si ces paroles n’étaient pas de Jésus, on n’oserait pas les citer. La parabole du semeur nous donne une indication : Un semeur va-t-il jeter son grain exprès sur le chemin, dans les endroits pierreux ou parmi les épines? Normalement non.

En appui à ces remarques introductives, je voudrais citer cette parole du livre des Proverbes : « Les hommes livrés au mal ne comprennent pas ce qui est juste, mais ceux qui cherchent l’Éternel comprennent tout » (Pr 28.5). Cela nous aide à comprendre le sens de cette expression biblique « avoir soif ».

« La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas reçue. […] Mais à ceux qui l’ont reçue, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Jn 1.5, 12). Ce n’est pas une question d’être ou pas meilleur que les autres. C’est une question d’être préparé ou pas par Dieu à recevoir la vérité (2 Th 2.10). Le verbe recevoir est d’une grande importance. De toute façon, c’est par la grâce. De Lydie, la marchande de pourpre, on lit que « le Seigneur lui ouvrit le cœur pour qu’elle fût attentive à ce que disait Paul » (Ac 16.14). Elle deviendra bientôt chrétienne, ainsi que toute sa famille. La lumière est entrée dans son cœur, puis dans cette maison.

3. Le principe de réalité🔗

La Bible nous présente un autre principe, qui confirme l’image de la lumière : c’est le principe de réalité. La vérité, c’est ce qui correspond à la réalité. Pour la pensée hébraïque, il n’y a pas de distinction entre la théorie et la pratique, les idées et la réalité, etc. Dieu a tout créé par sa Parole et cette Parole est à la base des lois physiques, morales et spirituelles.

« À toujours, ô Éternel, ta Parole subsiste dans les cieux. Tu as fondé la terre et elle demeure ferme. C’est d’après tes lois que tout subsiste aujourd’hui, car toutes choses te sont assujetties. Si ta loi ne faisait pas mes délices, je périrais alors dans ma misère. Je n’oublierai jamais tes ordonnances, car c’est par elles que tu me rends la vie » (Ps 119.89-93).

À ce niveau, la vérité, c’est simplement l’acceptation de la réalité telle qu’elle est, en opposition à l’imaginaire, aux rêves, aux illusions, aux utopies et évidemment à la tromperie ou au mensonge. Par exemple, la loi de la pesanteur est une vérité. C’est aussi une réalité3. C’est pour cela que, dans la Bible, la vérité est comparée à la lumière : elle dit ce qui est, sans tromperie. Mais les hommes ne l’acceptent pas volontiers et beaucoup préfèrent vivre dans le mensonge (Jn 3.19; 1 Jn 1.5-8).

Je vais illustrer cela avec la doctrine si importante de la justification par la foi, telle que l’a redécouverte Martin Luther (à partir de Rm 5.1). Luther résume cette doctrine ainsi : « Dieu déclare juste celui qui se déclare pécheur. » Ce pécheur dit vrai! Ce qu’il dit est juste! Pour la première fois peut-être Dieu peut approuver ce pécheur, être d’accord avec lui : il a accueilli la vérité! C’est la dynamique du baptême de repentance qui accompagne l’annonce du Royaume de Dieu (Mt 3.2)…

4. Matériel, moral, spirituel🔗

Nous avons vu que, pour la Bible, on ne peut pas séparer tout à fait ce qui est matériel, ce qui est moral, ce qui est spirituel (Ps 119.89-93). Tout cela est lié, car tout vient de Dieu et de sa Parole. Ce qui ne veut pas dire qu’on peut tout confondre!

Cela signifie que, dans tous ces domaines — matériel, moral ou spirituel —, il y a une réalité qui ne doit pas être inventée, mais découverte, respectée, acceptée. N’est-ce pas le principe même de la recherche scientifique? La subjectivité n’est donc pas écartée, mais elle ne peut rien changer ou ajouter. Elle découvre! Elle doit dire oui, simplement, et puis comprendre l’utilisation juste, ensuite, ce qui est la part de l’éthique. En effet, ce n’est pas parce qu’on peut faire quelque chose (parce qu’on sait le faire et qu’on a les moyens) qu’on doit le faire. Et là aussi, il est souhaitable que les domaines ne soient pas séparés. On pourrait trouver mille exemples…

Par rapport à la mort, par exemple, la question qui prévaut aujourd’hui n’est pas : Est-ce que c’est vrai? Mais : Est-ce que cela fait du bien? Autrement dit : Si cela fait du bien, cela est bon, même si c’est faux! Beaucoup disent cela de la foi et de l’Évangile. Ils ne disent pas : C’est la vérité. Ils disent : Cela aide. Mais un verre de vin, ça aide aussi… Et beaucoup de personnes croient des mensonges parce que ça les aide! C’est toute la problématique de la séduction. Je pense aussi aux humoristes : s’ils font rire, c’est bon; tant pis si ce n’est pas juste…

Pour beaucoup, le domaine spirituel serait purement subjectif, sans rigueur possible. Mais que dit Paul au sujet de la résurrection?

« Je vous rappelle l’Évangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu, dans lequel vous avez persévéré et par lequel vous êtes sauvés si vous le retenez tel que je vous l’ai annoncé; autrement vous auriez cru en vain » (1 Co 15.1-2).

Ainsi, ce n’est pas croire qui sauve, c’est croire ce qui est juste et vrai. Le « tel que » de Paul nous parle d’une conformité. La sincérité ne suffit pas. Si je crois de tout mon cœur une chose fausse, est-ce la foi? Mieux vaut croire un peu une chose vraie4.

5. La vérité et l’amour🔗

On a souvent opposé la vérité et l’amour. Il y a ceux qui sont pour la vérité et ceux qui sont pour l’amour… C’est bien mal comprendre ce qu’ils sont l’un et l’autre. L’apôtre Paul écrit : « L’amour se réjouit de la vérité » (1 Co 13. 6). Le verbe « se réjouir » signifie bondir, aller en avant! Ce sont comme deux amoureux qui se rencontrent. Séparés, ils sont tristes. En réalité, le même Esprit Saint véhicule l’amour et la vérité. C’est un Esprit d’amour et un Esprit de vérité. On ne peut aucunement choisir entre les deux. En Dieu, ils sont parfaitement unis.

Ainsi, mentir c’est manquer d’amour. Le diable est menteur, il n’y a en lui aucun amour, même quand il se fait séduisant. Même quand son mensonge ressemble à la vérité au point d’en séduire quelques-uns. Nous devons prendre garde à « l’Évangile des mots positifs » : considérer qu’une chose est vraie parce qu’elle paraît positive…

La Bible dit à plusieurs reprises que la vérité peut bien être difficile à entendre dans un premier temps, qu’elle peut occasionner de la tristesse (2 Co 7.8-10) et même être douloureuse quand elle se manifeste au travers d’une épreuve ou d’une correction (Hé 12.11). Mais pour celui ou celle qui la reçoit, elle produit ensuite « un fruit paisible de justice ». La Bible dit encore qu’à la fin des temps, les hommes « détourneront l’oreille de la vérité, et se tourneront vers les fables » (2 Tm 4.4). Elle dit aussi que « l’amour du plus grand nombre refroidira » (Mt 24.12).

« Dire la vérité dans l’amour » (Ép 4.15) est sans aucun doute la marque de la maturité dans la foi. C’est évidemment un objectif principal dans la vie du chrétien.

6. La vérité et la personne de Jésus🔗

Cela pourrait faire l’objet de tout un exposé. Je vais seulement mentionner quelques paroles de Jésus. Un jour, Thomas dit à Jésus :

« Nous ne savons où tu vas, comment pouvons-nous en savoir le chemin? Jésus lui dit : Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au père que par moi. Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père » (Jn 14.5-7).

Remarquons qu’aucun prophète ne pourrait se permettre de parler comme cela. Un prophète dit : Voici la vérité (Jn 5.33). Mais jamais : Je suis la vérité. C’est d’ailleurs pour cela que Jésus a été arrêté, finalement.

Remarquons aussi que, dans ce passage, Jésus parle de « le connaître », ce qui est différent de « savoir des choses sur lui ». Connaître, dans la Bible, c’est rencontrer, c’est recevoir, c’est posséder, c’est demeurer en… Cela est de l’ordre de l’expérience5. On peut savoir beaucoup de choses sur Jésus sans le connaître personnellement. C’était le cas des démons… Quand ils rencontrent Jésus, ils lui disent : « Qu’y a-t-il entre nous et toi? » (Mt 8.29). Ils n’ont aucune part avec lui6.

Je voudrais terminer en citant deux paroles de Jésus :

« Si vous demeurez dans ma parole, vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres » (Jn 8.31-32). « Demeurer dans la Parole », c’est demeurer en Christ. L’expression « en Christ », souvent employée par Paul, résume la position du chrétien : il ne peut rien par lui-même. Tout est en Christ.

« Quand sera venu le consolateur, que je vous enverrai de la part du Père, l’Esprit de vérité, qui vient du Père, il rendra témoignage de moi » (Jn 15:26). On voit là une unité très grande en la Parole de Dieu, la personne de Jésus, le rôle du Saint-Esprit, et Dieu le Père de qui tout procède. Ces réalités ne sont saisies que par la foi qui, elle aussi, est un don de Dieu.

Notes

1. Mais Pascal n’a-t-il pas écrit, au 17siècle : « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà »?

2. Le mot « amen » vient en effet de l’hébreu « émounah » qui signifie la vérité.

3. Avant une piqûre, mon épouse ne disait pas aux enfants : Cela ne fera pas mal. Elle disait : Cela va faire un peu mal, et ça va passer très vite. Du coup, les enfants la croyaient toujours quand elle disait quelque chose.

4. Nous retrouvons ce même accent de conformité aux faits dans le récit de Luc, le médecin grec (Lc 1.1-4).

5. La meilleure manière de connaître un fruit, n’est-ce pas de le goûter? L’expérience seule, il est vrai, n’est pas normative : l’expérience chrétienne est tout à la fois personnelle et conforme à ce qui est révélé dans l’Écriture.

6. De même, certains diront : « Seigneur, nous avons fait ceci ou cela en ton nom », et Jésus leur dira : « En vérité, je ne vous connais pas » (Mt 25.12).