Cet article a pour sujet la révélation de Dieu qui nous permet de le connaître par analogie avec ses oeuvres. Cette connaissance analogique est profondément touchée par le péché, mais renouvelée par sa Parole et sa grâce.

Source: La révélation spéciale. 4 pages.

La révélation spéciale (6) - Révélation et analogie

Comment pouvons-nous parler de Dieu par les moyens des représentations et des notions humaines? Comment Dieu peut-il se révéler d’une manière qui le fait l’objet de notre connaissance? Nos représentations et nos notions s’appliquent à la réalité créée dans laquelle nous nous trouvons. En créant, Dieu a mis une ressemblance de lui-même dans ses œuvres (Rm 1.19-20). La création manifeste la divinité et la majesté de Dieu. En créant, Dieu se manifeste par ses œuvres. Nous ne pouvons pas comprendre comment cela est possible, car Dieu transcende infiniment la créature. Nous parlons d’une analogie entre Dieu et ses créatures. Il y a une ressemblance; il n’y a ni égalité ni inégalité. Il est question de ressemblance dans la différence et de différence dans la ressemblance. La création porte en tout son être le cachet de son Créateur, mais elle diffère aussi en tout de lui. Il n’y a pas un point commun. Dieu est le Créateur, le monde sa créature. Cependant, il y a une analogie.

La chute a profondément touché cette analogie. La création se poursuit sous le pouvoir du péché. Ce pouvoir a un caractère total. Cependant, grâce à sa bonté générale, Dieu freine encore la pénétration du péché. Les œuvres continuent encore de témoigner plus ou moins de celui en qui elles ont leur origine. La révélation générale continue grâce à la force de Dieu supérieure au péché. Il n’est pas question que la domination du péché en principe ne soit pas totale. La nature de l’histoire, le monde que Dieu conserve et gouverne encore par sa providence, témoignent encore de celui qui, par sa Parole et par son Esprit, a tout créé et conserve tout. Cela n’a pas son explication dans une non-totalité de la domination du péché, mais dans la force de la grâce générale, encore plus puissante que le péché. Même la vie de l’homme, dont le cœur est entièrement détourné de Dieu, témoigne encore de la grandeur de celui qui l’a créé et qui le gouverne. Cela peut même être dit de sa vie consciente.

Il est question d’une certaine correspondance extérieure avec la loi divine. Par les manifestations de son esprit, l’homme peut rappeler son Créateur. Cela ne veut pas dire qu’il ne soit pas totalement pécheur. Il ne s’agit que d’une correspondance extérieure avec ce que Dieu commande. Du point de vue « civil », on peut distinguer parmi les incrédules entre les bons et les mauvais. Mais du point de vue religieux, on doit dire que tous sont égarés, il n’y a pas un seul qui fait le bien, tous sont pervertis. La grâce générale freine encore la pénétration de la corruption, qui en principe est totale. La grâce spéciale restaure et renouvelle la création. Elle renouvelle aussi l’analogie entre Dieu et ses créatures, la possibilité de reconnaître dans les créatures le cachet de leur Créateur.

L’analogie entre Dieu et ses créatures dont nous venons de parler peut être appelée l’analogie ontologique. Cependant, la notion de l’analogie ne peut pas seulement être appliquée dans le domaine de l’être, mais aussi dans celui de la connaissance; il n’est pas seulement question d’une analogie ontologique, mais aussi d’une analogie noétique (de la connaissance intellectuelle). Nous pouvons parler des notions analogiques. Quand nous parlons de Dieu et pensons à lui, c’est par le moyen des notions qui sont analogues à celles par lesquelles nous concevons les choses créées. Il ne peut pas s’agir des notions univoques (entièrement identiques). Si les notions par lesquelles nous concevons Dieu étaient équivoques (n’ayant de commun que le nom) avec celles par lesquelles nous concevons la réalité créée, il n’y aurait pas de véritable connaissance de Dieu possible. Par sa révélation, Dieu nous donne la possibilité de penser à lui et de parler de lui, par le moyen des notions et des représentations qui sont analogues à celles par lesquelles nous concevons les créatures. D’une part, nous basant sur la révélation, nous pensons à l’amour, à la colère, à la paternité de Dieu, et d’autre part nous pensons à l’amour, à la colère et à la paternité comme nous les trouvons dans la création. L’analogie noétique suppose l’analogie ontologique.

Nous n’avons le droit de concevoir la réalité divine à l’aide de nos concepts humains parce que Dieu nous l’a donnée par la révélation spéciale. Nous avons réfuté la pensée d’après laquelle en raisonnant l’homme puisse parvenir à Dieu à partir de la réalité terrestre. En raisonnant, l’homme ne peut ni démontrer la possibilité ni la manière de concevoir Dieu à l’aide des notions analogues à celles qui s’appliquent aux choses terrestres. Car celui qui connaît le Dieu véritable doit reconnaître qu’il est entièrement incompréhensible de savoir comment Dieu peut mettre sa ressemblance dans la création. Cependant, ceux qui, partant des créatures, par leur raisonnement, veulent parvenir à Dieu, supposent qu’une telle relation entre Dieu et la créature rend compréhensible cette ressemblance. Si nous avions seulement la révélation générale, nous ne pourrions pas non plus concevoir d’une manière exacte Dieu à l’aide des notions analogiques à celles qui s’appliquent aux créatures.

Certes, la réalité autour de nous témoigne encore de son Créateur; cependant, notre cœur naturel ne veut pas recevoir les choses de Dieu. Ensuite, la réalité autour de nous ne témoigne pas seulement de Dieu, mais aussi de la domination du péché, qui en principe est une domination totale. En nous-mêmes, nous ne possédons pas un critère qui nous permet de distinguer avec exactitude ce qui vient de la révélation générale et ce qui vient du péché. Par sa révélation spéciale, Dieu nous donne la possibilité de parler de lui à l’aide des notions qui s’appliquent aux créatures. Ces notions qui nous permettent de concevoir Dieu ne sont pas seulement analogues aux notions par lesquelles nous pouvons concevoir la réalité qui est le résultat de la grâce spéciale : l’histoire du salut, la vie humaine de Jésus, la nature renouvelée de l’enfant de Dieu, etc.

Certes, quand la révélation nous parle de la bonté de Dieu, nous devons penser à une bonté qui est analogue à la bonté de l’homme Jésus, à la bonté que l’Esprit de la sanctification veut réaliser dans le croyant. Cependant, malgré la domination totale du péché, il reste encore une trace du sceau du Créateur dans la bonté de l’homme naturel, dans son humanité. La délivrance de l’homme par le Christ est une délivrance totale, puisque la domination par le péché était totale. Mais cela n’empêche pas qu’à cause de la grâce générale, la nature humaine tombée manifeste encore quelque chose de la majesté de Dieu. C’est pourquoi la nature humaine du Christ et la bonté de l’homme renouvelé, d’une part, et ce que nous appelons en général « l’humanité » et la « bonté », d’une autre part, ne sont pas des réalités tout à fait différentes, des réalités que l’on peut concevoir que par des notions équivoques.

C’est pourquoi Dieu ne nous permet pas seulement de le concevoir par des notions analogues à celles par lesquelles nous concevons la réalité terrestre qui a son origine dans la grâce spéciale, dans le fait que Dieu se réconcilie avec le monde qu’il sauve. Dieu peut aussi nous permettre de parler et de penser de lui à l’aide des concepts analogiques à ceux par lesquels nous concevons ce qui, par la grâce générale, reste encore des œuvres de Dieu, là où la grâce spéciale n’a pas encore opéré. Quand nous parlons de la paternité de Dieu, cette paternité n’a pas seulement une analogie dans la paternité humaine renouvelée par la grâce spéciale. À cause de la grâce générale, il reste encore l’analogie avec la paternité divine en ce que nous appelons, en dehors de toute régénération, la paternité humaine.

Par la révélation, nous recevons donc la possibilité d’employer des notions désignant des choses créées, pour parler de Dieu et penser à lui « par analogie ». Cependant, n’oublions pas que nos notions humaines sont co-déterminées par le péché. Nous avons des notions d’être, d’être Seigneur, de justice, etc., qui sont influencées par le péché. Pensons par exemple à la notion naturelle de justice. Quand, dans sa révélation, Dieu se sert du terme « justice », ce mot doit évoquer en nous une notion. Mais la norme du contenu de cette notion ne doit pas être ce que nous appellerions « justice » déjà en dehors de toute révélation. La norme doit être la révélation elle-même. Certes, quand Dieu nous dit qu’il est juste, il veut que nous pensions à une réalité créée en analogie avec sa justice, une réalité créée que nous pouvons aussi appeler « justice ». Cependant, cela n’implique pas que ce que l’homme naturel appelle justice est une analogie pure de la justice divine. Au contraire, nous devons être prêts à faire normer notre notion de justice dans le domaine créé par ce que la Bible veut que nous représentions quand nous parlons de la justice divine. La révélation peut nous mener à corriger notre notion de justice, à ne plus appeler juste ce à quoi nous avions donné ce titre avant de savoir ce que la Bible nous dit de la justice divine. Cette justice divine doit être la norme par laquelle nous décidons ce que nous pouvons appeler juste sur la terre. Le croyant doit appeler juste seulement ce qui est une analogie de la justice de Dieu.

En général, nous pouvons donc dire que ce n’est pas la notion « naturelle » qui est la norme par laquelle nous décidons quel peut être le contenu des notions et des représentations, par lesquelles il nous est permis de concevoir Dieu « par analogie ». Ce sont, au contraire, les notions que nous pouvons former grâce à la révélation et dont la Bible nous dit qu’elles s’appliquent par analogie à Dieu, qui doivent être la norme du contenu de nos notions, même quand nous les appliquons à la créature. La révélation doit purifier nos notions. Elle doit nous apprendre tout d’abord à ne pas considérer comme absolues les créatures, mais à les concevoir comme devant dépendre de Dieu. La révélation doit nous apprendre que leur création par Dieu suppose que nous pouvons appliquer à des créatures des prédicats qui par analogie s’appliquent aussi à Dieu.

Le fait que Dieu est le Seigneur absolu, qu’il existe ayant son origine en lui-même, ne doit pas nous empêcher de parler aussi de Seigneur terrestre, de l’existence dans la création. Cependant, ce fait doit nous empêcher de concevoir des réalités créées comme si une créature pouvait être un seigneur absolu, comme si elle pouvait exister sans devoir entièrement son existence à Dieu. La révélation doit donc nous apprendre à concevoir la créature vraiment comme créature. Ensuite, la révélation doit purifier nos notions et nos représentations aussi en ce sens que nous appelons et concevons comme bon ce qui reflète dans la réalité créée la bonté divine; juste ce qui reflète la justice de Dieu; paternité ce qui reflète la paternité de Dieu, etc.