Cet article a pour sujet la Révocation de l'Édit de Nantes par le roi Louis XIV en 1685. L'Édit de 1598 avait accordé la tolérance aux huguenots ou réformés français. Sa révocation entraîna de grandes persécutions contre eux.

Source: Histoire du christianisme. 3 pages.

La révocation de l'Édit de Nantes

« Pire qu’une bévue, c’était une erreur », a écrit Jeanine Garrisson-Estebe, une historienne protestante française, dans son livre sur la Révocation de l’Édit de Nantes de 1685 par Louis XIV. Cette année1, le protestantisme français commémorera l’une des périodes les plus sinistres de son histoire, et la France aura l’occasion de se souvenir de l’une des erreurs les plus fatales commises par l’un de ses monarques des plus despotiques.

Henri IV — le « bon roi Henri » et grand-père de Louis — avait promulgué cet édit en 1598. Après trente ans de guerres civiles et religieuses (huit en tout), il avait espéré, par cet édit, établir la paix dans le pays où il avait finalement accédé au trône. Il est vrai qu’il avait obtenu sa couronne au prix de l’abjuration de la foi réformée, bien que la fameuse parole qui lui a été attribuée soit certainement apocryphe (« Paris vaut bien une messe »). Malgré le fait qu’il ait été l’un des meilleurs souverains que la France ait jamais eus, Henri souhaitait astucieusement accorder à ses anciens coreligionnaires, les huguenots, la tolérance nécessaire quant aux questions religieuses, pour s’assurer du même coup de leur soutien militaire dans sa lutte acharnée contre la Ligue catholique2.

À cette époque, il y avait quelque deux millions de protestants en France et plus de 1300 lieux de culte. Selon les termes de l’Édit, les huguenots étaient autorisés à célébrer le culte dans plus d’une centaine des villes les plus importantes du royaume ainsi que dans des châteaux. Ils pouvaient également avoir accès à toutes les fonctions officielles. Ce fut un modèle sans précédent de tolérance religieuse et de relations normales entre l’Église et l’État. Cependant, les catholiques romains jugèrent que l’Édit était trop favorable à l’égard des hérétiques.

Après la tourmente, qui avait duré trente ans, l’Église romaine se rétablit solidement et elle était bien déterminée à écraser le parti huguenot, le principal ennemi de la France. En même temps, on assistait à une croissance spirituelle remarquable du côté des huguenots, et un très grand nombre de catholiques romains se convertissaient à la foi réformée. Il est important de le mentionner, car certains ont soutenu au moment de la Révocation que le protestantisme avait cessé d’être un corps social et religieux important, qu’il avait pratiquement disparu, et qu’il n’était donc plus nécessaire de lui accorder des mesures trop libérales de tolérance religieuse. Les mesures de harcèlement contre les protestants, la religion prétendue réformée, avaient déjà commencé autour de 1660. Des traitements inhumains avaient déjà forcé nombre d’entre eux à choisir l’exil. Certains abjurèrent. Les Dragonnades, les Bastonnades et les Galères faisaient partie de ces mesures.

Les Dragonnades étaient l’une des mesures les plus diaboliques jamais prévues à cette fin. Pendant des semaines et des mois, un détachement de soldats occupait la maison d’une famille protestante et essayait de les convertir à la religion romaine au moyen de traitements cruels. Les Bastonnades consistaient à battre les gens, parfois jusqu’à la mort, à moins qu’ils n’abjurent. Les Galères étaient des bateaux de la marine royale où l’on envoyait les récalcitrants ne voulant pas céder.

La Révocation fut ratifiée par le Parlement français en octobre 1685. Tous les lieux de culte devaient être détruits (environ 700 furent détruits). Tous les signes extérieurs de la religion prétendue réformée devaient être détruits également. Il était interdit aux huguenots de chanter les psaumes à haute voix. Leurs défunts ne pouvaient pas être enterrés durant le jour. Les pasteurs ne pouvaient plus porter leur robe pastorale ni prêcher à plus d’un endroit; en fait, ils devaient abjurer ou quitter le pays en moins de quinze jours. Les écoles et les académies devaient fermer. Les enfants dont les pères étaient catholiques romains devaient être baptisés selon le rite romain. De l’argent devait être extorqué aux familles qui n’abjuraient pas ou qui essayaient de reprendre leurs enfants qui leur avaient été enlevés. Aucun protestant ne pouvait exercer sa profession, qu’il soit juriste, médecin ou même homme d’affaires.

Environ 300 000 Français préférèrent quitter le pays. Ils choisirent d’aller en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, dans les cantons suisses, en Allemagne, dans les pays scandinaves, en Russie, en Amérique du Nord, en Amérique du Sud ou même aussi loin qu’en Afrique du Sud. (Ce fut l’un de mes plaisirs, au cours de mes nombreuses visites dans ce magnifique pays, de rencontrer des Du Toit, des Marais, des De Villier et des Malan, tous d’authentiques descendants de huguenots français).

Il est impossible d’évaluer en deux pages tous les effets désastreux de la Révocation de l’Édit de Nantes. Qu’il suffise de mentionner l’appauvrissement de la France dans les domaines financier, culturel et social. À peine quatre ans après la Révocation, Vauban, premier ministre et l’un des pères des statistiques modernes, reconnut ce fait dans un rapport présenté au despotique roi Louis XIV. On peut affirmer avec certitude que la plupart des troubles modernes qui affligent la France sont davantage attribuables à la Révocation de l’Édit de Nantes en 1685 — une affaire religieuse — qu’à la Révolution de 1789.

Instruits de cette expérience négative, il nous faut réfléchir à la fois à la nature de la relation entre l’État et l’Église ainsi qu’au rôle que l’Église romaine a exercé dans le passé et qu’elle joue encore dans des pays qu’elle revendique comme siens. Même si nous n’endossons pas nécessairement toutes les conclusions des analyses sociologiques de Max Weber ou de R. Tawney, nous pouvons facilement reconnaître l’immense impact de la foi évangélique sur la culture, l’économie et même la politique dans les pays protestants réformés. Quelle différence entre ces derniers et les pays dits catholiques romains!

Enfin, nous devons poser la question suivante aux protestants français modernes :

« Quelle est l’utilité de commémorer des événements du passé et de reprocher aux autres les erreurs des temps passés si nous ne sommes pas prêts à nous comporter comme nos pères dans la foi et à faire preuve de la même fidélité et de la même détermination à témoigner de la vérité? »

L’on ne ranimera pas l’esprit de ces ancêtres si l’on se contente de décorer leurs tombes. C’est ce genre de questions que nous posons à travers notre ministère afin d’amener les protestants et les non-protestants français à découvrir les vérités que des gens remarquables des siècles passés ont découvertes dans l’Évangile de Jésus-Christ.

Notes

1. Cet article fut écrit en 1985, soit 300 ans après la Révocation de l’Édit de Nantes.

2. Nom donné pendant les guerres de religion à un parti de catholiques qui s’est donné pour but la défense de la religion catholique contre le protestantisme.