Cet article sur Romains 10.9-10 a pour sujet la foi du coeur qui a pour fruit la confession de la bouche; la parole déclarant notre foi est aussi importante que les oeuvres et doit s'harmoniser à la confession de foi de l'Église.

Source: La confession de la foi. 4 pages.

Romains 10 - Si tu confesses de ta bouche…

« Si tu confesses de ta bouche le Seigneur Jésus, et si tu crois dans ton cœur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, tu seras sauvé. Car en croyant du cœur on parvient à la justice, et en confessant de la bouche on parvient au salut. »

Romains 10.9-10

Bien des chrétiens se sont trop souvent contentés, hélas!, de belles paroles, oubliant que le discours de la foi s’identifie par l’œuvre de la foi et doit nécessairement être accompagné de celle-ci. Ce qui a déclenché une réaction inverse chez d’autres chrétiens, pour qui la chose importante, voire décisive, ce sont les œuvres muettes opposées à une foi bavarde. Ainsi, on établit dans le jargon des théologiens des antithèses entre « orthodoxie morte » et « orthodoxie vivante ». Nous dirions plutôt agitée…

Certes, lorsqu’il n’y a que parole chrétienne complètement amputée de l’œuvre du fidèle, on peut soupçonner l’hypocrisie religieuse. La Bible elle-même semble soutenir cette opinion : « Mes petits enfants, n’aimons pas en paroles ni avec la langue, mais en action et en vérité » (1 Jn 3.18). Et ailleurs ces célèbres lignes de la lettre de Jacques : « Mais quelqu’un dira : Toi, tu as la foi; et moi, j’ai les œuvres. Montre-moi ta foi sans les œuvres, et moi, par mes œuvres, je te montrerai ma foi » (Jc 2.18).

L’erreur consiste à opposer ces deux réalités qui, au lieu d’être contradictoires, sont toujours complémentaires. Cette erreur résulte de la confusion du « nécessaire » et du « suffisant ». Parce qu’à certains endroits l’Écriture dit que la seule parole ne suffit pas, on en conclut à la hâte, en tombant dans une erreur dangereuse, que la parole ou le discours de la foi sont totalement superflus. D’où ces raisonnements fort répandus et si fallacieux : « Si je me dévoue à mon prochain par mes actes, je donne la preuve que je suis un être bon. » Ainsi, une œuvre accomplie en faveur d’autrui, mais muette sur son origine, sur ses intentions et sur l’esprit qui l’anime, deviendra le signe de la bonté naturelle de l’homme.

Qu’elle le sache ou non, qu’elle le dise ou le dissimule, cette conception des œuvres (dans le jargon moderne, on parle de la « praxis », mot dérivé du grec et signifiant « action ») laisse paraître purement et simplement la philosophie de Jean-Jacques Rousseau, selon laquelle l’homme est naturellement bon. Ainsi l’homme, capable de dévouement, n’est pas aussi mauvais que le prétend l’Évangile! Et tout naturellement, le silence qui entoure cette œuvre muette tend, finalement, à occulter la foi chrétienne. Actuellement, nombre d’œuvres chrétiennes et de multiples praxis ne sont, en réalité, que la négation intentionnelle de ce qu’affirme l’Évangile.

Jésus disait à ses disciples : « Que votre lumière brille ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos œuvres bonnes et glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5.16). Mais faut-il en conclure que Jésus cherche à faire briller les œuvres des hommes en tant que telles, œuvres accomplies par des êtres toujours pécheurs? Si tel était le sens de ses propos, Jésus ne se contredirait-il pas plus loin quand il complète : « Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes… »? (Mt 6.1).

Or, à mon avis, et je suis persuadé d’avoir le soutient de l’Écriture, la lumière dont il est question ici est celle qui est d’origine divine. La lumière qui illumine nos bonnes œuvres et qui éclaire nos discours nous vient du ciel. Elle est saisie et accueillie par la foi seule, qui peut alors déclarer : « J’ai cru, c’est pourquoi je parle », ou « j’ai été saisi, c’est pourquoi j’agis ». Alors ma foi et mes œuvres perdent définitivement leur caractère ténébreux. Alors, je comprends pourquoi Jésus m’ordonne de ne pas mettre la lampe sous le boisseau, mais de la placer de telle sorte qu’elle éclaire toute la maison.

Cette mise au point nous permettra, du moins je l’espère, de saisir l’intelligence du texte de saint Paul. La condition du salut, c’est la foi du cœur et non « la confession de la bouche », mais la confession de la foi est un élément indispensable au salut. Elle n’est pas autonome et il faut qu’elle se vérifie à la lumière d’une conduite conforme à l’Évangile. « Bien que nous ne soyons pas sauvés par les œuvres, nous ne le serons pas sans les œuvres », écrivait Jean Calvin.

Il est étonnant, voire inquiétant, de constater que notre époque a réussi à séparer ce qu’il faut certainement distinguer sans le disjoindre. Si autrefois l’Église avait confondu foi et bonnes œuvres, de nombreux chrétiens actuellement, dans leur réaction excessive, séparent la foi des œuvres. Or, notre discours chrétien, de même que nos actes, témoignent d’un même salut. « Offrons sans cesse à Dieu un sacrifice de louange, c’est-à-dire le fruit de lèvres qui confessent son nom », écrit l’auteur de la lettre aux Hébreux (Hé 13.15).

Oui, la hardiesse des lèvres qui confessent notre foi, autant que le dévouement de nos mains qui accomplissent les bonnes œuvres, sont les fruits de la même foi. Tout en nous, paroles et actes, rendra gloire au Dieu de notre salut. « Offrez vos corps comme un sacrifice vivant », écrit saint Paul (Rm 12.1), nos corps tout entiers, et non seulement nos mains ou notre bouche. Les paroles sans les œuvres resteraient vaines si ce n’est hypocrites; mais les œuvres sans le discours intelligible, qui en éclaire la source et indique l’origine divine de la foi, resteront stériles et peut-être même voileront la gloire de Dieu pour n’illuminer et n’exalter que la face de l’homme pécheur.

Ainsi, positivement, la confession de la bouche manifeste le salut accordé à la foi de notre cœur. Comme l’écrivait un auteur chrétien du siècle dernier : « Affirmer, c’est affermir ». Confesser Jésus-Christ, c’est se donner à soi-même comme aux autres la preuve que l’Esprit opère en nous et qu’il nous fortifie. Nous savons que nul ne peut dire que Jésus est le Seigneur si ce n’est par l’Esprit (1 Co 12.3).

La confession de la foi par nos lèvres constitue le signe indispensable de notre foi, le gage de la réalité en nous de l’Esprit. L’absence d’un tel signe, ne serait-ce pas l’absence de la foi? « C’est de l’abondance du cœur que la bouche parle », déclarait Jésus-Christ (Lc 6.45). Il faudrait que le cœur, le nôtre, fût singulièrement et dangereusement vide pour ne pas pouvoir témoigner, confesser notre foi au Seigneur de nos vies. Mais voilà, un témoin de Dieu des temps antiques, Jérémie, nous en explique l’impérieuse et inévitable pression. Écoutez son émouvant discours :

« Si je dis : Je ne ferai plus mention de lui, je ne parlerai plus en son nom, il y a dans mon cœur comme un feu brûlant retenu dans mes os. Je me fatigue à le contenir et je ne le puis. » (Jr 20.9).

Telle est la nature de la foi chrétienne; elle embrase tellement le cœur que, rempli de la gloire et témoin de la majesté de Dieu, l’homme ne peut contenir les saintes flammes. Il est impossible de croire et de ne pas confesser sa foi. Croire et rester muet sur sa foi n’est pas croire.

Aussi, avons-nous la promesse :

« Quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai moi aussi devant mon Père qui est dans les cieux; mais quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai moi aussi devant mon Père qui est dans les cieux. » (Mt 10.32-33).

Reste une dernière question : Suffit-il que tout chrétien confesse sa foi individuellement, un peu en franc tireur, sans lien avec celle des autres? Aussi indispensable soit-elle, la confession personnelle de la foi n’épuise pas la confession en commun, publique et ecclésiale de celle-ci.

La confession de la foi n’est pas une gerbe hétéroclite de témoignages privés. Elle a un caractère légal liant ensemble tous les chrétiens, manifestant le caractère universel de la foi sur laquelle se fonde la véritable universalité apostolique de l’Église ou, si l’on préfère, sa véritable catholicité. Mais à l’encontre, il circule des idées superficielles et largement répandues telles que : « Il est difficile de mettre tous les chrétiens d’accord », ou « il faut que chacun se sente libre », ou encore « le pluralisme des expressions de la foi rend justice à ce que nous apprenons de la Bible ».

Si dans des points secondaires la divergence est admise, en ce qui concerne l’essentiel il est vital d’avoir une gerbe harmonieuse et concordante de notre confession de la foi. Un amalgame de croyances individuelles, transformées en professions de foi fantaisistes, aboutira immanquablement à une impasse et favorisera toutes les divisions. La source de la foi ne se trouve pas dans la multiplicité contradictoire de nos opinions et de nos convictions, mais exclusivement dans le message uni de l’Évangile. Ce ne sont pas nos pensées qui fondent et forment l’Église, ce n’est pas la « base » ni le « sommet » qui en décident l’existence. C’est la Parole de Dieu et l’Esprit du Seigneur.

En nous-mêmes, nous ne sommes que les fragments incomplets d’un vaste ensemble; s’ajoutant aux autres, ils complètent le visage de l’Église, qui s’est donné une confession de foi universelle qui rend compte de la richesse, de la profondeur, de la hauteur et de la largeur de la grâce qui l’avait saisie. Nos credo et nos confessions de foi ne sont pas des résumés commodes à la manière d’un condensé biblique, encore moins le parfait manuel du « secouriste » chrétien qui n’a qu’à réciter les « six lois spirituelles »… Ils sont cantiques de louange, prières de reconnaissance, déclarations positives et parfois polémiques contre l’erreur et le mensonge. « Si tu confesses de ta bouche le Seigneur Jésus… que Dieu a ressuscité… » L’apôtre Paul ne nous demande pas simplement de confesser. Il nous donne aussi le contenu de la confession, sans nous permettre de nous égarer dans un dédale d’inventaires de credo et de professions de foi arbitraires.

Puissions-nous non seulement nous engager joyeusement à confesser la foi dans la communion de l’Église universelle, mais encore à veiller sur son contenu afin qu’il soit correct et fidèle, et que nous témoignions du bon Berger, de l’unique Pasteur universel de l’Église, du Sauveur de nos vies, du Maître de l’univers.