Cet article sur Romains 5, Romains 8 et Romains 15 a pour sujet l'espérance de la gloire et de la résurrection qui procure joie et paix. Même la création sera libérée de la corruption. La portée de notre espérance s'étend à la mission chrétienne.

Source: La foi et l'espérance et l'amour. 6 pages.

Romains 5, 8 et 15 - L'espérance de notre vocation

« Étant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ; c’est à lui que nous devons d’avoir eu [par la foi] accès à cette grâce, dans laquelle nous demeurons fermes, et nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire de Dieu. Bien plus, nous nous glorifions même dans les tribulations, sachant que la tribulation produit la persévérance, la persévérance une fidélité éprouvée, et la fidélité éprouvée l’espérance. Or, l’espérance ne trompe pas, parce que l’amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné. »

Romains 5.1-5

« J’estime qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire à venir qui sera révélée pour nous. Aussi la création attend-elle avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise à la vanité — non de son gré, mais à cause de celui qui l’y a soumise — avec une espérance : cette même création sera libérée de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu. Or, nous savons que, jusqu’à ce jour, la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement. Bien plus : nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit, nous aussi nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l’adoption, la rédemption de notre corps. Car c’est en espérance que nous avons été sauvés. Or, l’espérance qu’on voit n’est plus espérance : ce qu’on voit, peut-on l’espérer encore? Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance. »

Romains 8.18-25

« Je dis, en effet, que Christ est devenu serviteur des circoncis pour prouver la véracité de Dieu, en confirmant les promesses faites aux pères, tandis que les païens glorifient Dieu pour sa miséricorde, selon qu’il est écrit : C’est pourquoi je te confesserai parmi les nations, et je chanterai en l’honneur de ton nom. Il est dit encore : Nations, réjouissez-vous avec son peuple! Et encore : Louez le Seigneur, vous toutes les nations et que tous les peuples le louent! Ésaïe dit aussi : Il paraîtra, le rejeton d’Isaï, celui qui se lèvera pour commander aux nations; les nations espéreront en lui. Que le Dieu de l’espérance vous remplisse de toute joie et de toute paix dans la foi, pour que vous abondiez en espérance, par la puissance du Saint-Esprit! »

Romains 15.8-13

  1. Romains 5.1-5
  2. Romains 8.18-25
  3. Romains 15.8-13

Le visiteur admirant la façade principale de la cathédrale de Strasbourg aura remarqué, et sans doute admiré, l’une des œuvres d’art chrétien les plus significatives; elle est chargée d’un message théologique aussi clair qu’étonnant. Le sculpteur inspiré y représente l’Église à côté de la synagogue. Si la première est dépeinte sous les traits sereins et le regard fixé en avant d’une femme couronnée, tenant fermement entre ses mains la croix et le calice, la seconde, représentant la synagogue, apparaît en revanche sous la figure d’une femme rejetée, aux yeux bandés, le bourdon du pèlerin brisé et les tables de la loi tombant d’entre ses mains… L’artiste aurait pu tout aussi bien avoir gravé sous la sculpture représentant l’Église le mot espérance, et sous celle représentant la synagogue, le mot désespoir. La pierre ainsi ciselée offre une illustration réaliste du sort privilégié de l’une et de la tragique destinée de l’autre, qui n’a pas su reconnaître le Christ comme le Messie attendu, en faisant éclater la différence qui sépare l’espérance du désespoir.

Dans le domaine de l’art pictural, c’est encore une autre représentation que je voudrai évoquer : la scène de la crucifixion par Albert Dürer. L’artiste chrétien a fait la description poignante de l’angoisse mortelle qui étouffe l’un de deux larrons crucifiés à côté du Sauveur, celui qui le railla et n’eut trêve, malgré sa torture, de blasphémer. À l’opposé, celui que nous avons pris l’habitude d’appeler « le bon larron » apparaît sous des traits empreints de sérénité au moment où il prie : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton règne » (Lc 23.42).

« Des trois choses qui demeurent », selon l’expression de saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens (1 Co 13.13), l’espérance, a-t-on dit, est comme la Cendrillon des vertus chrétiennes; la négligée, l’oubliée, la presque sacrifiée… Pour ma part, je préfère la comparer à la Belle au bois dormant, qui attend le baiser de celui qui la réveillera de son profond sommeil. En effet, si la foi et la charité ont été le sujet de réflexions théologiques d’une grande envergure, voire traitées souvent dans des débats passionnés, en revanche, l’espérance, elle, n’y a pas toujours ou rarement trouvé son compte.

Le résultat de cette injustifiable négligence explique une expérience spirituelle appauvrie chez nombre de chrétiens. De ce fait, ces croyants manquent de la joie profonde et de la paix fondamentale qui surpassent toute intelligence humaine; et à leur détriment, ils n’ont pas su s’approprier, ni intellectuellement ni religieusement, l’incomparable doctrine chrétienne qui traite de l’espérance. Pourtant, une sorte de force virile se dégage des pages bibliques qui claironnent l’espérance; force que nous ferions bien de recapturer sans délai, si nous ne voulons pas sombrer dans un ennui mortel ou dans des mièvreries qui ne pourraient que repousser ceux qui cherchent une authentique expérience chrétienne. Accordons alors l’attention à trois passages de la lettre de saint Paul aux Romains dans lesquels l’espérance, tel un astre radieux, brille précisément sur le firmament de notre foi. Le terme revient près de 35 fois sous la plume inspirée du saint apôtre. Il en fait presque le thème majeur de son message de sa lettre aux Romains, qu’il développe aux chapitres 5, 8 et 15.

1. Romains 5.1-5🔗

Au chapitre 5, ayant démontré l’amour compatissant de notre Dieu, alors que tout était noyé dans le péché et couvert d’une honte ignominieuse, il analyse la conséquence de la justification dans la vie du croyant individuel qui a été réconcilié avec Dieu. « Étant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu […] et nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire de Dieu » (Rm 5.1-2). Quelle différence peut faire dans la vie d’une personne une telle connaissance? Tout simplement le fait d’être abreuvé de la paix qui découle directement du trône même de la grâce divine. Le fidèle, ou plutôt le pécheur justifié par la foi seule, sans des œuvres méritoires, se retrouve en la présence même de Dieu, devant son trône de grâce, au seuil du Saint des saints jadis interdit, mais laissant à présent libre accès au pécheur. Le résultat extraordinaire en est que désormais celui-ci exultera en espérance.

Que signifie « exulter en espérance »? Rien de moins que posséder l’espérance de la gloire de Dieu. Or, la gloire de Dieu c’est la ressemblance, l’image dont l’homme fut porteur à l’origine, mais défigurée à présent par l’effet du péché. L’espérance spécifiquement chrétienne est donc la gloire de Dieu restaurée en l’homme racheté, réconcilié et rétabli dans son statut originel. Celui qui la possède ne pourra qu’exulter. L’espérance pénètre alors, avec toute sa portée, dans l’existence individuelle du croyant.

De son côté, saint Jean fait écho à une telle conviction : « Nous serons semblables à lui, car nous le verrons [c’est-à-dire nous verrons Dieu] tel qu’il est » (1 Jn 3.2). Tel est le cœur de la doctrine chrétienne du salut. Quelqu’un, en dehors de nous, a commencé une bonne œuvre, et celui-ci n’est autre que Dieu en personne. Il n’y a pas l’ombre d’un doute. Et il l’accomplit en nous, si souvent noyés dans le chagrin, infatigables abonnés au découragement, toujours prêts à désespérer, maugréant sans cesse contre le sort, prêts à tout lâcher, régulièrement au bout de notre corde… Si notre corde portait le nom d’espérance, nous n’en verrions jamais le bout. C’est le Seigneur qui a commencé une telle œuvre qui prend infatigablement soin d’achever, de compléter jusqu’au jour heureux où il inaugurera son règne de paix éternelle.

Ce règne, qui actuellement rencontre la résistance et l’opposition des forces du mal, liguées avec une détermination infernale et décidées à lui faire échec, ce règne trouvera un jour son accomplissement, et cet accomplissement comportera, entre autres effets, notre ressemblance avec Dieu. Pas moins que cela. Nous pouvons croire, et notre foi pourra alors se prolonger au-delà du présent et se transformer en une glorieuse, en une sereine et joyeuse espérance.

L’Église apostolique ne se complaisait pas dans des litanies et lamentations chaque fois qu’un de ses membres trépassait, comme si ce fut la fin de tout. Au contraire, la traversée des sombres portiques de la mort augurait, inaugurait surtout, le passage vers la gloire dès l’instant où la tente terrestre était définitivement délogée. Bienheureux ceux qui meurent dans le Seigneur, ils se trouvent en son indéfectible compagnie. Le sachant, cette Église peut rester dans une joyeuse espérance au lieu de trembler de panique devant la mort, à cause de l’espérance attachée au corps mortel; actuellement corps d’humiliation et même instrument du mal, celui-ci revêtira l’immortalité lors de la résurrection des morts pour ressembler au corps glorieux du Christ. Une telle espérance ne peut que stimuler et encourager à persévérer, même « contre toute espérance » (Rm 4.18).

2. Romains 8.18-25🔗

Si dans ce passage l’espérance apparaît sous une image majestueuse, ainsi que nous l’avons vu, au chapitre 8 sa grandeur est définitivement insurpassable et l’idée de la gloire dominante, « cette gloire qui nous sera révélée » (Rm 8.18). Mais ici, l’apôtre dépasse le cadre strictement personnel dans lequel opère l’espérance pour enjamber une dimension cosmique. L’espérance s’attache ici à « la création tout entière ». Car, selon saint Paul, « la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement » (Rm 8.22). Elle est l’objet de la corruption, profondément assujettie à celle-ci. Si l’apôtre avait eu connaissance de notre vocabulaire scientifique, il aurait pu parler d’entropie, ou de la seconde loi de la thermodynamique, qui énonce la dégradation et le dépérissement lent, mais certain de l’organisme universel vivant. Pourtant, cette loi n’avait pas été décrétée initialement. Dieu n’avait pas installé la tyrannie du mal ni l’hégémonie de la mort. Mais trêve de lugubres pronostics sur la fin cataclysmique de l’univers; saint Paul voit déjà la destinée lumineuse de notre cosmos avec la même espérance glorieuse qui nous est destinée individuellement.

De nouveau, le disciple du Christ qui attend le renouvellement de toutes choses peut rester ferme dans la foi et même exulter de joie; il peut surtout prier sans cesse (Rm 12.12). La doctrine chrétienne de l’espérance jette ses racines sur un fondement qui n’est pas dû à la pensée humaine. Elle n’est pas rêverie d’utopistes, désirs que l’on prend pour des réalités, songes chimériques, aspirations à briser la carcasse de nos médiocrités, détermination de s’accomplir à tout prix et, finalement, de s’assurer une sécurité dans les tristes aléas de l’existence. Elle s’ancre dans la doctrine même de Dieu, une doctrine qui est révélée et nullement forgée par notre imagination, cette « folle du logis » qui se permet tant d’envolées incontrôlées…

Cette doctrine se base sur ce qui est l’absolue, l’étonnante, la merveilleuse solidité de Dieu, sur son caractère éminemment fiable. Dès lors, il ne faut pas s’étonner que l’espérance chrétienne soit accompagnée par la foi et par l’amour; parce que nous pouvons nous fier à Dieu, nous confier en sa fidélité parce qu’il est toujours le même, y compris en face de notre mort; parce qu’il est amour, et amour dépourvu de tout sentimentalisme mièvre, exempt d’effusions désordonnées, mais brûlant de la flamme de la sainteté et de la compassion et sollicitude constante en toutes circonstances.

Parce que la foi et l’amour font partie du saint trio et accompagnent l’espérance, nous n’avons pas en celle-ci une Cendrillon malheureuse, même pas cette « petite-fille de Dieu », ainsi que Charles Péguy aimait l’appeler… Elle ne dérive pas de notre propre fonds, mais jaillit éternellement de sa source, du caractère inaltérable de Dieu révélé exclusivement en Christ, manifesté à notre égard par l’efficace opération de son Saint-Esprit.

3. Romains 15.8-13🔗

Voici à présent le passage du chapitre 15 de l’épître aux Romains. « Que le Dieu de l’espérance vous remplisse de toute joie et de toute paix dans la foi, pour que vous abondiez en espérance, par la puissance du Saint-Esprit » (Rm 15.13). Ici, la portée de l’espérance s’étend sur notre action missionnaire. Aux versets 8 à 10, nous lisons :

« Je dis, en effet, que Christ est devenu serviteur des circoncis pour prouver la véracité de Dieu, en confirmant les promesses faites aux pères, tandis que les païens glorifient Dieu pour sa miséricorde, selon ce qui est écrit : C’est pourquoi je te confesserai parmi les nations, et je chanterai en l’honneur de ton nom. Il est dit encore : Nations, réjouissez-vous avec son peuple! »

Aussitôt, l’apôtre enchaîne des citations tirées de l’Ancien Testament. Les païens, eux aussi, devraient placer leur espérance dans le Messie promis, déclare-t-il.

Cette troisième portée justifie les deux premières. Cela veut dire qu’à condition que l’Évangile atteigne des hommes de toute origine, de toute race, de toute langue et culture et soit accepté par eux, le salut sera total, individuel et cosmique, un salut offert à ce monde fêlé, éclaté, brisé, sans espoir de replâtrage… Dans l’Église véritable, les hommes trouveront la source où puiser une vie abondante; les divisions seront surmontées; les passions qui détruisent ce qui est bon, beau et juste seront apaisées; l’humanité se ressaisira et se remettra sur ses pieds. Il y a une urgence donc pour l’œuvre missionnaire évangélisatrice. Notre texte nous conduit droit au cœur de cette entreprise. Dieu a projeté pour nous et pour sa bonne création le salut et la santé. Celui donc qui met sa main dans les mains de Dieu devient son co-ouvrier, qu’il soit évangéliste, pasteur, missionnaire ou simple témoin. Il se lie pour toujours à l’amour divin tout-puissant, dont les desseins ne connaîtront pas d’échec, même s’ils requièrent des siècles pour se réaliser.

La mission chrétienne s’exerce en une période de l’histoire extrêmement difficile, que l’on appelle post-moderne et post-chrétienne. Dans cette situation alarmante, je ne ferais pas trop de crédit aux statistiques triomphalistes et aux discours optimistes qui nous racontent monts et merveilles sur les triomphes de la foi chrétienne dans le monde actuel. Engagé depuis plusieurs décennies dans le ministère, j’ai de sérieuses raisons de penser que l’opposition à l’Évangile est plus farouche et tenace que jamais; que les idéologies en vogue sont ouvertement et venimeusement anti-chrétiennes; néo-paganisme ici, occultisme là, sécularisation tous azimuts là-bas, indifférentisme rampant et galopant de manière exponentielle ailleurs, réveil des sectes, des magies et des sorcelleries, ou encore des religions du grotesque… Tout annonce, partout, une infernale mobilisation contre la proclamation du seul nom en qui nous avons l’espérance et la certitude d’être sauvés.

On a dit par exemple que pour notre génération le mot Genèse évoque un terme de la biologie, et qu’Apocalypse, lui, rappelle la marque déposée d’une valise de voyage. Aucune association avec des réalités bibliques. Alors nous risquons de paniquer. Notre Évangile remportera-t-il des succès comme jadis? Je comprends ceux et celles qui s’écrient, tremblant comme les disciples : « Seigneur, au secours, nous périssons! » Mais que dans de tels moments ils n’oublient pas la proximité de celui qui demeure, contre vents et marées, le Maître incontesté de l’orage. Il conduira la barque à bon port et nous mettra à l’abri dans son havre.

Saint Paul claironne l’espérance qui devrait nous saisir et ressaisir : Point de défaitisme! s’écrie ce soldat du Christ, ce champion du Royaume. Que l’on se trouve placé en première ligne ou aux prises avec les multiples et complexes problèmes de la stratégie missionnaire, nous ne perdrons pas de vue « l’espérance de la gloire ». C’est elle qui donne la force de pousser des cris de joie à cause des promesses prononcées, des victoires déjà remportées, du Fils exalté, de l’Esprit Saint opérant avec son dynamisme qui nous rassurent quant à l’issue finale. Espérons donc contre toute espérance!