Cet article a pour sujet le phénomène des sectes, sa diversité, la mauvaise compréhension qu'on en a, les critères nous permettant de les identifier, et la mise en garde qui en découle.

4 pages.

Secte ou pas?

  1. Le mot secte
  2. Se méfier des apparences
  3. Attention danger!
  4. Et nous?

1. Le mot secte🔗

Le mot inquiète généralement, un peu comme un insecte mal connu qui peut piquer à tout moment. On aimerait pouvoir l’écraser et ne plus en entendre parler. Mais voilà, il y en a toujours et, paraît-il, toujours plus.

Nous pouvons observer avec intérêt la manière avec laquelle les pouvoirs publics, les médias et l’homme de la rue approchent ce phénomène : quelques fois avec sagesse, quelquefois avec maladresse, crainte ou parti pris, et donc superficiellement.

En tant que chrétiens, nous ne pouvons pas rester muets devant les prises de position parfois hasardeuses que nous entendons. Quelle peut donc être notre approche?

Le terme même de secte est à définition variable. Nous pouvons tous être considérés comme étant la secte de quelqu’un… Dans le livre des Actes, le christianisme débutant était regardé comme une secte du judaïsme, par exemple. Le mot vient d’un verbe qui signifie couper, séparer. Ce sens ne peut-il pas être tour à tour négatif ou positif? Ne le trouve-t-on pas dans l’acte créateur de Dieu qui sépare les ténèbres et la lumière, le ciel et la mer, l’eau et la terre? Le mariage n’est-il pas, selon Dieu, consécutif à une séparation : « L’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme… » (Gn 2.24)? La vocation d’Abraham elle-même ne passe-t-elle pas par un appel à quitter son pays et la maison de son père? (Gn 12.1-2).

2. Se méfier des apparences🔗

Ainsi, il est des séparations qui sont synonymes de responsabilité devant la vie, de maturité, de développement, même si, pour un temps, il peut en résulter un certain inconfort, de l’incompréhension, voire de la réprobation. Quelquefois de la persécution… Seuls les États ou les organisations hégémoniques ou totalitaires refusent que l’on puisse penser ou exister autrement.

La diversité est donc un signe de liberté qu’il faut non seulement accepter, mais aussi défendre! Que signifierait une unité qui deviendrait uniformité? Il est des unions qui sont signe de passivité, de lâcheté, de compromission… Jésus ne nous a pas appris à dire oui à tout.

La Bible elle-même nous exhorte à nous méfier des apparences qui peuvent être trompeuses. Telle personne ou tel mouvement nous étonnent, nous surprend, nous dérange et nous devenons méfiants. Mais songeons simplement que Jean-Baptiste ou même Jésus ont étonné, surpris et même dérangé pratiquement tous ceux qui les ont rencontrés. Et ils l’ont payé cher, si on peut dire.

Inversement, quand la Bible nous parle de séduction, elle rappelle que le diable se déguise en ange de lumière, que le mensonge ressemble souvent à la vérité, que les loups se déguisent en brebis… Tout ce qui brille, tout ce qui est sympathique ou prometteur n’est pas nécessairement digne de foi.

Parmi les critères avancés pour identifier une secte, certains, s’ils peuvent nous alerter, demeurent insuffisants. Parmi eux, certains peuvent signaler une fragilité, un risque peut-être. Mais où n’y en a-t-il pas? J’en cite quelques-uns :

a. L’ancienneté ou la nouveauté. Tout mouvement nouveau n’est pas une secte, contrairement à ce que certains pensent. Il peut être le signe d’un renouveau, comme l’ont été la plupart des ordres religieux dans le catholicisme romain. D’autre part, certaines sectes peuvent être très anciennes.

b. Le grand nombre ou le petit nombre. L’un comme l’autre suffisent à rendre une assemblée suspecte aux yeux de certains. À tort, bien entendu.

c. Le dépouillement ou l’apparat. Sectes et Églises peuvent avoir des styles fort divers. Ce n’est pas, là non plus, un critère déterminant.

d. L’organisation hiérarchique. Le schéma pyramidal se retrouve, en effet, dans de nombreuses sectes. Cependant, toute organisation, toute fonction d’autorité ou toute direction ne doivent pas passer d’emblée comme suspects.

e. Le mysticisme, le légalisme, le prosélytisme, l’attitude sectaire ou encore le fait d’être persécuté peuvent nous alerter, mais sont encore bien insuffisants pour nous permettre de classer un groupe ou un mouvement dans la catégorie des sectes, pour la bonne raison que chacune de ces caractéristiques est susceptible d’être repérée dans chaque Église, y compris les plus respectables. Ainsi, tout en étant attentifs, nous devrions nous garder de condamner un groupe ou un mouvement trop rapidement, sous le prétexte qu’il agit autrement que ce à quoi nous sommes habitués. De même, nous éviter le réflexe qui consiste à prendre le contre-pied, la position opposée, qui pourrait bien être tout aussi injuste!

3. Attention danger!🔗

D’autres facteurs plus déterminants doivent donc être observés pour que l’on puisse qualifier un groupe de secte, et c’est à ceux-ci que nous devrons être particulièrement attentifs. Remarquons que certains de ces traits pourront être évalués par tous (y compris les pouvoirs publics) et d’autres seulement par les chrétiens, à la lumière de l’Écriture sainte.

a. La manipulation mentale. Elle se traduit par le non-respect de la personne et de sa liberté de choix, par l’allégeance sans condition à un conducteur réputé infaillible. Celui-ci peut exercer certaines formes de contraintes, avec pour corollaires l’exclusivisme (on ne lit pas d’autre littérature que celle qui est produite par le mouvement), l’absence de dialogue et d’autocritique (les dirigeants pensent à la place des autres), une coupure plus ou moins totale avec la société.

b. Les problèmes de mœurs, dans les domaines du pouvoir, de l’argent (contraintes financières, profits personnels, absence de transparence, chantage…) ou de la sexualité.

c. La dimension initiatique ou occulte qui se manifeste par l’absence de transparence, l’existence de rites secrets ou de pratiques qui ne sont dévoilés qu’aux seuls initiés.

d. Les erreurs doctrinales graves. Elles peuvent résulter d’une manipulation du texte de l’Écriture par le biais d’interprétations hasardeuses, non respectueuses de l’ensemble des Écrits inspirés (1 Co 15.1-4; 2 Pi 1.20-21; Ap 22.18-19). Elles peuvent aussi être consécutives à des « révélations » nouvelles accordées à tel ou tel, qui viennent en quelque sorte ajouter à la révélation biblique. L’enseignement s’appuie alors sur un autre fondement, le message (kérygme) est altéré dans ses trois axes majeurs que sont la création (par un Dieu personnel, lui-même incréé, trinitaire), la chute (avec la rupture de communion et la mort spirituelle qui en résulte) et la rédemption (expiation opérée par Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, mort et ressuscité).

4. Et nous?🔗

Nous concluons cette évocation par une double mise en garde, dans la logique de la poutre et de la paille…

Aucune Église, même respectable, ne peut affirmer être exempte d’erreurs ou de dérapages. Certes, on n’y trouve pas de gourou, mais certaines pratiques, certaines querelles peuvent bien être dues à des prises de pouvoir non avouées. Chez le dirigeant, mais pas seulement. Sommes-nous purs de tout risque de légalisme, de toute étroitesse de jugement, de tout instinct de propriété ou de manipulation? La respectabilité de nos institutions ne doit pas nous empêcher de nous examiner nous-mêmes.

La peur d’être assimilés à une secte (ou tout simplement la peur d’être mal vu, à défaut d’être persécutés) peut conduire bien des chrétiens (et des Églises) à diluer le message chrétien pour le rendre conforme à l’esprit du temps, à atténuer et parfois à renier les implications de ce message dans leur vie et leur témoignage de tous les jours. C’est là un mécanisme vicieux qui affaiblit l’Église et… prépare le terrain pour les sectes!

Ainsi, le refus du prosélytisme conduit à l’absence de témoignage (on se contente de vivre correctement), malgré le commandement explicite du Seigneur (Ac 1.8). La peur du mysticisme conduit à ne plus évoquer l’action présente et souveraine du Seigneur, ou son retour prochain (Mt 25.13). La peur du sectarisme, de l’extrémisme ou du jugement des autres conduit au laxisme (tout accepter), voire au syncrétisme (toutes les religions sont bonnes) qu’on revêt du doux nom de tolérance. On finit par penser et agir (sans s’en rendre compte, peut-être) de la même manière que le monde qui ne connaît pas Dieu. C’est ainsi que le sel perd sa saveur, de peur d’être rejeté…

Ainsi, ce n’est pas la peur des sectes, mais bien l’amour du Seigneur et la lecture attentive de la Bible qui doivent définir notre route, conditionner notre jugement et notre conduite. Ce n’est pas la sagesse humaine qui fera de nous des hommes et des femmes fidèles. Ce ne sont pas les savants compromis qui assureront notre sécurité. C’est plutôt la foi et le regard tournés vers celui qui a dit : « Quiconque affirmera me connaître devant les hommes, j’affirmerai moi-même le connaître devant mon Père qui est dans les cieux » (Mt 10.33).