Cet article sur le livre de Job a pour sujet la souffrance de Job et la justice de Dieu, et leur profonde incompréhensibilité. Il s'agit de l'énigme du juste souffrant en lutte avec son Dieu.

14 pages.

La souffrance de Job et la justice de Dieu L’énigme du juste souffrant en lutte avec son Dieu

  1. Unique
  2. Si j’étais Job, si j’étais Abraham…
  3. Livre de sagesse
  4. Défi de Satan
  5. Plein de tensions
  6. Se réfugier en Dieu, mentalité déchirée
  7. Sans raison!
  8. Attaque intensifiée
  9. Sympathie pour l’insensée?
  10. Point de départ dans le bien
  11. Les amis lui font place
  12. Désespoir
  13. La logique des amis de Job
  14. Dieu comme adversaire
  15. En plaidant l’innocence
  16. Impossible réclamation
  17. Des questions pertinentes
  18. Reconnaître le tort dans les limites de la justice
  19. Réaction unique de Dieu
  20. Apprendre à connaître Dieu d’une manière tout à fait différente
  21. Christ dans sa souffrance

1. Unique🔗

Un nouveau converti au christianisme avait de la difficulté avec l’autorité du livre de Job et il aurait aimé enlever ce livre de la Bible. Pourquoi une telle difficulté avec ce livre? Eh bien… cette personne était terrifiée. « Si Dieu peut traiter Job d’une façon pareille, agir en complicité avec Satan derrière son dos, il pourrait aussi faire cela à moi, et je ne pourrais plus avoir confiance en lui… alors on ne peut pas lui faire confiance. » Cette personne se heurte à l’énigme vitale de la souffrance d’une personne juste. Cette énigme n’est pas si facile à répondre. En premier lieu, nous devons prendre en considération que Job est un personnage unique. Nulle part ailleurs dans les Écritures le mal devient aussi tangible que chez Adam, Job et Jésus (le second Adam).

2. Si j’étais Job, si j’étais Abraham…🔗

« Or un jour que les anges de Dieu venaient faire leur rapport au Seigneur, le Satan, l’accusateur, se présenta parmi eux, lui aussi. Le Seigneur lui demanda : “D’où viens-tu donc?” L’accusateur répondit au Seigneur : “Je viens de faire un tour sur terre.” — “Tu as sûrement remarqué mon serviteur Abraham, dit le Seigneur. Il n’a pas son pareil sur terre. C’est un homme irréprochable et droit; il m’est fidèle et se tient à l’écart du mal.” — “Si Abraham t’est fidèle, répliqua l’accusateur, est-ce gratuitement? Ne le protèges-tu pas de tous côtés, comme par une clôture, lui, sa famille et ses biens? Tu l’as béni avec un fils malgré sa vieillesse, alors que sa femme était stérile. Et à son fils tu as promis un futur merveilleux. Tu as si bien favorisé ce qu’il a entrepris que ses troupeaux sont répandus sur tout le pays. Mais si tu oses toucher à son fils unique, il te maudira ouvertement.” Le Seigneur dit à l’accusateur : “Eh bien, il est dans ton pouvoir, mais garde-toi de toucher à lui-même.” » (Paraphrase de Jb 1.6-12 appliquée à Abraham).

3. Livre de sagesse🔗

Nous avons besoin de sagesse pour faire face aux attaques des pouvoirs mauvais et aux situations de souffrance (Jc 1.5; 5.11)! Le livre de Job fait partie des livres qu’on appelle livres de sagesse, ce qui est évident dès les premiers versets. Job avait un saint respect pour son Dieu, le craignant comme le Dieu tout-puissant! Cela est manifestement lié au principe de la sagesse dans Proverbes 1.7 et 3.5-8. La crainte de l’Éternel est le commencement de la sagesse. L’intention ici est de nous montrer que Job est un croyant intègre. Il est aussi appelé droit et irréprochable. Job sert son Dieu avec une grande sincérité. Cela va ensemble avec une forte horreur du mal. Il ne veut pas être impliqué dans de mauvaises pratiques et des affaires malhonnêtes. Il va droit au but et il traite son personnel d’une manière équitable (Jb 31.13). Job se détourne du mal. C’est une personne fortement respectée.

Job est réaliste. Il sait comment sont les gens. Pour cette raison, il sacrifie des offrandes pour ses enfants. Il comprend comment une joyeuse atmosphère peut facilement conduire à l’imprudence. Ses enfants pouvaient une fois « bénir » (le mot barak est utilisé ici, Jb 1.5) Dieu dans leurs cœurs. Ceci peut signifier « dire adieu ». Dans leur ivresse, ils pourraient une fois penser : Maintenant, nous n’avons plus besoin de Dieu. Voilà une autre caractéristique de la sagesse : « Si j’étais riche, je pourrais te renier et dire : Qui est l’Éternel? » (Pr 30.9).

4. Défi de Satan🔗

Satan lance un défi. Sa perçante proposition est celle-ci : la foi n’est rien de plus qu’un égoïsme voilé. Les gens croient seulement avec une raison, afin d’en profiter. Satan croit aussi qu’il peut le prouver. Une expérience doit mettre cette proposition à l’épreuve. Si tu étends ta main contre Job au lieu de le protéger, alors, tu verras ce qui reste de sa relation avec Dieu. Tu verras s’il ne voudra pas ouvertement te « bénir » (barak), te dire adieu! Il te donnera la bénédiction. Job a eu constamment peur que l’un de ses enfants puisse dire, dans son cœur, adieu à Dieu. Satan est maintenant en train de prédire la réaction de Job : il te dira adieu en face, sans ménagements. Il suppose que la foi de Job n’est pas authentique. Ce n’est rien d’autre que de l’intérêt personnel.

5. Plein de tensions🔗

Comment est-il possible que le Seigneur permette cela à son serviteur bien-aimé? Quant à Job, Dieu était convaincu de sa foi sincère! Veut-il convaincre Satan de cela? Mais alors cela va au détriment de Job! Le Seigneur n’a-t-il pas conclu un marché avec Satan? Dieu lui-même le dira tout de suite : Tu m’as excité à le perdre sans motif (Jb 2.3). Pour aucune raison! Cela provoque une tension. Jusqu’à maintenant, la question était : Comment en est-il de Job? Sa foi est-elle réelle? Mais, en fait, comment en est-il de Dieu? Seigneur, qu’est-ce que tu es en train de faire? Voilà un gouvernement énigmatique, dans lequel le diable peut causer des catastrophes! Mystères auxquels, dans le livre de Job, nous ne devons pas nous attendre à une simple solution. D’ailleurs, dans le livre de Job, on ne reçoit pas du tout de réponses toutes prêtes. L’analogie entre amour et souffrance est que les deux sont incompréhensibles. Le Seigneur veut montrer qui il est, et que nous pouvons aussi compter sur lui lorsque le plus terrible mal nous frappe. Quoi qu’il arrive! Job, ton Dieu est ici… Il ne s’agit pas en premier lieu de Job et de ses souffrances, mais plutôt du Dieu de Job dans ses souffrances.

6. Se réfugier en Dieu, mentalité déchirée🔗

Quelle est la première réaction de Job? Job ne sait rien de ce qui a eu lieu dans le ciel. Va-t-il se lever et commencer par dire : « Le Seigneur a donné, le Seigneur a ôté, que le nom du Seigneur soit loué »? Non, il commence par déchirer ses vêtements. Job est vraiment brisé par le chagrin. Cet immense chagrin ne reste pas caché. Il se rase la tête comme signe de deuil. Ensuite, Job se jette lui-même à plat sur le sol. Il se met lui-même devant Dieu, parce qu’il ne peut pas rester debout. Il ne se tient en aucune façon au-dessus de la souffrance. À cela, je ne peux pas faire face. Il ne lui reste alors qu’une seule direction : vers Dieu. Il va tout droit vers Dieu avec tout son chagrin. Job ne mentionne même pas les phénomènes naturels, les calamités et les causes. Le ciel n’a pas besoin d’attendre longtemps dans l’incertitude.

Et d’un seul jet, Job appelle le nom de Dieu : Éternel. Jusqu’à trois fois, une profession de foi. Tu es ici, tu es ici pour moi. Pour moi, tu n’as pas changé. Ici, Job reconnaît que Dieu ne se tient pas à l’écart. L’Éternel a donné, et l’Éternel a ôté. Il n’y a rien de ce qu’il possédait que Job n’avait pas reçu. Job ne dit pas : Tu n’as pas le droit! Job reconnaît que Dieu qui lui a donné tout cela, a le droit de tout lui ôter. « Le nom de l’Éternel soit béni » (Jb 1.21). C’est encore le même mot (barak), dire adieu! Il loue Dieu, parce qu’il croit que Dieu peut faire avec ses biens ce qui lui semble le mieux. Job n’attribue pas le mal à Dieu. Mais Job ne remercie pas Dieu non plus. Voilà l’idée principale : Job continue d’appeler le nom de Dieu. Il cherche son refuge dans le nom de Dieu. La réputation de Dieu demeure intacte pour lui. Dans une période de souffrance, le juste se réfugie vers son Dieu comme vers une forteresse (Pr 18.10).

7. Sans raison!🔗

Satan avait proposé : Est-ce sans raison que Job craint Dieu? Maintenant, le Seigneur le jette directement au visage de Satan : Le ravage que tu as causé dans la vie de Job était sans raison! Le mal a, en effet, frappé une « bonne » personne, bonne jusqu’à un certain point. Pourtant, le Seigneur prend également toute responsabilité pour sa politique d’admission. Dieu a accepté le défi. S’il n’avait pas cédé à Satan, ce ne serait pas arrivé! L’initiative pour toute la misère appartenait à Satan. Pourtant, l’Éternel n’a pas simplement dit à Satan : C’est toi qui l’as fait. Il ne s’est pas soustrait à sa part de responsabilité dans la souffrance de Job (voir Jb 2.3). Quoi qu’il en soit, le Seigneur dépasse l’affaire. Mais pas comme un Dieu lointain. Le Seigneur parle avec amour au sujet de son serviteur Job. Donc, Dieu ne dit pas tout court : Satan l’a fait. Tu m’as incité contre lui. Satan et le Seigneur : les deux ont leur part.

8. Attaque intensifiée🔗

Satan accuse Job : de nouveau, il l’accuse d’égoïsme. Il n’abandonne pas son point : Job croit seulement parce qu’il en profite, il agit par intérêt. Il insinue que, si le corps de Job devient gravement compromis, il maudira sûrement Dieu. Job ne va sûrement pas avoir confiance en un Dieu qui lui laisse subir une telle souffrance. Satan défie encore Dieu : Si Dieu cesse d’être le Dieu de la vie, alors ce sera fini. Tant que tu es qui tu es, donnant la vie et les biens, tu ne fais qu’acheter l’amour de Job, dit Satan. La seule manière d’établir que Job est authentique, c’est de changer toi-même!

Pourquoi cette maladie atroce? Ces ulcères et ces plaies? Ils sont mentionnés dans Deutéronome 28.27 comme un jugement de Dieu contre la désobéissance. En combinaison avec le pillage des possessions et la mort des enfants. Il n’y a aucun doute : Job est traité comme un athée. Vois-le assis là, Job. Un paria. Un paria. Son esprit est brisé. Qu’est-ce qui serait le plus difficile pour lui? Cette douleur insupportable, cette horrible maladie… Quelle est la pire souffrance? Ne serait-ce pas l’incertitude qui ronge, les sentiments d’absurdité et d’injustice?

9. Sympathie pour l’insensée?🔗

Madame Job plaide en faveur de son mari. Elle le connaît comme un homme complètement sincère. Ce n’est pas juste, car Dieu promet de protéger ses enfants (Pr 19.23 déclare : « La crainte de l’Éternel mène à la vie, et l’on passe la nuit rassasiée, sans être visité par le malheur »). Elle est convaincue de l’intégrité de son mari. À quoi attribuer ce malheur du pauvre Job? Elle est furieuse que Job l’accepte avec résignation, qu’il le supporte, en se maîtrisant. Comment est-il possible que Job conserve son intégrité? Cela ne peut qu’augmenter sa souffrance. Qu’il continue à croire. Voilà ce qui rend heureux Dieu dans le ciel : il demeure ferme dans son intégrité (Jb 2.3)! Elle est furieuse à ce sujet : Es-tu toujours en train de jouer à l’homme saint? Là où Dieu met un point d’exclamation, elle met un point d’interrogation. Bien qu’elle reconnaisse que cela ne s’est pas passé à l’insu de Dieu! Dieu s’est tenu à l’écart, et il t’a tout ôté. La femme de Job le dit franchement : Dis adieu à Dieu en face; c’est le conseil de Satan (elle est devenue son porte-parole sans en être consciente)! Adieu, un Dieu qui te traite ainsi n’est plus crédible. Un Dieu qui permet quelque chose de si méchant dans ta vie, eh bien, tu devrais le laisser tomber. Dis adieu à Dieu et meurs. La conséquence de la malédiction c’est la mort. En maudissant Dieu, il méritait à la peine de mort (Lv 24.16).

Voilà une forte expression : Insensée! Insensée, effectivement, dans le sens biblique du mot. L’insensé nie Dieu, ne l’écoute pas, ne veut pas tenir compte de lui. Fermer les yeux à la réalité de Dieu. Insensé signifie : sans Dieu. Un rejet violemment émotionnel par Job, mais il le dit avec la meilleure intention! La femme de Job parle à la deuxième personne du singulier : « tu ». Elle donne un ordre : Tu dois dire adieu à Dieu. Job parle à la première personne du pluriel : « nous ». Il se met à côté de sa femme et dit : Nous recevons de Dieu le bien, et nous ne recevrions pas aussi le mal? Job se distancie clairement des mots de sa femme, mais pas d’elle en tant que personne. La façon dont il continue en disant « nous » jusqu’à la fin est émouvante. Il veut attirer son épouse à nouveau vers lui : ensemble, sous Dieu.

10. Point de départ dans le bien🔗

Job est convaincu qu’il a toujours affaire avec le même Dieu. Le Dieu qui les a bénis dans le passé est le même Dieu qui permet que tout cela leur arrive. Nous avons toujours accepté le bien de Dieu (Ec 7.13-14). Nous ne l’avons pas simplement reçu, nous l’avons associé à Dieu! Pour cette raison, il est insensé de tourner le dos à Dieu, maintenant que le bien est disparu. Il est bien admis que leur situation a outrageusement changé, mais Dieu n’a pas changé! Il est cependant remarquable que Job n’utilise pas le nom de l’Éternel, mais parle plus généralement de « Dieu ». De là ressort que Dieu, à ses yeux, est également très loin. Mais Job tient fermement à la confession que ceci ne se passe pas sans Dieu. Voilà qui est sage! Cette parole de Job ne veut pas dire qu’il comprend maintenant, comme s’il savait pourquoi son bonheur est cassé. Cela est et reste absurde. Cependant, ce n’est toujours pas une raison pour renoncer à la confiance en Dieu. De toute façon, ce ne serait pas juste. Tu ne peux pas déterminer la politique de Dieu en te fondant sur la réalité d’une vie ravagée. Tu ne peux pas te fixer sur cette page noire, comme si elle résumait le récit de ta vie entière.

Job a appris dans ses bons jours que le bien venait de la main de Dieu (sagesse)! En conséquence, il peut être capable de recevoir les maux de la main de Dieu. Tu ne peux accepter les maux qu’en partant du bien : Dieu qui a donné ta vie. Job l’accepte sans le comprendre… Job ne croit pas que Dieu échoue dans cette misère. Job garde le chemin ouvert vers le haut, tandis que de sa femme l’a fermé. Et il l’invite à prendre ce chemin avec lui. Le chemin étroit entre le pourquoi et le parce que. En route avec Dieu.

11. Les amis lui font place🔗

Bildad, Éliphaz, Tsophar se joignent à la souffrance de Job. Ils sympathisent. Ils prennent part à sa douleur. Ils sont assis à côté de lui dans les cendres et gardent le silence. Ils ne disent rien pendant sept jours! Pas un mot ne sort de leurs lèvres. Ils laissent parler le silence pour lui-même. Pourquoi? Parce qu’ils voient que sa souffrance et son chagrin sont très grands. Tant de souffrances, assez pour garder la bouche fermée. Qu’y a-t-il à dire dans cette douleur et cette peine insupportable? Indicibles souffrances. Ces amis ne sont donc pas si idiots. Ils n’évitent pas Job. Ils ne l’abandonnent pas. En se mettant dans sa peau, ils s’approchent tout près de lui.

Car ils laissent la place au chagrin, au deuil et au tourment de Job, ce qui témoigne de sagesse; on ne peut qu’apprécier leur comportement. C’est la meilleure chose qu’ils ont faite. Pour garder le silence pendant si longtemps, il faut être fort. Cela signifie probablement qu’ils ne touchent pas aux sujets pénibles. Ils ne parlent pas avant Job, ils attendent jusqu’à ce que lui soit prêt. Ils se joignent à son chagrin. Ils laissent à Job, bien qu’involontairement, la place qui lui permettra de finir par exploser. Leur silence est engageant. Avec ses amis, il peut s’exprimer.

12. Désespoir🔗

Après, Job ouvre sa bouche. Après! L’empathie de ses amis le mène apparemment au point qu’il va s’exprimer. Cependant, il a connu une période considérable de souffrance constante. Dans Job 7, Job parle des mois de misère qui lui sont attribués. Job rompt le silence avec un explosif coup de tonnerre. Il finit par exploser. En résumé, il maudit le jour de sa naissance. C’est effrayant. Est-ce le même Job que celui des chapitres 1 et 2, irréprochable, honnête, craignant Dieu?

Mais que veut dire Job? Maudire le jour de sa naissance est une façon d’exprimer son désarroi total. Ce n’est pas une histoire bien mesurée ni structurée qu’il raconte. Ce n’est pas non plus un discours composé avec soin. Il s’agit plutôt d’une expression véhémente de ses émotions, qu’il ne peut plus contrôler. Cela se voit ailleurs dans la Bible (Jérémie 20). Il montre à quel point sa situation est désespérée. Pour donner une voix à ses sentiments des plus noirs, il crie : J’aurais préféré de ne jamais être né! Alors, je n’aurais jamais enduré toute cette souffrance. Je n’aurais pas dû passer par cette misère. C’est une grande explosion d’impuissance et d’affolement qu’il exprime. Il vit l’heure la plus sombre. Il vit très près de la mort. Il ne reste plus qu’un seul pas.

Job est assez choquant. Il est presque insupportable pour les personnes en bonne santé. Quelqu’un sait-il de quoi il parle? Sans aucun doute, car Job formule ce que beaucoup de gens, après lui, ont vécu dans des périodes sombres de leur vie. Celui qui, une fois, touche au fond se reconnaît. Des gens qui ont été fortement frappés et profondément plongés dans le deuil. Des gens qui passent par une profonde dépression. Parfois, derrière des portes fermées. Mais, parfois dans une vie ouverte.

Job veut effectivement mourir, mais il ne franchit pas le dernier pas vers la mort. Il était, effectivement, très fort. Tu dois être fort pour supporter la vie quand tu souhaites plutôt être mort. Job heurte de front les limites : Périsse le jour, je voudrais être mort, pourquoi ai-je reçu la lumière du jour? Mais Job ne franchit pas cette limite. C’est Dieu qui donne la lumière de la vie et qui peut l’emporter. Job maudit le jour de sa naissance. Mais il refuse une chose : il ne maudit pas Dieu. Il ne le laisse pas en dehors de la situation.

13. La logique des amis de Job🔗

Le premier ami, Éliphaz, commence directement en exprimant la conviction fondamentale des trois amis. Connais-tu l’innocent qui a péri? Quels sont les justes qui ont été exterminés? Pour moi, je l’ai vu, ceux qui labourent l’iniquité et qui sèment l’injustice en moissonnent les fruits (Jb 4.7-8).

Cela ne peut donc jamais être attribué à Dieu; par conséquent, la cause doit être du côté de Job lui-même. En fait, les amis appliquent la même logique que celle de la femme de Job qui l’a abandonné. Son raisonnement est le suivant : Les catastrophes qui lui arrivent ne peuvent pas être la faute de Job, parce qu’elle le connaît et sait qu’il est un homme d’une grande intégrité et, par conséquent, cela doit être la faute de Dieu. Par conséquent, elle prend congé de Dieu et disparaît de la scène de la catastrophe (Jb 2.1-10). Job ne peut attendre d’elle aucune tentative de connexion ni aucune sécurité. Les trois amis (Éliphaz, Bildad et Tsophar) appliquent la logique inverse : Tout ce qui est arrivé à Job ne peut pas être la faute de Dieu, de sorte que la cause doit incomber à Job lui-même. Ils agissent en permanence en tant qu’avocats de Dieu.

Leur conviction est claire : Les actions de Dieu sont toujours justes, en conformité avec le comportement des hommes. Certes, il permet parfois à l’impie de prospérer. Mais leur prospérité est une imposture; à la fin, Dieu les laissera périr (Jb 5.3-5; 8.16-18; 15.20-35; 18.5-21; 20.5-29; 22.15-20). Le message adressé à Job est clair : ce n’est que le comportement répréhensible, ce qui signifie le péché, qui constitue la raison la plus profonde de sa souffrance. Si Job veut prétendre qu’il n’est pas athée, ses amis ont aussi une réponse à cela : Personne ne se comporte comme Dieu le veut. Il n’est donc pas étonnant qu’un homme comme Job soit frappé par le mal (Jb 4.17-21; 15.14-16; 25).

Éliphaz pousse encore plus loin son argumentation dans son dernier discours. Il arrive à la conclusion que les péchés de Job doivent être innombrables. Il va même si loin qu’il les énumère explicitement : Job a volé les pauvres et a refusé d’aider les démunis (Jb 11.16). C’est pour cette raison que tant de misère lui survient (Jb 22.5-10). Il ne reste plus à Job que de baisser la tête, retourner à Dieu et rompre avec le mal. Tant d’autres arguments ne sont pas très différents de ceux-là. Le quatrième ami, Élihou (Jb 34,11-12.21-28.36-37), utilise à peu près les mêmes discours. Mais avec cette différence qu’il souligne également le rôle pédagogique des calamités envoyées par Dieu. Dieu met les gens à leur place en leur demandant de rompre avec le mal. De cette façon, ils sont sauvés d’un destin pire et sont autorisés à continuer à vivre (Jb 33.15-18; 36.7-12).

Quand ils parlent, ils aggravent les blessures avec leur raisonnement logique. De cette façon, Job est attaqué de tous côtés dans sa souffrance. Il aspire à la compassion, il désire que son angoisse et sa misère soient pesées (Jb 6.2).

14. Dieu comme adversaire🔗

Au début, le nom de Dieu est son refuge, comme une tour fortifiée (Jb 1.21, voir Pr 18.10), mais cela devient de plus en plus difficile à maintenir. Job éprouve Dieu comme un adversaire (Jb 6.4; 23.6). Il se plaint et crie sa souffrance à Dieu.

À plusieurs reprises, Job suppose que Dieu s’est tourné contre lui comme un ennemi (Jb 16.7-14; 19.6-13; 30.21-23). Il supplie ses amis pour la miséricorde, « car la main de Dieu m’a frappé » (Jb 19.21). Les images utilisées par Job, dans lesquelles il est attaqué par Dieu comme un guerrier et comme un animal sauvage, correspondent fortement à celles de Lamentations 31. La grande différence est, cependant, que dans cette section Job n’a pas un grain d’espoir de la miséricorde de Dieu (Lamentations 3.20) et que la plainte ne coïncide absolument en aucune façon avec un aveu de culpabilité. Au contraire, la plainte passe dans une protestation à la suite d’innocence.

Ce qui est extraordinaire c’est que Job implique directement Dieu dans des expériences de souffrance et ne lui attribue pas le mal ou des événements méchants. Job n’a pas de perspective sûre, à plus forte raison, pas de compréhension de l’affaire entre Dieu et Satan (Jb 1 et 2), mais il décrit son expérience en associant directement Dieu et sa souffrance. Job prend absolument son Dieu au sérieux. Non pas en utilisant des expressions générales : toutes les choses me sont contraires, mais en parlant en images vivantes : c’est Dieu qui est contre moi. Cette expérience touche à la révélation : Dieu a permis le mal sans cause concrète (Jb 2.3)! Pour Job, le mal vient de quelque part près de Dieu. Mais Job perçoit Dieu comme adversaire (tsari en hébreu) sans vouloir croire qu’il l’est vraiment. Chaque fois que Dieu semble être plutôt ennemi qu’ami, l’expression de la plainte signifie justement que la foi veut tenir à Dieu.

15. En plaidant l’innocence🔗

Job se plaint, comme étant faussement accusé, qu’il doit souffrir sans raison apparente. Ce n’est pas la culpabilité qui presse Job à se plaindre, mais plutôt sa prétention d’innocence (comparer avec Ps 17.3-5; Ps 26.4-10 et Ps 44.17-19). En effet, le but n’est pas sa conversion, sur laquelle ses amis insistent fortement; le but ultime est la justice. Le plaignant insiste pour que Dieu reste dans la compagnie du juste, comme exécuteur de la justice. Si Dieu agit comme Dieu, Job sera libéré comme un innocent.

Job jette au loin la charge que sa misère est le résultat de ses propres péchés (Jb 31). Passionnément, Job continue d’adhérer à son innocence (Jb 9.21-22; 23.7,10-12; 27.5-6). Il exprime plainte après plainte que Dieu refuse de lui rendre justice (Jb 9; 19.6-7; 23.3-9; 27.2; 30.20). Sa dernière réponse face à ses amis est un serment auquel il jure de ne pas avoir commis de péchés dignes d’être punis par les calamités (Jb 31). Job est tellement convaincu de son droit qu’il apparaît devant Dieu dans la dignité et entame un tribunal (Jb 31.37).

En Job 9.32-35, il crie pour demander qu’il y ait quelqu’un qui soit capable d’administrer la justice (mokiach, arbitre) entre nous. Job est prêt à régler le cas entre Dieu et lui. Si seulement il y avait un tel juge, il pourrait alors porter plainte contre Dieu. Entre l’homme et Dieu, cependant, aucun arbitre ne peut être trouvé qui ait autorité sur les deux.

Dans Job 13.3 et 18 retentit à nouveau son souhait profond de plaider sa cause auprès de Dieu. Job a la plus grande confiance qu’il est dans son droit. Et même s’il doit mettre en jeu sa vie, le cas vaut la peine pour lui. À cause de sa souffrance, les apparences sont contre Job. Il semble être tombé en disgrâce par sa souffrance, qui porte témoignage contre lui (Jb 16.8). Néanmoins, il ne s’incline pas. C’est en cherchant constamment la justice auprès de Dieu que Job veut prouver son intégrité. Une personne impie n’oserait venir devant lui (Jb 13.16). Véritablement juste est celui qui s’occupe avant tout de l’intégrité, non pas de la récompense (Jb 17.9).

16. Impossible réclamation🔗

Job va à l’extrême dans sa recherche de la justice. Dans sa position impossible contre Dieu, il va très loin dans Job 16.18. Job fait un appel fondé sur la vendetta dans une plainte de l’innocent frappé : « Ô terre, ne couvre point mon sang, et que mes cris prennent librement leur essor! » Par une justice habituelle et des procédures judiciaires, il n’y a aucune instance qui peut décider entre Dieu et l’homme (Jb 9.33). Mais en cas de vendetta, Dieu doit être invoqué pour décider.

Quelque incompréhensible et illogique que ce soit, nous trouvons une expression similaire dans Job 17.3 : « Sois auprès de toi-même ma caution; autrement, qui répondrait pour moi? » Tout cela sert comme une interprétation de la réalité complexe : Bien que Dieu ait permis la souffrance de Job, Job continue néanmoins à faire confiance en Dieu comme le Dieu de justice et d’amour. En cela, il aspire à l’impossible : un Dieu qui défend son droit auprès de Dieu. Il est, en effet, acculé et fait un appel passionné à Dieu comme avocat « défiant » Dieu… (Jb 16.19-21)! Tout comme Dieu avait, en effet, défendu le cas de Job dans Job 1 et 2, tout en permettant en même temps sa souffrance.

Les larmes coulaient sur son visage devant Dieu (Jb 16.20), sa situation est choquante. Job ne voit absolument pas d’autre issue qu’une autre personne dans le ciel qui le défend devant Dieu (comparer le rôle de l’ange, Za 3.1-2). Le passage brusque de l’expérience de Dieu comme adversaire est marqué par le désir passionné pour le soutien, la compréhension et la représentation de quelqu’un comme Dieu. L’accent est mis sur la tâche du médiateur, plutôt que sur la nature spécifique et l’identité de cette personne. Dans sa position impossible, Job est à la recherche de quelqu’un qui se trouve entre Dieu et lui-même.

17. Des questions pertinentes🔗

Dieu relève le défi de Job. Mais ça ne devient pas une procédure légale dans laquelle Job peut exprimer ses plaintes une à une. En plus, Job n’en reçoit aucune explication. Dieu aurait pu lui faire comprendre beaucoup de choses en quelques minutes. En montrant à Job ce qui avait eu lieu dans le ciel. En soulignant qu’il n’a pas procédé arbitrairement. En prononçant qu’il se soucie effectivement de la souffrance de Job. Mais le Seigneur ne présente pas une réponse à la difficulté du juste souffrant. Pas même la plus petite indication pour répondre à l’énigme de la souffrance. Et pourtant, l’attitude de Job change radicalement. Mais non pas parce que Dieu rend des comptes à Job. Élihou l’avait déjà signalé : Dieu n’a pas besoin de justifier ses actions. Dieu a sa propre façon de réparer la confiance de ses enfants dans sa politique.

Le thème principal du discours de Dieu dans Job 38 à 41 est la gigantesque différence entre Dieu le Créateur dans sa profonde sagesse et l’homme Job. Dans Job 40.24-32, c’est Job qui doit reconnaître qu’il ne peut rien contre Behémoth et Léviathan. Le Seigneur veut, en premier lieu, montrer à Job sa souveraineté. Dieu s’est permis de créer de tels animaux. Aucun homme ne peut comprendre la raison de l’existence de ces monstres. Que de choses n’existent-elles pas dans la création qui ne sont pas avantageuses à l’homme, qu’on peut seulement éviter dans la peur et l’ignorance? Alors que Dieu prend plaisir à cela, pour une raison incompréhensible à des mortels. Job peut apprendre de cela qu’il n’est pas le pivot du monde et qu’il n’est pas la mesure de toutes choses.

Donc, de deux choses l’une. Job : tu tiens à ta raison, mais alors tu perds. Ou tu mets tout dans ma main, en retirant ta plainte et en te confiant à mon jugement. Exactement comme dans les dernières paroles d’Élihou : « Nous ne saurions parvenir jusqu’au Tout-Puissant, grand par la force, par la justice, par le droit souverain : Il ne répond pas! C’est pourquoi les hommes doivent le craindre; il ne porte les regards sur aucun sage » (Jb 37.23-24).

Nulle part, le Seigneur n’est d’accord avec la conviction des amis de Job que ses propres péchés sont à blâmer pour sa misère. Il ne dit pas non plus que l’impureté générale que possède Job comme tout autre être humain constitue la toile de fond du mal qui l’a frappé. En effet, Dieu ne demande pas à Job de tenir de pareils propos. La question la plus pertinente qu’il a pour Job est : « Anéantiras-tu jusqu’à ma justice? Me condamneras-tu pour te donner droit? » (Jb 40.8). Ce n’est pas que Job n’avait pas le droit de se justifier lui-même, mais c’est le fait qu’il défendait son droit au détriment de la justice de Dieu. La logique de ses amis et celle de sa femme ne subsistent pas, celle de Job échoue également. La justice de Dieu serait ceci aux yeux de Job : Les gens obtiennent ce qu’ils méritent, le juste prospérera et le mauvais sera puni. Job n’obtenait pas ce qu’il méritait, il périssait dans sa justice. C’est pourquoi Job met en doute la justice de Dieu. Mais Dieu lui fait sentir qu’il dépasse ses modèles de pensée et ses idées de justice. La justice de Dieu règne, même s’il agit différemment que l’on suppose. Finalement, Job est forcé de reconnaître Dieu comme son supérieur et d’admettre qu’il est allé au-delà de ses limites (Jb 42.3).

18. Reconnaître le tort dans les limites de la justice🔗

Et Job disait : Regarde, je ne suis rien, qu’est-ce que je peux dire là-dessus? Je mets ma main sur ma bouche. Job reconnaît de tout cœur sa limite. Ici, Job se tait. Cela est souvent considéré comme un signe positif. La main sur la bouche. Mais ce n’est pas positif du tout. Job se tait à cause de son impuissance vis-à-vis une force supérieure. Et ce n’est certainement pas un silence avec consentement. Qui se tait ne consent souvent pas. Ici, la main sur la bouche veut dire : D’accord, je ne dirai plus rien. C’est un état d’esprit résigné. Il ne reconnaît pas encore son tort.

La parole est à Job. Effectivement, Seigneur, tu es capable de tout; pour toi, rien n’est impossible. Comment notre imprévoyance ose-t-elle dissimuler ta politique! Job choisit une auto-accusation dans laquelle, avant tout, résonne le reproche de Dieu à son adresse. Qui détourne mon conseil avec des mots sans connaissance? Job admet son erreur. Maintenant, il reconnaît ouvertement que ce qui était impossible d’après lui est possible pour Dieu : Que Dieu n’était pas contre lui dans sa souffrance, mais qu’il était de son côté! Que Dieu fût tout-puissant, Job le savait déjà. Mais il avait mis en doute que Dieu soit juste en même temps, sur la base de tant d’exemples contredisant tout sens de justice. Mais il admet qu’aucun plan de Dieu ne peut être contrarié. Aucun pouvoir dans le monde ni aucune force hostile ne peuvent empêcher Dieu d’exécuter ses plans. Dieu sait très bien quoi faire du mal. C’est pourquoi les mots avec lesquels Job, avec regret, revient sur sa déclaration (Jb 40.3-5; 42.1-6) ne peuvent pas être considérés comme une tentative de dire malgré tout : J’ai à imputer ma souffrance à mes péchés. C’est que Dieu n’a pas demandé à Job une telle déclaration.

C’est alors que le grand mot est lâché : Par conséquent, je retire mes paroles et je me repens dans la poussière et dans la cendre. Job revient sur toutes ses paroles! Pas de péchés cachés qui ont donné l’occasion à la violente souffrance. Pas non plus les questions de Job à l’adresse de Dieu, ni ses luttes, ni ses cris de l’abîme. Mais Job se tenant à sa propre justice, à sa propre raison, au coût de la haute justice de Dieu. C’est sur cela qu’il revient. Qu’il fût si sûr de son affaire : avoir raison, afin que Dieu soit dans l’erreur! Job reconnaît son tort. Grande raison! Il se distancie de sa propre justice.

Job n’obtenait pas ce qu’il méritait. Cela n’allait pas bien pour lui, même s’il était bon. C’est pourquoi il doutait de la justice de Dieu. Mais cette conclusion était un pas trop loin. L’être humain ne sera jamais en mesure de douter de la justice de Dieu, même quand Dieu agit différemment de ce que nous nous attendons sur la base de sa justice. Et quand le Seigneur en appelait à lui de ne plus douter de sa justice, même s’il ne comprenait pas encore pourquoi tout ce mal devait le frapper, il baissait humblement la tête.

Les derniers chapitres du livre de Job sont une invitation à être libre et à identifier la victime. Job réalise qu’il a franchi une certaine ligne et le Créateur lui-même le corrige. Même ce serviteur fidèle exemplaire de Dieu n’est pas en mesure de maintenir un équilibre approprié dans son expérience de Dieu comme Adversaire. Après une impressionnante révélation de Dieu, dans laquelle il confronte Job avec toute une série de questions « impossibles » (Jb 38 et 39), Job ne peut faire plus que de mettre sa main sur sa bouche (Jb 40.4-5). « Les discours de Dieu peuvent être lus comme des actes indirects de langage interrogeant les conditions de félicité de la question de Job » (Geeraerts). Job ne reçoit pas d’explications sur les mystères de sa souffrance. Il n’a pas le droit de remettre en question la justice de l’avocat de Dieu. La justice de Dieu surpasse tous nos modèles et toute logique de ce qui est juste.

19. Réaction unique de Dieu🔗

Il est étonnant que ce soit Dieu lui-même qui défende Job contre ses amis, qui se sont eux-mêmes présentés comme défenseurs de Dieu. Dieu montre qu’il est allié de Job dans cette poursuite, parce que Job a franchement et honnêtement parlé de lui; cela est également dans sa rébellion. Finalement, Job est forcé de reconnaître Dieu comme son supérieur et d’admettre qu’il est allé au-delà de ses limites (Jb 42.3). Pourtant, il est dit que Job, dans son comportement autoritaire, a parlé à juste titre de Dieu, par opposition à ses amis (Jb 42.8).

Contrairement à ses amis, Job ne parlait pas seulement de Dieu. Il s’adressait lui-même à Dieu, en ce qui concerne sincèrement les mystères de sa souffrance. Il faisait lui-même appel à Dieu contre Dieu.

Les amis de Job essayaient de rendre compréhensible la souffrance de ce dernier. Leur tentative rendait Dieu furieux. Il leur reprochait qu’ils n’avaient pas justement parlé de lui, à juste titre, comme son serviteur Job (Jb 42.7-8). Après toutes les questions critiques de Dieu à Job dans Job 38 à 41, cela est une déclaration remarquable. Les amis n’ont pas correctement parlé de Dieu; Job a apparemment bien parlé! Qu’est-ce qui était alors mal dans les arguments des amis? Ce n’était pas qu’ils avaient dit des choses peu orthodoxes. Leurs déclarations au sujet de Dieu qui récompense les justes et qui punit l’impie avaient été soigneusement formulées avec de nombreux textes comme preuve. Mais leur erreur était qu’ils faisaient entrer leur connaissance orthodoxe dans un diagramme, auquel ils pensaient qu’ils pouvaient adapter les relations de Dieu avec Job. Ce qu’ils ont dit voulant que Dieu frappe l’impie avec le mal était correct. Mais la proposition n’est pas toujours réversible : Devant Dieu, Job est frappé par le mal; donc il doit avoir péché. Ils se bloquent à cette logique, alors que cela entrait en grande contradiction avec ce qu’ils avaient eu sous leurs yeux de la vie de Job.

Le Seigneur ne répond pas à la question de savoir pourquoi Job a été frappé par une telle souffrance si amère. À la différence de Job et de ses amis, le lecteur parvient à bien entendre du livre de Job ce qui était derrière la souffrance de Job. Il n’y avait pas de péché commis par Job : aucune raison! Dieu lui-même témoigne dans Job 1.8 et 2.3 que personne sur la terre n’est aussi irréprochable et honnête que Job, qu’il respecte Dieu et se détourne du mal. La seule raison de la souffrance de Job est que Dieu avait décidé d’accepter, sur la suggestion de Satan, de priver Job de tout ce avec quoi Dieu l’avait béni. C’était comme un test pour voir si Job servait Dieu sans se soucier de ses propres intérêts ou s’il le faisait sans un amour pur.

Lorsque Dieu récompense Job avec le double de ce qu’il avait, Dieu admet indirectement que Job avait été dérobé (voir Ex 22.9)2. Mais il n’est pas du tout sûr que Job et les lecteurs originaux du livre de Job se sont rendu compte du lien entre la double compensation et la reconnaissance d’appropriation illégale. Cependant, il peut être dit que la double compensation souligne que Job n’avait pas mérité la perte de toutes ses possessions. Dieu prend la plus haute responsabilité et reconnaît que tout ce qui est arrivé à Job n’avait aucune cause directe (Jb 2.3) : Job est comme le juste qui souffre.

20. Apprendre à connaître Dieu d’une manière tout à fait différente🔗

Job était familier avec la sagesse et le pouvoir de Dieu, mais dans son incompréhensible souffrance il n’arrivait pas à le comprendre. Dieu lui fait sentir qu’il est au-dessus des schémas de raisonnements de Job. Job semble avoir compris, quand il dit : « Mon oreille avait entendu parler de toi, mais maintenant mon œil t’a vu » (Jb 42.5). Lorsqu’on entre en contact avec réalité de Dieu, il apparaît que Dieu est toujours supérieur à ce que nous connaissons de lui.

À la fin, il a compris que Dieu applique aussi sa sagesse et son pouvoir pour Job, dans sa souffrance. Le ouï-dire devient une directe expérience vécue. Voilà ce que Job veut dire. Il avait expérimenté Dieu d’une façon inhabituelle et inattendue. Mais avec le résultat qu’il pouvait s’imaginer plus clairement les caractéristiques de Dieu : Dieu est juste, Dieu est le plus sage, Dieu est fidèle. Ce que Job en raconte comme expérience constitue un progrès dans la connaissance de Dieu. Ses yeux ont été ouverts pour voir la grandeur et la majesté de Dieu comme jamais auparavant. Maintenant, il voit Dieu autrement. Dieu lui est apparu face à face, pour ainsi dire. Une fois, il s’était exclamé : Mais je sais que mon Rédempteur est vivant… Quand je n’aurai plus de chair, je verrai Dieu (Jb 19.25-26). Son plus profond désir a été accompli. Maintenant, c’est réalisé. De toute sa vie, Job n’avait jamais rencontré Dieu si directement.

21. Christ dans sa souffrance🔗

Avec raison, on a averti contre l’habitude d’ajouter la personne de Jésus-Christ au livre de Job. Cela ne rendrait pas justice à l’unicité des deux personnes de Job et de Jésus et à l’histoire de la révélation. Cependant, je distingue deux perspectives sotériologiques prometteuses.

La première perspective nous invite à voir la relation avec Jésus comme la personne qui souffre comme un innocent. Dans différentes parties du Nouveau Testament (Mt 8.17; 1 Pi 2.24-25), une relation est établie avec le Serviteur souffrant d’Ésaïe 53. Il est représenté comme l’abandonné, le très éprouvé et affligé par Dieu (És 53.4). En outre, Hébreux 12.24 présente le même motif du « sang innocent » comme dans Job 16.18. Le sang innocent de Jésus parle plus fortement que celui d’Abel. La façon expressive dont Job formule sa peur, sa douleur et son insécurité (Jb 16.1-17) évoque des liens avec l’agonie de Jésus (Lc 22.44; Hé 5.7-8). Et l’expérience de Jésus d’être abandonné par Dieu n’est-elle pas comparable à l’expérience que Job a faite de « Dieu comme adversaire »?

Jésus nous invite à nous identifier avec lui-même dans toutes les anxiétés qu’il a traversées, Jésus qui est plus que la souffrance de Job (Hé 5.7-10). Nous sommes maintenant capables de discuter en détail des sévices dont il souffrait si profondément. Le mystère de Dieu (Dieu au-dessus de moi) s’opposant à Dieu (Dieu avec moi) est finalement devenu réalité dans l’unique souffrance de Jésus-Christ. Il est le Témoin-Juge dans la cause de « Dieu contre Dieu » (dans des mots préliminaires de Job), comme entre un homme et son ami (Jb 16.19-21). Il est, plus qu’était Job, le Juste, et en même temps, le Médiateur, qui a souffert le plus, mais qui a triomphé. Ô profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu! Que ses jugements sont insondables, et ses voies incompréhensibles!

La seconde perspective attire l’attention sur le désir de Job d’avoir quelqu’un pour le représenter et pour défendre son impossible position. Élihou continue dans le même sens, parlant au sujet d’un médiateur, un seul entre mille (Jb 33.23-24). Job reconnaît que Dieu lui-même, ou du moins quelqu’un comme Dieu, devra défendre son cas complexe devant Dieu et les hommes. Qui est capable d’obtenir justice pour Job, de le rendre libre, sans que Dieu nie son propre droit (Jb 40.8)? Cela ne s’accorde avec aucun système. Ici, la sagesse humaine échoue complètement (comparer 1 Corinthiens 1.18-25). Dans le profil de l’unique médiateur que Job a cherché, on peut reconnaître la stature du Fils de Dieu qui, beaucoup de siècles plus tard, devait en effet descendre du ciel sur la terre. Le désir irréalisé de Job d’un interprète exceptionnel reçoit une réponse décisive : il n’y a qu’un seul Dieu et un seul Médiateur entre Dieu et les hommes, l’homme Jésus-Christ (1 Tm 2.5; Hé 12.24). Le contact et le contact renouvelé avec Jésus-Christ, le Crucifié et le Ressuscité, qui est plus que Job, mène, par son Esprit, au traitement bénéficiaire de chaque traumatisme. Dieu lui-même, comme interprète de toute douleur, exprime la souffrance, intercède par des soupirs inexprimables. La révélation ultime de la manière dont Jésus prend au sérieux les traumatismes est que, après sa résurrection, avec un corps glorifié, il montre les blessures de sa souffrance (Lc 24.40).

Notes

1. Newsom 1996 : 460.

2. L’homme que les juges déclarent coupable doit faire une restitution au double à la personne lésée. Mais la sanction décrite en Exode 22.4 est seulement applicable si l’animal dérobé est toujours vivant. Dans le cas de l’animal ayant été vendu ou abattu, le voleur doit restituer cinq bœufs pour le bœuf et quatre brebis pour la brebis (Ex 22.1). Ce cas n’est-il pas plus applicable pour la situation de Job? Même Proverbes 6.31 dit que le voleur doit en restituer au septuple! Ce qui devient clair, de toute façon, c’est que la double compensation prouve que Job n’a pas mérité la perte de toute sa richesse.