Cet article sur 1 Thessaloniciens a pour sujet la structure et le message de cette épître fondés sur l'eschatologie de Paul et confrontant le monde païen à la foi chrétienne.

4 pages. Traduit par Paulin Bédard

L’eschatologie et la structure de 1 Thessaloniciens

  1. La confrontation de deux mondes à Thessalonique
  2. Réflexions sur un monde différent
  3. Des indicateurs eschatologiques
  4. L’eschatologie en Jésus-Christ

1. La confrontation de deux mondes à Thessalonique🔗

Les deux mondes de Thessalonique — l’héritage hellénistique et la suprématie romaine — ne faisaient qu’un : un monde gréco-romain cohérent dont le symbolisme culturel était ancré dans le paganisme politique, religieux et social. La cohérence de ce statu quo païen a été bouleversée par la prédication de l’apôtre Paul entre 50 et 52 après J.-C. Les structures de pouvoir de ce monde païen ont été bouleversées; le comportement religieux de ce monde païen a été bouleversé; le tissu social de ce monde païen a été bouleversé. Non pas d’une manière insidieuse ou violemment révolutionnaire, mais par la proclamation de la mort et de la résurrection du Christ (Ac 17.3) par l’apôtre Paul qui annonçait l’apparition et la venue d’un monde nouveau, un monde différent, un monde eschatologique.

L’antithèse du monde que Paul proclamait dans la crucifixion et la résurrection du Christ a presque immédiatement produit un conflit de valeurs à Thessalonique. Les politarques gréco-romains (« les autorités de la ville »), répondant en fonction de leur position dans l’antithèse, réduisaient le monde eschatologique de Paul à leur propre horizontalisme politique. À leurs yeux, aucun autre monde n’était possible que celui de César. Le fait que Paul démontrait avec éclat que sa vie appartenait à deux mondes — l’un eschatologique et l’autre temporel (il était à la fois citoyen du ciel et de Rome) — était incompréhensible pour eux; incompréhensible et menaçant (Ac 17.6-7).

Les juifs de la diaspora de la synagogue de Thessalonique, répondant du point de vue de leur position dans l’antithèse, réduisaient le monde eschatologique de Paul à leur propre horizontalisme nationaliste. À leurs yeux, aucun autre monde que celui des rabbins n’était possible. Le monde eschatologique inauguré de Paul leur était incompréhensible; incompréhensible et menaçant (Ac 17.5).

Les idolâtres thessaloniciens, répondant du point de vue de leur position dans l’antithèse, réduisaient le monde eschatologique du Dieu invisible de Paul à leur propre horizontalisme pieux et concret. À leurs yeux, aucun autre monde que celui du panthéon n’était possible. Le Dieu eschatologique et Sauveur de Paul était incompréhensible pour eux; incompréhensible et menaçant (1 Th 1.9).

Le choc des deux mondes – le monde gréco-romain et juif, d’une part, et le monde chrétien, d’autre part – engendra la « tribulation » (1.6), « la maltraitance » ou les « combats » (2.2), la « souffrance » (2.14), les « tribulations » (3.3-4), peut-être même la mort (4.13, où ceux qui se sont endormis sont possiblement morts à cause de la tribulation, des combats, de la souffrance et de l’affliction).

2. Réflexions sur un monde différent🔗

L’antithèse a fait souffrir les chrétiens de Thessalonique comme elle a fait souffrir l’apôtre. L’univers narratif de l’apôtre se reflète dans l’univers narratif des chrétiens de Thessalonique. Ceux-ci sont identifiés au monde eschatologique de la mort et de la résurrection du Christ (voir 1.10; 4.14; 5.9-10), tout comme Paul est identifié à ce même monde. La participation conjointe de l’apôtre et des croyants de Thessalonique au royaume de gloire (2.12) est soulignée à maintes reprises dans cette lettre par les pronoms personnels relationnels « nous » et « vous ». Tout au long de cette épître, Paul attire l’attention de ses lecteurs sur la relation qu’ils ont avec lui : « Vous êtes devenus nos imitateurs » (1.6); « Que le Seigneur fasse abonder et déborder votre amour les uns pour les autres et envers tous les hommes, à l’exemple de celui que nous avons pour vous » (3.12); « Vous êtes tous fils de la lumière et fils du jour. Nous ne sommes pas de la nuit ni des ténèbres » (5.5).

La méthode de Paul consiste à attirer les chrétiens de Thessalonique dans son propre monde, dans une union intime avec Jésus crucifié et ressuscité. Les relations illustrées par les pronoms font partie du paradigme horizontal/vertical. Vous êtes pour nous ce que nous sommes (ensemble) pour Jésus-Christ.

3. Des indicateurs eschatologiques🔗

Cette lettre a été associée au message eschatologique de l’apôtre, habituellement à cause de 4.13-18 qui traite de la séquence de la parousie. Cependant, d’autres indicateurs eschatologiques sont disséminés tout au long de cette épître, et ne se limitent pas au seul chapitre 4. En fait, ce sont les indicateurs eschatologiques qui structurent toute l’épître.

Lorsque nous arrivons à la conclusion de l’action de grâce épistolaire de Paul (1.2-10), nous sommes mis en relation immédiate avec la délivrance actuelle de la colère eschatologique (« Jésus, qui nous délivre de la colère à venir », 1.10). La première section importante de l’épître est conclue par un indicateur eschatologique.

Dans la section suivante de l’épître (2.1-12), nous trouvons un autre indicateur eschatologique qui conclut la section : « Dieu qui vous appelle à son royaume et à sa gloire » (2.12, où la « gloire » traduit le mot grec doxa). Un royaume doxologique est un royaume eschatologique.

La section suivante (2.13-20) contient une antithèse eschatologique — un miroir de l’anti-eschatologie (« la colère a fini par les atteindre », 2.16) — qui est l’inverse de la parousie eschatologique (« devant notre Seigneur Jésus à son avènement », 2.19). L’Église est l’antithèse de l’establishment juif. Dans le monde eschatologique, c’est la gloire, la joie, la couronne d’exultation! Dans le monde anti-eschatologique, c’est l’inimitié, la colère, le péché à son comble! Note : cette section contient la première des quatre mentions de la parousie du Seigneur Jésus (2.19; 3.13; 4.15; 5.23).

La section suivante (3.1-13) se conclut encore par un indicateur eschatologique (3.13). Le récit biographique renforce ici mon point précédent, à savoir que l’univers narratif de Paul recoupe l’univers narratif des chrétiens de Thessalonique. L’envoi de Timothée (3.2) est l’envoi de Paul lui-même, tout comme l’avènement du Christ est l’avènement de Dieu lui-même.

Le chapitre 4 contient un indicateur eschatologique détaillé — la longue discussion sur l’enlèvement, sur la résurrection et sur l’état éternel. Les versets 13 à 18 constituent la pierre angulaire de cette section, apparemment en réponse à une confusion eschatologique ou à un besoin de clarification de la part des Thessaloniciens. La déclaration de Paul selon laquelle il ne veut pas qu’ils soient « dans l’ignorance » (v. 13) au sujet de ceux qui dorment en Christ indique qu’ils ont des questions ou un besoin d’instruction supplémentaire. Paul oppose sa doctrine au désespoir gréco-romain et juif (4.13), indiquant implicitement le revers de la médaille eschatologique qu’il présente. En d’autres termes, la question de la résurrection pour les chrétiens professants déjà morts avant la parousie a des implications pour la question de la résurrection pour ceux qui ne professent pas le Christ et qui sont déjà morts avant la parousie.

Si le miroir du paradigme anti-eschatologique est valable en 2.13-20, alors il l’est aussi en 4.13-18. La fiction selon laquelle Paul n’a pas d’eschatologie des damnés est absurde étant donné le langage, l’imagerie et le contexte de la première lettre aux Thessaloniciens.

Les Thessaloniciens n’avaient pas saisi les implications profondes de la résurrection du Christ pour les frères et sœurs déjà dans la tombe. Si la résurrection du Christ profitera à ceux qui seront vivants à sa parousie, qu’en sera-t-il à ce moment-là de ceux qui sont déjà endormis en Jésus? Si nous commençons par le verset 17 (« ainsi nous serons toujours avec le Seigneur »), nous nous rendons compte que Paul n’insère aucun royaume de résurrection provisoire entre l’aspect présent et l’aspect futur de la période entre les deux avènements du Christ. Que nous soyons endormis en Jésus ou vivants à sa parousie, nous serons toujours corps et âme avec le Seigneur. La résurrection corporelle de Jésus est la garantie de la résurrection corporelle de ceux qui dorment en Jésus et de la résurrection corporelle de ceux qui seront vivants à son avènement. Notons que le Jésus qui reviendra est le Jésus qui est déjà entré dans la gloire par la résurrection du corps. Le verset 14 est donc déterminant quant au mode de résurrection corporelle qui accompagne la parousie du Christ : il s’agit d’une résurrection corporelle conforme à la gloire du corps de résurrection du Christ lui-même. La résurrection que Paul décrit ici pour l’édification des chrétiens de Thessalonique est la résurrection pour la gloire, la gloire éternelle (« toujours avec le Seigneur »; voir 5.10).

La dernière section de la lettre (5.1-11) commence et se termine par un autre indicateur eschatologique. Cette section est imprégnée d’une imagerie eschatologique cosmique : le jour du Seigneur, la femme dans les douleurs de l’enfantement, les fils de la lumière, les fils du jour, les ténèbres et la nuit. 5.23 contient la dernière référence à la parousie. Entre les deux, on trouve une série d’impératifs et d’exhortations aphoristiques qui sont insérés entre les antipodes eschatologiques. L’apôtre enveloppe la vie éthique dans le contenant eschatologique. Il n’est pas surprenant que l’impératif et l’exhortatif soient à l’indicatif et en position centrale. L’union indissoluble entre être en Christ et vivre à la manière du Christ est aussi inséparable que l’union mystique entre le Christ et le croyant.

4. L’eschatologie en Jésus-Christ🔗

Le vecteur eschatologique est déterminant pour les propos que Paul adresse aux chrétiens de Thessalonique. Parce que, pour le Christ, la mort est passée, parce que, pour le Christ, la colère de Dieu est passée, parce que, pour le Christ, l’agonie, le travail et les ténèbres sont passés, l’antithèse eschatologique est présente pour les chrétiens de Thessalonique. Pour eux, c’est la vie éternelle et non la mort, le salut et non la colère, la lumière et non les ténèbres, la paix et la joie et non les douleurs de l’enfantement.

Ce monde eschatologique s’oppose aux programmes politiques, religieux et culturels de ce monde. Paul est satisfait de subir le rejet, l’éjection, la souffrance et l’affliction parce qu’il est satisfait du Christ. Sa vie est maintenant comme elle le sera lors de l’apparition du Seigneur Jésus, avec en plus la gloire du Fils ressuscité.

L’histoire narrative de l’apôtre met en valeur l’histoire narrative des chrétiens de Thessalonique. Son histoire — leur histoire. Leurs deux histoires — l’histoire du Christ. Votre histoire — cette histoire.