Cet article présente un survol de l'histoire magnifique du mouvement pro-vie d'inspiration chrétienne caractérisée par des oeuvres de compassion et l'aide caritative dans des foyers, centres de grossesses et orphelinats.

5 pages. Traduit par Paulin Bédard

L’histoire magnifique et inspirante de 2000 ans de mouvement pro-vie

Avec l’arrêt Dobbs rendu l’année dernière par la Cour suprême des États-Unis, déclarant que l’avortement n’est pas un droit constitutionnel, les publications grand public se sont empressées de présenter une vision de l’histoire de l’avortement aux États-Unis qui présente le mouvement pro-vie comme une aberration moderne motivée par des considérations politiques et plongeant ses racines dans la suprématie de la race blanche ou d’autres idéologies sinistres. Il s’agit d’une tentative de déformer l’histoire et de délégitimer leurs adversaires — et cette stratégie a été extrêmement efficace dans le passé. L’ouvrage de Larry Lader, Abortion [L’avortement], truffé de désinformations, d’inexactitudes historiques et de tromperies pures et simples a contribué à transformer le débat public sur l’avortement et a été cité à plusieurs reprises dans l’arrêt Roe v. Wade de 1973.

Il existe plusieurs excellentes histoires qui remettent les pendules à l’heure. The Story of Abortion in America [L’histoire de l’avortement aux États-Unis] (2023), de Marvin Olasky et Leah Savas, est un excellent ouvrage qui retrace l’histoire de l’avortement aux États-Unis depuis ses débuts, qui réfute le mythe selon lequel l’avortement était courant à l’époque coloniale et qui détaille les biographies de nombreux héros pro-vie oubliés depuis longtemps par l’histoire. Defenders of the Unborn : The Pro-Life Movement Before Roe v. Wade [Les défenseurs de l’enfant à naître : Le mouvement pro-vie avant Roe v. Wade] (2016) du Dr Daniel K. Williams de l’Université de West Georgia est également fantastique. Même la critique du New York Times a été forcée d’admettre que les médecins et les militants s’étaient manifestement opposés à l’avortement pour des raisons de droits de l’homme bien avant que la Cour suprême n’impose l’avortement à l’ensemble des cinquante États.

Mais lorsque des pro-vie me demandent quel livre ils devraient lire en premier pour mieux comprendre l’histoire du mouvement, je leur recommande toujours un livre dont peu de gens semblent avoir entendu parler, peut-être parce qu’il a été publié il y a si longtemps : Third Time Around : A History of the Pro-Life Movement from the First Century to the Present [La troisième fois : une histoire du mouvement pro-vie du premier siècle à nos jours] de George Grant. Dans cet ouvrage très facile à lire et concis, Grant explique que l’avortement et l’infanticide sont aussi anciens que la chute, mais que depuis la crucifixion, les chrétiens se battent pour abolir ces pratiques. « Pratiquement toutes les cultures de l’Antiquité ont été souillées par le sang d’enfants innocents », explique M. Grant.

« Dans la Rome antique, les enfants non désirés étaient abandonnés à l’extérieur des murs de la ville et mouraient exposés aux intempéries ou attaqués par des bêtes sauvages en quête de nourriture. Les Grecs administraient souvent à leurs femmes enceintes de fortes doses d’abortifs à base de plantes ou de médicaments. Les Perses ont mis au point des procédures chirurgicales très sophistiquées à l’aide de curettes. Les Chinoises se nouaient de lourdes cordes autour de la taille, si atrocement serrées qu’elles avortaient ou tombaient inconscientes. Les anciens hindous et Arabes ont concocté des pessaires chimiques — des abortifs qui étaient poussés ou pompés directement dans l’utérus par le canal pelvigénital. Les Cananéens primitifs jetaient leurs enfants sur de grands bûchers enflammés pour les sacrifier à leur dieu Moloch. Les Polynésiens soumettaient leurs femmes enceintes à d’atroces tortures : leur abdomen était battu avec de grosses pierres ou avec des charbons ardents empilés sur leur corps. Les Japonaises enfourchaient des chaudrons bouillants remplis d’infusions parricides. Les Égyptiens se débarrassaient de leurs enfants non désirés en les éventrant et en les démembrant peu après leur naissance; leur collagène était ensuite récolté rituellement pour la fabrication de crèmes cosmétiques. »

C’est l’Église primitive qui a reconnu pour la première fois que l’avortement et l’infanticide étaient des pratiques mauvaises et cruelles qui détruisaient les enfants créés à l’image de Dieu. Les penseurs chrétiens de l’ère apostolique ont unanimement condamné ces pratiques dans les termes les plus durs, de l’évêque Ambroise à l’apologiste Tertullien en passant par le titan Augustin d’Hippone. Basile de Césarée a mené une croisade contre une guilde d’avorteurs qu’il avait découverte à Césarée, prêchant sans cesse contre l’avortement et l’infanticide et allant jusqu’à démolir physiquement un sanctuaire infanticide.

En 374, l’empereur Valentinien a répondu au combat mené par Basile contre l’industrie de l’avortement en publiant un décret :

« Tous les parents doivent soutenir leurs enfants conçus; ceux qui les brutalisent ou les abandonnent doivent être soumis à la peine prévue par la loi. C’était, note Grant, la première fois dans l’histoire de l’humanité que l’avortement, l’infanticide, l’exhibition et l’abandon étaient rendus illégitimes. »

Basile de Césarée n’était pas le seul à réagir. Des milliers de chrétiens ont réagi à la méchanceté qu’ils trouvaient dans la société en faisant tout ce qui était en leur pouvoir pour aider les membres les plus faibles et les plus vulnérables de leur société : Addai d’Édesse, Benignus de Dijon, Callistus de Rome, Alban de Verulamium, Afra d’Augsbourg, George de Diospolis, Barlaam d’Antioche — la liste est longue. Comme l’écrit Grant :

« La position pro-vie de l’Église primitive n’était pas un simple dogme. Les patristiques ont fait correspondre leur rhétorique à la réalité. Ils ont travaillé dur et se sont sacrifiés pour la vie. À Rome, les chrétiens sauvaient les bébés qui avaient été abandonnés sur les murs d’exposition à l’extérieur de la ville; ils le faisaient souvent illégalement et au péril de leur vie. Ces enfants trouvés étaient ensuite adoptés et éduqués selon l’enseignement du Seigneur.
À Corinthe, les chrétiens ont offert charité, miséricorde et refuge aux prostituées du temple qui étaient tombées enceintes; là encore, ils agissaient à contre-courant des attentes de la communauté. Ces femmes méprisées et exploitées ont été accueillies dans des foyers où elles ont pu accoucher en toute sécurité et prendre un nouveau départ dans la vie.
À Poitiers, les chrétiens s’occupent des pauvres, des malades et des infirmes dans des cliniques et des auberges. L’Église a sacrifié sa paix personnelle et son aisance en protégeant et en prenant en charge ces âmes indésirables et dépossédées, sans parti pris.
Il est clair que les chrétiens n’étaient pas simplement opposés à la mise à mort des enfants. Ils étaient pour la vie. Partout où l’Évangile était diffusé, les croyants mettaient l’accent sur la priorité des bonnes œuvres, en particulier des œuvres de compassion envers les nécessiteux. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, des hôpitaux ont été fondés, des orphelinats ont été établis, des missions de sauvetage ont été lancées, des hospices ont été construits, des soupes populaires ont été créées, des refuges ont été dotés, des sociétés caritatives ont été constituées et des organismes de secours ont été mis en place. Les affamés ont été nourris, les nus habillés, les sans-abri hébergés, les malades soignés, les personnes âgées honorées, les enfants à naître protégés et les handicapés choyés. »

Dans le monde occidental et au-delà, les premiers chrétiens ont introduit des concepts qui étaient alors fondamentalement étrangers. Les pratiques de mise à mort des enfants étaient si courantes que même la fable de la fondation de Rome parlait de deux enfants, Romulus et Rémus, laissés à l’abandon. Puis, ces pratiques ont soudainement et fermement été rejetées et combattues. L’Église chrétienne primitive ne s’est pas contentée de débattre de la question des meurtres d’enfants. Elle a interagi avec la culture et l’a transformée. Pendant des siècles, et jusqu’au Moyen-Âge, les chrétiens ont combattu la culture de la mort partout où elle apparaissait, refusant de la laisser s’enraciner et la combattant partout où elle apparaissait.

Puis vint la Renaissance, décrite par la plupart des historiens comme l’ère qui a fait le pont entre la période médiévale et l’ère moderne. S’étendant du 14e siècle au 17e siècle, les gens pensent instinctivement à cette période comme à une époque remplie d’art magnifique, de musique merveilleuse et de grands pas en avant dans les domaines de la science et de la technologie. C’est bien sûr vrai. Mais la Renaissance n’est pas seulement un grand bond en avant. Elle a aussi été, à bien des égards, un grand bond en arrière. Les classes dirigeantes, note Grant, étaient fascinées par le passé païen de l’Occident. Augustin et Ambroise étaient oubliés au profit d’Aristote et de Platon. Le retour aux philosophes païens s’accompagnait d’un retour aux idées païennes :

« [Les classes dirigeantes] ont commencé à exalter leurs valeurs préchrétiennes, y compris les valeurs de l’avortement, de l’infanticide, de l’abandon et de l’exhibition. Un retour complet s’est opéré. Pratiquement toutes les grandes avancées de l’ère médiévale ont été perdues en l’espace de quelques décennies. Au milieu de cette époque, un enfant sur trois était tué ou exposé dans les villes françaises, italiennes et espagnoles. À Toulouse, le taux d’abandon connu en pourcentage du nombre de naissances enregistrées a varié d’une moyenne approximative de 10 % au début de l’époque à une moyenne d’environ 17 % à la fin, les dernières décennies étant systématiquement supérieures à 20 % et dépassant souvent 25 % pour l’ensemble de la population de la ville.
Dans les quartiers les plus pauvres de la ville, le taux a pu atteindre jusqu’à 40 %. À Lyon, avant la Révolution française, le nombre d’enfants rejetés et non désirés représentait environ un tiers du nombre de naissances. Au cours de la même période, à Paris, les enfants connus pour avoir été abandonnés représentaient entre 20 et 30 % de toutes les naissances enregistrées. À Florence, le taux varie entre 14 % et 45 % de l’ensemble des naissances. À Milan, le début de cette période a été marqué par un taux de 16 %. À la fin de la période, le pourcentage était passé à environ 25 %. À Madrid, les chiffres varient entre 14 et 26 %, tandis qu’à Londres, ils se situent entre 11 et 22 %. Des preuves fragmentaires suggèrent des taux comparables dans le reste de l’Europe, partout où le paganisme ressuscité était prôné. »

Et à nouveau, pour la deuxième fois depuis la crucifixion du Christ, des chrétiens se sont levés pour combattre des idéologies brutales par amour et par compassion. Une fois encore, ils ne se sont pas contentés de défendre une croyance théologique, ils se sont engagés dans une action salvatrice. Andrew Geddes, converti par la prédication de l’Écossais John Knox, s’est efforcé de retrouver et d’aider les enfants abandonnés. Nicholas Ferrar, un puritain anglais, a abandonné une carrière politique à Londres en 1625 pour, entre autres, aider des garçons orphelins qui n’avaient nulle part où aller. Leurs noms sont nombreux et les vies qu’ils ont sauvées innombrables : Thomas de Villaneuva, Louise de Marillac, Otto Blumhardt, John Eudes, sans oublier des titans comme William Wilberforce, Thomas Clarkson ou Granville Sharp.

Il est très important de noter ici que ceux qui accordent de l’importance à la vie des enfants à naître ont toujours accordé de l’importance à la vie de tous. Les partisans de l’avortement aiment raconter des mensonges paresseux sur le mouvement pro-vie : « Ils ne se préoccupent que de la vie humaine avant la naissance, pas après », aiment-ils à dire1. Mais cela n’a jamais été vrai. Les chrétiens ont créé des orphelinats, fermé des centres d’avortement, lutté contre l’esclavage, aboli l’infanticide et créé des centres de grossesse d’urgence. Partout où des êtres humains créés à l’image de Dieu ont été menacés, ce sont les Églises qui, les premières, ont réagi avec compassion et assistance. Comme l’a dit un jour le prédicateur Charles Haddon Spurgeon, « Le Dieu qui répond par des orphelinats, qu’il soit Seigneur! »

Il en va de même pour le mouvement pro-vie d’aujourd’hui. Même si les défenseurs de l’avortement aimeraient prétendre que ceux qui se battent pour dénoncer l’industrie de l’avortement et aider les femmes en crise ne se soucient que des enfants dans le ventre de leur mère, les faits montrent que rien n’est plus faux. Rien qu’aux États-Unis, il existe plus de 2300 centres de ressources pour la grossesse qui accueillent près de deux millions de femmes chaque année. Selon le Witherspoon Institute :

« Nombre d’entre elles séjournent dans l’un des 350 centres d’hébergement pour femmes et enfants gérés par des groupes pro-vie. Rien qu’à New York, vingt-deux centres accueillent 12 000 femmes par an. Ces centres offrent des services tels que des soins prénataux, des tests de dépistage des infections transmissibles sexuellement, des traitements des infections transmissibles sexuellement, des échographies, des cours d’accouchement, un accompagnement du travail, des services de sage-femme, des conseils en matière d’allaitement et de nutrition, des services sociaux, une éducation à l’abstinence, des cours de parentalité, une assistance matérielle et des conseils après l’avortement. »

C’est sans parler de l’énorme quantité d’activités caritatives et d’aide financière fournies par les Églises et les groupes religieux, qui éclipsent les contributions des groupes qui se consacrent à l’avortement légal. L’engagement historique des chrétiens en faveur du bien-être et de la dignité de tous les êtres humains — qui remonte à 2000 ans — se poursuit.

Les pro-vie qui cherchent à comprendre la nature de l’injustice qu’ils combattent et l’histoire du mouvement dont ils font partie devraient lire Marvin Olasky et Daniel Williams, et ils devraient également lire George Grant. Nous faisons partie d’un mouvement dont les origines sont sacrées et dont l’histoire est magnifique, et nous marchons sur les traces de géants.

Note