Cet article sur 1 Corinthiens 13 a pour sujet l'amour qui est une exigence très élevée, dont Dieu seul en Jésus-Christ est la source, transformant nos êtres tout entiers et nos rapports avec notre prochain.

Source: La foi et l'espérance et l'amour. 4 pages.

1 Corinthiens 13 - L'amour selon Dieu

« Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas l’amour, je suis du bronze qui résonne ou une cymbale qui retentit. Et quand j’aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand j’aurais même toute la foi jusqu’à transporter des montagnes, si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais même mon corps pour être brûlé, si je n’ai pas l’amour, cela ne me sert de rien. L’amour est patient, l’amour est serviable, il n’est pas envieux; l’amour ne se vante pas, il ne s’enfle pas d’orgueil, il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il ne soupçonne pas le mal, il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il se réjouit de la vérité; il pardonne tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout. L’amour ne succombe jamais. Que ce soient les prophéties, elles seront abolies; les langues, elles cesseront; la connaissance, elle sera abolie. Car c’est partiellement que nous connaissons, c’est partiellement que nous prophétisons; mais quand ce qui est parfait sera venu, ce qui est partiel sera aboli. Lorsque j’étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant; lorsque je suis devenu homme, j’ai aboli ce qui était de l’enfant. Aujourd’hui, nous voyons au moyen d’un miroir, d’une manière confuse, mais alors nous verrons face à face; aujourd’hui, je connais partiellement, mais alors je connaîtrai comme j’ai été connu. Maintenant donc ces trois choses demeurent : la foi, l’espérance, l’amour; mais la plus grande, c’est l’amour. »

1 Corinthiens 13

Dans son film À travers le miroir, Ingmar Bergman, le célèbre metteur en scène suédois, fait allusion au texte de l’apôtre Paul dans l’épître aux Corinthiens. Il se passe un dialogue entre le père et son fils dans lequel Bergman affirme que l’amour, même le plus pauvre, est le gage de Dieu. Minus, adolescent désemparé par la folie de sa sœur Karin, qui était pour lui l’image de la féminité, s’en ouvre à son père David. Jusqu’à présent, celui-ci était pour lui un étranger, et le garçon désespérait de compter vraiment à ses yeux. Mais pour une fois, un vrai dialogue s’engage. Minus commence ainsi : « Papa, j’ai peur. »

David, touche la main de Minus et ils se mettent à suivre la plage. Ils ont sans arrêt la lumière crue du soleil. Ils vont silencieux, l’un à côté de l’autre.

Minus : « Je ne peux pas vivre dans ce nouvel état papa. »

David : « Si, tu peux, mais il faut que tu aies quelque chose à quoi tu puisses te raccrocher. »

Minus : « Qu’est-ce que cela pourrait être, un Dieu, un Dieu-araignée comme celui de Karin, ou un potentat invisible, quelque part dans les ténèbres? Non, ça ne marche pas. »

Silence…

Mimus : « Non, papa, ça ne marche pas. Dieu n’existe pas dans mon monde. »

Nouveau silence…

Minus, plein de remords : « Donne-moi une preuve de l’existence de Dieu. »

Encore, silence…

Minus : « Mais tu ne peux pas! »

David : « Si, je peux; mais il faut que tu écoutes bien ce que je veux te dire. »

Minus : « J’ai besoin d’écouter Papa. »

David : « Il est écrit que Dieu est amour. »

Minus : « Pour moi, ce ne sont que des mots et non-sens. »

David : « Attends un peu et ne m’interromps pas, je vais te donner l’idée de mon propre espoir. »

Minus : « Est-ce l’amour de Dieu? »

David : « C’est de savoir que l’amour existe en tant que réalité dans le monde des humains. »

Minus : « Et naturellement, c’est une sorte spéciale d’amour dont il est question. »

David : « Toutes les sortes d’amour, le plus haut et le plus bas, le plus pauvre et le plus riche, le plus ridicule et le plus beau, celui qui est forcené et celui qui est maladif, toutes sortes d’amour. »

Minus : « Ainsi, l’amour serait cette preuve? »

David : « Mon vide se transforme en richesse et le désespoir se transforme en vie. Et c’est comme une grâce, c’est comme être gracié de la peine de mort! »

Cette grâce et ses résultats, voilà le thème de la plus belle page de l’apôtre Paul. Son style lyrique, la beauté des images, la chaleur de l’émotion font de ce chapitre un admirable morceau de littérature.

« Le cantique des cantiques de la charité », a-t-on dit à son sujet. Et pourtant, nous en conviendrons tous, l’apôtre ne fait pas ici l’art pour l’art, pour nous présenter un exquis hors-d’œuvre littéraire.

Ce texte fait partie d’un combat journalier dans lequel il est engagé et vers lequel il veut entraîner ses lecteurs et ses auditeurs. Mais quel est le lecteur de cette page qui, devant l’exigence fondamentale d’aimer d’une manière totale, n’hésiterait pas longtemps avant de s’y aventurer? Comment ne pas en être découragé? Il en serait ainsi s’il n’était question que d’une description sublime et de flots d’éloquence seulement. Or, il s’agit plutôt d’une source d’amour dont l’origine se trouve en Dieu. De cet amour même de Dieu dont nous avons la preuve dans notre vie, par l’intervention de l’enfant de Bethléem, l’homme de douleur du Calvaire, en la figure du Ressuscité du matin de Pâques.

Amour de Dieu, déployé dans la vie totalement livrée, vécue parmi les hommes. Amour qui suscite en ceux sur qui il rejaillit, non pas des intentions velléitaires, mais des actes concrets. Nous n’aurions rien compris à l’amour chanté par l’apôtre si, derrière cette page, nous n’apercevions pas dans toute sa réalité terrestre la figure même ainsi que l’œuvre du Fils de Dieu.

Aussi, en lisant les caractéristiques de cet amour, nous est-il facile d’évoquer la patience et la bonté, la douceur et la bienveillance de Jésus de Nazareth.

Ses actes furent dépourvus de toute envie et de tout orgueil, de tout intérêt et de tout calcul égocentrique. Il a incarné à chaque pas la grande aventure de l’amour de Dieu. Son dessein engloba tout homme pour le sauver de sa folie. Sa patience ne renonça pas à attendre le retour du fils prodigue, ses bras larges ouverts accueillirent celui qui, repentant de ses égarements, s’en retournait au foyer paternel.

Dieu est amour. « Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour », déclare de son côté l’apôtre Jean (1 Jn 4.8).

À la fin de la séquence du film de Bergman, Minus chuchotait tout bas : « Papa m’a parlé. » C’est là notre propre image d’enfant désemparé par tant d’absurdité et de fatalité, mais soudain, nous découvrons que Dieu nous a parlé. Il l’a fait afin d’instaurer entre lui et nous une communion nouvelle, d’établir une communication empreinte de bonté, pour nous permettre de le rencontrer, mais aussi afin d’aller au-devant de l’autre, du prochain et d’entamer avec lui une relation fraternelle.

Lorsque le pont est jeté entre nous et Dieu, alors l’amour se traduit dans la vie de tous les jours. Il donne une orientation nouvelle à toute notre existence. Il modifie notre comportement; l’amour de Dieu nous ayant enveloppé et nous ayant transformés, tend alors de nous dépasser pour aller à travers nous, vers l’autre. Il est alors mouvement et action, dynamisme et puissance de vie. Il est source de libre générosité.

Notre amour est donc la réponse à l’amour que Dieu a pour nous. Toutes les autres qualités, dont serait enrichie notre vie, ne sauraient être employées à bon escient. Elles corrompraient vite nos relations avec les hommes, si l’amour ne les pénétrait pas afin de les transformer. Seul l’amour peut transformer en service pour les autres les dons que nous avons reçus de Dieu.

Sans l’amour, celui qui se croit riche demeure en réalité pauvre. Peut-on sacrifier sa vie par esprit d’ostentation? Et pourtant, les ruses du cœur sont insondables. Les plus grands sacrifices peuvent inspirer de la satisfaction. Le mot même de charité a fini pour devenir équivoque, avec un arrière-goût de paternalisme. Être charitable, c’est de faire l’aumône. Or, l’amour qu’inspire Dieu, et dont il veut nous investir, est plus large. Sans lui, même les transports pieux ne sont que tapage et de l’agitation. Le christianisme peut tourner à la poésie, à la sentimentalité et au beau parler. Ou bien être l’occasion d’accomplir bruyamment des performances religieuses.

Au nom même de la foi, nous sommes tentés de nous entraîner sur des hauteurs et de nous y installer, de nous complaire dans la contemplation, de nous élever dans des sphères de la spéculation, alors que l’amour doit nous faire descendre, nous faire venir à la rencontre du prochain, pour répondre à ses besoins. Aucune mystique sans amour ne pourrait édifier le chrétien. Le martyre lui aussi risque de rester un acte ambigu, car dans toutes les religions, et même dans le domaine politique, on trouve des hommes qui sont prêts par héroïsme ou fanatisme à donner leur vie pour une idée.

Mais sans l’amour, le martyre non plus n’est pas un acte chrétien. L’apôtre distingue les aspects négatifs et les aspects positifs de l’amour qu’il exalte. L’amour, dit-il, est non envieux, point jaloux, ne connaît pas de mesquinerie. Il n’est pas source d’amertume, de rancœurs, de division, de querelles, mais il est le ciment de la vie communautaire. Il ne cède pas au ressentiment ni à la vengeance, il est le contraire même de l’égoïsme, cette sorte d’amour paresseux pour soi. Il évite le bavardage, la vantardise, toute ostentation. Sa discrétion et son humilité provoquent la confiance. Tandis que la suffisance rebute et éloigne les autres.

L’amour ne revendique pas âprement ce qui lui revient. La susceptibilité et la colère entraînent des querelles. L’amour ne fait pas entrer le mal dans ses calculs ou ses projets, il ne tient pas compte du mal subit. Il oublie volontairement, ce qui permet la reprise des bons rapports après un différend. L’amour n’est pas aveugle, il n’efface pas les limites entre ce qui est juste et injuste. Mais il pardonne la faute. Il ne l’étale pas en public. Il juge avec simplicité et humanité, sans parti pris de méfiance. Il ne nourrit pas d’optimisme béat, mais l’amour est lié à l’espérance en Dieu.

L’amour ne confond point la franchise avec le cynisme, la liberté de la parole avec le goût du scandale et le refus de toute bienséance. Positivement, il est désintéressé. Il n’attend pas à recevoir avidement pour donner, il est attentif au mal qui atteint le prochain. Tout mal qui atteint les hommes atteint celui qui aime. L’amour aborde les hommes, non pas en juge, mais en ami et en frère.

Ainsi, l’amour est chasseur du mal et conquérant du bien. Il opère vraiment une révolution. Il fait tourner le monde à l’envers. Il met sens dessus dessous. Éternellement jeune, plein de sève, il ne connaîtra pas de flétrissure ni de dépérissement.

La foi, l’espérance, l’amour restent l’Évangile que nous avons à connaître, à recevoir et à pratiquer. Ce sont là trois critères de notre vie chrétienne. Ils sont la manifestation principale de l’Esprit de Dieu.

Mais la foi et l’espérance ne seront pas toujours nécessaires. Dans la Royaume de Dieu, nous n’en aurons plus besoin. Seul l’amour l’emportera sur elles, il le fait dès à présent, il en est déjà leur aboutissement.