Cet article sur 1 Corinthiens 15.57 a pour sujet la victoire du Christ par sa résurrection qui est la victoire décisive sur le péché, sur la mort et sur le monde nous procurant une espérance certaine dès maintenant et pour l'éternité.

Source: Méditations sur les fêtes chrétiennes. 6 pages.

1 Corinthiens 15 - La victoire de Pâques Message de Pâques

« Mais grâces soient rendues à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ! »

1 Corinthiens 15.57

Il n’est pas rare que même des chrétiens, membres d’Église, célébrant régulièrement Pâques, se posent des questions troublantes au sujet de la résurrection du Christ. En dépit de leur joie de la célébrer, ils se trouvent dans la perplexité. Certes, la foi compte beaucoup pour eux, mais elle semble obscurcie par un nuage, et leur joie mêlée d’hésitation…

Bien sûr, croire en la résurrection du Christ n’est pas l’équivalent de la foi du charbonnier, car dans ce cas elle ne serait pas une foi combattante, qui défend son objet lorsqu’il est agressé, qui cherche une plus grande certitude, plus de clarté, une foi qui sait raisonner… Ainsi, par moments, une question troublante vient se poser à leur esprit : Peut-on accepter la réalité de la résurrection du Christ telle qu’elle nous est rapportée dans le Nouveau Testament?

Les croyants de l’Église de Corinthe, ces « saints et rachetés du Christ », à qui l’apôtre Paul adressait ce chapitre sur la résurrection (1 Co 15), se posaient la même question; comment expliquer un événement de cette nature? Est-il possible qu’un homme mort, et bien mort, revienne à la vie après avoir été enseveli, après que la porte de son sépulcre eut été solidement scellée?

Mon ministère de prédicateur à la radio m’apporte ce genre d’interrogations et de perplexités de la part de mes correspondants, parfois même de la part de ceux qui confessent le Christ comme leur Maître. J’ai offert souvent des explications de la résurrection du Christ, cherchant à persuader que, historiquement parlant, l’événement est crédible, qu’il s’est déroulé comme le décrivent les évangélistes. Je n’hésiterai pas à témoigner toujours et à nouveau que nous avons de solides fondements pour croire et confesser avec l’Église universelle la résurrection corporelle du Christ Fils de Dieu, notre Sauveur.

Mon approche empruntera aujourd’hui une autre voie, tout en admettant que mes arguments ne convaincront pas nécessairement tout le monde ni ne répondront à toutes les interrogations. Mais je ne veux pas m’en occuper cette fois-ci, tout en respectant ceux qui les posent. Au lieu de discuter et de prouver, j’aimerais écouter à nouveau cette exubérante exclamation de saint Paul, après qu’il eut pris le soin d’expliquer en détail le comment de la résurrection. Il me semble que l’essentiel de la foi en celle-ci se trouve justement en ce pourquoi. Car l’Évangile ne communique pas simplement des faits d’une manière plus ou moins anecdotique, mais il interprète aussi les événements, en dégage le sens et en fait pour notre foi un événement rédempteur. Le pourquoi de la résurrection reçoit clairement son explication dans ce célèbre passage de l’apôtre Paul. En le lisant et en le méditant, je puis participer à mon tour à l’immense action de grâces et jubiler : « Grâces soient rendues à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ. »

L’apôtre Paul, comme d’ailleurs tout le Nouveau Testament, est animé d’une radieuse, d’une exaltante conviction : en Christ, Dieu nous accorde la victoire. Il ne dit pas simplement que Jésus est ressuscité, mais que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts.

Jésus avait vécu sa passion aux longues heures chargées d’une angoisse et d’une souffrance indicibles… À l’agonie de Gethsémané avaient succédé la montée du Calvaire, la crucifixion et la descente aux enfers; Dieu l’avait livré à la vindicte haineuse de ses adversaires, mais il ne l’abandonne pas aux griffes de la mort et le délivre du grand adversaire; il l’arrache aux griffes de l’ennemi, le délivre des affres de l’enfer et lui donne la victoire.

Aussi, à cause de lui et en même temps qu’à lui, il nous donne à présent, à nous aussi, la victoire, comme l’écrivait saint Pierre : « afin que votre foi et votre espérance soient en Dieu » (1 Pi 1.21); afin que désormais, à chaque Pâque et à chaque jour après Pâque, nous puissions rendre des actions de grâces en célébrant la puissance et l’amour de Dieu le Père, notre Sauveur.

Cette victoire est remportée sur le grand adversaire et sur chaque adversaire de la foi. Saint Paul a développé cette idée dans ce merveilleux chapitre, qui est un sommet de l’Évangile, tellement rassurant pour notre faible foi… Pour saint Paul, la victoire de Dieu en Christ a été remportée sur une échelle non seulement mondiale, mais encore cosmique; sur un champ de bataille qui dépasse notre horizon et qui englobe tout ce qui existe, le monde visible et le monde invisible, le ciel, la terre et l’espace infini…

Tout ce qui dans la bonne et parfaite création de Dieu avait été spolié, perverti, abîmé, gâché; tout ce qui est le fruit de la chute et le résultat des œuvres rebelles; toutes les forces hostiles qui s’acharnent contre nous, les légions de démons, les hordes des iniques, le pouvoir infernal du Malin, le mal et la mort…; tout ceci a été écrasé, brisé, englouti par la victoire du Christ remportée lors de cet événement inouï, que nos esprits limités ont tellement de la peine à saisir et que notre faible foi ne parvient pas à expliquer.

Ce matin-là, de bonne heure, dans une tombe palestinienne, tandis que les bandelettes entourant le corps du Crucifié sont mises de côté, que le supplicié de l’avant-veille sort vivant du sépulcre et que la lourde pierre fermant la tombe est roulée sans le secours d’une main humaine, Dieu accorde à son Christ, et par son intermédiaire à l’humanité et à son univers tout entier, la victoire décisive, l’unique qui compte pour chacun d’entre nous, dès maintenant et pour l’éternité.

En quoi la victoire cosmique de Dieu me concerne-t-elle? dira le lecteur désabusé; je reste avec mes soucis, la détresse s’abat sur moi lorsque je m’y attends le moins, je suis harcelé par mes problèmes et accablé de peines quotidiennes qui m’épuisent…

Par ailleurs, l’homme se voulant moderne haussera les épaules et fera remarquer qu’à une époque où l’on voyage dans l’espace sidéral vers étoiles et planètes, où les prouesses de la technique lui causent du vertige, le langage de saint Paul et la foi de l’Église en la résurrection font partie des croyances périmées. Cela peut encore faire le charme des histoires pour enfants ou faire partie des accessoires culturels hérités du passé, qui ornent le musée religieux de l’humanité… Mais quel effet cela pourrait-il avoir sur l’esprit moderne? Pour la plupart de nos contemporains, les hordes de démons et les légions d’esprits méchants à combattre sont les microbes et autres vilains virus. C’est contre eux qu’il faut livrer bataille! Ses ennemis s’appellent cancer, infarctus, SIDA et autres, ou encore les escrocs de l’économie moderne ou les charlatans de la politique politicienne…

Pourtant, la victoire de Dieu sur l’ennemi, sur les ennemis, nous est communiquée en ces termes-là, ceux de saint Paul et de saint Pierre, et cela est plus vrai et plus important que le langage sophistiqué et les idées en vogue. Or, nous ne saurions absolument rien ni de la victoire de Dieu ni de Dieu lui-même, sans le témoignage parlé, puis écrit, de ces disciples, de ces femmes et de ces hommes, premiers témoins du Ressuscité.

Les paroles des écrivains bibliques, les mots qu’ils ont choisis, les phrases qu’ils ont formées, les expressions qu’ils ont utilisées, leur style et surtout leur conviction sont les canaux, les véhicules à travers lesquels la victoire de Dieu nous est communiquée. Ôtez ces termes, effacez ces expressions, et il ne nous restera aucun moyen de connaître ni de saisir la victoire du Christ, ni le Christ lui-même, ni Dieu, ni même la foi en lui. C’est à cause de ces pages que nous croyons, que nous confessons notre foi et que nous exprimons notre joie.

Il y a eu victoire et elle a été remportée sur le péché. Mais que peut bien dire ce mot à des oreilles modernes? Nos contemporains sont habitués d’entendre des mots tels qu’aliénation, crise, inhibition, refoulement, système de valeurs…, mais péché? On a perdu de vue jusqu’à la couleur de ce terme! Un cliché éculé, voilà ce que c’est, dira l’esprit fort, et rien de plus. Pour la psychologie, en tout cas pour une certaine psychologie, le péché c’est de ne pas savoir se pardonner soi-même.

La psychologie affirme — et nous croyons qu’en cela elle ne se trompe pas — que, exceptions mises à part, derrière un grand nombre de dépressions et de maladies de l’esprit, se cache un lourd sentiment de culpabilité; sentiment refoulé qui, surgissant brusquement et avec virulence des profondeurs où il s’était tapi, exerce des ravages terribles sur la vie consciente.

Et les écoles de psychologie, qui se succèdent les unes aux autres, se trouvant souvent en compétition entre elles et même en farouche rivalité, cherchant à guérir l’homme de ce sentiment destructeur, ne réussissent pas. En effet, malgré tant de discours, cette psychologie, devenue à bien des égards le nouvel opium du peuple, n’a pas encore réussi à guérir personne en le délivrant de la faute, car elle ignore la véritable nature de celle-ci et l’identité de la personne contre laquelle la faute a été commise en tout premier lieu. Quelle est alors la situation véritable?

Car, voyez-vous, aussi étrange que cela puisse sonner aux oreilles de nos contemporains, sentiment de culpabilité et conscience du péché ne sont pas semblables. Le péché dont parle la Bible est une réalité bien plus grave et tragique, car il est en rapport avec Dieu, il est cette rébellion contre sa sainteté, ce manquement coupable vis-à-vis du but qu’il nous a assigné, cette hostilité qui mérite la condamnation et la mort.

Mon ami le professeur Jean Brun a une manière originale de la décrire : Il oppose la situation de l’homme, situation extérieure, à sa condition en face de Dieu, condition fondamentale, morale et religieuse.

Car le vrai problème réside sur ce point précis. Nombre de nos contemporains seront choqués d’entendre qu’ils sont pécheurs. Même dans notre société actuelle nous côtoyons encore des gens intègres et vertueux, d’une moralité de haut niveau, qui ont conservé la notion des valeurs morales et d’une certaine spiritualité. Croyant ne pas avoir besoin de Dieu, ils se fabriquent « une religion sans Dieu »… Mais malgré leur sens de responsabilité morale, ils ne savent pas comment traiter leurs échecs, leurs faillites, leurs défaites… Albert Camus, dans La Chute, nous en a donné une célèbre illustration avec le personnage unique de son roman, Jean-Baptiste Clamance. Cette chute, on ne sait pas à qui l’attribuer, quelle en est la cause, la raison… J.B.C. souffrira du sentiment de sa culpabilité, aspirera à s’en délivrer de toutes ses forces, mais se verra acculé à l’impossible, sans la moindre issue de secours…

C’est à ces hommes et à ces femmes-là qu’est annoncée la victoire de Dieu par la résurrection du Christ. Il leur faut le Dieu Libérateur de Jésus-Christ, celui qui éveille en eux le vrai sens de culpabilité et leur annonce également le pardon des offenses. Alors, leur aveu tragique et impuissant de la faute sera changé en confession sincère et repentante de leur péché. Au lieu de quêter une cure hypothétique et aléatoire par la psychanalyse, ils imploreront la grâce du Seigneur. La victoire de Dieu en Christ est une victoire sur notre péché. Le pardon offert est lié à sa mort et à sa résurrection. Dieu nous invite à la repentance, car nos cœurs rebelles n’avoueraient ni faute ni péché, mais dans sa grâce il nous pardonne et nous ressuscite aussi avec lui.

Nous ayant conduits à la mort et à la crucifixion avec le Christ, il nous ressuscite aussi en lui pour une vie nouvelle. Nos efforts, notre morale, toute la somme de nos bonnes et louables actions, ne peuvent nous offrir la moindre possibilité de salut. Mais Dieu entreprend de nous sauver, et il remporte la victoire.

C’est également sa victoire sur notre mort, la mort avec son visage hideux, repoussant, inadmissible. L’Évangile ne la prend pas à la légère, ne la qualifie pas de « douce amie »; bien au contraire, il la traite de notre « dernière ennemie ». Rien que d’y penser elle nous donne des sueurs froides. Et si nous avons assisté à la mort d’un être cher, nous savons à quel point nous restons démunis devant elle.

C’est en vain qu’aussi bien les vieilles religions que les croyances et philosophies modernes cherchent un substitut à la résurrection. Elles ont inventé des succédanés trompeurs, parlé de réincarnation, de transmigration, de métempsycose, et même « d’immortalité de l’âme »… Mais il ne suffit pas de penser que l’âme serait immortelle. Il nous faut une autre assurance, celle d’une réelle victoire sur la mort.

Et voici que j’entends Jésus me parler du Dieu non pas des morts, des âmes désincarnées, mais du Dieu des vivants; le Christ n’a pas parlé d’immortalité, mais il a annoncé et promis la vie éternelle; et celle-ci est le don de sa victoire sur la mort, notre dernière ennemie. C’est pourquoi son disciple pouvait écrire : « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ qui, selon sa grande miséricorde, nous a régénérés, par la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts, pour une espérance vivante » (1 Pi 1.3). Et encore : « Or celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus nous ressuscitera aussi avec Jésus » (2 Co 4.14).

Enfin, Dieu a remporté la victoire sur le monde.

La vie de nos contemporains, comme celle d’autres générations avant nous, semble toujours entourée, je devrais dire frappée par l’absurde. Dans l’antiquité, l’existence se déroulait sous la chape implacable, inexorable, de la tragédie; elle était écrasée par le pouvoir de forces obscures et incontrôlables. Il y a trente ou quarante ans encore, l’existentialisme était également obsédé par l’absurde. Il en a parlé avec des accents pathétiques. Actuellement, dans la société occidentale au moins, on s’interroge sur le sens de l’histoire. Qu’est-ce que l’histoire, le temps?

C’est au sein d’une situation de désespoir planétaire que le Christ nous fait entendre la trompette de la victoire décisive : « J’ai vaincu le monde » (Jn 16.33). Le Royaume de Dieu est proche, il est au milieu de nous, l’avenir glorieux s’avance vers nous à pas de géant. Le Christ est véritablement l’espérance du monde, la Lumière des hommes, le Sauveur des siens, le Seigneur universel. À cet effet, Dieu l’a ressuscité des morts.

Il mène toutes choses de manière ordonnée, il fait reculer le chaos. Il avance dans un crescendo majestueux; il est sur le point d’achever son grand œuvre… L’univers tout entier est précipité vers le dénouement final, et cette fin ne sera pas catastrophe, déflagration définitive, mais renouveau de toutes choses, restauration totale, réalisation des desseins éternels de Dieu pour le cosmos, pour l’Église et pour notre vie fragile et mortelle… Il nous a élus non pas pour l’absurde et pour la tragédie, mais pour son règne éternel.

En une époque de conflits, de tensions, de rivalités et de collusions comme la nôtre, nous risquons d’abandonner tout espoir. Or nous n’avons aucune raison de le faire, car en Christ sont récapitulées toutes choses. En lui, Dieu a remporté la victoire et nous fait participer à sa gloire. Ne perdons donc pas courage!

Alors nous pourrons, du fond du cœur et avec une joie profonde, sereine, exultante, nous dire les uns aux autres : Joyeuses Pâques, le Seigneur est vraiment ressuscité!