Cet article sur 1 Jean 1.8-9 a pour sujet la confession des péchés à Dieu qui nous appelle à la repentance et promet son pardon. Notre assurance n'est pas dans nos oeuvres, ni nos sentiments, ni la profondeur de notre repentance.

Source: La certitude de la vie éternelle - Méditations sur les épîtres de Jean. 5 pages.

1 Jean 1 - La confession des péchés

« Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous. Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et pour nous purifier de toute injustice. »

1 Jean 1.8-9

L’apôtre saint Jean, par ces mots, nous rappelle avec une des plus belles prières de la liturgie réformée que nous sommes « nés dans la corruption, enclins au mal, incapables par nous-mêmes de faire le bien, et que nous transgressons tous les jours et de plusieurs manières les saints commandements de Dieu ».

Socrate, le sage de l’antiquité grecque, disait que le but de la vie est de se connaître soi-même. La Parole de Dieu nous place devant une exigence semblable : pour elle aussi, le but de la vie est la connaissance de soi. Mais elle entend cette science en un tout autre sens, puisqu’elle la lie indissolublement à la connaissance de Dieu dont elle dépend. Nous devons apprendre à distinguer la lumière des ténèbres, à rendre gloire à celui « auquel seul appartient la gloire », à limiter notre espérance à l’attente de sa part d’un geste immérité de secours et de pardon. Nous devons arriver à comprendre, comme le fit l’enfant prodigue, que Dieu notre Père a raison en toutes choses et que nos torts à son égard sont la source de notre misère. « À toi la gloire, à nous la confusion »; la vie la plus pauvre, la plus banale, de laquelle jaillit ce cri, n’est pas une vie inutile.

Dès le temps de Moïse et des prophètes, les livres saints font entendre l’appel à la repentance, à l’aveu que Dieu seul a raison, que tous les torts sont à notre charge. Dans tous les cultes qui s’inspirent de leur message, la confession des péchés a une place d’honneur. Un des actes principaux du culte lévitique est le sacrifice d’un bouc : les mains posées sur lui, le souverain sacrificateur confesse « toutes les fautes des Israélites et tous leurs crimes avec tous leurs péchés » (Lv 16.21). Dans les écrits des prophètes et dans les Psaumes résonne bien souvent l’angoisse profonde éprouvée par quiconque rencontre Dieu. David a gémi : « Ô Dieu, fais-moi grâce selon ta bienveillance » (Ps 51.3). Aussi, quand Jésus veut nous montrer le type du vrai croyant choisit-il le péager qui, courbé jusqu’à terre, se frappe la poitrine en disant : « Sois apaisé envers moi, pécheur » (Lc 18.13).

Toute l’Écriture demande donc une confession pleine et entière de nos fautes à Dieu. L’apôtre Jean résume les multiples exhortations bibliques en ces termes : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes » (1 Jn 1.8). Repousser un tel aveu lui paraît une folie. Reconnaître ses fautes, c’est accepter par avance une condamnation méritée. La crainte de la punition nous suggère souvent de vains efforts de justification. Nous craignons la nécessité de réformer ce que nous savons être vicieux. Nous repoussons la vérité parce qu’elle nous condamne et nous croyons ainsi échapper à ce qui est inéluctable. Comme si refuser de voir le soleil supprimait la clarté! Nous ne réussissons, en fait, qu’à entraver les efforts de celui qui veut nous secourir. Un commerçant en faillite, qui ne dépose pas son bilan, mais le falsifie et croit ainsi échapper à ses créanciers, empêche toute tentative de leur part de sauver son entreprise. Il s’imagine améliorer son cas, il l’aggrave. Agir de même envers Dieu, n’est-ce pas se tromper soi-même?

Dieu nous annonce dans l’Évangile la remise de notre dette, mais pour saisir cette promesse, nous devons avouer nos fautes. Alors seulement peut retentir dans notre cœur la parole libératrice du Sauveur : « Prends courage, mon enfant, tes péchés te sont pardonnés! » (Mt 9.2). Quand une mère voit son enfant longtemps résistant et fermé éclater en pleurs et lui demander pardon, elle peut, enfin, lui faire comprendre qu’elle n’est pas irritée contre lui. Elle le lui avait peut-être déjà dit; il ne l’avait pas écoutée. De quoi sert un pardon que personne ne réclame? Quel sens peut-il avoir? L’enfant qui prétend sans cesse avoir raison annule à son égard la bonne volonté de ses parents. En se raidissant, il les oblige à se raidir. Au désir de pardonner, il fait succéder sans s’en douter l’obligation de punir.

L’apôtre affirme : « Si nous confessons nos péchés [Dieu] est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute injustice » (1 Jn 1.9). Dieu fait toujours le geste de réconciliation. Rien ne l’y oblige; il lui plaît d’agir ainsi. L’apôtre parle de ce qu’il a connu et vu, de l’Évangile, de la Bonne Nouvelle. Il s’est souvent désaltéré à cette source de vie; il veut nous y conduire, car il sait que la connaissance de la miséricorde divine est l’unique consolation. Se souvenant d’une parole de Jésus : « Tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel » (Mt 18.18), il promet le pardon à tous ceux qui se repentent de leurs fautes. Il veut être pour eux l’écho de la Parole prononcée par Dieu de toute éternité et manifestée en Jésus-Christ. Il la répète afin qu’ils l’entendent, qu’ils croient et qu’ils reçoivent ainsi la vie.

Mais une objection peut s’élever. Cette foi au pardon divin n’est-elle pas une solution très facile, trop indulgente à notre infirmité? Dieu se contente-t-il d’un simple aveu de nos fautes? Est-ce possible? Est-ce même équitable? Avant d’être pardonnés, ne faut-il pas, tout au moins en partie, réparer nos torts, expier nos péchés? L’Église ancienne n’avait-elle pas raison, avant d’admettre les fidèles à la sainte Cène, d’exiger d’eux certains actes publics de pénitence? Ne faut-il pas un temps plus ou moins long passé dans le repentir avant de recevoir l’assurance de notre réconciliation avec Dieu?

Ces craintes, qui ont troublé tant d’âmes sincères, sont écartées par saint Jean. Il ne se contente pas, en effet, d’affirmer que Dieu est fidèle pour pardonner, il ajoute, en outre, « qu’il est juste ».

La mention de la fidélité de Dieu se rapporte aux promesses faites par lui dans le passé. Elles sont toujours valables, pense l’apôtre, parce que Dieu ne change pas. Nous pouvons, appuyés sur les paroles dites autrefois à Israël ou données en Jésus-Christ, nous approcher de lui avec une entière confiance. Les sentiments de Dieu qu’elles décrivent sont demeurés les mêmes.

La mention de la justice de Dieu nous rappelle le fondement du pardon : Dieu est libre et tout ce qu’il fait est bien. S’il veut pardonner, nul n’a le droit de le lui reprocher.

Dans la parabole de l’enfant prodigue, le fils aîné s’emporte contre son père et critique sa bonté, dans laquelle il dénonce une faiblesse. Pareille indulgence n’est-elle pas violation des lois de la justice? Le père répond : « Il fallait bien se réjouir et s’égayer, car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie; il était perdu, et il est retrouvé » (Lc 15.32). Le père fonde sa décision dans son amour et l’amour de Dieu ne saurait être injuste. Il peut, s’il le veut, se montrer clément, abolir le passé, effacer toutes les fautes, aimer celui-là même qui a perdu tout droit d’être aimé.

Dieu n’est pas un simple juge chargé d’appliquer un code. Les tribunaux humains doivent punir les méchants et protéger les bons, la notion du pardon leur est étrangère. Il n’en va pas de même pour Dieu; il domine ses propres lois; il n’est pas lié par un texte que d’autres auraient rédigé! Comme certains souverains, il possède le droit de grâce et c’est avec justice qu’il en use. L’amour de Dieu est une seconde justice, plus haute que la première. Il peut rendre la vie à celui qui l’a perdue; il a le droit de pardonner.

Si donc Dieu fait miséricorde, pourquoi s’inquiéter et contester encore? Sa grâce n’est-elle pas notre seule espérance? L’unique chemin de retour auprès du Père, selon l’Évangile, n’est-il pas celui du fils prodigue? Dieu, qui a le droit de punir, a aussi celui de pardonner parce qu’il est Dieu. Nul ne doit nous détourner de cette certitude sur laquelle repose tout l’édifice de la foi; cependant, tout, en nous, nous invite à chercher un autre fondement. Dieu nous effraie, Dieu est invisible. Dieu ne dépend pas de nous. Nous voudrions à notre espérance une source dont nous soyons les maîtres, dont nous puissions faire couler les eaux à notre gré! Nous voudrions trouver en nous ce que l’Évangile nous invite à chercher en Dieu.

Ce désir ne revêt pas toujours la même forme. Les réformateurs l’ont combattu sous le manteau de la doctrine du mérite des œuvres. Les chrétiens de leur temps cherchaient à s’assurer le salut par la pratique du bien. Ils agissaient avec justice ou avec générosité pour pouvoir se dire : J’ai bien vécu, j’ai beaucoup donné, j’ai donc en moi-même la preuve que je suis sauvé. Dieu ne pourra faire autrement que de m’accueillir.

On sait l’impuissance de cette doctrine à calmer vraiment les consciences. Toutes les œuvres humaines, même les meilleures, sont entachées d’imperfection. Dans la plus grande et la plus noble des carrières, il y a d’invisibles chutes, d’invisibles fautes, ignorées de tous, sauf de celui qui les a commises. Aucun des compagnons de saint Paul n’apercevait en lui la faiblesse dont il a souvent gémi. Ils admiraient ses luttes, ses souffrances, les travaux immenses qu’il a énumérés dans le onzième chapitre de la seconde épître aux Corinthiens. Mais pouvait dire par expérience : « Je ne fais pas le bien que je veux, mais je pratique le mal que je ne veux pas » (Rm 7.19). Aussi ne plaçait-il pas son espérance en ses œuvres, si grandes fussent-elles, mais en Jésus-Christ, en qui « il n’y a maintenant aucune condamnation » (Rm 8.1).

Mais une autre erreur aussi grave nous guette. C’est celle qui nous fait chercher dans les sentiments de notre cœur l’assurance que d’autres placent dans les œuvres. La confiance ici est placée, non dans les pratiques extérieures, mais dans la chaleur de la piété, la force de l’amour ou l’intensité de la repentance. Et cependant, chacun sait que notre piété, notre confiance en Dieu, si grandes soient-elles, notre zèle le plus ardent demeurent toujours imparfaits. Jamais ils ne sauraient nous donner la certitude de notre salut. Il nous faudra toujours nous détourner de nous-mêmes et chercher nos raisons d’espérer plus haut : dans l’infinie miséricorde de Dieu.

Ce qui est vrai de la piété l’est aussi de la repentance. Elle est toujours insuffisante. Il faudra répéter toujours avec la prière de nos pères :

« Augmente-nous sans cesse les grâces de ton Saint-Esprit, afin que, reconnaissant de plus en plus nos fautes, nous en soyons vivement touchés et que nous y renoncions de tout notre cœur. »

La véritable repentance gémit en premier lieu de sa propre pauvreté. Comme l’amour, elle ne se vante point et ne s’enfle point d’orgueil. Elle sait son insuffisance. À toutes les vertus chrétiennes, ici-bas, comme au jeune homme riche de l’Évangile, il manque encore quelque chose, et donc tout.

Le tort de bien des mouvements a été d’oublier cette vérité élémentaire. On a présenté aux fidèles la repentance, non seulement comme une exigence de Dieu, mais comme un moyen de le satisfaire. On a donné une valeur positive à ce qui, par essence, est négatif, négation de nous-mêmes et attente du secours de Dieu. On n’a pas dit, comme l’apôtre : « si nous confessons nos péchés… », on a montré dans la repentance et dans la confession, forme de la repentance, un moyen d’effacer soi-même son péché et de parvenir à s’en libérer.

L’histoire nous montre que ce qu’on présentait aux consciences inquiètes comme une libération est devenu pour elles un écrasant fardeau. Une âme sérieuse constate bien vite les lacunes de son repentir; nos confessions ne sont jamais complètes; nous n’avons jamais tout avoué; nous retrouvons toujours un fait, un sentiment oublié, l’une de « ces fautes cachées », dont parle le psalmiste. De même, notre repentance n’est jamais assez profonde; nous avons regretté nos fautes, nous avons pleuré sur elles; nous aurions dû regretter et pleurer davantage encore. « Quand sera-ce, disait Calvin, que quelqu’un s’osera promettre qu’il ait employé toutes ses forces à pleurer ses péchés? » Mettre son espérance dans le sérieux de sa repentance, c’est placer sur ses épaules un joug trop pesant pour elles.

Dira-t-on que cette perfection qui manque à la repentance, on peut l’acquérir par la confession devant témoin, qu’ainsi soumise à l’examen et aux conseils d’autrui, elle se trouve par là même approfondie et épurée? Sans aborder ici le problème de la confession faite à un tiers, bornons-nous à souligner que la sincérité de l’aveu n’est pas garantie par le caractère public qu’il revêt. Celui qui ose mentir à Dieu ose aussi mentir aux hommes. L’histoire d’Ananias et de Saphira n’est pas unique (Ac 5.1-11).

Qu’imaginer alors pour calmer nos scrupules? Une confession accompagnée d’actes publics d’humiliation? L’Église ancienne a connu la pénitence avec le sac et la cendre; le Moyen Âge, les flagellants qui se fustigeaient devant tous pour se démontrer à eux-mêmes leur tristesse; les réveils modernes des explosions de larmes, des mains levées, le banc des pénitents…

L’Écriture nous invite à placer notre confiance dans la seule miséricorde de Dieu. « Confesser ses péchés » veut dire pour elle détourner les yeux de soi, et aussi de sa repentance, pour les tourner vers Dieu. Aussi ne trouvons-nous, dans aucune de ses pages, une description détaillée de la repentance. La Bible ne fixe pas un niveau précis à partir duquel nous pourrions nous déclarer satisfaits. Elle demande à la fois beaucoup et peu. Beaucoup, car la repentance ici-bas n’a jamais de fin. Elle est notre état normal devant Dieu. Elle dure toute notre vie. Peu, car Dieu se contente d’un cœur brisé par le sentiment de son insuffisance. Il accepte une repentance imparfaite, de même qu’il se contente de nos pauvres essais d’obéissance, tout en réclamant davantage. Mystère dont la foi ne peut rendre compte, mystère révélé dans l’Évangile! Le Christ a accompli ce que nous ne pouvons accomplir. Nous serons jugés, non sur notre obéissance, mais sur la sienne, et l’immensité de son humiliation devant Dieu supplée à la médiocrité de la nôtre.

Le sentiment de notre infirmité doit nous faire comprendre la valeur des promesses contenues dans l’Évangile. Elles sont pour ceux qui sont fatigués et chargés! Dieu entend nos soupirs et, par la voix de son Fils, nous adresse à tous la parole étonnante, mais vraie parce que c’est lui qui la prononce : « Mon enfant, tes péchés te sont pardonnés. »