Cette fiche de formation a pour sujet le gouvernement de l'Église en vue de l'édification, par l'exercice du sacerdoce commun et par les ministères des pasteurs, anciens et diacres, dans la collégialité et l'autorité de service.

Source: Autorité et collégialité - Une gouvernance au service de l'Église. 8 pages.

Autorité et collégialité (2) - Chacun, tous, quelques-uns

  1. La notion biblique d’édification
  2. Sacerdoce commun et ministères
  3. L’exigence personnelle
  4. La règle de l’accord
  5. Annexe 1 – Le cadre associatif
  6. Annexe 2 – Anciens et diacres
  7. Annexe 3 – Des termes difficiles à assumer
  8. Annexe 4 – Écouter

1. La notion biblique d’édification🔗

À quoi nous renvoie généralement le mot édification? À un enseignement stimulant, au comportement exemplaire d’une personne, d’une Église : Cela m’édifie, cela me fait du bien, cela m’encourage.

Dans le contexte biblique, le mot édification est toujours communautaire. Il s’agit d’édifier une construction solide, harmonieuse, vivante, agissante. En d’autres termes, la finalité, ce n’est pas seulement chacun, c’est aussi tous (1 Co 12.12, 26, 27).

« Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre d’angle. En lui, tout l’édifice s’élève pour être un temple saint dans le Seigneur. En lui, vous aussi, vous êtes édifiés ensemble pour être une habitation de Dieu en Esprit » (Ép 2.20-22. Voir aussi Ép 4.11-16).

Prendre conscience de cette dimension peut influer grandement sur notre manière de considérer notre engagement, notre positionnement par rapport aux autres, la gestion de ce que Dieu m’a confié. Les règles de fonctionnement propres au corps (de Christ) nous contraignent à accepter l’interdépendance forte des uns vis-à-vis des autres : « Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui; si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui » (1 Co 12.26).

Les implications sont innombrables, tant en ce qui a trait à la vie de chaque chrétien (lors des rencontres, mais pas seulement) que pour ce qui est de la manière d’envisager le gouvernement de l’Église.

2. Sacerdoce commun et ministères🔗

C’est une contribution majeure que celle des réformateurs qui ont maintenu la doctrine des ministères tout en valorisant le sacerdoce commun des croyants. La contribution de chacun et de tous sert un même objectif : l’édification de l’Église et la vigueur de son témoignage dans l’amour.

Dans le magnifique chapitre 12 de sa première lettre aux Corinthiens, Paul affirme avec force l’importance de la contribution de chaque membre de l’Église, sans exception aimerait-on dire.

« À chacun la manifestation de l’Esprit est donnée pour l’utilité commune. […] Un seul et même Esprit opère toutes ces choses, les distribuant à chacun en particulier comme il veut » (1 Co 12.7, 11).

Est-ce tout? Non. En vue du même objectif, Dieu accorde aussi à son Église des ministères spécifiques, eux aussi divers. « Tous sont-ils apôtres, tous sont-ils prophètes, tous sont-ils docteurs? » Ces ministères sont énumérés au chapitre 4 de la lettre aux Éphésiens : apôtres, prophètes, évangélistes, pasteurs et docteurs, œuvrant de la part du Seigneur pour l’unité et la maturité de l’Église, en vue de sa « stature parfaite » (Ép 4.13). Mais d’où viennent-ils? Ils sont des dons accordés par le Seigneur ressuscité à son Église (Ép 4.11). Par l’apôtre Pierre, nous apprenons que ces divers ministères de la Parole sont également nommés anciens (1 Pi 5.1). Par Paul, nous apprenons que les anciens doivent tous être aptes à l’enseignement (1 Tm 3.2), mais que tous ne sont pas pour autant appelés à se consacrer à la prédication et à l’enseignement (1 Tm 5.17).

Quand Paul écrit à l’Église de Philippes, il adresse sa lettre « à tous les saints qui sont à Philippes, aux anciens et aux diacres » (Ph 1.1). Ainsi, la même lettre, les mêmes révélations, les mêmes exhortations sont adressées à tous. Il n’y a pas de « rétention du savoir » et donc pas de « prise de pouvoir ». Chacun et tous ont accès aux mêmes données, pourront s’y référer, pourront se situer d’une manière responsable. Cependant, les anciens et les diacres sont mentionnés de manière spécifique : il sera demandé plus à certains qu’à d’autres. Parce qu’ils ont reçu davantage; parce qu’ils avaient à veiller sur d’autres, notamment dans l’enseignement, mais pas seulement1.

Les deux catégories de ministères — anciens et diacres — sont attestées clairement dans le Nouveau Testament. Les réformateurs les ont retenues et mises en valeur. Elles sont établies dans un grand nombre d’Églises dans le monde. Dans le contexte français, elles ont eu du mal à être reconnues et valorisées, bien souvent. Le modèle concordataire du 19siècle qui a favorisé la mise en place de notables, le modèle associatif du 20siècle nourri de l’esprit laïque du bénévolat ont gravement altéré la notion des ministères centrés sur Christ. Les diaconats, par exemple, sont devenus des services d’action sociale, ce qu’ils n’étaient pas au commencement2.

Ainsi, c’est une collégialité bien spécifique qui doit être établie dans l’Église. Que cette spécificité ait inspiré le modèle démocratique occidental ne justifie pas que l’Église adopte purement et simplement les réflexes de fonctionnement de la société civile. Quand elle le fait, elle perd peu à peu son caractère d’Église et devient une société humaine semblable aux autres, ce qu’elle n’est pas.

Ainsi, la question du discernement des vocations, celle des conditions requises, celle de la reconnaissance et de l’envoi (l’imposition des mains), celle des prises de décision3, celle de l’articulation entre le local et le supra local, celle de la discipline, celle de l’unité à préserver, doivent-elles être examinées dans une perspective de foi ancrée dans l’Écriture, en lien avec la personne du Seigneur vivant.

Jean Calvin considérait que l’essor de la Réforme dépendait de deux facteurs principaux : l’engagement des anciens dans la tâche pastorale et l’accord des pasteurs sur les doctrines majeures4. Deux dimensions de collégialité! Ainsi se distinguent le pluralisme (qui s’accommode de doctrines opposées) et la pluralité qui met en œuvre la diversité des ministères et des dons.

En réalité, la même règle vaut pour l’ensemble des membres de l’Église et pour le collège qui réunit les anciens ou les diacres ou toute autre équipe de responsables de l’Église.

3. L’exigence personnelle🔗

Il me semble qu’en un sens, l’autorité se situe toujours en premier lieu au niveau personnel et même individuel. L’autorité est dépendante de la soumission à Dieu, en vertu du principe de délégation. Or, cette soumission est avant tout personnelle, relative au cœur, avec la foi. « Entre dans ta chambre, ferme ta porte et prie… » (Mt 6.6).

Quand Dieu appelle, il appelle des individus. Depuis Abraham jusqu’aux disciples. Il les appelle, il les envoie avec une mission et une promesse. L’autorité que chacun sera en mesure d’exercer, à son niveau, sera dépendante de cet envoi (on ne s’envoie pas soi-même) et de la fidélité exercée dans les grandes et les petites choses. L’appel et l’envoi créent la position d’autorité. La manière de marcher et de servir va confirmer, étayer, développer (ou pas!) cette autorité.

Il est vrai que les disciples apparaissent rarement seuls. On les voit généralement en groupe, ou du moins deux par deux. Cela suppose le respect de la règle de l’accord que nous allons évoquer ci-après. Cependant jamais la responsabilité individuelle ne disparaît dans le groupe, quel qu’il soit.

Je donne un exemple simple. Celui ou celle qui, chaque fois qu’il (ou elle) ouvre la bouche, donne une parole fiable, appropriée, celui-ci ou celle-là acquiert peu à peu une certaine autorité, voire une grande autorité. Ce n’est pas une autorité revendiquée (bien qu’il soit possible parfois de revendiquer une autorité); c’est une autorité reconnue.

Ce n’est pas le fait de constituer un groupe qui confère principalement une autorité. C’est le fait que chacun de ceux qui sont choisis sont « des hommes de valeur, craignant Dieu, des hommes attachés à la vérité et qui haïssent le gain malhonnête » (Ex 18.21). Nous retrouvons ce même principe avec l’appel des diacres en Actes 6.3. Cela est nettement visible aussi pour ce qui concerne les anciens : « Il faut que l’ancien soit irréprochable, mari d’une seule femme, sobre, modéré, réglé dans sa conduite, hospitalier, propre à l’enseignement… » (1 Tm 3.2-7).

On a quelques fois dit que c’était là un idéal qu’il fallait viser. Cependant, Paul écrit : « Il faut que ». Il dit la même chose pour les diacres peu après. Dans sa lettre à Tite, il demande que l’on établisse des anciens, « s’il se trouve quelque homme irréprochable » (Tt 1.5-9). Cela signifie qu’il valait mieux n’établir personne que d’établir quelqu’un qui ne répondait pas à ces critères5. En d’autres termes, ces hommes n’ont pas d’abord une autorité parce qu’ils constituent un collège, mais parce qu’ils vivent individuellement et dans leur maison d’une manière intègre, irréprochable6. Cela apparaît encore quand Paul rappelle aux anciens d’Éphèse qu’il a, nuit et jour pendant trois ans, exhorté avec larmes chacun d’eux (Ac 20.31). On n’a pas autorité parce qu’on est inclus dans un collège. On a autorité parce qu’on est soumis à Dieu7.

Ensuite, si des personnes soumises à Dieu sont assemblées légitimement pour un service commun, si elles s’accordent dans un esprit de soumission mutuelle, alors elles exerceront une autorité collégiale légitime. Non pas infaillible cependant. Le fait de constituer un collège va apporter une « autorité ajoutée », si on peut dire, pour autant que ces hommes trouvent la bonne manière de fonctionner ensemble, de s’accorder8.

4. La règle de l’accord🔗

La règle de l’accord est une des clés de la vie de l’Église.

Que ce soit :

  • pour apporter son offrande à Dieu, c’est-à-dire pour le culte : « Si ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande » (Mt 5.23-24);
  • pour partager le repas du Seigneur : « discerner le corps du Seigneur » (1 Co 11.29);
  • pour l’exercice de la discipline : « Si ton frère a péché, va trouver ton frère… » (Mt 18.15);
  • pour la prière : « Si deux s’accordent pour demander quelque chose… » (Mt 18.19);
  • pour gérer les tensions : « Quelqu’un de vous, lorsqu’il a un différend avec un autre… » (1 Co 6.1);
  • pour prendre les orientations qui s’imposent : « Il parut bon aux anciens, aux apôtres et à toute l’Église… » (Ac 15.22);
  • pour enseigner, pour témoigner au-dehors, pour accueillir ceux que Dieu envoie, pour entrer dans le combat spirituel; ou tout simplement pour garder et multiplier la grâce que Dieu accorde.

Si la coupe est fissurée, comment pourra-t-elle déborder?

Cette règle de l’accord est à la fois simple et exigeante. Elle est simple, car elle est dans la logique de la marche dans la foi et de l’obéissance à Dieu. Elle est exigeante, car elle ne s’accommode d’aucune approximation, d’aucune dissimulation. Il faut peu de chose pour être en accord; il faut peu de chose pour l’altérer.

Il est évident, comme pour la Cène, qu’aucun accord véritable n’existe sans l’approbation de Dieu. Des malfaiteurs peuvent aussi s’accorder, mais cela fera d’eux des complices, pas des serviteurs de Dieu! L’accord dans l’Église doit s’établir sur le contenu de la foi (la Confession de foi en est l’expression) et sur la marche commune. Celle-ci est généralement consignée dans une Discipline. Elle doit aussi inclure les décisions à prendre, jour après jour.

Quand Jésus dit : « Si deux s’accordent », il ne dit pas si cela prendra cinq minutes ou trois mois. Comment savoir? Le recours aux délais associe la grâce et la responsabilité. Certains auront à cœur de recourir au jeûne pour signifier leur engagement pour une écoute de qualité. Ici, la responsabilité individuelle est pleinement requise, car un seul peut avoir raison contre tous, et si c’est le cas, la règle de l’accord devra permettre d’en convenir. Faut-il pour autant admettre que seules des décisions prises à l’unanimité auront l’autorité requise dans l’Église? Il n’est pas insensé de le penser — en précisant que l’unanimité n’est pas, elle non plus, garante d ’infaillibilité! Le recours aux délais est sans doute une bonne manière de concilier la responsabilité et la grâce, la patience et l’urgence.

L’accord établi dans de bonnes conditions au sein d’une équipe de responsables est garant de sécurité, de fiabilité. Le temps de prière au début de la rencontre permettra-t-il une qualité d’écoute suffisante9 ou passera-t-on du registre de la piété à celui de la gestion des affaires courantes?

L’apôtre Paul évoque « la soumission mutuelle dans la crainte de Dieu » (Ép 5.21). Nul ne doit pouvoir s’y soustraire. Le plus petit, le moins instruit peuvent parler de la part de Dieu (1 Co 12.20-22). Saura-t-on le reconnaître ou suivra-t-on celui qui parle le plus fort? L’enjeu, c’est d’être au bénéfice du secours, de la direction que Dieu veut accorder.

Le premier lieu où cela doit s’exercer est sans aucun doute le couple qui conjugue une parfaite égalité d’honneur, de grâce, d’espérance et de responsabilité (Ga 3.28; 1 Pi 3.7) et des vocations qui ne sont pas en tous points identiques (1 Co 11.3; Ép 5.22, 25; 1 Tm 2.12-14). Mari et épouses sont égaux, mais pas équivalents. Il y a donc unité, égalité et diversité.

Le collège des ministères offre semblable réalité. Chaque ministère a son autorité propre : en fonction de la fidélité et de la fiabilité de la personne qui l’exerce, mais aussi en fonction du ministère lui-même. L’autorité d’un apôtre n’est pas nécessairement identique à celle d’un évangéliste ou d’un docteur. Pierre se dit apôtre comme les autres, et cependant il use d’une autorité singulière. Paul (1 Tm 5.17) recommande d’honorer « les anciens qui dirigent bien » (c’est la fidélité qui est prise en compte), « surtout ceux qui travaillent à la prédication et à l’enseignement » (c’est le type de ministère qui est pris en compte). La formule latine primus inter pares exprime ce principe d’égalité non égalitaire. Si le pasteur est l’ancien à qui sont confiés l’enseignement et la prédication, il jouit d’une autorité particulière tout en étant soumis au collège des anciens. Il y a réellement soumission mutuelle.

Il y a une sorte de perfection de la grâce qui se manifeste au sein du peuple de Dieu dès lors que chacun trouve sa place, ni trop en avant ni trop en retrait, avec le(s) don(s) que Dieu lui a accordé(s). En d’autres termes, à chaque situation, à chaque difficulté, à chaque besoin correspond un secours approprié. La pleine dépendance vis-à-vis de Dieu, le respect du principe de délégation, la règle de l’accord doivent permettre d’être témoins de cette perfection, de ce secours, de cette direction donnée, « selon qu’il est écrit : Celui qui avait ramassé beaucoup n’avait rien de trop et celui qui avait ramassé peu n’en manquait pas » (2 Co 8.15).

5. Annexe 1 – Le cadre associatif🔗

Après deux siècles de persécution et un siècle de régime concordataire mis en place par les autorités civiles, les Églises protestantes en France se sont conformées au modèle associatif imposé par l’État (1905).

Je cite le pasteur Pierre Verseils dans un rapport synodal des Églises réformées évangéliques en 1955 :

« En réalité, nous avons là le signe de l’état de malaise dans lequel vit l’Église, état qui provient de l’influence profonde qu’a exercée la loi de Séparation sur nos communautés. En créant les associations cultuelles, le législateur a, sans le vouloir, provoqué une confusion profonde qui va sans cesse s’aggravant. L’Église ne peut pas, en effet, être assimilée à une société ordinaire. Elle est une création originale, unique, qui ne peut entrer, sans être malmenée, dans un moule juridique. Comme le souligne le professeur Brunner, “les notions d’associations religieuses et d’Église s’excluent réciproquement. L’Église est, en opposition à l’association religieuse dont le fondement est la tendance, la volonté ou le but de ceux qui la composent, une communauté fondée sur la Parole de Dieu et sa volonté. […] Or, on peut dire que, de plus en plus, l’Église est devenue une association cultuelle. […] Aussi sommes-nous mal à l’aise dans un tel climat. Les conséquences ont malheureusement été inévitables; de plus en plus, nous mesurons qu’autour de nous, l’Église est considérée de cette manière. Un tel fait entraîne, bien entendu, des difficultés certaines.” »

Une des conséquences est la compréhension de la nature des ministères donnés à l’Église. Dans le Nouveau Testament, les ministères sont donnés par le Seigneur et reconnus par l’Église. Cela relève de la grâce et conditionne un sens de la vocation bien défini, pas nécessairement identique à celui d’un permanent salarié, d’un animateur ou d’un bénévole d’association.

6. Annexe 2 – Anciens et diacres🔗

Les ministères institués — anciens et diacres — ont pour cadre l’Église. Ils n’agissent pas à la place de celle-ci, mais pour elle et avec elle. Cela signifie que chaque ministère à l’œuvre nourrit et féconde la vocation de l’ensemble des membres. C’est la raison pour laquelle on peut parler de ministère pastoral (pasteurs et anciens), mais aussi d’un pastorat mutuel à l’œuvre parmi l’ensemble des membres. C’est la raison pour laquelle la discipline de l’Église peut parler de diaconat (le ministère des diacres), mais aussi de diaconie (l’aptitude, présente et à l’œuvre parmi l’ensemble des membres, à soutenir, à secourir).

Ces deux axes de ministère sont également spirituels : ils visent l’un et l’autre l’unité et le développement de l’Église autour de la personne de Jésus et agissent en son nom.

Ces deux axes de ministère sont très étroitement associés, au point où il peut être difficile de les distinguer dans certains cas. Ils agissent en étroite collaboration.

Ces deux axes de ministères sont cependant distincts :

  • le service de nature pastorale se caractérise par l’enseignement, l’exhortation. Il a en vue l’unité de l’Église dans la rectitude (la fidélité à l’Écriture) et la croissance (l’équipement et la maturité).
  • le service de nature diaconale se caractérise par le soutien, l’assistance. Il a en vue l’unité de l’Église par les gestes de soutien, par le développement de l’entraide au profit des membres les plus fragiles : âgés, malades, isolés, démunis.

7. Annexe 3 – Des termes difficiles à assumer🔗

Il conviendrait d’accorder toute l’attention qu’ils méritent à un certain nombre de termes qu’on hésite à utiliser aujourd’hui sous le prétexte qu’ils ne s’accorderaient pas au régime de la grâce. Pourtant, ces mots sont bien présents dans l’enseignement du Nouveau Testament. Ils constituent un impératif, pour l’ensemble du peuple de Dieu (!), et en premier lieu pour ceux qui sont appelés à être des modèles au milieu de ce peuple10. Des modèles. Ce mot fait peur. Et pourtant, il est incontournable en matière de pédagogie. Ce que je vis prêche plus fort que ce que je dis. Un bon modèle ouvre un chemin pour les petits comme pour les grands, encourage les uns, met en garde les autres, démontre sa pertinence par les fruits qu’il porte. Remarquons que si je demande pardon après avoir offensé quelqu’un, je suis encore un modèle…

Le mot irrépréhensible est appliqué à chaque chrétien11. Le mot irréprochable12 également, mais aussi d’une manière particulière aux bergers du troupeau. Qui donc est irréprochable? Celui ou celle qui veille attentivement sur ses voies et qui reconnaît ouvertement et sans délai quand il s’est trompé. L’expression « plein d’Esprit Saint et de sagesse » (Ac 6.3) est aussi susceptible de nous faire reculer. Elle fait seulement (!) référence à la très grande humilité de celui ou celle qui a pris conscience qu’il ne peut rien par lui-même et qui se confie en toutes circonstances à la direction du Seigneur. Cela se verra-t-il? Certainement. « … de qui on donne un bon témoignage », précise Pierre au sujet des diacres d’Actes 6.

8. Annexe 4 – Écouter🔗

« Le premier service que l’on doit au prochain est de l’écouter. De même que l’amour de Dieu commence par l’écoute de sa Parole, ainsi le commencement de l’amour pour le frère consiste à apprendre à l’écouter. […]
Les chrétiens, et spécialement les prédicateurs, croient souvent devoir toujours “offrir” quelque chose à l’autre lorsqu’ils se trouvent avec lui; et ils pensent que c’est leur unique devoir. Ils oublient qu’écouter peut être un service bien plus grand que de parler. […]
Qui ne sait pas écouter son frère bientôt ne saura même plus écouter Dieu; même en face de Dieu, ce sera toujours lui qui parlera. […] Nous devons écouter avec les oreilles de Dieu, afin de pouvoir nous adresser aux autres avec sa parole.13 »

Notes

1. Paul, aux anciens d’Éphèse (au collège des anciens) écrira : « Prenez garde à vous-mêmes et à tout le troupeau sur lequel le Saint-Esprit vous a établis comme gardiens pour paître l’Église du Seigneur qu’il s’est acquise par son propre sang » (Ac 20.28).

2. Voir l’annexe 1 sur Le cadre associatif et l’annexe 2, Anciens et diacres.

3. Qui décide? Le pasteur, les anciens, les anciens et les diacres, l’assemblée tout entière, et à quelle majorité?

4. Jean-Marc Berthoud, Calvin et la France.

5. C’est sur cette base-là qu’après la Réforme on distinguait les Églises dressées (sans conseil d’anciens) et les Églises plantées (avec un conseil d’anciens).

6. Voir l’annexe 3, Des termes difficiles à assumer.

7. Voir l’aventure malencontreuse des sept fils de Scéva en Actes 19.13-16.

8. On peut citer Martin Luther qui associe l’autonomie du chrétien et son aptitude à la soumission mutuelle : « Le chrétien est maître de toutes choses, il n’est assujetti à personne. L’homme chrétien est en toutes choses le plus serviable des serviteurs; il est assujetti à tous. »

9. Voir l’annexe 4, une citation de Dietrich Bonhoeffer sur l’écoute.

10. Ph 3.17; 1 Th 1.7; 1 Tm 4.12; Tt 2.7; 1 Pi 5.3.

11. Ép 1.4; Ph 2.15; 1 Th 5.23; 2 Pi 3.14.

12. 1 Co 1.8; Ph 2.15; 1 Th 2.10; 1 Tm 3.2; 5.7; Tt 1.6.

13. Dietrich Bonhoeffer, De la vie communautaire.