Cet article a pour sujet l'identité de Jésus, il est l'objet de notre foi et de notre adoration, notre Sauveur et Seigneur, et non pas seulement un exemple ou un fondateur de religion comme les autres.

Source: Christologie - La personne et l'oeuvre du Christ (AK). 3 pages.

Christologie (3) - Jésus-Christ - Sujet ou objet de la foi?

Quelle place Jésus occupe-t-il dans l’Église?, interroge Samuel G. Graig. Est-il le modèle pour la foi ou bien son objet? Dans le premier cas, Jésus serait pour nous le premier chrétien. Sa position n’est alors guère différente de ce que l’on peut assigner à un fondateur de religion, par exemple au Bouddha ou à Mahomet. Si, en revanche, Jésus est l’objet de notre foi, sa place sera radicalement différente. Au lieu d’être le premier chrétien et un exemple pour nous, il fera l’objet de notre adoration et réclamera pour lui-même notre personne et demandera notre service. Que Jésus ait été regardé, au long des siècles, comme l’objet de la foi plutôt que le sujet ne fait pas question. Si l’on examine les confessions de foi ou si l’on étudie les hymnes et les cantiques composés en son honneur, on se rend compte de la position unique tenue par Jésus dans l’esprit des chrétiens.

Tous les auteurs du Nouveau Testament ont reconnu sa divinité. Chacune des pages de ces livres nous met en présence de sa vie spirituelle extraordinaire, si radicalement différente d’autres humains. En lisant les récits des Évangiles, nous sommes frappés de voir combien il attire l’attention, à quel point il est l’objet d’affection et de confiance de la part de ceux qui le suivent de près. Nous sommes également frappés par l’usage inhabituel qu’il fait du pronom personnel. Si nous évaluions sa personne d’après les normes ordinaires, nous le traiterions tout simplement d’arrogant (Mt 11.27-29; 18.18; Jn 8.12; 10.9).

Quelques textes suffisent pour nous convaincre que nous avons en lui l’objet de la foi et non un simple sujet religieux. De même, la lecture du Nouveau Testament ne laisse nulle part entendre que les disciples de Jésus aient été choqués par les discours de Jésus sur sa personne, et ils n’ont rien fait pour atténuer le sens de ses discours. Au contraire, ils soulignent que Jésus est un être exceptionnel, qui occupe la première place dans leur vie. Tous ces discours sont amplement justifiés. Ils l’ont adoré comme Dieu en se mettant à son service. Ils ont fondé sur sa personne leur unique espoir pour la vie présente et à venir, fermement convaincus qu’il était le seul à pouvoir les sauver en leur ouvrant l’accès vers Dieu. Les auteurs du Nouveau Testament, ainsi que l’Église primitive, toutes les grandes branches du christianisme, ont reconnu en lui une personne divine, le centre de la foi et l’accomplissement de toute réalité terrestre et céleste. Or, faire de quelqu’un inférieur à Dieu l’objet d’une telle adoration et d’un service sans réserve, c’est accorder à la créature un honneur qui, selon toute l’Écriture, ne doit revenir qu’à Dieu.

Pourtant, certains chrétiens, ou se prétendant tels, soutiennent que Jésus ne fut en réalité qu’un sujet religieux; sujet exceptionnel certes, mais rien que sujet; un exemple de la foi, une sorte de protochrétien. Ils ajoutent que, pour être chrétien, il suffit de participer à sa vie religieuse, d’imiter son exemple. Ce type de chrétien s’offense à l’ouïe du surnaturel. Il cherche à imposer le modèle de ce « sujet » religieux. Mais la logique des tenants de Jésus modèle aboutit inévitablement à un christianisme privé de Jésus, le Christ des Évangiles. Il est alors d’une importance toute relative de savoir si Jésus a réellement existé. Si l’importance de Jésus se trouve dans le fait qu’il a été le premier chrétien, qu’il a inauguré le mouvement simplement portant son nom, sa valeur résidera exclusivement dans son enseignement et dans l’imitation de l’exemple qu’il a montré. Dans ce cas, on ne peut pas affirmer qu’il soit plus essentiel au christianisme que Luther ne le serait à la survie du luthéranisme.

Si, pour un chrétien moderne, il suffisait d’avoir les mêmes idées sur Dieu, sur l’homme et sur le monde qu’a eues Jésus, alors, les chrétiens de ce type pourraient facilement se passer de Jésus et d’une allégeance personnelle et actuelle à sa personne; il leur suffirait d’illustrer dans la pratique l’enseignement du Maître. On pourrait prêcher, confesser et répandre des idées chrétiennes dans lesquelles la personne de Jésus n’occuperait pas la place essentielle. C’est un christianisme qui n’a pas besoin du Christ; ces « chrétiens » peuvent croire à l’existence historique de Jésus, étant donné les textes originaux qui rendent témoignage à sa personne, mais son historicité ne sera pas une question de vie ou de mort. La chose est différente pour ceux qui voient en Jésus l’objet de leur foi. Il est impossible à ces derniers de concevoir un christianisme dans lequel Jésus n’occuperait pas la place essentielle.

Il est possible de parler de manière tout à fait séduisante d’un « Jésus modèle de la foi », mais ce christianisme, ainsi que nous venons de le dire, a cessé d’être fidèle à celui du Nouveau Testament et de l’Église qui lui succède depuis vingt siècles. De telles idées sont dangereuses, moins par ce qu’elles énoncent que par ce qu’elles dissimulent ou ignorent. Une certaine conception de Dieu, de l’homme et du monde ne peut être vraie que parce qu’inspirée par Jésus. Mais quelle assurance avons-nous qu’elles sont bonnes, si le Christ n’est que le premier des chrétiens? Ne se serait-il pas trompé dans sa représentation de la réalité? Le temps pourrait venir où nous devrions peut-être les abandonner totalement. Comment accepter qu’un homme ayant vécu il y a deux mille ans puisse passer pour la norme valable pour la vie et pour la pensée religieuse de tous les temps? À moins, bien entendu, qu’il ne fut infiniment plus que cela. Deux points suffiront pour démontrer combien il est important de nous opposer et de combattre de toutes nos forces de telles idées partielles et erronées.

1. Le christianisme est une religion personnelle. Il n’est pas une synthèse ou un système de doctrine et d’éthique, une philosophie ou un rite, mais l’allégeance loyale et inconditionnelle à la personne de Jésus-Christ. Nous ne saurions parler de lui comme sujet de la religion sans éliminer la distinction fondamentale entre lui et les autres religions. Mais, faut-il le redire, le contenu de la foi en lui est totalement différent de la foi en l’enseignement du Bouddha ou de l’islam.

2. Plus important encore pour nous, le christianisme est la religion du salut. Au cœur de toutes ses affirmations se trouve celle qui déclare Jésus le Sauveur : « C’est une parole certaine et digne d’être reçue, que Jésus-Christ est venu dans ce monde pour sauver les pécheurs » (1 Tm 1.15). Ôtez cette conviction, ce qui reste du christianisme ne sera qu’une caricature de l’Évangile. Il ne sera certainement pas le christianisme professé et proclamé par les apôtres si le Christ n’est pas le Sauveur des hommes. L’unité de la vie et de la pensée, qui doit caractériser tous les disciples modernes du Christ, ne sera véritable et profonde qu’à condition d’accepter le Christ des apôtres. L’Évangile nous rapporte que, dans son existence terrestre, Jésus a été un scandale pour ses contemporains. Il y aura toujours des disputes à ce sujet et sa personne offensera l’esprit des hommes dans chaque génération. Mais, ou bien le Jésus en qui nous croyons est celui du Nouveau Testament, ou bien, même s’il a vécu parmi les hommes et qu’il nous soit donné comme modèle, il n’est plus le Christ, Fils de Dieu auquel nous pouvons nous fier inconditionnellement.

Or, le Christ est l’objet de notre foi. Nous le confessons, non simplement sur la foi des premiers chrétiens, mais parce que nous sommes personnellement convaincus. Nous ne pouvons développer toutes les raisons et présenter tous les arguments en faveur de notre ferme conviction; les preuves pourtant abondent, solides, plus logiques que celles qui tiennent à infirmer la foi ou à la saper à sa base. Parce qu’il occupe une place de cette importance dans nos esprits et dans notre vie, la question de l’Écriture revient avec force et demeure la seule question décisive : « Que pensez-vous du Christ? »

Elle nous place devant un choix décisif, nous invite à une relation personnelle avec lui, à la soumission et à un engagement à ses côtés, car il est vivant, celui en qui se trouvent toutes les sources de la vie. Selon notre attitude envers lui, nous connaîtrons le bonheur ou le malheur. Nous trouverons le chemin du ciel ou nous nous perdrons sur celui que nous aurons choisi; en dehors de lui, nous ne trouverons que la mort. L’apôtre Paul, dont l’existence fut bouleversée par le Christ, n’a pas écrit : « Christ a changé ma vie et mes idées », mais : « Pour moi, Christ est ma vie » (Ph 1.21). Jésus ne serait-il qu’un protochrétien? Nullement! Il est le Fils de Dieu, objet de notre foi et de notre adoration.