Cet article sur Colossiens 1.24-29 a pour sujet les souffrances qui manquaient au Christ et que Paul a complétées. Il ne s'agit pas de souffrances expiatoires, mais pour accomplir son ministère d'apôtre afin d'annoncer l'Évangile aux païens et de rendre tout croyant parfait. Le croyant doit souffrir pour l'Église dans son rôle de prophète.

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Colossiens 1 - Souffrir pour l'Église - Que signifie que Paul a complété ce qui manque aux souffrances du Christ?

« Je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous et je supplée dans ma chair à ce qui manque aux afflictions du Christ pour son corps qui est l’Église. C’est d’elle que je suis devenu serviteur. J’ai été chargé par Dieu de vous annoncer pleinement la parole de Dieu, le mystère caché de tout temps et à toutes les générations, mais dévoilé maintenant à ses saints, à qui Dieu a voulu faire connaître quelle est la glorieuse richesse de ce mystère parmi les païens, c’est-à-dire : Christ en vous, l’espérance de la gloire. C’est lui que nous annonçons, en avertissant tout homme et en instruisant tout homme en toute sagesse, afin de rendre tout homme parfait en Christ. C’est à cela que je travaille, en combattant avec sa force qui agit puissamment en moi. »

Colossiens 1.24-29

  1. Je me réjouis dans mes souffrances
  2. Le contexte des souffrances de l’apôtre Paul
  3. Je supplée dans ma chair à ce qui manque aux afflictions du Christ pour son corps
  4. Quel est l’aspect de l’œuvre du Christ qui n’est pas encore plein et que Paul vient compléter?
  5. Paul a complété la fonction prophétique du Christ et non sa fonction sacerdotale
  6. Armons-nous de la même pensée de souffrir pour le bien de l’Église
  7. Quel genre de souffrances sommes-nous encore appelés à souffrir pour l’Église?

Souffrir pour l’Église! Voilà le sujet du texte qui est devant nous aujourd’hui. Souffrir pour l’Église. Cela peut sonner étrange à nos oreilles. Nous sommes certainement prêts à venir nous rassembler en l’Église. Nous voulons également servir l’Église, mais qui d’entre nous veut réellement souffrir pour l’Église?

Dans le monde où nous vivons aujourd’hui, les gens cherchent à éviter à tout prix la souffrance et la douleur. L’idée de souffrir pour l’Église peut nous faire sursauter. Cette perspective n’est pas non plus très attirante pour des visiteurs que nous invitons à venir découvrir la joie du salut en Jésus-Christ. C’est pourtant ce que Paul disait au sujet de sa vie et de son ministère.

« Je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous et je supplée dans ma chair à ce qui manque aux afflictions du Christ pour son corps qui est l’Église » (Col 1.24).

La question qui surgit à notre esprit est la suivante : Comment comprendre cette affirmation de Paul qui dit qu’il supplée ou complète ou achève dans sa chair ce qui manque aux afflictions du Christ pour son Église? Est-ce que les souffrances du Christ n’étaient pas totalement complètes? Comment prétendre que nous pourrions ajouter quelque chose à ses afflictions?

Les catholiques romains ont-ils raison de dire que nous pourrions ou devrions ajouter quelque chose à l’œuvre de Jésus sur la croix? L’Église catholique romaine, par ses pratiques et ses enseignements, communique l’idée que les souffrances de Jésus ne sont pas complètes pour procurer le salut et que les souffrances du chrétien ajouteraient des mérites contribuant au pardon de nos péchés.

« Toute épreuve, envisagée et acceptée en union avec le Christ, achève la rédemption, la prolonge en quelque sorte dans tous les temps et dans tous les lieux. C’est comme si le Christ était à nouveau crucifié en faveur de telle époque et de tel pays.1 »

1. Je me réjouis dans mes souffrances

Commençons par le début du verset 24 : « Je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous… » N’est-ce pas étrange? Ailleurs, Paul nous encourage, quand nous traversons des moments plus difficiles, à nous réjouir dans le Seigneur (Ph 4.4). Non pas dans nos souffrances en tant que telles, mais dans le Seigneur. Pierre, de son côté, nous exhorte, quand nous traversons des moments plus difficiles, à nous réjouir dans notre salut (1 Pi 1.3-6). Non pas dans nos souffrances, mais dans notre salut. Au milieu des adversités, quand notre foi est éprouvée, nous devrions tressaillir d’allégresse à cause de notre salut qui est déjà tout préparé, prêt à être révélé dans les derniers temps. Jacques, pour sa part, nous encourage, quand nous traversons des moments plus difficiles, à nous réjouir dans l’œuvre que Dieu fait en nous pendant ces diverses épreuves.

« Mes frères, considérez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves que vous pouvez rencontrer, sachant que la mise à l’épreuve de votre foi produit la patience » (Jc 1.2; voir aussi Rm 5.3-5).

Cependant, dans notre texte, Paul ne dit pas qu’il se réjouit dans le Seigneur, ou qu’il se réjouit dans son salut, ou qu’il se réjouit dans l’œuvre de Dieu en lui au milieu des épreuves. Il dit carrément : « Je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous. » Comment Paul peut-il dire cela? Comment peut-il trouver de la joie dans ses souffrances? Oui, nous comprenons que nous devons nous réjouir dans le Seigneur au milieu des souffrances, mais nous réjouir dans les souffrances elles-mêmes, cela ne va pas de soi…

Devrions-nous appliquer ce que Paul dit ici à toutes nos souffrances? Par exemple, devrions-nous nous réjouir d’un accident de voiture ou d’une maladie qui nous atteint ou qui atteint une personne que l’on aime? Devrions-nous nous réjouir d’un problème conjugal ou d’une tension familiale que nous vivons à la maison? Bien sûr que non! Nous sommes appelés à nous réjouir dans le Seigneur, dans notre salut, dans l’œuvre de Dieu en nous, au milieu de ces diverses épreuves, mais nous ne sommes pas appelés à nous réjouir dans toutes nos souffrances, quelles qu’elles soient. Ce serait une très mauvaise application de ce verset.

Alors, de quoi Paul parle-t-il ici? Il dit qu’il se réjouit dans les difficultés qu’il souffre pour l’Église, « … pour vous, […] pour son corps qui est l’Église » (verset 24).

2. Le contexte des souffrances de l’apôtre Paul

Au moment d’écrire sa lettre, Paul était emprisonné à Rome. Il attendait la tenue de son procès devant l’empereur. Il risquait la peine de mort. Paul souffrait pour l’Évangile qu’il annonçait partout dans l’Empire romain. Paul ne semble être jamais allé en personne dans la ville de Colosses (Col 2.1). Il semble que ce soit Épaphras qui leur a annoncé l’Évangile (Col 1.7; 4.12-13). Mais au milieu de ses souffrances, Paul se souciait d’eux. Il leur a écrit pour leur exprimer sa reconnaissance au Seigneur, car il avait entendu parler de leur foi en Jésus et de leur amour pour tous les saints (Col 1.4). Il a toutefois également pris la peine de leur écrire pour corriger des erreurs et des fausses doctrines qui s’étaient infiltrées dans l’Église. Alors qu’il était en prison, l’apôtre Paul a pris le temps de leur expliquer les profondes vérités de l’Évangile de la grâce pleinement suffisante en Jésus-Christ. C’est ainsi qu’il souffrait pour eux et pour l’Église du Seigneur. À de multiples reprises durant son ministère, Paul a souffert pour l’Église et pour l’Évangile qu’il annonçait (2 Co 11.23-27). Il se réjouissait même dans ces souffrances!

Nous pouvons alors mieux comprendre dans quelles circonstances nous devrions, nous aussi, nous réjouir dans nos souffrances pour le corps du Christ qu’est l’Église. Cela nous rappelle par exemple la parole suivante de Jésus :

« Heureux serez-vous, lorsqu’on vous insultera, qu’on vous persécutera et qu’on répandra faussement sur vous toute sorte de mal, à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux » (Mt 5.11-12).

Il existe des souffrances qui sont tragiques et d’autres souffrances qui sont une bénédiction. Nous pouvons par exemple nous réjouir des persécutions souffertes à cause de notre foi et du beau nom de Jésus-Christ. Nous pouvons également nous réjouir des souffrances et les combats que nous vivons pour que l’Église soit édifiée et que nos frères et sœurs grandissent dans la foi. Au milieu des souffrances tragiques, réjouissons-nous dans le Seigneur, dans notre salut et dans l’œuvre que Dieu accomplit en nous pour nous rendre patients et persévérants. Au milieu des souffrances qui sont une bénédiction, réjouissons-nous dans ces souffrances mêmes, car nous sommes jugés dignes de les endurer pour le beau nom de Jésus-Christ, pour la cause de l’Évangile et pour le bien de l’Église!

3. Je supplée dans ma chair à ce qui manque aux afflictions du Christ pour son corps

Cela ne répond toutefois pas encore à notre question de départ. Paul était tout à fait disposé à bien accueillir les souffrances qu’il endurait pour l’Église de Colosses parce que, dit-il : « je supplée dans ma chair à ce qui manque aux afflictions du Christ pour son corps qui est l’Église ». Le mot grec « antanaplèrô » signifie « je supplée », « je complète », « je remplis » à mon tour ce qui manque aux afflictions du Christ pour son corps. Mais qu’est-ce qui manquait aux afflictions du Christ? Comment Paul pouvait-il prétendre compléter dans sa chair ce qui manquait aux afflictions du Christ? N’est-ce pas très audacieux et même hérétique de prétendre une telle chose?

Dans les lignes précédentes, Paul venait tout juste de rappeler aux Colossiens la suprématie de leur Rédempteur et la perfection de son œuvre de rédemption.

« Il nous a délivrés du pouvoir des ténèbres et nous a transportés dans le royaume de son Fils bien-aimé, en qui nous avons la rédemption, le pardon des péchés. Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute la création. Car en lui tout a été créé dans les cieux et sur la terre, ce qui est visible et ce qui est invisible, trônes, souverainetés, principautés, pouvoirs. Tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toutes choses, et tout subsiste en lui. Il est la tête du corps, de l’Église. Il est le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin d’être en tout le premier. Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude et de tout réconcilier avec lui-même, aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux, en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix. Et vous, qui étiez autrefois étrangers et ennemis par vos pensées et par vos œuvres mauvaises, il vous a maintenant réconciliés par la mort dans le corps de sa chair, pour vous faire paraître devant lui saints, sans défaut et sans reproche » (Col 1.13-22).

Remarquez la force avec laquelle Paul souligne la « plénitude » (« plèrôma ») qui se trouve en Christ, et qui, par conséquent, se trouve aussi dans la rédemption et la réconciliation par son sang. Plus loin, il dit encore avec insistance :

« Car en lui, habite corporellement toute la plénitude de la divinité. Et vous avez tout pleinement en lui, qui est le chef de toute principauté et de tout pouvoir » (Col. 2.9-10).

Remarquez les mots « plénitude » (« plèrôma ») et « tout pleinement » (« péplèrôménoi ») qui sont de même famille que le verbe « remplir » qui se trouve en Colossiens 1.24. C’est uniquement en Jésus-Christ que se trouve toute la plénitude de la divinité et c’est uniquement en lui et dans son œuvre de rédemption que nous avons tout pleinement. Comment Paul pouvait-il contribuer à remplir quelque chose qui est déjà parfaitement plein?

Souvenons-nous du contexte. Paul combattait une fausse doctrine qui s’était infiltrée dans l’Église de Colosses. Cette fausse doctrine enseignait le légalisme : « Ne prends pas! ne goûte pas! ne touche pas! » (Col 2.21). Elle enseignait l’ascétisme : « un culte volontaire, humilité et rigueur pour le corps » (Col 2.23) et d’autres philosophies basées sur la tradition et les préceptes des hommes, et non sur Jésus-Christ (Col 2.8,22). Certains Colossiens se réjouissaient dans leurs « souffrances » et abnégations qu’ils s’imposaient à eux-mêmes, mais pour de très mauvaises raisons! Ces choses « ne méritent pas d’honneur et contribuent à la satisfaction de la chair » (Col 2.23). Ces souffrances et abnégations contribuaient à les conforter dans leur orgueil et leur prétention à pouvoir ajouter par leurs propres œuvres quelque chose au salut en Jésus-Christ. Paul a rejeté vigoureusement ces hérésies et a souligné vivement que nous n’avons rien à ajouter à notre salut par nos propres efforts, car nous avons tout pleinement en Jésus-Christ.

Ce serait une arrogance terrible et un rejet même de la perfection du Christ si nous osions prétendre le contraire. Ne pensons jamais que, par nos efforts ou nos souffrances, nous pourrions améliorer ou compléter de quelque manière que ce soit l’œuvre expiatoire que Jésus-Christ a accomplie sur la croix pour nous. C’est le cœur même de l’Évangile que Paul a proclamé haut et fort aux Colossiens!

De plus, partout ailleurs dans la Bible, il est clairement enseigné qu’à la croix Jésus a « tout accompli » (Jn 19.30). « En lui, nous avons la rédemption par son sang, le pardon des péchés selon la richesse de sa grâce » (Ép 1.7). « Après avoir accompli la purification des péchés, il s’est assis à la droite de la majesté divine dans les lieux très hauts » (Hé 1.3). « Car par une seule offrande, il a rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont sanctifiés » (Hé 10.14).

Nous pouvons donc affirmer avec certitude que, lorsque Paul déclare qu’il complète dans sa chair ce qui manque aux afflictions du Christ, il ne veut pas dire que ses souffrances à lui, Paul, auraient quelque valeur expiatoire qui pourrait contribuer à la rédemption de l’Église. Jamais Paul ne s’adresse de cette manière aux Colossiens. Toujours, il leur fait tourner les regards uniquement vers l’œuvre parfaite de rédemption de leur Sauveur.

Cependant, Paul veut aussi faire grandir la reconnaissance dans le cœur des chrétiens de Colosses pour le travail qu’il accomplit en tant qu’apôtre et pour les souffrances qu’il endure à cause de l’Évangile. Au milieu de tout son développement magnifique sur la suprématie du Christ et sur la perfection de son œuvre de rédemption, Paul insère une section qui concerne son ministère en tant qu’apôtre (Col 1.23-29). Le Rédempteur est « plein ». Son œuvre est complète. Nous avons tout pleinement en lui. L’Évangile est parfait. Cependant, il y a un aspect de l’œuvre du Christ qui n’est pas encore « plein » et que Paul vient justement compléter, en particulier par ses souffrances.

4. Quel est l’aspect de l’œuvre du Christ qui n’est pas encore plein et que Paul vient compléter?

Il s’agit de l’annonce de l’Évangile qui devait être publié au monde entier. Peu auparavant, Paul avait déjà attiré l’attention des Colossiens sur le fait que « l’Évangile est parvenu chez vous, tout comme il porte des fruits et fait des progrès dans le monde entier » (Col 1.6). Au temps de l’apôtre Paul, le monde entier était en train de se faire progressivement remplir du fruit de l’Évangile! Puis, Paul parle de « l’espérance de l’Évangile que vous avez entendu, qui a été prêché à toute créature sous le ciel, et dont moi Paul je suis devenu le serviteur » (Col 1.23). Voyez-vous ici une nouvelle « plénitude » qui n’était pas là, même après la mort et la résurrection de Jésus? Paul est devenu serviteur de l’Évangile qui a été prêché à toute créature sous le ciel! On pourrait penser que Paul exagère. En fait, il savait très bien que ce n’étaient pas tous les humains sur terre pris individuellement qui avaient déjà entendu son Évangile.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Paul continuait sans relâche d’annoncer l’Évangile partout où il allait. Après Rome, il avait le projet de pousser plus loin jusqu’en Espagne. Il y avait aussi des populations en Inde, en Chine, en Amérique que Paul n’avait jamais rencontrées. Paul ne s’est jamais assis sur ses lauriers, au contraire, il combattait toujours avec le même zèle. Mais il pouvait affirmer que, dans un sens, son ministère d’apôtre auprès des païens lui avait permis d’annoncer l’Évangile à toute créature, c’est-à-dire à toute catégorie d’hommes, aux Juifs d’abord, puis aux Gentils, c’est-à-dire aux païens. Il y a une réalité qui est vraiment devenue « pleine » grâce à son ministère d’apôtre auprès des païens. C’est ce qu’il a pu conclure à la fin de sa vie.

« C’est le Seigneur qui m’a assisté et qui m’a fortifié, afin que la prédication soit portée par moi à sa plénitude [verbe “plèrophoréô”] et entendue de tous les païens. Et j’ai été délivré de la gueule du lion » (2 Tm 4.17).

Ceci est confirmé plus loin dans notre texte :

« C’est d’elle que je suis devenu serviteur. J’ai été chargé par Dieu de vous annoncer pleinement la parole de Dieu, le mystère caché de tout temps et à toutes les générations, mais dévoilé maintenant à ses saints, à qui Dieu a voulu faire connaître quelle est la glorieuse richesse de ce mystère parmi les païens, c’est-à-dire : Christ en vous, l’espérance de la gloire. C’est lui que nous annonçons, en avertissant tout homme et en instruisant tout homme en toute sagesse, afin de rendre tout homme parfait en Christ. C’est à cela que je travaille, en combattant avec sa force qui agit puissamment en moi » (Col 1.25-29).

De quelle « plénitude » est-il question ici? Qu’est-ce que le ministère de l’apôtre Paul a permis de « remplir » qui n’était pas plein auparavant? Non pas la plénitude de la rédemption, mais la plénitude de l’annonce de la rédemption! Auparavant, le mystère de l’Évangile était caché de tout temps et à toutes les générations, mais maintenant, il a été dévoilé à ses saints, en particulier grâce au serviteur Paul œuvrant et combattant douloureusement en vue d’annoncer l’Évangile aux païens. Il avait été chargé directement par le Seigneur non pas de leur faire connaître quelques bribes de la volonté de Dieu, mais de leur annoncer pleinement la parole de Dieu (littéralement : « remplir [“plèrôsai”] la parole de Dieu »). Paul avertissait tout homme et instruisait tout homme afin de rendre tout homme parfait en Christ. Encore là, il ne faut pas comprendre ce « tout » numériquement, mais qualitativement, toute catégorie d’homme. Tout homme devait être plein de la perfection en Christ, rien de moins! Quel combat cela devait représenter!

Plus loin encore, Paul ajoute :

« Je veux en effet, que vous sachiez quel grand combat je soutiens pour vous, pour ceux de Laodicée et pour tous ceux qui n’ont pas vu mon visage, afin que leur cœur soit consolé, qu’ils soient unis dans l’amour et enrichis d’une pleine certitude [“plèrophoria”] de l’intelligence, pour connaître le mystère de Dieu, Christ, en qui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance » (Col 2.1-3).

Il est encore question de réalités remplies de belles choses grâce au ministère de Paul, grâce à ses souffrances et au grand combat qu’il menait en faveur de l’Église! Il fallait que l’Église même soit remplie du Christ par la proclamation de Paul!

5. Paul a complété la fonction prophétique du Christ et non sa fonction sacerdotale

Pour bien comprendre en quoi Paul a suppléé dans sa chair aux afflictions du Christ, il est utile de faire la distinction entre les trois offices de Jésus-Christ. Quels sont ces trois offices? Jésus est Prophète, Prêtre (ou Sacrificateur) et Roi. En tant que souverain Prophète, il est venu pleinement révéler le conseil secret et la volonté de Dieu pour notre rédemption. En tant qu’unique souverain Sacrificateur, c’est lui qui, par le seul sacrifice de son corps, nous a rachetés et qui intercède continuellement auprès du Père. En tant que Roi éternel, c’est lui qui règne sur nous par sa Parole et par son Esprit et qui nous garde et maintient dans la rédemption qu’il nous a acquise (voir le Catéchisme de Heidelberg, question et réponse 31).

Du point de vue de sa fonction sacerdotale, les souffrances du Christ durant sa vie sur terre et particulièrement sur la croix sont terminées. Elles sont complètes et parfaites pour nous assurer pleinement notre pardon et notre rédemption. Que personne n’ose jamais prétendre ajouter quelque chose à ses souffrances expiatoires! Il ne manque absolument rien à l’œuvre sacerdotale de Jésus-Christ!

Cependant, du point de vue de sa fonction prophétique, les souffrances du Christ durant son ministère public n’étaient pas complètes. Il fallait que Jésus prolonge sa fonction prophétique par le biais du ministère de ses apôtres. La Parole a été faite chair. Elle a parfaitement accompli notre rédemption. Seulement, cette bonne nouvelle devait maintenant être mise par écrit pour les générations futures (dans le Nouveau Testament) et se répandre dans le monde entier. Ce sont les apôtres choisis par le Maître qui ont été envoyés pour poser le fondement de l’Église (Ép 2.20) et pour compléter la révélation de la volonté de Dieu tenue autrefois secrète (Ép 3.1-9).

C’est précisément de cela qu’il est question dans notre passage. Pour que l’Évangile soit annoncé à toute créature et se propage au monde entier, il fallait que Paul soit envoyé auprès des païens afin de faire passer la bonne nouvelle de Jésus-Christ du monde juif au monde grec et païen. Pour cela, il fallait que Paul souffre beaucoup pour l’Église et pour cet Évangile.

Dans les Actes des apôtres et dans plusieurs de ses lettres, nous voyons effectivement que Paul a beaucoup souffert au milieu de cette tâche prophétique qui lui avait été confiée. Dès le chemin de Damas, le Seigneur l’avait déjà préparé à cette mission douloureuse :

« Mais le Seigneur lui dit [à Ananias] : Va, car cet homme [Paul] est pour moi un instrument de choix, afin de porter mon nom devant les nations et les rois, et devant les fils d’Israël; et je lui montrerai combien il faudra qu’il souffre pour mon nom » (Ac 9.15-16).

Cette mission toute spéciale, Paul l’a accomplie jusqu’à la fin sa vie, par la grâce de Dieu et avec sa force souveraine.

« C’est le Seigneur qui m’a assisté et qui m’a fortifié, afin que la prédication soit portée par moi à sa plénitude et entendue de tous les païens. Et j’ai été délivré de la gueule du lion » (2 Tm 4.17).

C’était la marque de son ministère, du début jusqu’à la fin!

6. Armons-nous de la même pensée de souffrir pour le bien de l’Église

Qu’en est-il de nous? Pouvons-nous dire, nous aussi, que nous suppléons dans notre chair à ce qui manque aux souffrances du Christ pour son Église? Nous avons déjà vu que nous pouvons nous réjouir dans certaines de nos souffrances, par exemple lorsque nous sommes jugés dignes d’être persécutés pour le beau nom de Jésus-Christ. Mais pouvons-nous ajouter quelque chose aux afflictions du Christ, comme Paul l’a fait? Ou est-ce que Paul a déjà tout rempli et tout complété ce qui manquait, de sorte que maintenant tout est plein de ce point de vue là?

Nous pourrions poser la question autrement : Est-ce que nous partageons quelque chose de la fonction prophétique de Jésus-Christ? Oui, certainement! Nous sommes des prophètes, nous aussi. Unis à Jésus-Christ par son Saint-Esprit, nous sommes à la fois prêtres, prophètes et rois (voir le Catéchisme de Heidelberg, question et réponse 32).

En tant que prêtres, nous n’offrons pas de sacrifices expiatoires pour nos péchés. Nous offrons des sacrifices de reconnaissance, une vie consacrée à son service ainsi que la louange au Seigneur qui est le sacrifice de nos lèvres (Rm 12.1; Hé 13.15; 1 Pi 2.5,9). Nos souffrances n’ont aucune valeur méritoire et n’ajoutent rien à la perfection de son œuvre de rédemption à la croix. En tant que rois, nous combattons aujourd’hui contre le péché et le diable (Rm 6.12; Ép 6.11-12; 1 Tm 1.18-19) et nous régnerons éternellement avec Jésus-Christ (Mt 25.34; 2 Tm 2.12; Ap 3.21). En tant que prophètes, nous confessons son nom devant les hommes et nous grandissons dans la connaissance de sa volonté (Mt 10.32; Mc 8.38; Rm 10.9-10; Hé 13.15). À ce titre, nous sommes appelés à souffrir pour l’Évangile.

Dans un sens, nous pouvons dire que nous ne pouvons rien ajouter à ce que l’apôtre a « ajouté » aux souffrances du Christ. Le ministère apostolique de Paul a permis à l’Évangile d’être annoncé à toute créature, à toute catégorie d’hommes. L’enseignement des apôtres a permis de poser le fondement de l’Église une fois pour toutes (1 Co 3.10; Ép 2.20), de sorte que « la foi a été transmise aux saints une fois pour toutes » (Jude 1.3). Nous ne pouvons rien ajouter à ce fondement. Paul a été envoyé de manière toute spéciale auprès des païens, avec toutes les souffrances qui en découlaient pour lui. Personne aujourd’hui ne peut prétendre continuer, perpétuer ou compléter ce ministère apostolique. Tout cela est terminé, plein et complet.

Mais dans un autre sens, le mandat missionnaire confié aux apôtres et à l’Église n’est pas encore pleinement effectué. Nous devons continuer d’aller et de faire des disciples de toutes nations (Mt 28.18-20). Nous pourrions également dire que notre Église n’est pas encore parfaite en Christ ni aucun d’entre nous d’ailleurs. C’est à la fois une joie profonde et un grand défi de penser que chaque croyant est appelé à vivre dans la pleine maturité en Jésus-Christ, selon le but même qu’avait l’apôtre Paul « de rendre tout homme parfait en Christ » (Col 1.28). Cette perfection n’est pas réservée à une élite! Mais nous sommes encore si loin de ce but! Nous ne sommes pas encore pleinement unis dans l’amour ni parfaitement enrichis d’une pleine certitude de l’intelligence pour connaître pleinement le mystère de Dieu.

Il reste beaucoup de travail à faire, aussi bien pour annoncer l’Évangile au monde qui ne connaît pas Jésus-Christ que pour continuer d’annoncer l’Évangile dans l’Église, afin qu’elle devienne « pleine » de Jésus-Christ, de sa connaissance et de son amour. Il nous reste encore un travail prophétique important à accomplir, qui consiste à confesser son nom dans nos foyers, au milieu de notre Église, dans la société moderne dans laquelle nous vivons et dans le monde entier! Ce travail prophétique implique encore beaucoup de souffrances et un combat quotidien sans relâche. Des souffrances pour l’Église, pour le bien de l’Église et pour l’avancement de l’Évangile. Sommes-nous prêts à souffrir pour l’Église?

7. Quel genre de souffrances sommes-nous encore appelés à souffrir pour l’Église?

Quel genre de souffrances sommes-nous encore appelés à souffrir pour l’Église, afin que nous complétions dans notre corps ce qui manque aux afflictions du Christ pour son corps qui est l’Église? L’évangélisation du monde exige de nombreuses souffrances. L’Église est appelée à prêcher l’Évangile au monde et à appeler les pécheurs à se repentir, à croire et à être réconciliés avec Dieu. Cela va nécessairement nous attirer des problèmes, des rejets et des persécutions. Par ailleurs, dans l’Église et en chacun de nous, l’œuvre de sanctification pour que Jésus-Christ devienne pleinement formé en nous par la puissance de la Parole et de l’Esprit Saint implique également beaucoup de souffrances et de renoncements, non seulement de la part de chaque croyant, mais aussi de la part des serviteurs de la Parole. Paul compare cela à un accouchement : « Mes enfants, pour qui j’éprouve de nouveau les douleurs de l’enfantement, jusqu’à ce que Christ soit formé en vous » (Ga 4.19).

Ainsi donc, d’aucune façon nos souffrances n’ajoutent quoi que ce soit aux mérites expiatoires et rédempteurs de Jésus, mais nos souffrances peuvent servir au bien de l’Église. C’est là une occasion de réjouissance!

N’oublions jamais que c’est « avec sa force qui agit puissamment en nous » (voir Col 1.29) que nous combattons pour l’Évangile, et non avec nos propres forces. Notre capacité à servir l’Église et à souffrir pour elle est par conséquent plus grande que nous pensons.

« Or, à celui qui, par la puissance qui agit en nous, peut faire infiniment au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons, à lui la gloire dans l’Église et en Jésus-Christ, dans toutes les générations, aux siècles des siècles » (Ép 3.20-21).

Comptons donc sur ses forces et demandons-lui son secours!

Lorsque le dernier élu sera entré dans la bergerie, Jésus reviendra pour compléter toutes choses. C’est alors que tous nos compagnons de service seront « au complet », comme nous lisons en Apocalypse 6.11. Leurs souffrances pour l’Évangile et pour le témoignage de leur Sauveur Jésus seront alors « pleines » et « complètes ». Elles seront à jamais terminées. Toutes larmes seront essuyées de nos yeux, car l’Église entière sera rassemblée pour toujours autour de son Rédempteur pour lui rendre gloire. Le Christ sera pleinement formé en elle et elle se réjouira d’une joie pleine et entière dans son unique et merveilleux Sauveur!

Note

1. C. Spicq, « L’Église du Christ », La sainte Église universelle, Delachaux et Niestlé, Neuchâtel, 1948, p. 205.