Cet article a pour sujet le bien public et l'utilité sociale du culte public d'adoration et des autres services de l'Église, la soumission aux autorités en temps de pandémie et les recommandations à faire à nos gouvernements.

Source: ARPA Canada. 5 pages. Traduit par Claire Bédard

Le culte d’adoration public est-il essentiel? Quelques considérations bibliques pour la réponse de l’Église

  1. Les bienfaits publics et l’utilité sociale des services religieux hebdomadaires
  2. La soumission aux autorités, en particulier en période de pandémie
  3. Recommandations aux responsables civils à mesure que nous irons de l’avant
  4. Lorsque deux ou trois sont réunis

Les services essentiels sont un sujet d’actualité, alors que chacun se demande si son lieu de travail ou sa description de tâches sont considérés comme « essentiels » au regard des restrictions de la COVID-19. Certains services essentiels vont de soi : les infirmières et les médecins, les pompiers, les épiceries, les services de protection de l’enfance, les policiers. Mais ils englobent bien d’autres choses, incluant même les magasins d’alcool et les magasins de cannabis à usage récréatif. Il en résulte que certaines entreprises comptant des centaines d’employés continuent d’opérer avec une surveillance minimale, tandis que d’autres ont fermé leurs portes malgré les mesures qu’elles pouvaient facilement prendre pour atténuer les risques.

Les Églises ne figurent pas sur la liste des services essentiels et, à ce titre, elles sont censées respecter les limites imposées aux autres événements publics et rassemblements sociaux. Cela inclut les restrictions concernant les cultes d’adoration ainsi que d’autres services offerts par les Églises, comme les visites pastorales. Au Canada, au moment de la rédaction du présent document [8 avril 2020], les restrictions varient largement d’une province à l’autre. En Colombie-Britannique, les rassemblements de 50 personnes sont toujours autorisés, tandis que la limite est de 5 personnes en Ontario et de 2 personnes seulement au Québec et en Nouvelle-Écosse.

1. Les bienfaits publics et l’utilité sociale des services religieux hebdomadaires🔗

Ces restrictions ont eu un impact significatif sur nos pratiques habituelles d’adoration en Église. Les mesures gouvernementales prises contre la COVID-19 ont considérablement perturbé les communautés tout en alimentant le sentiment d’isolement, la peur et le jugement des autres. L’Église n’est pas à l’abri de ces perturbations. Nous savons que l’adoration est essentielle, mais est-il également essentiel de se rassembler physiquement pour un culte d’adoration communautaire?

L’Église est bien plus qu’une communauté, et les nombreux avantages de se réunir pour le culte sont exactement ce dont les Canadiens ont besoin pour traverser cette période de pandémie. Comme le dit le missionnaire canadien Ken Wieske :

« Le culte communautaire chrétien est une rencontre entre le ciel et la terre, entre le temps et l’éternité. C’est immédiatement après avoir expliqué cela que l’écrivain inspiré nous exhorte à ne pas négliger notre assemblée (Hé 10.25). Pourquoi? Parce que c’est l’expérience la plus proche de la gloire éternelle que nous puissions vivre de ce côté-ci de l’éternité. Dieu nous communique sa Parole qui donne la vie; l’Esprit œuvre en nous et fortifie notre foi par la Parole prêchée et par la Parole rendue visible dans les sacrements. »

Le culte d’adoration en Église nous rappelle l’amour de Dieu et les bons soins qu’il nous prodigue, et il calme notre peur. L’Église est un lieu où nous trouvons la paix et un sens à notre vie au sein même des nos épreuves, où la misère que nous voyons autour de nous prend son sens. Toutes les Églises incorporent également la musique et le chant. Les chants en Église couvrent toute la gamme des émotions : la joie, l’angoisse, la peur, la colère, l’amour. Les Églises nous donnent l’occasion, par la parole et par le chant, d’exprimer ce que nous vivons profondément. C’est tellement nécessaire dans les moments de panique et de peur.

Carl Trueman l’explique ainsi :

« La mort est inévitable, c’est pourquoi chacun de nous est si terrifié devant la mort. Dans cette perspective, l’Église a pour tâche de mettre les gens face à la réalité avant que cette réalité ne vienne les frapper personnellement. Pourtant, cet aspect semble avoir été absent du profil public de l’Église ces dernières semaines. Les efforts pour lutter contre le virus sont importants, mais la tâche de l’Église de nous préparer à la mort est tout aussi importante.1 »

Un pasteur nous a dit que la participation au culte public régulier, hebdomadaire, en personne, procure un puissant soutien aux personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale. Nous sommes au cœur de préoccupations légitimes concernant l’augmentation des problèmes de santé mentale liés à la peur et à la solitude qu’entraîne un isolement prolongé, et concernant la façon dont cet impact survivra à la COVID-19 en tant que possible échopandémie2. Dans un monde où la solitude est une épidémie en soi3, les Églises offrent un lieu de relations et de soutien. Les bienfaits pour la santé mentale du culte hebdomadaire d’adoration en Église sont réels et mesurables.

Les cultes d’adoration sont également l’occasion pour les Églises de recueillir des offrandes afin de soutenir leurs membres ainsi que d’autres personnes, ce qui est un besoin pressant quand des dizaines de milliers de personnes perdent leur emploi et luttent pour joindre les deux bouts. Les Églises connaissent les besoins de leurs membres et peuvent offrir un soutien direct et immédiat, ce que le gouvernement civil ne peut pas faire. Les offrandes sont également souvent dirigées vers des programmes locaux qui dépendent des dons pour répondre aux besoins de la communauté.

Les avantages sociaux, mentaux et spirituels des services religieux ne doivent pas être sommairement écartés. Même les décideurs politiques non croyants devraient en prendre note.

2. La soumission aux autorités, en particulier en période de pandémie🔗

ARPA Canada4 ne préconise pas de défier la loi — ce n’est pas le moment d’encourager la désobéissance civile — mais nous pensons que l’Église peut et doit faire pression, doucement et prudemment, à l’encontre de mesures plus draconiennes.

Les chrétiens du Canada ont pour la plupart suivi les recommandations du gouvernement interdisant les grands rassemblements en favorisant la tenue de cultes d’adoration avec un nombre limité de personnes, la diffusion en ligne ainsi que des réunions virtuelles en petits groupes. Ce respect des recommandations fait partie de l’appel de l’Église à aimer son prochain et à obéir au gouvernement civil. Nous aimons notre pays, nous prions pour notre pays et notre prochain, et nous ne prenons pas à la légère les décisions que nos dirigeants doivent prendre en ces temps difficiles. C’est la démonstration d’un respect et d’une soumission appropriés à l’égard des autorités gouvernementales (Rm 13.1-7; 1 Pi 2.13-17).

Toutefois, il est normal d’exprimer des inquiétudes lorsque le gouvernement restreint notre capacité à nous réunir librement pour le culte d’adoration. Jamais, dans notre histoire, le gouvernement n’a interdit des rassemblements de plus de 5 personnes, comme l’a fait l’Ontario, ou de 10 personnes, comme au Manitoba — cela n’a même pas été fait au plus fort de la grippe espagnole qui a tué 20 millions de personnes en 1918-1919! On peut se demander si ces mesures sont raisonnables ou utiles.

Limiter la propagation de la COVID-19 justifie certaines mesures qui ont un impact sur les rassemblements en Église pour le culte d’adoration. Toutefois, classer les services religieux comme étant non essentiels n’est pas la bonne approche. Les services religieux ne devraient pas, en raison de leur taille éventuelle, être mis dans le même sac que les concerts ou les manifestations sportives ni être annulés sans aucune considération pour des aménagements raisonnables. Une telle uniformité d’approche dénigre le culte d’adoration en Église en le rendant comparable à un match de hockey.

Nous voulons nous assurer que notre gouvernement et nos concitoyens savent que les chrétiens ne considèrent pas la prière (que ce soit en Église ou de manière individuelle) comme une alternative à une action prudente; nous joignons les mains et nous nous lavons les mains. Mais l’Évangile est ce dont notre monde a le plus besoin, et le culte communautaire est une occasion en or de prêcher l’Évangile.

3. Recommandations aux responsables civils à mesure que nous irons de l’avant🔗

Se rassembler dans un lieu de culte bondé à l’heure actuelle ne témoigne pas d’un amour pour notre prochain et ne contribue pas à la gloire à Dieu. C’est faire preuve de mépris envers les recommandations du gouvernement et manquer de considération pour les personnes vulnérables. Toutefois, des mesures simples — respecter une distance physique, se désinfecter les mains, garder les portes ouvertes, fermer la garderie, ne pas recueillir l’offrande avec des sacs ou des paniers, etc. — réduiront considérablement le risque de propagation du virus.

ARPA Canada vous suggère d’exprimer à votre député provincial tout ce que vous estimez avoir perdu à cause de la fermeture de votre Église. Au fur et à mesure que les restrictions seront assouplies, nous devons être assurés que les Églises seront en tête de liste pour la réouverture. N’hésitez pas à porter à l’attention des autorités civiles certains des points mentionnés ci-dessus concernant les avantages sociaux et spirituels de l’Église, et à demander que des mesures raisonnables soient prises :

  • Permettre aux Églises de se réunir en plus petit nombre, à condition qu’elles respectent des normes d’hygiène élevées : peut-être jusqu’à 50 personnes qui se réuniront pour le culte, ou peut-être déterminer le nombre en fonction d’une certaine proportion de la capacité du bâtiment. Cette approche permet d’atténuer le risque de contagion.

  • Il est à noter qu’avant que le gouvernement civil n’institue des mesures draconiennes de distanciation physique, la plupart des Églises avaient déjà mis en œuvre des mesures créatives pour assurer la distanciation physique, annulé certaines activités, fermé la garderie de l’Église, mis en place une façon de recueillir les offrandes sans avoir besoin de manipuler l’argent, organisé un nettoyage minutieux après les services, organisé la diffusion en direct des cultes d’adoration en incitant les personnes symptomatiques, les personnes revenant de voyage et les personnes vulnérables à rester chez elles. Nous n’avons aucune raison de croire que tout cela ne pourrait pas continuer.

  • La réouverture des Églises devrait être une priorité absolue à mesure que les restrictions seront assouplies. Les services offerts par les dirigeants d’Église, tels que les visites pastorales dans les foyers et les hôpitaux, devraient être permis avec les précautions appropriées.

  • Nous sommes également préoccupés par l’absence d’autres services religieux spéciaux, en particulier les funérailles, les mariages et les baptêmes. Décès sans funérailles, mariages et naissances non célébrés sont socialement préjudiciables. Ce sont des moments de toute première importance dans la vie, et un gouvernement civil, dans un effort pour protéger la vie, ne devrait pas réprimer inutilement les grands moments marquants de la vie plus qu’il n’est nécessaire.

  • Les responsables civils doivent clairement communiquer que la restriction imposée sur la tenue des cultes publics est une mesure extrême qui n’est pas prise à la légère, et que les Églises offrent de grands bienfaits à la société dans son ensemble. Les responsables politiques doivent veiller à ne pas cibler les Églises de manière négative.

4. Lorsque deux ou trois sont réunis🔗

Nous savons que, quelle que soit la taille de notre rassemblement, Dieu entend nos prières et nous honore de sa présence. Nous savons aussi qu’il nous appelle à la vie en communauté et à l’adorer en union avec les autres croyants. Une diffusion en direct est une pâle imitation d’un culte d’adoration en personne. Comme l’a dit le pasteur Ken Wieske :

« C’est comme si, pour notre repas de l’Action de grâce en famille, chaque personne était enfermée dans une pièce séparée de la maison, que chacun recevait séparément sa portion de dinde avec ses accompagnements et que nous discutions sur Facetime. Bien sûr, c’est mieux que rien, mais c’est loin d’être la même chose qu’un vrai repas ensemble! »

Nous devons prendre au sérieux les précautions relatives à la COVID-19. C’est une occasion d’aimer nos concitoyens de manière bonne et sage. Cela implique de rester chez soi autant que possible, d’aider les autres avec empressement et dévouement, et de faire preuve d’une paix qui transcende l’entendement humain, afin que Dieu soit reconnu et glorifié à travers nous (Ph 4.7; Mt 5.16).

Toutefois, il est également juste de pleurer la perte du culte d’adoration en Église, l’impossibilité de participer aux sacrements et la perturbation de la communion des saints. Il est juste et bon de demander respectueusement à nos gouvernements des réponses, des échéanciers et des exceptions, et d’expliquer pourquoi il est impératif de se réunir pour adorer le Dieu tout-puissant. En cette période troublée, nous vous encourageons à rester chez vous, mais à rester politiquement engagés et, plus important encore, à rester spirituellement actifs et alertes.

Notes

1. Carl Trueman, Deaths Delayed [Décès retardés].

2. Avis Favaro, Elizabeth St. Philip, Meredith MacLeod, Is an “echo pandemic” of mental illness coming after COVID-19? [Une « échopandémie » de maladie mentale surviendra-t-elle après la COVID-19?].

3. John Stonestreet, Roberto Rivera, Social Distancing and Loneliness [Distanciation sociale et solitude].

4. ARPA : Association for Reformed Political Action, ou Association pour une action politique réformée.