Cet article a pour sujet le règne actuel de Jésus-Christ qui, depuis son ascension, exerce son autorité et sa seigneurie sur toutes choses, incluant sur Satan, sur les démons et sur les forces des ténèbres.

Source: Défi et défaite des démons. 4 pages.

Démonologie - La seigneurie actuelle du Christ

La confession de foi de l’Église primitive du nom du Christ comme Seigneur, « Kurios Christos », s’opposait aussi bien à l’empereur romain et à ses prétentions de César universel, qu’à Satan, l’usurpateur, déjà réellement détrôné pour toujours.

Effectivement, la seigneurie de Jésus-Christ met fin au pouvoir « délégué » que détenait temporairement le « prince de ce monde ». Il nous faut veiller à ne pas reléguer cette autorité totale et effective du Christ à une ère future, à un millénium eschatologique sans rapport avec notre époque et n’ayant pas d’incidence sur notre expérience actuelle dans la foi. La seigneurie universelle du Christ s’exerce déjà ici et maintenant.

Le Nouveau Testament se fait l’écho de l’Ancien en prenant à son compte la célèbre affirmation du Psaume 110, psaume messianique (Ac 2.34-36; 5.31; 7.55; Rm 8.34; 1 Co 15.25; Ép 1.20-23; Col 3.1). La pensée du Psaume 110 et l’interprétation qu’en donne le Nouveau Testament s’appliquent parfaitement à l’autorité présente du Messie. Celle-ci persistera jusqu’à ce que tous ses ennemis lui soient assujettis. Au jour de sa colère, il frappera les rois, sera le juge des nations, et son peuple, enfin délivré, se réjouira de ses triomphes.

Quel est cet événement ultime et quand se produira-t-il? Pour le Nouveau Testament, il n’y a pas l’ombre d’un doute; il atteste la réalité présente de cette autorité. Isolé de son contexte et du reste du Nouveau Testament, le passage de 1 Corinthiens 15.25 pourrait laisser entendre qu’il s’agirait d’un règne futur. Mais si nous l’associons à Actes 2.34-36, il devient évident qu’il est envisagé, ici comme ailleurs, comme un règne déjà actuel et effectif. En sa qualité de Messie exalté, le Christ détient déjà actuellement une souveraineté totale. Aussi est-il en droit d’exiger de tout homme la foi en lui et la repentance des péchés. Ce fut précisément sur ce point-là que Pierre insista le jour de la Pentecôte. Il annonça l’établissement du Christ comme Seigneur. Il lui appliqua le titre de « Kurios », ce qui est lourd de sens, à la fois politique et religieux. Le terme traduit en grec est l’« Adonai » de l’Ancien Testament hébreu (voir Ph 2.10-11 et És 45.23; 1 Pi 3.14 et És 8.13; Rm 10.13 et Jl 3.5).

Nous apprenons ainsi ce qui constituait le noyau même de la confession de la foi primitive. Le Christ est « Kurios ». Du fait que Dieu est Seigneur, il délègue son pouvoir à Jésus, et celui-ci est déjà maintenant en train d’exercer son pouvoir royal. Son ascension et son exaltation aux yeux de la foi établissent une autorité universelle. D’après Oscar Cullmann :

« Pour les premiers chrétiens, cela signifiait que le Christ n’est pas seulement le véritable souverain des hommes à la manière d’un empereur romain, mais celui de la création tout entière, visible et invisible. »

Dans Hébreux 10.12-13, nous lisons la prédiction faite relativement à l’assujettissement des ennemis du Christ. Il fera d’eux un marchepied. Selon Westcott, il ne lui reste à présent qu’à cueillir simplement les fruits de sa victoire.

D’autres passages du Nouveau Testament, comme Éphésiens 1.20-23, 1 Pierre 3.22, Apocalypse 3.21, attestent aussi cette seigneurie universelle actuelle. Toutes les principautés, puissances, dominations, noms, quels qu’ils soient, lui sont soumis. Ces termes désignent à leur manière Satan (n’en déplaise à ceux qui n’y voient que des autorités politiques). Certes, l’aspect actuel du règne du Christ n’épuise pas toute la signification prophétique du Psaume 110. Dans celui-ci, les deux aspects de son avènement, présent et futur, semblent étroitement entremêlés, difficilement distingués l’un de l’autre. Une chose pourtant demeure claire, voire indiscutable : la royauté du Christ et sa seigneurie universelle sont des faits établis et attestés aussi bien par la foi et l’espérance de l’Ancien Testament que par celle du Nouveau Testament.

Pour la Bible, il n’existe pas de dualisme métaphysique. Si dualisme il y a, celui-ci est de nature éthique, c’est-à-dire qu’il relève de l’opposition d’une volonté rebelle à la Parole de Dieu. Le premier, le dualisme métaphysique, est de nature intemporelle, mythique; le second est théologique et historique. Jamais les forces du mal et du Malin n’égaleront la toute-puissance de Dieu. Satan a cherché à troubler, à nuire, à défaire et à s’opposer à l’établissement du règne de Dieu. Il a cherché à fonder et à établir son régime sur le mensonge, sur l’iniquité et sur la mort. Depuis le commencement, les forces des ténèbres, avec Satan en tête, se sont opposées à la souveraineté de Dieu et au bien-être de ses élus (Mt 12.24-26; Lc 4.5-6; Ép 2.3). Si à première vue leur pouvoir semble égaler celui de Dieu, en réalité il n’en est rien. Elles n’ont ni assises solides ni ne jouiront d’une durée indéfinie.

C’est à cet endroit que sautera aux yeux une fois de plus la différence d’approche et d’interprétation entre une conception millénariste dispensationaliste du règne du Christ et notre conviction, biblique et réformée, de l’actualité de l’autorité du Christ. La première reconnaît, elle aussi, une seigneurie du Christ, mais elle n’est qu’une autorité future, effective seulement lors de son avènement sur terre. Cette seigneurie ne s’exercerait actuellement que sur des vies individuelles. De là découle l’apolitisme et l’acosmisme, c’est-à-dire l’absence totale de préoccupation pour le monde et ses affaires, de nombre d’évangéliques ou encore les faibles motifs invoqués lorsqu’ils s’engagent! Une telle conception revient à marcher contre toute espérance, voire sans la foi en l’autorité du Seigneur dont on veut témoigner de la seigneurie. Si l’autorité du Christ ne doit s’exercer que dans un lointain futur, c’est avec raison, voire avec angoisse, qu’on se demandera ce qui s’est alors réellement accompli au Calvaire.

La thèse hautement fantaisiste d’Origène n’est pas, bien entendu, davantage plausible. Selon le grand théologien du 3e siècle, le triomphe de Jésus sur Satan aurait été le fait d’une ruse « fabriquée » par le Sauveur. En livrant le Christ à la mort, Satan s’imaginait détenir un pouvoir absolu. Mais le Christ ayant accepté de jouer le jeu de Satan aurait, de manière magistrale, déjoué le plan diabolique… En somme, à Malin, Malin et demi!

Le Christ sur la croix a prononcé le « tout est accompli » (Jn 19.30). Quel est le sens de cette déclaration et son lien avec sa résurrection et son exaltation? Est-il le Seigneur effectif des nations ou bien végète-t-il dans l’attente du futur pouvoir qui lui serait réservé? N’aurait-il pas déjà lié l’homme fort? N’a-t-il pas vu Satan, tel un éclair, tomber du ciel? Autrement, pour quelle raison et sur quel fondement inviterons-nous les hommes à croire et à se repentir de leurs péchés? Pourquoi chercherions-nous à « amener toute pensée captive à l’obéissance du Christ » (2 Co 10.5) si celui-ci n’est pas devenu le Seigneur universel?

Or, l’existence de l’Église et sa foi, ainsi que toute sa mission évangélisatrice, ne se fondent et ne dépendent que de la conviction de l’autorité présente et effective du Seigneur Jésus-Christ. Pour pouvoir correctement parler de Satan, nous devons au préalable parler correctement du Christ, de sa nature et de sa mission. C’est sur le terrain de l’expiation que le pardon des offenses a été offert. Le Christ est venu sauver son peuple élu, l’arracher à la malédiction, l’affranchir définitivement du pouvoir des ténèbres qui encerclent le monde. En mourant sur la croix, il a libéré son Église du pouvoir de Satan. Notre rédemption repose sur la réconciliation opérée. Le « tout est accompli » résonne à nos oreilles de croyants non comme le cri de désespoir d’une victime sans défense, mais comme la déclaration du Sauveur que nous savons avoir remporté la victoire au prix de son sacrifice. Après sa passion et sa mort, le Christ peut mener le monde à la perfection. Par la foi en son œuvre, son peuple bénéficiera de tous les bienfaits et bénéfices de celle-ci (1 Jn 5.4).

Ce n’est que du point de vue de la créature qu’il semble exister un hiatus entre la victoire du Christ et l’écrasement effectif de l’ennemi déjà vaincu. Certes, aux yeux des humains, la victoire du Calvaire peut sembler presque irréelle face aux multiples tragédies qui frappent le monde et l’Église. Toutefois, nous pouvons maintenir intacte une sereine certitude. Le professeur Leahy emploie à cet effet une illustration fort à propos. Il compare cette victoire et son effet à l’éclair et au tonnerre. Dans la réalité objective, ces deux phénomènes n’en constituent en fait virtuellement qu’un seul; pourtant, de notre point de vue, nous apercevons d’abord la lumière éblouissante de l’éclair et, ensuite seulement, le tonnerre assourdissant. Nous expliquerons le phénomène par le fait que la lumière voyage plus rapidement que le son.

L’Église de Thyatire (Ap 2.18-29) vivait au milieu d’une société régie économiquement par des guildes de commerçants, dominée politiquement par des païens immoraux, culturellement soumise à des activités licencieuses et religieusement conduite par l’idolâtrie et le mysticisme. Comme l’Église contemporaine, celle de Thyatire a été informée que tout pouvoir et toute autorité sur la terre et dans les cieux appartiennent au Messie ressuscité (voir Mt 28.18), lequel promet d’exercer sur les nations son pouvoir. Néanmoins, déjà à cette époque et en dépit de cette annonce, des groupes hérétiques avaient commencé à porter un intérêt déplacé aux choses de Satan et à prétendre connaître et saisir le sens de ses activités occultes. La préoccupation se déplaça du Prince des lumières vers celui des ténèbres. La secte des Jézabélites en était la manifestation la plus notoire.

L’Église contemporaine a une opinion plutôt pessimiste sur Satan et ses activités. On s’imagine connaître ses secrets, et ce jusqu’au sein des cercles chrétiens. On oublie, ainsi qu’on le faisait à Thyatire, que les ténèbres ne peuvent chasser la lumière. Il nous faut nous rappeler le chant de Luther :

C’est un rempart que notre Dieu,
Si l’on nous fait injure,
Son bras puissant nous tiendra lieu
Et de fort et d’armure.
L’ennemi, contre nous
Redouble de courroux,
Vaine colère!
Que pourrait l’adversaire?
L’Éternel détourne ses coups.
Que les démons forgent des fers
Pour accabler l’Église;
Ta Sion brave les enfers,
Sur le rocher assise.
Constant dans son effort,
En vain avec la mort
Satan conspire;
Pour briser son empire,
Il suffit d’un mot du Dieu fort.
Dis-le ce mot victorieux
Dans toutes nos détresses!
Répands sur nous du haut des cieux
Tes divines largesses.
Qu’on nous ôte nos biens,
Qu’on serre nos liens,
Que nous importe?
Ta grâce est la plus forte
Et ton royaume est pour les tiens.