Cet article a pour sujet la grâce de Dieu offerte aux familles dysfonctionnelles, pour que les enfants honorent leurs parents, que les parents soient fidèles à leurs voeux, et qu'ils vivent ensemble en paix et avec le soutien de l'Église.

4 pages. Traduit par Paulin Bédard

La grâce pour les familles dysfonctionnelles

  1. Maintenir l’obligation pour les enfants d’honorer leurs parents
  2. Maintenir l’obligation des parents d’accomplir leurs vœux de baptême
  3. Dans le foyer, respecter le commandement du Seigneur de vivre en paix
  4. Reconnaître la priorité de l’obéissance à Dieu sur les parents
  5. Reconnaître le contexte ecclésial d’une famille de l’alliance

Comment le cinquième commandement peut-il s’appliquer à des situations de dysfonctionnement familial?

Par exemple, comment s’applique-t-il lorsque les enfants vivent en rébellion contre l’autorité des parents ou lorsque les parents n’exercent pas leurs responsabilités selon les directives de l’Écriture? Par « famille dysfonctionnelle », nous entendons une famille dont les structures et les rôles relationnels ne sont pas en accord avec les normes de l’Écriture de manière sérieuse et durable1.

Lorsaque nous sommes au milieu de telles situations difficiles, nous sommes reconnaissants de pouvoir compter sur l’amour inébranlable de Dieu et sur la sagesse incontestable de sa Parole. Je propose ici cinq principes tirés de l’Écriture.

1. Maintenir l’obligation pour les enfants d’honorer leurs parents🔗

Face à la complexité de l’application de la loi de Dieu, il est naturel de préférer des réponses simples et parfois simplistes. Dans une situation de rébellion contre les parents, notre réaction viscérale risque d’être bien tranchée et sans nuances : les enfants doivent obéir à papa et à maman, point final. Cette approche simpliste peut s’avérer inopportune si elle ne tient pas compte du contexte de la situation.

Néanmoins, il faut tenir compte de l’importance de ce commandement. Dieu confie aux parents un rôle empreint d’autorité. Le fait qu’un parent n’entretienne pas avec son enfant des relations conformes aux commandements du Seigneur n’enlève rien à l’obligation de l’enfant de réfléchir attentivement à ce commandement et de s’efforcer d’y obéir avec diligence. Ursinus déclare à propos de ce commandement :

« La fonction doit être distinguée des personnes qui en sont investies; ainsi, tout en détestant la méchanceté des hommes, nous devons néanmoins honorer leur fonction, en raison du fait que c’est Dieu qui les a établis dans cette fonction.2 »

Dans son explication du cinquième commandement, la question et réponse 104 du Catéchisme de Heidelberg inclut une phrase réaliste et très utile qui a un rapport essentiel avec notre question. En parlant de l’honneur que je dois rendre à « à mon père et à ma mère et à toutes autorités placées au-dessus de moi », le Catéchisme m’indique également de « supporter avec patience leurs défauts, puisque Dieu veut nous conduire par leurs mains ».

Les parents peuvent faillir, mais les enfants doivent quand même leur rendre honneur, amour et fidélité. Le Christ lui-même a donné l’exemple de ce comportement de soumission à l’égard de l’autorité sévère pendant son ministère (1 Pi 2.18- 24). Toutefois, ce commandement ne doit pas être considéré comme absolu, comme nous le verrons plus loin.

2. Maintenir l’obligation des parents d’accomplir leurs vœux de baptême🔗

Selon l’Écriture, les parents croyants ont la lourde obligation d’élever leurs enfants « en les corrigeant et en les avertissant selon le Seigneur » (Ép 6.4). Cette obligation se retrouve dans les vœux de baptême des Églises réformées, lorsque les parents promettent « d’instruire leur enfant dans cette doctrine et de le faire instruire selon tous les moyens à leur disposition ».

Encore là, nous ne devrions pas adopter une vision simpliste des résultats attendus de la part de ceux qui doivent remplir cette obligation. Russell Moore souligne que nous avons parfois une « vision transactionnelle » de l’éducation des enfants, qu’elle est à peu près équivalente à l’élevage du bétail ou à la programmation d’un code dans un ordinateur3, c’est-à-dire que, si nous enseignons cette foi et cette conduite et si nous la donnons en exemple, nous serons assurés d’obtenir ce bon résultat. Les chrétiens pourraient considérer Proverbes 22.6 comme une promesse absolue que Dieu sauvera leur enfant : « Oriente le jeune garçon sur la voie qu’il doit suivre; même quand il sera vieux, il ne s’en écartera pas. »

Cependant, Proverbes 22.6 parle d’un principe général, à savoir que la direction que les parents donnent à leurs enfants est généralement formatrice pour le reste de leur vie. Cela ne signifie pas que tous les enfants élevés dans un foyer de l’alliance ou envoyés dans une école chrétienne et dans des camps d’été deviendront de vrais croyants. La douleur et la tristesse d’avoir des enfants non croyants ne sont que trop réels pour de nombreux parents. Néanmoins, ce texte souligne l’importance pour les parents de s’efforcer d’exercer cet appel donné par Dieu, avec sa force et par son Esprit, malgré nos nombreuses faiblesses.

3. Dans le foyer, respecter le commandement du Seigneur de vivre en paix🔗

La volonté de Dieu est que la paix règne dans nos Églises, dans nos mariages, avec nos amis et au sein de nos familles. Bien que Jésus apporte une épée de division qui divise parfois les familles (Mt 10.34-37), il y a une différence substantielle entre la division légitime sur le véritable Évangile et la division que nous perpétuons à cause de nos propres choix pécheurs et égoïstes. Selon J. Douma, « les problèmes entre parents et enfants sont rarement du genre à exiger un choix “pour ou contre le Christ”4 ». Au contraire, les conflits familiaux portent souvent sur des questions moins importantes.

Dans les situations regrettables où un conflit survient à la maison, les parents et les enfants doivent tenir compte de l’appel de Dieu à vivre en paix. Le Christ bénit les artisans de paix (Mt 5.9) et sa Parole appelle les croyants à « rechercher la paix avec tous » (Hé 12.14). Même si les parents et les enfants ne sont pas certains de trouver quelle serait la solution agréable à Dieu à la tension qui règne entre eux, ils doivent éviter les comportements qui sont manifestement mauvais. Par exemple, dans leurs interactions mutuelles, parents et enfants doivent rejeter la colère injuste, les maltraitances physiques ou émotionnelles, la participation à la calomnie ou l’entretien de la rancune et de la haine. De telles actions et attitudes ne font que perpétuer le conflit.

Au contraire, lorsque les parents et les enfants s’expriment avec douceur, écoutent attentivement et donnent l’occasion d’avoir des interactions saines, cela crée un contexte paisible pour la résolution nécessaire.

4. Reconnaître la priorité de l’obéissance à Dieu sur les parents🔗

Le principe tacite dans Actes 5.29 est bien connu : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. » Si les parents commandent quelque chose qui est contraire à la volonté révélée de Dieu, les enfants sont obligés de désobéir à leurs parents.

Honorer une créature (comme un parent) doit toujours être subordonné et secondaire par rapport à l’obéissance et à l’adoration que nous devons à Dieu. Pensez à la façon dont Abraham a quitté la maison de son père, dont Ruth a quitté ses parents et son pays, et dont Ézéchias a rejeté l’éducation de son père Ahaz, un impie. Néanmoins, la norme biblique de l’autorité parentale signifie que nous ne devons pas rejeter entièrement l’autorité des parents. Douma dit :

« Il ne faut pas saisir trop vite la possibilité de refuser l’obéissance à ses parents. Le fait de leur dire non à un moment donné, quelle que soit la gravité de ce moment, n’implique pas un rejet total de ses parents.5 »

Voyons maintenant le cinquième principe d’application du cinquième commandement dans les familles dysfonctionnelles :

5. Reconnaître le contexte ecclésial d’une famille de l’alliance🔗

Pour emprunter (et modifier) un adage d’Hillary Clinton : « Il faut une Église pour élever une famille. » Une famille de croyants avec leurs enfants appartient au corps du Christ. Cela confère à l’Église un rôle de soutien important, aussi bien lorsque la vie familiale est stable que lorsqu’elle est mise à rude épreuve. Pensez à la bénédiction que nous pouvons recevoir en demandant humblement conseil à d’autres parents consacrés à Dieu et expérimentés, en organisant régulièrement des ateliers ou des discussions autour de livres sur l’art d’être un bon parent, et en impliquant les dirigeants de l’Église (plus tôt que tard) en cas de tensions familiales.

La réalité est que nos familles sont souvent isolées. Même au sein d’une Église chrétienne, une famille peut être isolée de tout contact significatif avec les autres membres de l’Église. Les murs d’une maison peuvent cacher beaucoup de choses. Nous sommes naturellement réticents à parler de notre désordre et de nos dysfonctionnements avec la communauté des croyants ou avec les dirigeants de l’Église. Nous préférons régler nos problèmes « à l’intérieur » de la famille.

En tant que pasteur, je trouve regrettable que l’Église ne soit pas toujours un lieu accueillant pour les familles qui sont dysfonctionnelles à un certain niveau. On s’attend à ce que toutes les familles de l’Église soient saines et épanouies, alors que celles qui ne le sont pas sont considérées avec suspicion ou dédain. Par conséquent, certaines familles endurent en silence des souffrances et des difficultés indicibles, sans bénéficier du soutien communautaire dont elles ont tant besoin.

La volonté de Dieu de travailler avec des prodigues comme nous (Luc 15.11-32) devrait nous motiver à prendre soin avec bienveillance des enfants prodigues et des parents prodigues que l’on peut toujours trouver dans nos Églises.

La grâce est pour eux, et la grâce est pour nous tous, en tant que famille de Dieu en Christ.

Notes

1. Voir mon article Des familles dysfonctionnelles où ce sujet a été abordé plus en détail.

2. Zacharias Ursinus, Commentary on the Heidelberg Catechism [Commentaire sur le Catéchisme de Heidelberg], tr. G.W. Williard, Phillipsburg, NJ, P&R, 1985, p. 576.

3. Russell Moore, The Storm-Tossed Family: How the Cross Reshapes the Home [La famille secouée par les tempêtes : comment la croix remodèle le foyer], Nashville, TN, B&H, 2018, p. 248.

4. Jochem Douma, The Ten Commandments: Manual for the Christian Life [Les dix commandements : Manuel pour la vie chrétienne], tr. Nelson D. Kloosterman, Phillipsburg, NJ, P&R, 1996, p. 177.

5. Jochem Douma, The Ten Commandments [Les dix commandements].