Cet article sur Hébreux 12 a pour sujet l'expérience chrétienne de la souffrance qui doit être reçue comme faisant partie du plan bienveillant de Dieu pour ses enfants pour notre correction et notre bien.

Source: Le chrétien et la souffrance. 4 pages.

Hébreux 12 - L'expérience chrétienne de la souffrance (2)

Hébreux 12

Le chapitre 12 de la lettre aux Hébreux récapitule certaines leçons, déjà évoquées antérieurement, relatives à l’expérience chrétienne de la souffrance. Pour commencer, nous apprenons qu’il ne faut pas nous attendre à des résultats positifs issus automatiquement de la souffrance. L’affliction, disions-nous, aussi grande soit-elle, n’est pas en elle-même un facteur décisif de sanctification. La raison en est que généralement nous la méprisons. Elle ne sera bénéfique qu’à celui qui en accepte la sévère disciple. Pourquoi la méprisons-nous, si elle est imposée par le Seigneur? Comment saurons-nous nous y soumettre et nous y exercer? La réponse se trouve dans la révélation qui a été faite à saint Paul au sujet de l’écharde plantée dans sa chair. Il s’en était préoccupé et fortement affligé, mais il voulut surtout savoir si, à travers elle, il saurait encore honorer Dieu (2 Co 12.7-10).

Là où la discipline spirituelle est refusée, là où elle n’est acceptée que comme un fâcheux accident, et non comme un dessein intelligent, avec une finalité précise, là, le châtiment sera méprisé. C’est seulement en l’acceptant, que le chrétien adoptera une position conforme à sa vocation vis-à-vis de la providence; sachant que tout incident, même le plus déplaisant, est permis par Dieu et que toute épreuve vise une fin : celle de notre salut. Lorsqu’un événement est agréable, il nous réconfortera; lorsqu’il est pénible et amer, il visera notre correction et contribuera à notre conformité à la volonté divine.

Mais l’enseignement tiré de ce chapitre de la lettre aux Hébreux va encore au-delà; on pourrait presque dire qu’il contient un côté inquiétant. Ainsi, nous apprenons que l’adversité dont nous pouvons être la cible ne vise pas exclusivement ou unilatéralement et de façon automatique notre édification, mais qu’elle peut devenir dangereuse. Même le Christ, nous est-il rappelé, fut tenté par la souffrance (Hé 2.18). Ce danger est double : d’une part l’affaiblissement résultant de la verge de la providence, qui nous reproche nos manquements; d’autre part, la douleur pouvant nous préoccuper tellement que nous courrons le risque de négliger notre responsabilité vis-à-vis de Dieu.

La souffrance peut donc affaiblir nos forces, nous habituer à l’indolence et nous paralyser par une impotence spirituelle chronique. Le cas des disciples endormis à Gethsémané, tandis que leur Maître se trouvait en agonie mortelle, illustre cette réaction négative vis-à-vis de la peine (Lc 22.45). Les destinataires de la lettre aux Hébreux semblent se cantonner dans la même attitude que les disciples; à force d’être la cible d’une tenace et farouche adversité, persécutés par ceux qui refusent la seigneurie du Christ, ils risquent de bouder et d’entretenir leurs misères; au lieu de chanter les louanges du Ressuscité, ils égrèneront plutôt leurs misères. Aussi, l’auteur de cette lettre les exhorte : Élevez vos cœurs; sursum corda; affermissez les genoux tremblants… L’amertume face à l’adversité (voir Hé 12.15) peut nous mener jusqu’à envier ceux qui apparaissent comme privilégiés et à porter un regard morbide sur la vie en général. De telles réactions ne sont pas rares dans l’expérience de la souffrance. Il nous advient de regarder ceux dont l’existence semble se dérouler dans des conditions faciles comme appartenant à une classe spirituelle inférieure.

L’affliction n’est pas automatiquement une condition propice pour recevoir des bénédictions spirituelles; elle ne nous met pas à l’abri du danger si nous relâchons notre vigilance. L’adversité peut devenir spirituellement périlleuse si la présence de Dieu ne nous accompagnait pas. La prière constante et l’armure de l’Esprit restent indispensables. Ne nous imaginons pas que notre souffrance nous mènera automatiquement à un degré élevé de sanctification, même si, normalement, la souffrance devrait nous ennoblir, nous purifier et nous sanctifier. Mais regardez à tant de démunis, de victimes, d’exploités… Seraient-ils pour autant plus sanctifiés? Certainement pas. Des trois croix dressées sur le Calvaire, l’une était celle de l’expiation, l’autre celle de la sanctification, mais la troisième, celle de l’amère et blasphématoire rébellion.

Le châtiment subi nous assurerait-il que nous sommes enfants de Dieu? Une fois encore, il nous faut une grande prudence pour affirmer cela. Notre souffrance n’indique pas que nous soyons dans une position privilégiée par rapport à Dieu. Tous ont part à la souffrance, les bons comme les méchants. Mais selon l’écrivain biblique, si nous étions exemptés de souffrance, nous serions des enfants illégitimes. Tous les enfants sont disciplinés, mais tous ceux qui sont disciplinés ne sont pas des enfants! Avant que la souffrance soit considérée comme preuve de notre filiation, d’autres facteurs devraient être considérés.

Tout d’abord, il faut admettre que la souffrance peut servir de moyen de discipline spirituelle. Lorsque l’adversité est corrective et sanctifiante, alors nous avons raison de tirer des conclusions réconfortantes, bien qu’une souffrance puisse servir de discipline aussi dans le cas de non-chrétiens, pouvant les améliorer et les purifier. L’important est la direction que nous lui donnerons. Sa fin ultime est la paix et la justice; d’où nous tirerons la conclusion que, si nous souffrons, la raison en est que nous avons été adoptés par Dieu. À condition également que le fruit de l’expérience douloureuse soit une plus grande conformité et ressemblance avec le Christ. La leçon la plus importante c’est de regarder à Jésus, ce qui est le sûr et unique moyen d’éviter une dépression spirituelle.

Voici quelques aspects de la personne et du ministère de Jésus, selon notre auteur :

Le Christ a souffert intensément et de manière unique, endurant l’hostilité des pécheurs, acceptant la croix et éprouvant une angoisse mortelle à Gethsémané; il résista aussi au péché, au point de transpirer des gouttes de sang. Nos angoisses sont infiniment petites comparées à la sienne.

Il est l’auteur et le consommateur de notre foi. Lui aussi, tout Fils de Dieu qu’il fut dut souffrir réellement; sa souffrance ne fut pas moindre et surtout pas moins réelle que la nôtre. Or, il fit face à la douleur en tant que croyant. Il est l’auteur de notre foi, le pionnier, le premier et unique en qui la foi trouve son accomplissement et sa perfection. Le passage de ce chapitre 12 de la lettre aux Hébreux insiste fortement sur le parallèle entre l’expérience du Seigneur et la nôtre. En Jésus-Christ, c’est un corps véritable et une âme raisonnable, en tout pareils aux nôtres hormis le péché, qui firent face à la tentation et à l’épreuve.

Ce fut une personne réellement humaine, quelqu’un qui pria comme un croyant doit prier, entièrement dépendant de la grâce divine, devant être assisté du Saint-Esprit, exactement comme vous et moi, qui souffrit, humblement malgré sa majesté. Même en maintenant intacte notre foi en la parfaite divinité du Fils de Dieu, notre Seigneur, nous n’oublierons pas, pas un seul instant, sa nature parfaitement humaine. Jésus-Christ était à la fois Dieu et homme. Tel est le fondement de la foi chrétienne. Faisant face à la croix, il éprouva une angoisse mortelle; ceci était le signe de sa condition humaine limitée. Son corps humain, préparé en vue de sa mission rédemptrice, fut soutenu par la grâce, pour pouvoir porter et supporter la fureur des forces déchaînées dans la vallée de l’ombre de la mort, qu’il dut traverser afin de nous en arracher pour l’éternité. À présent, à cause de cette connaissance de sa nature et de ce qu’il éprouva humainement, nous lui ferons confiance. Il peut compatir avec notre souffrance et venir à notre secours. Le Fils du Tout-Puissant lutta dans des circonstances similaires aux nôtres avec les mêmes facultés humaines.

Jésus endura la croix à cause de la joie qui était placée devant lui; ce qui veut dire qu’il fut encouragé au cœur même de la détresse. La perspective de la récompense future lui fut un secours. En ce qui nous concerne, l’attente chrétienne des fins dernières aura son incidence sur notre peine de l’heure présente. Notre peine momentanée portera un poids infini de gloire dans l’avenir que Dieu prépare pour nous, lorsque son Royaume sera établi ici-bas et qu’il renouvellera toutes choses; cette perspective de l’avenir qui nous attend nous permettra d’endurer les épreuves les plus pénibles.

Jésus est assis à la droite de Dieu, nous est-il dit. Cela veut dire qu’après avoir connu l’humiliation la plus extrême, notre Seigneur a atteint l’ultime et glorieuse récompense. Ses disciples partageront le même sort. Le chaos et la confusion du Calvaire furent suivis par l’état d’exaltation.

Les vicissitudes auxquelles nous soumet la providence ne devraient pas nous faire penser que Dieu ne s’occupe pas de nous! Le fait que Jésus soit assis à la droite du Père est d’une importance vitale pour ceux qui portent son nom, parce qu’il est celui entre les mains duquel est confié le gouvernement des hommes et des choses (Ap 5.6). Le Fils incarné ayant traversé la vallée de l’ombre de la mort contrôle la destinée des siens. Ce n’est pas le hasard, la chance, la fatalité qui décideront de notre sort, même lorsque nous agonisons. Notre Dieu miséricordieux règne éternellement sur le temps et sur l’histoire présente. « Que la terre se réjouisse » (Ps 97.1).

Jésus-Christ a été établi Maître de toutes les sphères de l’existence; son amour rédempteur est suprême. C’est l’homme Jésus qui est en même temps le Fils de Dieu qui est installé sur le trône céleste; l’homme sans péché, véritable Maître et possesseur de la création. « Ne crains point les choses que tu souffres », dit l’ange du livre de l’Apocalypse à Église (Ap 2.10). « J’étais mort, et voici je vis » (Ap 2.8).

Pourquoi sommes-nous quasi systématiquement déprimés? N’est-ce pas parce que notre connaissance de la Bible reste défectueuse, pleine de lacunes? Nous nous affaiblissons et oublions les conséquences de la passion rédemptrice du Christ. Or, une bonne théologie biblique nous apprend le pourquoi de la souffrance, mais aussi le comment de notre affranchissement. Il ne suffit pas de lire les pages de la Bible comme on lit une pièce de littérature; il faut encore méditer et réfléchir, penser sérieusement son contenu. Autrement, nous risquons de l’utiliser comme un livre de magie. Or, nous devons en connaître les richesses, si nous voulons en profiter en toute circonstance.

Pour conclure, voici trois observations :

1. Notre souffrance ne contribue en rien à l’obtention du pardon de nos offenses et à notre salut. Une telle idée est échafaudée par des théologies anti-bibliques et des théories humaines. En Christ, nous avons une parfaite rédemption; sa passion et sa mort nous réconcilient avec Dieu.

2. Dans la proclamation de l’Évangile à l’homme d’aujourd’hui, il faut rappeler les dures exigences de la fidélité au Christ. Il n’y a pas de grâce bon marché, nous l’avons souvent dit, et d’autres l’ont dit et répété avant nous. Ne cherchons pas à obtenir des conversions faciles, car l’homme naturel cherche le bonheur à tout prix et ferait n’importe quoi pour l’obtenir, même en se déclarant, à la rigueur, chrétien! Ce n’est pas là la vocation du disciple du Christ dans le monde contemporain, pas plus qu’elle ne le fut dans le passé. Notre honnêteté et rigueur chrétienne, et surtout la Parole du Christ, nous découragent d’offrir l’Évangile tel un article de consommation, comme un supplément de bonheur ajouté aux plaisirs cueillis ailleurs… Renoncer à soi-même, se charger de sa croix et le suivre, mourir quotidiennement à soi, voilà le prix de la grâce.

3. Quoique les peines et les tribulations seront inévitables, la dépression spirituelle, elle, ne l’est pas; on peut l’éviter. Les premières sont permises par Dieu, la seconde nous nous l’infligeons à nous-mêmes. La norme chrétienne suivra le modèle de l’apôtre Paul qui déclarait :

« Nous sommes pressés de toute manière, mais non écrasés; désemparés, mais non désespérés; persécutés, mais non abandonnés; abattus, mais non perdus; nous portons toujours avec nous dans notre corps la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus se manifeste aussi dans notre chair mortelle » (2 Co 4.8).

Maintenons donc une ferme espérance. Si la douleur peut engendrer la confusion, à l’école de la Bible et du Christ, l’expérience chrétienne de la souffrance nous permettra de remporter la victoire « par celui qui nous fortifie » et dont la grâce est effectivement toute suffisante.