Cet article a pour sujet l'enseignement biblique au sujet du divorce, selon les lois de l'Ancien Testament et le divorce pour raison d'infidélité (Matthieu 5.32 et Matthieu 19.9) et de désertion du conjoint (1 Corinthiens 7.15).

Source: Homme et femme il les créa. 14 pages.

L'enseignement biblique concernant le divorce

  1. L’enseignement de l’Ancien Testament
  2. L’enseignement du Nouveau Testament
    a. Le divorce pour raison d’infidélité (Mt 5.32 et 19.9)
    b. Le divorce pour raison de désertion du conjoint (1 Co 7.15)

1. L’enseignement de l’Ancien Testament🔗

Dans son livre Institutes of Biblical Law (Institution de la loi biblique), Rousas John Rushdoony a consacré quelques pages au divorce. Nous y trouvons une excellente classification des textes concernant le divorce. Le rappel de ces textes précédera l’examen que le théologien réformé a consacré à l’ensemble de ce problème, et ce, dans le cadre de son étude du 7commandement. L’auteur rappelle que, pour Calvin et pour Luther, le consentement mutuel des époux était nécessaire pour rendre le mariage valide. Dans le cas de Jacob et de Léa, il y eut en réalité un viol subi par le jeune Jacob. Pour quelle raison celui-ci a-t-il accepté Léa comme épouse? Tout simplement parce qu’en sa qualité d’étranger, Jacob n’aurait jamais pu se défendre ni avoir recours contre Laban, son beau-père. Il ne lui restait en réalité que la très maigre possibilité de protester ou, à la rigueur, de s’enfuir de chez son beau-père. En aucune manière, il n’aurait pu exercer ses droits légitimes.

Si l’union des époux implique et engage le consentement mutuel, le divorce, lui, s’en passe volontiers! Ceux qui, en Israël, étaient les « missionnaires » des dieux païens (Dt 13.1-19) étaient voués à la peine de mort. Dans ce cas, le divorce était implicitement accordé. Il est intéressant aussi d’examiner le cas de Tamar, dans Genèse 38, et celui de David après son adultère, en 2 Samuel 12.5; le roi recevra cependant l’assurance que son péché n’entraînera pas la mort.

Dans certaines sociétés, la femme est mise à mort après le décès de son époux. Aussi bien la loi mosaïque que Jésus lui-même, non seulement refusent cette coutume, mais encore permettent le remariage de la veuve. Le mariage dure tant que dure la vie du conjoint. Dans la législation biblique, le divorce à travers la mort violente, pour les raisons évoquées plus haut, met la partie innocente à l’abri. C’est seulement le coupable qui meurt pour l’offense qu’il a commise.

La peine capitale était exigée pour des offenses telles que l’adultère (Lv 20.10; Dt 22.20-25), le viol (Dt 22.25), l’inceste (Lv 20.11,12,14,17), l’homosexualité et la sodomie (Lv 18.22; 20.13), la bestialité (Ex 22.18; Lv 18.23; 20.15-16), la rébellion violente contre ses parents (Ex 21.15), la mort d’une femme par suite d’avortement ou de fausse couche provoquant la mort de l’enfant (Ex 21.22), le sacrifice d’enfants à Molok (Lv 20.2-5), la malédiction prononcée contre ses parents (Ex 21.17; Lv 20.9), la vente ou l’achat d’êtres humains pour en faire des esclaves (Dt 24.7), la divination (Lv 20.27), les faux prophètes (Dt 13.1-5; 18.20), l’apostasie (Dt 13.6-16; 17.2-5), les sacrifices offerts à des dieux étrangers (Ex 22.19), le blasphème (Lv 24.16), la profanation du sabbat (Nb 15.32-36), la transgression de l’alliance (Dt 17.2-5).

La liste des peines infligées à l’homme est plus longue, quoique certaines offenses commises par celui-ci aient aussi été commises par des femmes. Ainsi, la femme meurtrière devait également subir le châtiment suprême. D’autres peines furent sans doute appliquées aussi bien aux femmes qu’aux hommes. Il est clair qu’un certain nombre parmi les offenses mentionnées sont de nature masculine, car elles impliquaient une force physique plus grande, par exemple le viol ou l’enlèvement d’enfants ou d’adultes. Aussi, parce que les hommes détiennent des positions d’autorité plus élevées, ils sont davantage sujets à la peine. Selon un principe biblique général, plus grandes sont l’autorité et la dignité de quelqu’un, plus grande est la responsabilité et plus grave est sa faute (Lv 4 et Lc 12.48).

À noter que si l’ignorance amoindrit le châtiment infligé, elle n’est pas une excuse pour la faute et n’élimine pas le châtiment. Une position de responsable accroît la gravité de la peine. Cependant, une offense commise par un membre d’une famille ne peut entraîner la culpabilité de la famille tout entière (Dt 24.16).

Le divorce par mort rend possible et légitime alors le remariage du conjoint resté veuf ou veuve. Une autre forme de divorce est celle que cause la rupture du contrat conjugal, comme par exemple manquer de pourvoir à la subsistance et aux besoins matériels du conjoint, dans ce cas de la femme, ainsi qu’aux relations sexuelles.

Le livre de Néhémie révèle deux nouveaux types de divorces et renforce la règle dans des circonstances où la consanguinité est flagrante, ou bien dans le cas de mariages mixtes avec des femmes étrangères païennes (dans le cas des mariages mixtes, voir Ex 34.12-16; Nb 25.6-8; Dt 7.1-3; pour le divorce exigé, Né 9.2; 13.23-27; Ml 2.14; dans le cas de consanguinité interdite, Dt 23.1; 27.20-23).

Un autre type encore de divorce est spécifié par l’Écriture : celui qui intervient après une lettre de divorce écrite par le mari (voir Dt 24.1-4 et d’autres textes qui citent la lettre de divorce tels qu’És. 50.1 et Jr 3.8). Des femmes sont mentionnées au sujet de cette lettre (Lv 21.14; 22.13; Nb 30.10).

À noter cependant que, lorsque la loi se prononce sur ce sujet, elle le fait en fonction de la sainteté de Dieu et non de la situation vécue par l’homme comme telle. En outre, elle se prononce pour ceux qui observent scrupuleusement la loi, et non pour offrir une excuse quelconque à des hypocrites. Si la femme n’a pas trouvé grâce aux yeux de son mari, ce ne doit jamais être à cause des caprices de ce dernier, mais exclusivement par rapport aux normes saintes que se fixe un homme pieux, celui qui demeure fidèle aux prescriptions de la loi, dans le cadre même de l’alliance. La loi, elle aussi, fait partie de l’alliance de grâce. L’abus pharisaïque de la loi fera son apparition ultérieurement. Certes, ainsi que le déclarera plus tard Jésus, le divorce apparaît dans un monde qui vit sous le signe et la réalité de la chute (« à cause de la dureté de votre cœur… », Mt 19.8). Or, rappelons-nous qu’aucun aspect ni domaine de notre existence n’est préservé des effets de celle-ci.

Des tentatives pour assimiler l’impureté, ou « la chose inconvenante », à l’adultère, d’après Deutéronome 24.1, n’ont pas été probantes. Dans un tel cas, ainsi que nous l’avons constaté, le divorce par la mort devenait possible. L’impureté de quelqu’un ou de quelque chose impliquait-elle une offense sérieuse? Elle exige l’exposition honteuse de son corps (Gn 9.22; Ex 20.26; Lm 1.8; Éz 16.36-37). Dans Lévitique 18, il est question de pratiques sexuelles anormales ou illégitimes et dans Deutéronome 23.14, il est question des excréments humains. Ainsi, il ne s’agissait pas d’affaires triviales, mais de quelque chose d’impie et de répugnant pour le partenaire de l’alliance qui cherchait à conformer l’ensemble de sa conduite aux saintes prescriptions de la loi.

2. L’enseignement du Nouveau Testament🔗

a. Le divorce pour raison d’infidélité (Mt 5.32 et 19.9)🔗

Nous avons déjà rappelé l’insistance avec laquelle Jésus souligne la permanence et l’indissolubilité du mariage. Dans les deux principaux passages (Mt 19.3-9 et Mc 10.2-9), il confirme l’ordre de la création. Toutefois, il semble permettre la rupture des liens du mariage pour des raisons qui pourraient la justifier; par exemple, par motif de fornication (« pornéia », Mt 19.9). Étant donné le nombre de divergences quant à l’interprétation de ce terme, il est indispensable d’abord d’examiner séparément les passages incriminés et, si possible, de les commenter.

Dans Matthieu 5.31-32, après un commentaire du sixième commandement du Décalogue, Jésus déclare :

« Il a été dit : Que celui qui répudie sa femme lui donne une lettre de divorce. Mais moi, je vous dis : Quiconque répudie sa femme, sauf pour cause d’infidélité, l’expose à devenir adultère, et celui qui épouse une femme répudiée commet un adultère. »

Quelle est la condition de la femme répudiée? Les juifs l’estimaient suffisamment établie par la formalité de la lettre de divorce, prescrite par Deutéronome 24.1-3. Mais en réalité, si cette formalité permettait de définir la situation juridique de la femme répudiée, elle ne statuait pas sur la valeur morale et religieuse de la répudiation. Comme dans d’autres cas, les juifs interprétaient la prescription du Deutéronome dans le sens le plus favorable aux faiblesses et aux fantaisies de l’homme, en admettant que la répudiation fût autorisée sous la seule condition de cette lettre. La faute n’était pas de répudier sa femme, mais de ne pas lui donner ce billet. Dès lors, la répudiation pouvait être pratiquée pour la raison la plus futile. Certains présentaient le divorce comme un privilège accordé par Dieu aux Israélites et refusé aux autres peuples!

La parole de Jésus remet tout en question. Alors que l’on imaginait la condition de la femme entièrement réglée par la lettre de répudiation, voici que Jésus affirme que cette formalité, si elle liquide peut-être la situation juridique, ne saurait déterminer le caractère moral et religieux de la situation créée par la répudiation. Alors que l’on croyait la femme libérée et capable de contracter une nouvelle union sans encourir le risque d’adultère, Jésus déclare qu’une formalité juridique ne dispose pas du lien conjugal. Ce dernier est constitué par de tout autres réalités et n’appartient pas au domaine du droit et de la jurisprudence; essentiellement, il relève d’un autre ordre. Nous préciserons ultérieurement cet ordre auquel Jésus se réfère implicitement. Mais relevons dès maintenant que Jésus reconnaît à l’adultère le pouvoir qu’il conteste à la lettre de répudiation, à savoir le pouvoir de rompre le lien conjugal.

Dans la seconde partie de la déclaration, Jésus envisage la conséquence naturelle de son affirmation de principe. Puisque la lettre de divorce ne décide pas du lien conjugal, une femme répudiée n’est pas libre de contracter une nouvelle union; elle est, au fond, encore mariée et l’homme qui l’épouserait commettrait adultère avec elle. (On appelait adultère, chez les juifs, l’inconduite de l’homme lorsqu’il commettait une faute avec une femme mariée ou fiancée; dans l’autre cas, on parlait d’impudicité).

La lettre de répudiation ne peut, par elle-même, rompre le lien conjugal. Voilà seulement ce que signifie ce passage. Il n’exclut donc pas la possibilité d’une rupture réellement opérée, mais pour d’autres raisons que cette formalité, et par conséquent n’affirme pas que, dans tous les cas, le remariage d’une femme divorcée implique l’adultère de la part de l’homme qui l’épouse.

Dans Luc 16.18, Jésus déclare : « Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre commet un adultère, et quiconque épouse une femme répudiée par son mari commet un adultère. » Quelle est la condition de l’homme, après qu’il a répudié sa femme? Telle est la nouvelle question envisagée ici par Jésus. Il ne fait pas allusion à la lettre de répudiation. Mais cette formalité, pratiquée selon les règles de l’usage et de la loi, est certainement considérée implicitement comme accomplie. Car, quoique la loi n’eût pas explicitement interdit la polygamie, celle-ci n’était pas dans les mœurs et un homme aurait été considéré comme polygame s’il n’avait pas répudié sa première femme conformément à la loi, avant d’en épouser une seconde.

L’intérêt de la parole de Jésus, c’est qu’elle soulève justement une difficulté là où personne n’en soupçonnait et dénonce un péché là où chacun croyait pouvoir se mettre aisément en règle. Lorsqu’un homme avait envie de changer de femme, il invoquait l’autorisation du divorce accordée par Moïse et s’en prévalait pour répudier sa femme, se bornant seulement, pour se justifier devant sa conscience, à rédiger correctement sa lettre de divorce. C’est le cas qui est cité ici. L’expression de Jésus indique assez vraisemblablement que c’est bien pour en épouser une autre que cet homme a répudié la première. Eh bien! que cet homme ne s’imagine pas que sa conduite est correcte par le seul fait de ce petit billet si commode! Encore une fois, ce n’est pas cette formalité juridique qui l’a institué à son origine ou qui le constitue.

Ce texte de Luc ne mentionne pas la clause restrictive de Matthieu 5, d’après laquelle l’adultère justifie la répudiation. Ce silence significatif indique que la cause de répudiation est bien le simple désir de cet homme de changer de femme, soit parce que la sienne aura cessé de lui plaire, soit parce qu’une autre lui aura plu davantage. La correction légale de l’acte de répudiation ne modifie pas la culpabilité de cette décision inspirée par la convoitise. Car dans le regard de convoitise, l’adultère est déjà contenu. Réciproquement, quiconque épousant une femme répudiée rassurera sa conscience en prétendant que cette femme possède une lettre de divorce régulière, celui-là commettra à son tour un adultère.

L’Évangile de Marc (Mc 10.2-12) et celui de Matthieu (Mt 19.3-12) contiennent deux récits parallèles dont voici les différences essentielles. La question posée à Jésus chez Marc est générale et porte sur la légitimité de la répudiation; chez Matthieu, elle est particulière, c’est un problème de casuistique : la différence entre les dialogues qui suivent tient à la différence des questions qui les introduisent. Dans Marc, après avoir rappelé que le divorce a été permis par Moïse, Jésus ajoute qu’il est la conséquence du péché et conclut en soulignant qu’il est absolument contraire à la volonté divine, l’homme et la femme étant destinés à ne former qu’un être, ce qui implique qu’ils ne se séparent point. La question posée dans Matthieu portant sur les conditions du divorce, Jésus rappelle solennellement une vérité de principe que ses interlocuteurs, qui ne doutent même plus de la légitimité du divorce, paraissent avoir totalement oubliée; on ne peut répondre à la question « quand peut-on divorcer? » qu’après avoir bien établi qu’on ne doit pas divorcer. Lorsque les interlocuteurs reviennent à la charge en invoquant l’autorité de Moïse, Jésus confirme son affirmation précédente en indiquant la raison pour laquelle Moïse a autorisé le divorce : c’est à cause du péché des hommes, ce qui prouve bien que ce divorce est contraire à la volonté divine.

Par la suite, le texte de Matthieu 19 admet (comme dans Mt 5.32) que l’inconduite de la femme justifie le divorce. Cette restriction répond au problème de casuistique soulevé par la question initiale. Le texte de Marc, conformément à la manière dont le débat a été présenté, ignore cette clause restrictive : dans tous les cas, sans exception, la volonté divine condamne le divorce.

La parole qui termine l’entretien chez Marc soulève une difficulté. Elle envisage le cas où, le mariage ayant été rompu par l’initiative de la femme, celle-ci se remarie. Il n’existe dans les Évangiles aucune autre déclaration relative à cette éventualité. Or, on sait que chez les juifs la femme ne possédait pas de droit d’initiative en matière de divorce. Il semblerait donc que cette parole fasse allusion à une coutume inspirée du droit gréco-romain qui admettait la possibilité pour la femme de répudier son mari. Est-il vraisemblable que Jésus ait connu cette coutume en Galilée ou en Judée? Il existe des textes rabbiniques, rares et tardifs (2siècle), qui admettaient le droit de la femme à quitter son mari dans certains cas, par exemple celui de la lèpre.

Cette interprétation des textes évangéliques tient compte de la clause restrictive d’après laquelle la répudiation est autorisée dans le cas d’adultère. Nous estimons possible et même aisé d’incorporer cette clause dans l’enseignement général de Jésus. Si la formalité juridique de la répudiation par lettre est condamnée, c’est pour écarter l’opinion que, grâce à elle, le divorce cesserait d’être contraire à la volonté divine. Par contre, l’adultère a un tout autre effet que la lettre de répudiation, quant à la permanence du lien conjugal.

Nombre de commentateurs estiment que l’enseignement véritable de Jésus est contenu dans Marc 10 et Luc 16, où la clause d’adultère n’est pas mentionnée. Matthieu 5 et 19 seraient inauthentiques dans leur teneur actuelle. Car il y aurait contradiction entre la condamnation formelle du divorce dans les premiers de ces textes et la légitimation dont il est l’objet dans les seconds. On ajoute qu’en comparant Matthieu 19 et Marc 10 on les trouve assez étroitement parallèles pour admettre que l’absence de ladite clause dans Marc témoigne fortement contre son authenticité dans Matthieu. Le premier évangéliste aurait tenu compte, ici comme ailleurs, des circonstances de l’Église qui s’organisait, apportant à l’absolu quelque peu théorique et surhumain de l’enseignement de Jésus les tempéraments imposés par l’expérience et prévoyant le mal inévitable, et aurait voulu le limiter, ainsi qu’un législateur avisé tel que Moïse.

Ces remarques ne nous paraissent pas démontrer l’inauthenticité de la clause restrictive. C’est un fait que le premier Évangile et lui seul la rapporte. On prête au rédacteur un esprit de compromis bien peu conforme à ses autres affirmations sur ce sujet; car il est également le seul à rapporter la parole redoutable qui assimile le regard de convoitise à l’adultère et l’autre propos si absolu qui répond à l’exclamation des disciples sur l’incommodité de l’état du mariage. Il est permis de dire que Matthieu 19 répond mieux aux circonstances historiques que Marc 10; on y rencontre une discussion rabbinique digne des interlocuteurs de Jésus, alors que Marc 10 traite d’une question abstraite, ne présentant pas un intérêt général et qui n’intéresse pas tout le monde. Quand on remarque, enfin, que l’obligatoire lapidation d’une femme adultère rendrait cette clause sans objet, on confond la loi et son application. Il fallait, en effet, des témoins pour établir le délit, deux ou trois, et le cas relaté dans Jean 8, qu’on invoque contre notre passage, prouve au contraire que la prescription ancienne ne s’appliquait pas si aisément.

D’après les récits parallèles de Matthieu 19 et Marc 10, il apparaît que la pensée de Jésus, loin d’exclure la clause restrictive, l’impliquait au contraire.

En rappelant que Dieu a créé l’homme « mâle et femelle », Jésus place le débat sur le terrain des principes. Avant toutes choses, il faut tenir compte de la volonté divine. Dieu est le Créateur. C’est à lui qu’il convient de rapporter la distinction des sexes et c’est à son dessein créateur que la créature doit conformer sa conduite. Jésus, pour résumer ce dessein, cite la Genèse. D’après cette citation, il y a diversité entre l’être humain masculin et l’être humain féminin. Par la volonté divine originelle d’unir ces deux êtres, ils deviendront une seule chair pour le reste de leur vie. Désormais, ils ne pourront vivre comme deux individualités isolées l’une de l’autre, mais, dans la pensée et le projet créateurs, ils seront maintenant inséparables de leur complémentaire.

De là découle une conception de l’union conjugale et, par conséquent, un jugement sur le divorce. L’union conjugale repose sur la reconnaissance de l’intention du Créateur, qui a diversifié l’homme en vue de constituer, par l’union des deux éléments distincts, une réalité nouvelle, le « couple », chacun des membres n’étant pas destiné à vivre une existence autonome et n’étant pas isolé ou complet en soi. Dieu veut que l’homme et la femme soient un. Que l’homme ne sépare donc pas ce qui est uni pour Dieu, ce que Dieu a uni.

L’état normal de l’homme masculin ou féminin étant donc l’état conjugal, l’essence de l’union conjugale doit être recherchée d’une part dans la volonté de Dieu, de l’autre dans l’accord de deux êtres qui, ensemble, répondent à cette volonté créatrice et constituent le couple. Pour le croyant, le mariage est une obéissance et c’est ce qui lui confère son caractère, sa valeur, sa qualité religieuse.

Il convient alors d’écarter l’idée qu’un lien conjugal concret existerait objectivement et pour ainsi dire en Dieu. Dieu a uni l’homme et la femme quand il les a créés, mais la constitution du lien conjugal entre deux êtres particuliers dans la suite des temps est un acte propre de ces deux êtres, lorsqu’ils reconnaissent la volonté divine et se proposent d’y obéir. Ajoutons aussi que la volonté d’union des conjoints ne saurait conférer aucune valeur propre à leur union; ni leur amour ni plus tard leur fidélité ne qualifient le couple qu’ils forment, mais seulement la volonté divine relative à l’union conjugale.

Dieu a voulu le lien conjugal durable. Le couple ne saurait être une réalisation éphémère. Du moment où il se constitue, sa loi est de rester ce qu’il a été dès l’abord, l’union voulue par le Créateur entre deux êtres. Le divorce, rupture de l’état conjugal, est contraire à la volonté divine, sans restriction.

C’est cette condamnation absolue du divorce qui explique la réponse catégorique rapportée dans l’Évangile de Marc. Elle était nécessaire en réponse à des hommes préoccupés de savoir si, devant Dieu et en droit, le divorce était compatible avec le mariage, comme il l’était en fait devant les hommes.

Il est vrai que le lien conjugal peut être rompu par la volonté mauvaise de l’homme, car il n’est durable que s’il est établi en tant qu’obéissance à Dieu. L’union fondée sur une volonté commune des conjoints d’obéir à l’ordre divin est indissoluble parce que cet ordre divin est immuable. Mais du moment où l’union conjugale est indifférente à la volonté de Dieu, elle ne se voudra pas soumise à l’obligation de durer, ce qui découle de la volonté divine.

Cela se vérifie, à plus forte raison, si l’inconduite de l’un des conjoints manifeste avec évidence que la volonté divine ne préside plus à la vie conjugale. Le lien conjugal doit être permanent, mais il peut être rompu par celui qui désobéit à Dieu, tout comme il existe des unions indifférentes, dès l’origine, à toute obéissance. C’est le péché qui crée l’une et l’autre situation.

Le divorce ne fait que constater la situation pécheresse où les conjoints restent deux entités indépendantes au lieu de chercher à devenir une unité totale. La faute ne consiste pas essentiellement à divorcer puisque cet acte n’est qu’un aveu et la sanction d’un état de fait; elle est antérieure, dans l’état de fait qui rend le divorce nécessaire, dans la ruine du lien conjugal, dans la désobéissance à Dieu que cette ruine implique.

Ajoutons quelques notes sur les mots « pornéia » (fornication) et « moichéia » (adultère) employés dans le Nouveau Testament. Quel est le sens de « pornéia » dans Matthieu 5.32 et 19.9? Quelles en sont les interprétations courantes? L’adultère couvre toutes les formes dans lesquelles se produit l’infidélité dans le mariage. Il doit être considéré dans son sens large comme l’infidélité maritale, la rupture de la fidélité qui peut se produire de différentes façons. C’est à partir de cette idée qu’on distingue dans Matthieu 5.32 et 19.9 entre « pornéia » (fornication) et « moichéia » (adultère). On soutient alors que Matthieu, en utilisant le premier terme, fait allusion à la « chose inconvenante » de Deutéronome 24. À notre avis, ce texte parle de la fornication. De nombreux interprètes tiennent la « pornéia » pour une autre forme de relations sexuelles illicites que la « moichéia », ce dernier se référant à l’infidélité à l’intérieur du mariage. De toute manière, il n’est guère possible, sur le plan biblique, de limiter la fornication à la seule infidélité physique.

Bien que, dans Matthieu 19.3, Jésus démontre que la question de ses interlocuteurs est une fausse question, il y revient néanmoins au verset 9. La phrase de Matthieu 5.32, « excepté pour motif d’adultère », emploie une construction grecque exceptionnelle : « parektos logou pornéias ». À cause de la similarité entre le grec « logos » et l’hébreu « dabar », la construction suit l’interprétation de Deutéronome 24, passage dans lequel apparaît « erwah dabar ». Quelle qu’en soit l’interprétation, il est évident qu’elle a servi d’arrière-plan à la discussion engagée dans Matthieu 19. Notons cependant que le passage du livre du Deutéronome n’institue pas le divorce. Il ne fait que reconnaître l’existence de facto de la coutume et, dans une certaine mesure, il la règle. La traduction correcte des versets montrera que ce texte ne traite du divorce que de façon indirecte.

L’intention première en est certainement l’interdiction du remariage des conjoints après une première dissolution du lien conjugal. Néanmoins, il se réfère aussi à la situation ou au cas où, après son mariage, une femme ne trouve pas la faveur de son mari pour la raison, devenue banale, que nous évoquions plus haut, et que le texte du Deutéronome traite de « chose inconvenante » (« erwah dabar »).

Quelle est la nature exacte de cette chose? Elle a, on le sait, divisé les deux grandes écoles de rabbins contemporaines du Nouveau Testament. Selon celle de Shammaï, le divorce ne saurait être accordé que pour motif d’adultère. Quant à l’école de Hillel, plus libérale que la précédente, un motif même trivial, par exemple la mauvaise qualité culinaire de l’épouse, serait suffisante pour la répudier officiellement. Mais qu’a voulu dire exactement l’auteur du Deutéronome? Littéralement, l’expression peut désigner une chose honteuse, telle que par exemple la « nudité ». La version des Septante l’a rendue par « aschemon pragma ». Mais l’expression étant un hapax, c’est-à-dire n’apparaissant qu’une seule fois dans la littérature biblique, il est bien difficile de lui trouver un sens précis. Dans l’autre cas où elle apparaît dans Deutéronome 23.14, il y est question d’impureté cérémonielle et la « chose » est bien claire : il s’agit d’être en contact avec les excréments humains.

Dans son livre Le divorce, John Murray affirme que le sens doit se chercher à mi-chemin entre la position de l’école de Shammaï et celle de Hillel. Quelque chose certainement de moins grave que l’adultère, puisque d’autres prescriptions et peines étaient prévues pour ce cas-là (Dt 23.13-19). Mais il peut signifier bien davantage qu’une chose triviale. Il faut noter que le terme hébreu « erwah » est souvent utilisé dans le contexte des relations sexuelles illicites (Lv 18 et 20). Murray a sans doute raison d’écrire qu’il se peut que la « chose inconvenante » soit liée à un type de conduite illicite touchant la vie sexuelle. Dans la mesure où Deutéronome 24.1 se trouve derrière la clause d’exception de Matthieu 5 et 19, il est évident qu’il n’est pas l’équivalent de la « pornéia », autrement ce mot ne saurait être assimilé à l’adultère, au sens strict du mot (dans le sens d’infidélité conjugale). S’il s’agit de l’interprétation de Shammaï derrière la clause d’exception (Mt 5 et 19), il est clair que le sens de la « pornéia », comme inconduite sexuelle, sera maintenu.

Tous les interprètes s’accordent pour dire que « pornéia » signifie fornication, ou inconduite sexuelle, avant le mariage. Ce mot désigne aussi, spécifiquement, prostitution, mais il peut revêtir un sens plus large et indiquer l’inconduite ou toutes sortes de rapports sexuels illicites. Dans la version grecque des Septante, le terme traduit un certain nombre de mots, provenant de la racine de l’hébreu « zanah ». Il s’applique dans ce cas à Tamar (Gn 38.24). Il peut également désigner une femme mariée, telle l’épouse du prophète Osée. Dans Osée 2.2, « pornéia » est employé de façon interchangeable pour adultère spirituel et infidélité envers l’Éternel (Éz 16 et 23).

Dans le Nouveau Testament, il apparaît quelque 23 fois. Dans l’Apocalypse, il désigne l’inceste et, selon certains interprètes, Actes 15.20,29 et 21.25 concernent des mariages consanguins, bien que cet avis ne soit pas partagé par tous. Occasionnellement, le terme « pornéia » apparaît dans une liste à côté de « moichéia », mais il s’en distingue toujours (voir Mt 15.19 et Mc 7.21-22). D’autre part, l’avertissement contre la « pornéia » dans 1 Corinthiens 7.2 et 1 Thessaloniciens 4.3 sous-entend que la « pornéia » inclut le rapport sexuel illégitime commis par des personnes mariées. Ici, il est l’équivalent de l’adultère. Selon l’apocryphe Siracide 23.22, il est question plus spécialement d’une femme qui abandonne son mari et qui lui donne un héritier par un étranger (le grec dit « émoicheuthai », par la prostitution).

Même si « pornéia » et « moichéia » apparaissent dans la clause d’exception de Matthieu, nous devons admettre la possibilité que, dans le contexte, « pornéia » puisse se référer premièrement à un adultère, pré ou extra-conjugal, et « moichéia » à une infidélité conjugale. D’après le contexte de Matthieu, la clause d’exception (« pornéia ») se réfère à l’adultère, car Jésus y parle des personnes mariées.

Aussi bien dans Matthieu 5 que dans Matthieu 19, l’infidélité sexuelle est assimilée à l’adultère. Elle est « pornéia ». Si Jésus avait voulu limiter le sens de l’adultère, il est étrange qu’il n’ait pas employé le mot « moichéia »; même si la référence première dans la clause d’exception est l’adultère, ceci n’élude pas que la « pornéia » soit choisie spécialement pour couvrir davantage que l’adultère. Aussi, dans les deux cas, nous traduirons par « inconduite » toute inconduite sexuelle, y compris l’inceste et l’homosexualité. Mais du fait de l’association constante de « pornéia » avec la prostitution, l’accent tombera sur l’inconduite persistante et sans repentir, plutôt que sur un acte isolé.

L’évangéliste Marc avait une raison très importante d’omettre la clause. Il tenait à rappeler à son auditoire païen l’abrogation de la loi mosaïque relative à la possibilité de divorce. Ceci est d’autant plus probable que la question immédiate soulevée se trouve dans le contexte de l’adultère d’Hérode Antipas, qui venait d’épouser sa belle-sœur, ainsi que la dénonciation de cette situation irrégulière par Jean-Baptiste. Même si le récit de cette dénonciation est rapporté plus tôt (Mc 6.17), selon Marc 10.2, les pharisiens sont venus vers Jésus avec l’accord et la complicité des hérodiens pour lui tendre un piège. Cet intérêt historique immédiat explique en partie pourquoi Marc n’a pas voulu inclure la clause d’exception. Elle aurait été mal comprise et aurait validé l’abandon d’Hérodias par son époux Philippe, étant donné qu’elle avait envoyé une lettre de séparation.

Paul, lui aussi, a des raisons suffisantes de ne pas mentionner cette clause dans 1 Corinthiens 7.10-11. Dans le contexte immédiat qui le précède, il défendait spécialement l’idée que le mariage offre une garantie contre la fornication (1 Co 7.2-5). Dans ce contexte, il pourrait être considéré comme inopportun de mentionner la clause. En outre, dans 1 Corinthiens 6, Paul tient la « pornéia » pour une menace réelle de destruction de la relation conjugale. Dans 1 Corinthiens 6.15, il affirme que la « pornéia » fait de l’homme une seule chair avec la « pornè », la prostituée. Ici, la prostitution comme l’adultère sont vus dans leur sens profond, avec leurs implications métaphysiques. Bien que l’apôtre n’applique pas ce passage immédiatement au rapport conjugal, il ne soutient pas davantage l’argument que la clause d’exception soit une hypothèse, quoique non exprimée, sous-jacente dans 1 Corinthiens 7.10-11.

Quelle est alors l’importance de la clause d’exception comme seul motif valable de divorce? Implicitement, les projecteurs sont braqués sur l’importance décisive de l’acte physique. Celui-ci est le symbole témoignant que deux êtres sont devenus une seule chair. La fidélité physique conserve un statut unique parmi tous les actes inhérents du mariage. L’union physique illégitime est le terrain sur lequel le divorce est permis. Elle symbolise et extériorise l’union illégitime consommée dans le cœur. Elle est la preuve d’une rupture du mariage tellement complète que la restauration des rapports conjugaux est consommée. Nous répéterons cependant que la « pornéia » n’est pas une raison pour exiger le divorce; elle n’est qu’un terrain possible du divorce.

En ce qui concerne un couple chrétien, le conjoint convaincu d’infidélité devra confesser sa faute et chercher à la réparer. La confession dans l’humilité et dans le pardon reçu se trouve aussi dans la ligne et dans l’esprit de l’enseignement de Jésus (voir Mt 6.14-15; 18.21-35, ou encore Ép 4.32; Col 3.13). Cependant, un adultère prolongé et sans repentir peut devenir un terrain possible pour demander et pour obtenir le divorce. Nous insistons pour affirmer qu’en aucun cas la « pornéia » ne doit être considérée comme « terrain biblique » pour accorder le divorce. Parler ainsi risque de suggérer non seulement que la Bible approuverait le divorce, mais qu’elle risque, certes de manière indirecte, d’encourager aussi l’inconduite… en vue d’obtenir ce divorce.

Quoique l’idée n’y soit pas exprimée, la terminologie pourrait suggérer une telle possibilité d’interprétation. Il faut exclure avec force toute allusion même à un possible « terrain biblique du divorce ». Nous admettrons aussi que d’autres attitudes, comportements et mentalités voisinent avec ce que nous connaissons comme infidélité physique. Toutes menacent, autant que la « pornéia », l’union conjugale.

Dans une autre section de ce chapitre, nous examinerons un autre motif ou raison possible de divorce : celui de l’abandon d’un conjoint chrétien par le conjoint non chrétien (désertion du foyer). Selon John Murray, dont nous résumons ici la thèse 5 dans son étude sur le divorce, celui-ci n’est pas une simple séparation. Il annule le mariage, le contrat de fidélité des conjoints, de sorte qu’un homme et une femme unis auparavant pour la vie ne le sont plus désormais. Ils se retrouvent dans la situation d’avant leur mariage. Ceci apparaît déjà dans l’ancienne dispensation.

Pour John Murray, la difficulté surgit par la clause d’exception (« mi épi pornéia », sauf pour fornication). Dans les termes du texte se pose la question suivante : Cette clause d’exception s’applique-t-elle aux mots « et en épouser une autre » (« gamesai allen ») et par conséquent à « moichatai », autant que le verbe « apolusai » (la renvoyer)? Ici, dans Matthieu 19, le type de l’offense qui libère le mari de son obligation n’est pas énoncé comme il l’est dans Matthieu 5. Mais même ici il n’est pas accordé une nécessité de divorcer au mari innocent. Il n’est pas dit qu’il est obligé de divorcer en cas d’adultère. Il n’accorde qu’une simple liberté. La question est : Cette exception, soit droit, soit liberté, s’applique-t-elle au remariage du mari divorcé autant qu’au renvoi de sa femme? Si le droit s’étend au remariage, le mari n’est pas impliqué, de toute évidence, dans le péché d’adultère en cas de remariage.

Le divorce toléré ou permis sous la loi avait comme effet la dissolution du mariage, du lien conjugal. On se réfère à cette permission concernant le divorce dans le contexte de ce passage, comme aussi dans Matthieu 5 et les passages parallèles. Dans chacun des cas, le verbe « apoluo » se rapporte à la disposition de la loi mosaïque. Nous croyons bien comprendre le sens du discours du Seigneur en concluant que la répudiation a, dans son esprit, l’intention de produire le même effet que dans le cas de la dissolution du lien conjugal. Ce qu’il annonce ne suggère en aucun cas une altération de la nature et de l’effet du divorce. Le changement introduit par Jésus était plutôt l’abolition de toute autre raison permise par la loi, et la spécification de l’adultère était le seul terrain sur lequel on pouvait, à la rigueur, répudier sa femme. Ce qui est abrogé, ce n’est pas le divorce, avec sa conséquence de dissoudre le mariage, mais au contraire tout autre motif de divorce, excepté l’adultère.

Il est naturel de penser que, si un homme répudie légitimement sa femme pour cause d’adultère, le lien conjugal est dissout.

D’autre part, l’hypothèse que la femme ayant commis adultère et ayant été répudiée reste toujours l’épouse de l’homme et forme toujours une seule chair avec lui, rendrait très anormal, dans ce cas, que l’homme puisse avoir le droit de répudier de façon permanente son épouse. Une telle action qui décharge des obligations du matrimoine, alors que le lien conjugal est inviolable, semble à peine se conformer aux rapports conjugaux. Que l’adultère exige la répudiation, mais non la dissolution du lien conjugal, paraît en conflit avec un autre principe biblique, celui concernant le cas de la prostitution. Si l’adultère n’est pas un motif suffisant pour la dissolution du mariage, que l’homme ne cherche pas alors sa dissolution, même si sa femme échoue dans la prostitution… Mais une telle disposition est l’opposé même du principe de pureté exprimé par l’apôtre.

Il semble, conclut Murray, qu’il n’est possible de considérer la clause d’exception que pour l’appliquer uniquement à la répudiation et non au remariage. Les considérations énoncées plus haut sont pour la conclusion selon laquelle, quand un homme répudie sa femme pour cause de fornication, cette répudiation dissout le lien, avec comme effet la liberté retrouvée de se remarier sans commettre l’adultère. En termes simples, cela veut dire que, dans de tels cas, le divorce dissout le mariage et les partenaires cessent d’être unis comme mari et femme.

b. Le divorce pour raison de désertion du conjoint (1 Co 7.15)🔗

Quelles sont les conditions qui permettraient au conjoint chrétien de se justifier sans avoir recours au divorce? Le texte principal qui traite de la question est bien 1 Co 7.15.

Les versets 10 et 11 ne traitent pas du divorce, mais de la séparation entre époux, pour une raison d’importance relative. Aux versets 2 et 5, nous voyons l’apôtre reconnaître la faiblesse de la nature humaine. Il cherche à mettre les fidèles à l’abri d’une tentation inutile. Il conseille de ne pas se séparer de son conjoint, si les circonstances ne sont pas contrôlées. Il ajoute que si la séparation a eu lieu, en raison de circonstances non contrôlées par le conjoint chrétien, ou même par les deux époux simultanément, la femme doit soit ne pas se remarier, soit retourner vers son mari. Il conseille donc, tant au mari qu’à la femme, de faire ce qui est raisonnable pour éviter toute rupture définitive. Si la séparation a déjà eu lieu, que chaque partie s’efforce d’agir convenablement, afin de rétablir l’union conjugale.

Il reconnaît certes qu’il puisse y avoir des raisons pour justifier au moins une séparation temporelle, telles que l’immoralité, la cruauté, l’ivrognerie, la maladie, etc. Mais plus particulièrement à cet endroit, l’apôtre envisage davantage que les formes « innocentes » de la séparation, exposant mari ou femme à une épreuve superflue. Au sein d’une société païenne, où se trouve l’Église primitive, la question devait se poser quant à ce qu’aurait pu être l’effet d’une relation conjugale lorsqu’une partie se convertissait à l’Évangile, mais que l’autre restait païenne. Quelle attitude le conjoint converti devait-il adopter dans ce cas? Le mariage devait-il être maintenu à tout prix?

Selon Paul, le mariage contracté avant la conversion du conjoint chrétien demeure toujours valable. L’épouse ou l’époux chrétien ne doit pas abandonner son conjoint pour motif de foi. Mais si le conjoint non chrétien ne souhaite plus vivre avec la partie chrétienne et la répudie, dans ce cas, le chrétien n’est plus sous obligation. Cela veut-il dire que l’obligation cesse d’être effective envers le conjoint non chrétien, mais non pour se remarier? Ou bien qu’il ou elle est libre de se remarier? Dans Romains 7.2, l’apôtre écrivait que la femme est liée par la loi aussi longtemps que son mari est en vie. Mais dans 1 Corinthiens 7.13, il écrira que la femme est liée à son mari tant que celui-ci, c’est-à-dire le mari païen, désire vivre avec elle. S’il vient à l’abandonner, elle reste libre de toute obligation. Cela revient à soutenir que la désertion d’un conjoint non chrétien entraîne la fin du mariage. Mais un tel abandon doit être délibéré et définitif.

Selon Murray, il y a ici chez Paul un ton à la fois décisif et sévère : « Qu’il s’en aille. » Si le conjoint s’en va délibérément, la séparation a effectivement eu lieu. C’est là un fait accompli. Le chrétien n’est pas sous l’obligation de poursuivre l’époux déserteur et il est libéré de tout devoir à son égard. Ici, c’est le ton décisif qui se fait entendre. Mais il y a aussi la note sévère à son encontre, c’est-à-dire vis-à-vis de celui qui a déserté. Il est, dit Murray, possible et légitime de paraphraser saint Paul et d’écrire : « Qu’il s’en aille donc. » La rudesse de l’expression témoigne de la sévérité du jugement porté sur la partie qui abandonne. Une personne ne peut avec raison se considérer comme séparée à titre définitif de son conjoint, à moins que le mariage soit annulé. Quant au droit de la femme de divorcer d’un époux non chrétien, Murray expose l’argument de l’apôtre :

« L’homme et la femme sont placés sur le même niveau en ce qui concerne la liberté accordée. Mais si le conjoint incroyant s’en va, alors qu’il parte! Le frère ou la sœur ne sont plus liés dans ce cas. La partie croyante a donc le droit d’annuler le lien, ou bien de tenir pour annulé le lien conjugal. Le même droit est accordé à la femme en cas d’adultère commis par le mari. »

Selon Rushdoony, dans 1 Corinthiens 7, Paul envisage une autre situation que celle prévue dans le cas exposé par Jésus. Paul ici ne se prononce pas de manière législative, mais plutôt pastorale. Bien qu’il parle d’après la doctrine de l’alliance aussi, son ministère possède toute l’autorité requise. La situation à Corinthe se présentait de la manière suivante : il existait des mariages mixtes contractés avant la conversion de l’un des époux. On posait à Paul la question de savoir ce qu’il convenait de faire. Jésus avait maintenu l’intégrité de la loi, et celle-ci excluait précisément tout mariage mixte. Mais la société à Corinthe était différente de celle de l’Ancien Testament. Elle était régie par une loi tout autre. En dépit des nombreuses tentatives de l’Empire romain de créer une unité culturelle à l’aide du culte de l’empereur, la société demeurait fondamentalement pluraliste et atomisée, c’est-à-dire individualiste. Dans des secteurs non-juifs de cette même société, le mariage était traité sur la base des considérations personnelles et du point de vue des désirs individuels. De ce fait, il n’était plus une alliance avec un peuple, une foi, ainsi que l’était le mariage dans l’Ancien Testament.

C’est la même situation que nous connaissons à l’heure actuelle. Quoique la loi soit toujours en vigueur, elle ne saurait s’appliquer à des mariages mixtes. Épouser un non-chrétien signifie abandonner la foi, sortir hors de l’alliance (2 Co 6.1-18), entrer dans un rapport individualiste avec des étrangers. Mais se convertir signifiait entrer dans une alliance, une relation, là où il n’y en avait aucune. Or, l’alliance selon la loi s’étend à tout membre de la famille, excepté aux visiteurs et aux serviteurs loués. Parce qu’une telle alliance n’existait pas dans la société païenne, en maintenant son lien conjugal avec une partie non chrétienne, le conjoint converti faisait bénéficier son époux ou épouse, de même que ses enfants, de la bénédiction de l’alliance. Si pour le Corinthien le mariage n’était qu’une affaire individuelle, pour l’Écriture, il demeure une affaire de famille.

Dans 1 Corinthiens 7.20 apparaît encore un autre principe. La liberté était hautement désirable pour un esclave. Mais l’Évangile n’avait pas l’intention de révolutionner les structures sociales par la violence. Il était connu pour transformer, non par la force extérieure, mais de l’intérieur de l’homme; d’où l’exhortation à demeurer dans l’état où vous êtes. Si le conjoint non-croyant déserte le croyant, ce dernier est libéré vis-à-vis de lui. Il ou elle peut se remarier. Ici donc Paul donne son avis de ministre, sans chercher à légiférer. Car s’il avait donné un conseil différent, il aurait agi contrairement à la Parole de Dieu.

À cause de la nature atomiste, individualiste et non fédérative, les mariages mixtes, à l’origine, devaient être maintenus, quelle que soit la foi du non-croyant. La famille n’était plus impliquée par son incroyance. Et même le salut de la famille du converti devenait davantage possible. La religion païenne était une affaire privée. Elle faisait appel à l’homme et à la femme séparément. Elle manquait véritablement du caractère universel de l’alliance.

Ainsi, conclut Rushdoony, la loi qui régit le mariage reste la même dans les deux Testaments. Les circonstances et les particularités culturelles peuvent se modifier, la loi demeure inviolable. Ici comme ailleurs, l’Écriture ne saurait être abrogée (Jn 10.35). Selon Deutéronome 4.2, l’Écriture est révélation. Elle est une Parole de Dieu fondamentale. Quoique d’autres « mots » seront ajoutés à cette parole, avant que ne se ferment les canons de l’Ancien et du Nouveau Testament, aucune parole ne peut y être ajoutée après.