Cet article a pour sujet l'importance de la prédication de l'Évangile. Alors que plusieurs doutent que la proclamation de la Parole soit encore efficace, il est nécessaire de prêcher le message de Jésus-Christ, puissant pour produire la foi au salut.

Source: La proclamation de l'Évangile. 4 pages.

L'importance de la prédication biblique

Récemment, un professeur d’anthropologie, s’adressant à un groupe de missionnaires au Nigeria, affirmait que Jésus évitait de prêcher, et que nous-mêmes nous ne devrions pas trop attendre de notre prédication aujourd’hui.

Manifestement, ce professeur se trompait sur deux fronts. D’une part, il suffit d’une lecture superficielle des Évangiles pour y trouver de nombreux exemples de la prédication de Jésus (Mc 2.2) et en plus il existe une ample évidence que la prédication est toujours la seule méthode, et la plus efficace, de la communication de l’Évangile pour la fondation des Églises.

Néanmoins, les observations de ce professeur nous serviront à souligner l’état de pessimisme actuel en ce qui concerne la prédication, pessimisme qui a produit un effet négatif sur l’entreprise missionnaire. Au milieu de ses commentaires, le professeur a réussi à insérer une remarque perfide relative à la chaire, en le traitant de « château de poltron ».

Il est hors de doute que la prédication a été très souvent très mal utilisée. Parfois, elle a dégénéré en une sorte de thérapie au service du prédicateur lui-même, sans aucun souci pour savoir si le message était effectivement communiqué.

Prêcher dans un contexte où il n’y a aucune urgence à communiquer quoi que ce soit est dénué de valeur. On devrait même se demander si tel discours-monologue peut se prévaloir de la dignité de la prédication. La prédication dont nous voulons parler ici est celle de la Bible, et une telle prédication est par nature puissante; elle atteint les objectifs que Dieu a assignés à sa Parole.

Avant d’examiner l’idée de la prédication biblique, il est probablement nécessaire d’avouer loyalement qu’il existe assurément des éléments dans la situation présente qui peuvent rendre sceptique quant à l’efficacité de la prédication. Il est hors de doute que nous vivons une ère de terrible incroyance, et que la source même de notre prédication, la Bible, est la cible d’attaques constantes. On devrait même préciser qu’ailleurs la Bible n’est plus attaquée, elle est tout simplement ignorée. La mentalité courante veut que les affirmations bibliques concernant l’origine de l’homme soient de source mythique, à moins qu’elles ne soient complètement insensées. Les chances de Ronald Reagan aux élections présidentielles des États-Unis ont été considérablement amoindries lorsqu’il a laissé entendre qu’il mettait en doute la conception évolutionniste du monde et qu’il était favorablement impressionné par celle de la Bible1.

D’autres données bibliques, certaines concernant Jésus-Christ en personne, reçoivent un accueil condescendant ou sont carrément ridiculisées. Dans une telle situation, la prédication passe pour une action chrétienne qui tombe hors de propos. En outre, la prédication semble d’une extrême fragilité face au système de communication extrêmement complexe qui se présente à l’Église. Dans les bureaux du Back to God Hour2, par exemple, où une grande mission radiophonique vers le monde musulman est accomplie, nous discutons de quelques nouvelles théories sur la façon de communiquer l’Évangile aux adeptes du Coran. Dans certaines conférences missionnaires (à Bangkok par exemple), l’accent a été placé sur la contextualisation, c’est-à-dire l’accommodement du message chrétien, pour qu’il soit reçu par ceux qui ont été formés par une autre religion ou une autre culture. Il va de soi que les réalités culturelles élèvent des barrières importantes dont il faut tenir compte lorsque l’Évangile est communiqué. Mais cela ne veut nullement dire que la manière spécifique par laquelle le message chrétien a été propagé pendant des siècles doit être remplacée par des méthodologies façonnées par une nouvelle approche culturelle et anthropologique.

Un autre élément qui alimente le pessimisme croissant à l’égard de la prédication se trouve malheureusement dans l’état actuel de l’Église elle-même. Prêcher bibliquement exige un très haut niveau de foi dans le peuple de l’Église en général, et en particulier dans le cœur de ceux qui ont reçu un appel pour prêcher. C’est un simple fait que les études critiques de la Bible, fondées sur une conception naturaliste du monde, produisent un énorme effet d’affaiblissement à l’intérieur de l’Église. La contamination de cette approche est « persuasive ». Un grand nombre de prédicateurs ont été touchés d’une manière ou d’une autre.

La prédication biblique peut s’exercer là où les prédicateurs sont totalement soumis à la Parole écrite de Dieu. Ils doivent non seulement être en mesure de répondre au message en termes d’une étude et d’une connaissance académique formelle, mais être encore imprégnés du monde décrit par la Bible. Ce qui ne veut pas simplement dire qu’ils ont une connaissance adéquate des données bibliques, mais qu’ils ont en outre une intelligence intuitive de tout ce dont la Bible parle, qu’ils sont dans le « corps » du système biblique de la vérité qui émerge au bout d’un certain temps lorsque quelqu’un vit dans l’intimité des saintes Écritures.

Le développement d’un tel cadre pour les prédicateurs est quasiment impossible dans un environnement dans lequel les prédicateurs eux-mêmes nourrissent souvent des sentiments ambigus à l’égard de la Bible et lorsqu’on attend d’eux tant d’autres tâches. Il y a tant d’autres choses à accomplir qui peuvent détourner le prédicateur de sa tâche principale, et s’il existe le moindre sentiment que celle-ci — la prédication — pourrait ne pas être utile, ces diversions deviennent rapidement la prédilection primordiale de ceux que nous considérons comme nos prédicateurs.

Une autre chose encore : de nos jours, l’intérêt pour la prédication est facilement amoindri à cause de l’importance exagérée que l’on accorde dans l’Église au personnalisme. J’ignore si le terme a la signification que je lui donne, mais je l’entends comme un terme qui désigne l’accent majeur placé sur la communication de personne à personne. Il est évident que souvent l’Évangile est communiqué sur la base d’un individu à un autre. Attirer l’attention sur ce point fut en certains temps sans doute nécessaire. Le pendule va actuellement dans la direction opposée. On pense au sujet de la communication de l’Évangile en termes de rapport personnel. On nous rappelle très souvent que la Parole s’est incarnée et que nous-mêmes nous devons revêtir l’Évangile de chair et de sang. Cette utilisation de Jean 1.14 mérite certes notre attention, mais disons qu’en aucun cas les chrétiens individuellement ou l’Église ne doivent faire le « duplicata » de ce que Dieu a fait en envoyant son Fils dans le monde. Bien entendu, prédicateurs et chrétiens en général ont une très grande responsabilité de montrer au monde, par leur vie, le message que l’Évangile proclame, mais en aucune manière cette démonstration ne doit se substituer à la proclamation elle-même.

Tout ceci est suffisant pour montrer que lorsque nous parlons de l’importance de la prédication biblique de nos jours, nous le faisons dans un contexte où le sujet souffre d’une extrême indifférence. Celle-ci se mesure par le degré d’inefficacité de l’Église.

Que pouvons-nous dire alors pour nous encourager mutuellement en vue de développer un très haut niveau de capacité pour la préparation de la prédication biblique et un niveau plus élevé encore d’enthousiasme quand nous passons à la pratique? En tout premier lieu, nous devons nous rappeler qu’il y a un message qui doit être prêché. Quand j’emploie le terme « prêché », j’entends que celui-ci ne sera pas seulement annoncé : il sera éclairé, expliqué dans le cours de la prédication. Telle était, par exemple, l’activité des Lévites lorsque le peuple de Dieu se réunissait dans Jérusalem nouvellement rebâtie : ses conducteurs religieux expliquaient patiemment le livre de l’alliance qui venait d’être lu (Né 8.8). Il y a un message qui doit être souligné. La nature de la foi chrétienne s’ouvre dans un message qui est donné par Dieu. Le message qui se trouve dans la Bible nous fait connaître toutes sortes d’informations qui le composent. C’est un message concernant la création, la providence, le salut et le jugement. C’est le devoir solennel du prédicateur d’utiliser les nombreux éléments des matériaux trouvés dans la Bible, afin que ce message transcendant soit amené avec force dans la vie de ceux qui l’entendent.

À la remarque qu’au cœur de la foi chrétienne se trouve un message, on pourrait répondre que ce fait n’est pas unique, que d’autres religions possèdent leurs livres saints. Néanmoins, la littérature religieuse des autres religions est tout à fait différente de la Bible. Pour la plupart, ce sont des collections d’aphorismes, offrant au lecteur la possibilité de s’initier au mystère de la vie. Elles ne s’attachent pas au mystère de la création. Elles offrent la fuite des « ici et maintenant ». À moins qu’elles ne fournissent à leurs adeptes un code de conduite légaliste. Assurément, la Bible est autre chose. Elle constitue un ensemble organique. Elle est la seule à avoir comme grand principe d’interprétation une personne qui est le Seigneur Jésus-Christ (Jn 5.39). Le christianisme est la religion du message.

Ajoutons à ceci que ce message est celui d’une alliance. Et l’idée de l’alliance est partout et toujours liée à un document. La Bible est ainsi appelée « Ancien et Nouveau Testament », ce qui est l’équivalent de l’« Ancienne et Nouvelle Alliance ». L’idée de l’alliance est essentiellement celle d’une relation. Elle comprend les rapports tout à fait privilégiés entre le Dieu souverain et son peuple élu. Une telle relation requiert la description et l’explication de son contenu, une recherche de communication, voire la doxologie. Il s’agit en réalité d’un message fédératif, constituant la foi chrétienne, et tous ceux qui souhaitent voir cette foi établie et maintenue doivent se consacrer à la compréhension et à la communication de ce message. C’est là la tâche de la prédication que nous sommes appelés à prêcher, et c’est là qu’apparaît clairement l’efficacité de la prédication, telle qu’elle nous est décrite dans la Bible.

Nous pensons en premier lieu à l’effet premier produit lorsque la Parole de Dieu est prêchée. Voici cet effet : Dieu est vraiment présent. Dieu rencontre son peuple. Le texte de Romains 10 est très clair à cet égard. Dans ce texte, l’apôtre Paul fait une forte déclaration concernant la prédication. Il écrit par exemple : « Ainsi la foi vient de ce qu’on entend et ce qu’on entend vient de la prédication du Christ » (Rm 10.17). La raison de ce langage fort se trouve dans quelques phrases rédigées plus haut, où l’apôtre expliquait ce qu’il advient lorsque Jésus-Christ est prêché. Nous trouvons ces phrases en Romains 10.5-13; l’apôtre y personnifie la justice qui est obtenue par la foi. Il y a personnification au sens où cette justice déclare quelque chose. Que déclare-t-elle? Elle emploie un langage emprunté à Deutéronome 30 : « Ne dis pas dans ton cœur… » Mais que signifie la justice qui est par la foi?

Dans l’Ancien Testament, un langage similaire a été employé pour souligner devant le peuple d’Israël que la présence même de Dieu se trouvait dans la Parole de l’alliance qui lui avait été donnée. Ils n’avaient pas cherché Dieu ailleurs. Lorsque cette idée de l’Ancien Testament est transportée dans le cadre du Nouveau Testament par le grand apôtre des païens, elle sert à déclarer que Jésus-Christ est présent lorsque la Parole de la prédication est prononcée. Cette ligne de raisonnement nous permet de penser à la « prédication du Christ » (Rm 10.17); c’est elle qui rend réelle la présence de Jésus partout où la prédication s’exerce. La prédication du Christ n’est pas simplement le fait de dire quelque chose au sujet de Jésus, comme on dit quelque chose au sujet d’un article de consommation; elle est en vérité la transmission du Christ en personne à ceux qui entendent le message de l’Écriture.

Lorsqu’on réfléchit sur la nature de l’événement-prédication, il devient clair que le même apôtre appelle le message de l’Évangile, ou la Parole de la croix, un instrument puissant. Il le fait dans Romains 1.16 où il appelle cet Évangile « dynamis » (une puissance de Dieu).

Notes

1. L’article avait été écrit avant les élections présidentielles de 1980.

2. Organisme produisant des émissions radiophoniques chrétiennes dont l’auteur était le directeur.