Cet article sur Matthieu 16.19 a pour sujet les clés du royaume que Jésus a confiées à son Église. Ces clés sont la prédication de la Parole et l'exercice de la discipline ecclésiastique, en vue d'ouvrir ou de fermer l'accès au royaume.

Source: Croire pour comprendre. 4 pages.

Matthieu 16 - Les clés du Royaume confiées à l'Église

« Je te donnerai les clés du royaume des cieux : Ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. »

Matthieu 16.19

Étudions de près le texte de Matthieu 16.19, qui est capital pour comprendre la nature de l’Église et d’après lequel l’Église détient les clés du Royaume. Cette partie explicitera mieux, nous le souhaitons, la triple marque de l’authenticité d’une Église chrétienne.

Un énorme malentendu entoure l’une des plus célèbres paroles de Jésus. Assurément, son interprétation trahit le génie maléfique des hommes à tordre le sens des paroles les plus claires de l’Écriture. Pour les uns, les clés du Royaume n’ont été données qu’à un seul, à l’apôtre Pierre. Pour les autres, qui vont à l’autre extrême, ces mêmes clés ont été confiées à tous les croyants sans distinction. De nombreux chrétiens s’imaginent malheureusement qu’il faut choisir entre ces deux interprétations, mais nous pensons qu’elles sont aussi fausses l’une que l’autre.

Selon la Bible, et par conséquent d’après le fait historique, ni l’une ni l’autre ne correspondent à l’intention de Jésus. La vérité est que c’est à l’Église dans son ensemble, dans sa véritable manifestation, que sont confiées les clés du Royaume. Lorsque Jésus accorde à Pierre le pouvoir des clés, il lui confie une fonction que tous les croyants ne partageront pas. Cependant, nous apprenons que ce même pouvoir a été donné à d’autres apôtres, par exemple à Jean, à Jacques, à André, à Philippe, etc. (voir Jn 20.32).

Les apôtres de Jésus furent les premiers ministres de l’Église choisis et ordonnés à cet effet par le Christ en personne. Le Seigneur les investit d’une autorité spéciale afin qu’ils agissent au nom de l’Église tout entière et qu’ils ouvrent ou qu’ils ferment l’accès même de son Royaume. Ce pouvoir ne leur a pas été octroyé en leur qualité de simples individus, mais en tant que représentants du gouvernement de l’Église. C’est en son nom qu’ils ont été appelés à exercer une telle autorité, comme des représentants plénipotentiaires. Par conséquent, tous ceux qui succèdent aux apôtres détiennent les mêmes fonctions d’enseignement et de porte-parole du Christ. Il en sera ainsi pour les ministres et prédicateurs et conducteurs d’Église ordonnés et consacrés. Ils le détiennent non pas en tant qu’individus, mais en leur qualité de ministres de l’Évangile.

On se demandera en quoi consistent exactement ces clés du Royaume. La réponse de l’Église, fondée sur la Parole de Dieu, a toujours été la suivante : les clés du Royaume consistent en la prédication de la Parole de Dieu, en l’administration des sacrements, en l’exercice de la discipline. Comment ces ministères ouvrent-ils les portes? Simplement : L’Église promet le salut à ceux qui se repentent et qui croient, pour les accueillir ensuite à sa communion. Mais comment est-elle habilitée à fermer ces portes? Simplement en déclarant le jugement de Dieu sur le non-croyant et sur celui qui refuse de se repentir; alors elle les exclut de la sainte communion. Il existe par conséquent deux clés de pouvoir : la prédication de l’Évangile d’une part, la discipline ecclésiastique d’autre part. Elles poursuivent la même intention. Ou bien elles ouvrent les portes du Royaume, ou bien elles les ferment.

Dépourvue de ces deux clés, l’Église du Christ sera sans force dans ce monde. La puissance de la clé est celle de la Parole même de Dieu, de la Bible, qui contient et offre la promesse du salut. La prédication et l’exercice de la discipline sont les deux moyens par lesquels elle manifeste son pouvoir spirituel. Il n’en existe pas d’autres, ni une autre puissance de l’Église et pour l’Église. Toute autre manifestation de pouvoir, même et surtout lorsqu’il se dit extraordinaire, doit être suspectée.

Qu’en est-il alors de nos Églises modernes? De la vôtre? De la mienne? Elles ne seront des Églises véritables et conformes à leur vocation qu’à condition de détenir et d’exercer fidèlement ces deux moyens-là. Qu’en font-elles? Prêchent-elles l’Évangile, administrent-elles correctement les sacrements du Baptême et de la sainte Cène? Exercent-elles une ferme discipline ecclésiastique, avec soin, ainsi qu’elles ont été appelées à le faire? Il est fort à craindre que toutes les Églises ne puissent pas résister à un scrutin de ce genre. Il est évident que de très nombreuses Églises ont simplement perdu le pouvoir des clés. Aussi, sont-elles bien loin du Royaume. Peut-être conservent-elles encore des apparences, peut-être ont-elles encore des organisations magnifiques et disposent-elles d’une bureaucratie admirablement huilée. Peut-être se vantent-elles d’avoir de brillants théologiens et des orateurs de très grand talent. Ou encore possèdent-elles des ressources financières et matérielles qu’on pourrait leur envier; peu importe, sans les clés en question elles ont simplement cessé d’être l’Église de Jésus-Christ destinée à hériter de son Royaume. Leur pouvoir apparent n’est qu’une puissance mondaine, mais certainement pas l’autorité que le Christ confère à l’Église véritable.

Les chrétiens parlent et s’affligent beaucoup ces temps-ci de la dégradation des mœurs, de la corruption de la société, de la lamentable condition morale et spirituelle de la société moderne. Ils s’étonnent aussi que les Églises n’aient plus d’impact et n’annoncent pas le pouvoir régénérateur de l’Évangile du Christ. Mais que peut-on attendre d’une Église qui a tout bonnement perdu les clés du Royaume? Leur modernité les a carrément rendues aveugles. Leurs discours remplacent l’annonce de l’Évangile, leurs programmes sociopolitiques se sont substitués au salut par la foi en Jésus-Christ. Quant à l’exercice d’une discipline ecclésiastique, n’en parlons pas! Les vieilles luxures et immoralités sont tolérées au nom de l’amour et de la liberté chrétienne. Honnis soit qui mal y pense! Aimez et « faites l’amour » même en dehors du mariage, même avec des partenaires du même sexe, ou encore à plusieurs…

Les chrétiens « dans le vent » les tolèrent et même les acceptent ouvertement « comme une dimension de la vie et de l’amour ». Quel pouvoir une telle Église peut-elle exercer sur le monde? Comment peut-elle s’attendre à apporter la puissance du salut à un monde en pleine décadence quand elle participe elle-même par son exemple et son enseignement à cette corruption?

Des mots tels que renouveau et réveil résonnent ici et là. En dépit de tant de campagnes de réveil et de tant d’effervescence, nous devons admettre que le réveil spirituel n’a pas encore éclaté. Certes, les statistiques ajouteront quelques convertis par-ci, par-là. Mais le réveil profond, la nouvelle réforme tant espérée ne sont pas là. Qu’est-ce qui l’en empêche? Quel en est l’obstacle majeur? C’est à la lumière de notre texte que nous trouverons la réponse correcte. Il n’y a que le pouvoir des clés qui fera naître le renouveau spirituel dans l’Église. Dois-je rappeler que certaines campagnes de réveil ont été organisées en dehors de l’Église? Peu étonnant qu’elles n’aient pas touché le corps de Jésus-Christ. Les groupements ecclésiastiques qui œuvrent pour le réveil, en dépit de leurs bonnes intentions, font fausse route. Ils doivent ou bien réintégrer l’Église, cessant de devenir des « communautés sauvages », ou bien constituer carrément une nouvelle Église pour ne pas rester des communautés marginales permanentes.

L’obstacle du renouveau dans le monde ne se trouve pas dans le monde, mais très certainement dans l’Église. Pas seulement dans le matérialisme grossier ou raffiné du siècle, l’athéisme rampant, l’escalade de la pornographie ou le totalitarisme des idéologies politiques. Le plus grand obstacle se trouve au sein même de l’Église, celle à qui, pourtant, son Seigneur a confié le pouvoir des clés. Alors nous ferions bien de prêter une oreille attentive à l’avertissement de l’apôtre Pierre : « Car c’est le moment où le jugement va commencer par la maison de Dieu » (1 Pi 4.17).

Il est nécessaire de se rappeler que l’Église doit posséder les deux clés. Elles sont inséparables. L’une serait inefficace sans l’autre. Toutes les deux sont la Parole de Dieu adressée aux pécheurs, aussi sont-elles essentielles à l’avènement du Royaume dans le cœur des hommes et parmi les nations du monde. Sans la prédication fidèle et l’exercice de la discipline, l’Église ne sera pas une bonne représentante de Jésus-Christ. Négliger l’une c’est compromettre l’autre et le résultat en est une Église impotente.

Les clés n’ouvrent pas seulement l’accès du Royaume; elles sont données pour le fermer. Une Église qui se vante d’être ouverte et accueillante n’est pas forcément la plus fidèle des Églises. Elle ne l’est qu’à moitié. Il faudrait sans doute des Églises qui soient plus fermées. Fermées à la mauvaise prédication, fermées à l’immoralité, fermées au pécheur obstiné qui refuse l’Évangile, fermées aux faux théologiens. Si l’Église a le devoir d’inviter les hommes au Royaume, elle a aussi reçu le pouvoir de les tenir hors du Royaume. On insiste parfois exagérément sur l’invitation et sur l’accueil : il existe des Églises qui ont de très nombreux adhérents ou plutôt une clientèle de consommateurs d’articles religieux plus que des membres vivants et des citoyens du Royaume. Ces membres-là sont les branches mortes et encombrantes de l’Église, sans fruits ni feuilles. Il en est ainsi parce que leurs Églises n’ont plus aucun pouvoir sur eux. Est-ce la faute des membres hypocrites ou bien celle des ministres déficients de l’Évangile? Le Christ a donné la clé à ceux-là pour qu’ils émondent et coupent les branches mortes.

Jamais le monde n’a été aussi hostile à la foi. Mais jamais l’occasion n’a été aussi propice à l’annonce de l’Évangile. C’est pour une époque comme la nôtre que les clés doivent être employées. Quel dommage que l’Église cherche d’autres appuis et déploie d’autres pouvoirs ou qu’elle mène d’autres actions. Elle sera misérable et impotente. Mais si elle se fie à son divin Chef, elle sera le moyen puissant pour le salut d’un grand nombre, même à notre époque.