Cet article a pour sujet notre problème avec la soumission aux autorités, surtout lorsque leurs décisions ne font pas notre affaire, en particulier les décisions de l'État durant la période de la pandémie de la COVID-19.

4 pages. Traduit par Claire Bédard

Notre problème avec la soumission

  1. Le cas de l’Église Grace Community Church
  2. Plaidoyer de la Bible en faveur de la soumission
  3. Notre problème avec la soumission

On a beaucoup parlé de la décision de l’Église Grace Community Church (GCC) et du pasteur John MacArthur de défier les décrets de l’État au sujet de la COVID en se réunissant à l’intérieur pour un culte public. J’aimerais dire quelque chose de différent sur cette question, quelque chose qui, je l’espère, apportera une contribution constructive à cette discussion. (Dans la deuxième partie de cet article, je poursuivrai en abordant quelques-unes des questions les plus pratiques liées à la COVID et au culte).

1. Le cas de l’Église Grace Community Church🔗

Tout d’abord, un bref historique. Après s’être soumis pendant environ 20 semaines aux ordonnances de la Californie relatives à la COVID interdisant les grands rassemblements publics intérieurs, l’Église Grace Community Church a annoncé qu’ils recommenceraient à se réunir en personne, ce qu’ils ont fait en août. L’Église Grace Community Church est une méga-Église, rassemblant environ 8000 personnes chaque semaine. Des poursuites judiciaires ont été engagées de la part du Conseil de la santé du comté de Los Angeles, notamment des menaces d’amendes et d’emprisonnement. Un juge a décidé à titre préliminaire que l’Église pouvait se réunir sans subir de menaces, mais une audience complète devrait suivre.

La question qui découle de cette situation est de savoir si et quand une Église doit désobéir aux édits de l’État. Selon Romains 13, l’obéissance à l’autorité civile est une bonne chose. Pourtant, pratiquement tous les chrétiens sont d’accord pour dire que nous devons obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes, et qu’il existe une ligne qui, lorsqu’elle est franchie, oblige le croyant à désobéir.

La difficulté consiste à discerner où se situe cette ligne. La grande majorité des commentaires sur cette question à cette époque de la COVID se sont plongés dans les divers détails touchant la question de savoir jusqu’à quel point nous devrions faire preuve de flexibilité dans notre culte pour rester conformes aux édits de l’État, tout en remplissant notre mission de nous rassembler pour adorer le Christ en tant que son corps.

C’est ici que je veux m’écarter de cette voie si souvent empruntée et poursuivre la question sous un angle différent.

2. Plaidoyer de la Bible en faveur de la soumission🔗

La soumission est difficile.

Le premier péché dans le Jardin se résume à « Dieu a-t-il vraiment dit? » Qu’a-t-il vraiment dit et que faut-il faire, surtout lorsqu’on a vraiment faim et que le fruit semble si délicieux? Faut-il suivre son cœur ou les ordres de Dieu?

Lorsque Dieu a cherché à « replanter » son peuple dans un nouveau jardin — une terre où coulaient le lait et le miel — sa tendance incessante à murmurer s’est avérée l’un de ses plus grands problèmes : « J’ai faim. » « J’ai soif. » « Est-ce qu’on arrive bientôt? » « Pour qui Moïse se prend-il? » L’obéissance à Josué et aux juges n’a guère été plus facile, et c’est ce même peuple qui a réclamé un roi. Après, les choses n’ont fait que dégénérer.

L’enseignement de Paul sur la soumission aux autorités civiles en Romains 13 ne s’inscrit pas dans le contexte d’une paix et d’un calme relatifs. Rappelez-vous les cinq fois où Paul a reçu des Juifs les 40 coups de fouet moins un. En bref, il n’était pas rare qu’il soit battu jusqu’à deux doigts de la mort, et même si les Juifs n’avaient pas une position officielle d’autorité sur lui dans l’Empire romain, cet empire avait permis un comportement aussi impitoyable et n’avait accordé que peu de protection à Paul.

En Romains 12, Paul nous rappelle : « Bénissez ceux qui vous persécutent, bénissez et ne maudissez pas » (Rm 12.14). Il nous exhorte aussi à ne pas être sages à nos propres yeux, à rechercher ce qui est honorable aux yeux de tous, et, dans la mesure où cela dépend de nous, à vivre en paix avec tous.

Notez à quel point ces paroles diffèrent radicalement de la déclaration de mission de la nation d’Israël, qui devait s’emparer par la force du territoire, détruire complètement ses persécuteurs et refléter le saint règne de Dieu en conquérant le pays sur le champ de bataille. Le changement de perspective de Paul en Romains 13 constitue une réorientation radicale pour le peuple de Dieu, appelé maintenant à considérer la venue du Royaume céleste établi par la mort et la résurrection de son Messie. Il ne s’agissait plus maintenant d’occuper un territoire physique entre le fleuve et la mer, mais bien plutôt d’apporter les bénédictions d’un Royaume spirituel partout où ils résideraient.

Ce Royaume ne devait pas avoir un impact révolutionnaire au sein des sociétés dans lesquelles il était présent. Souvenez-vous des paroles rapportées en Actes 17.6 : « Ceux-ci, qui ont bouleversé le monde entier, sont aussi venus ici. » C’était une calomnie des Juifs prononcée contre Paul et Silas, rejetant sur les chrétiens la responsabilité de l’émeute qu’ils avaient eux-mêmes déclenchée.

« Bénissez ceux qui vous persécutent. » Et plus loin :

« Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures; car il n’y a pas d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées par Dieu » (Rm 13.1).

C’est Dieu qui a établi le conseil municipal de Los Angeles, le gouverneur Newsome, le Conseil de la santé. Tout comme c’est lui qui a établi Néron, persécuteur vicieux de l’Église. Tout comme c’est lui qui a établi Pilate et les soldats qui ont enfoncé les clous dans les mains et les pieds de Jésus-Christ.

Soyez soumis aux autorités supérieures. Pas seulement à celles qui sont bonnes. Pas seulement à celles qui sont justes, pas seulement à celles qui partagent votre estimation du danger du nouveau coronavirus.

Le problème n’est pas que la majorité des autorités sont dans l’ensemble plutôt bonnes et que, de temps en temps, nous devons nous accommoder d’un salopard. Non. Tous les individus en position d’autorité sur un autre être humain ont été et continuent tous d’être des pécheurs. Et si certains peuvent parfois être bons, beaucoup sont injustes. C’est pourquoi notre catéchisme, dans son enseignement sur le cinquième commandement, nous exhorte à supporter « avec patience leurs défauts » (Catéchisme de Heidelberg, Q&R 104). C’est dans le même esprit que Pierre dit : « Serviteurs, soyez, en toute crainte, soumis à vos maîtres, non seulement à ceux qui sont bons et doux, mais aussi à ceux qui sont difficiles » (1 Pi 2.18).

La soumission est difficile, particulièrement la soumission à des dirigeants insensés et injustes. Mais on ne nous donne pas de laissez-passer pour les moments difficiles. Nous n’avons pas l’ordre de nous soumettre lorsque c’est facile, ou lorsque les demandes ont du bon sens, ou lorsque les dirigeants font ce qui est approprié. Nous avons l’ordre de nous soumettre. Il y a bien sûr l’exception dans Actes 5.29 : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. » En contexte : nous devons prêcher l’Évangile plutôt que de nous taire. Toutefois, remarquez que Paul ne mentionne pas d’exception en Romains 13.

3. Notre problème avec la soumission🔗

Le péché originel des États-Unis est la rébellion. Quelles que soient les raisons évoquées pour justifier la Révolution américaine, celle-ci se résume finalement à l’affirmation que l’autorité du roi était injuste et ne méritait donc plus que l’on s’y soumette. Pierre commande pourtant aux chrétiens de se soumettre même à des maîtres injustes.

L’esprit moderne de liberté s’est exprimé politiquement dans la Révolution américaine1, et il nous infeste maintenant tous. C’est l’air que nous respirons. Nos libertés sont sacrées pour nous — expression intéressante, non? — et nous ne remettons pas en cause le besoin régulier de nous rebeller. Le résultat, combiné à un individualisme radical et à une profonde suspicion à l’égard des institutions de toutes formes et de toutes tailles, est que le croyant moderne a un problème chronique appelé la rébellion. La rébellion spirituelle peut être un sous-produit malheureux de la liberté politique.

Considérez la question de la soumission à l’autorité légitime du Christ telle qu’elle s’exprime dans l’Église locale. Dans chaque cours suivi par ceux et celles qui se préparent à professer publiquement leur foi et dans chaque examen en vue d’admettre ces personnes à la profession de foi publique auxquels j’ai participé, tous sans exception ont affirmé accepter le principe selon lequel le Christ exerce son autorité dans l’Église locale par l’intermédiaire des anciens et des pasteurs. Dans les vœux qu’ils ont prononcés lors de leur profession de foi publique, tous ont accepté de « se soumettre à l’admonition et à la discipline du gouvernement de l’Église ».

Pourtant, si vous demandez aux anciens si les membres se soumettent habituellement avec joie à leurs avertissements et à la discipline lorsque cela s’avère nécessaire, la réponse qui revient constamment est : rarement, voire jamais. L’autorité de l’Église est très bien, très bonne, jusqu’à ce qu’elle ait à me dire quelque chose que je ne veux pas entendre. Dieu a-t-il vraiment dit? Peut-être, mais le fruit a l’air si savoureux et j’ai si faim. Il ne voulait sûrement pas que je meure de faim et que je mange la même chose tous les jours.

La soumission est difficile, et je crois qu’elle l’est encore plus pour nous aujourd’hui. Culturellement et politiquement, nous vivons à une époque où la liberté individuelle est célébrée, ce qui, de manière générale, n’a pas fait de nous des chrétiens plus fidèles.

(Dans la deuxième partie, je traiterai de la manière dont l’Église devrait considérer l’ingérence de l’État comme une occasion d’être un modèle de soumission dans des circonstances difficiles).

Note

1. N.D.T. : On pourrait en dire autant et peut-être même plus de la Révolution française qui s’est produite durant la même période et dans les années qui ont suivi la Révolution américaine.