Cet article a pour sujet le sabbat du Seigneur fondé dans la grâce de Dieu, le commandement de nous reposer (Exode 20 et Deutéronome 5), le caractère éternel du sabbat (Hébreux 4), le repos de Dieu et notre repos, la place centrale du Christ et notre persévérance dans ce repos.

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9 pages.

Le sabbat du Seigneur

  1. Le sabbat est exclusivement fondé dans la grâce de Dieu
  2. Le commandement de nous reposer
  3. Le caractère éternel du sabbat
  4. Le rapport entre le repos de Dieu et notre propre repos
  5. La place centrale que Jésus-Christ revêt dans le sabbat
  6. Dieu nous exhorte à persévérer dans le repos qu’il nous accorde gratuitement

Le sabbat : voilà le thème de cet article. Formulons ce thème de manière plus précise : « Notre repos de sabbat ne se trouve que dans la grâce divine. » Voyez-vous, sabbat et repos sont deux idées qui vont de pair. Dans la Bible, le jour du sabbat est un jour de repos. Mais le repos n’est possible que si la paix nous est donnée. Peut-être savez-vous que le mot hébreu « shalom » signifie « paix ». Mais il n’indique pas une paix qui n’est que l’équivalent d’un cessez-le-feu. Au contraire, le mot shalom réfère à la plus haute forme de paix qui puisse exister entre nous et Dieu : une paix caractérisée par la réconciliation. Jésus a en effet déclaré à ses disciples, dans l’Évangile selon Jean : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Moi je ne vous donne pas comme le monde donne. Que votre cœur ne se trouble pas et ne s’alarme pas » (Jn 14.27). Une telle paix procure le repos. Repos de savoir qu’au milieu de toutes les tempêtes, le Dieu de grâce demeure toujours en contrôle de notre vie. Repos de pouvoir vivre dans la certitude que Dieu nous a pardonnés.

1. Le sabbat est exclusivement fondé dans la grâce de Dieu🔗

C’est précisément là qu’intervient la signification du sabbat : le sabbat est avant tout l’expression du repos que nous trouvons dans la grâce de Dieu. Mais notez bien qu’un tel repos ne nous est pas automatiquement offert : il est en fait le fruit d’une grande et totale délivrance. Dans l’Ancien Testament, le sabbat est lié à un acte de rédemption majeur, à savoir la délivrance d’Israël de l’esclavage auquel il était soumis en Égypte. Lisons comment le quatrième commandement est formulé au chapitre cinq du livre du Deutéronome :

« Observe le jour du sabbat pour le sanctifier, comme l’Éternel, ton Dieu, te l’a commandé. Tu travailleras six jours et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le sabbat de l’Éternel, ton Dieu; tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bœuf, ni ton âne, ni tout ton bétail, ni l’étranger qui réside chez toi, afin que ton serviteur et ta servante se reposent comme toi. Tu te souviendras que tu as été esclave au pays d’Égypte et que l’Éternel, ton Dieu, t’en a fait sortir à main forte et à bras étendu : c’est pourquoi l’Éternel, ton Dieu, t’a commandé de célébrer le jour du sabbat » (Dt 5.12-15).

De son côté, l’auteur de la lettre aux Hébreux, dans le Nouveau Testament, fait référence à cette même délivrance : « Quels furent, en effet, ceux qui provoquèrent Dieu après l’avoir entendu, sinon tous ceux qui étaient sortir d’Égypte sous la conduite de Moïse? » (Hé 3.16). Il évoque ceux qui étaient sortis d’Égypte sous la conduite de Moïse après avoir entendu Dieu, mais qui l’ont néanmoins provoqué. Ceux-là ont perdu le droit d’entrer dans le repos de Dieu, dit-il. Il montre par là que sans la foi dans les actes rédempteurs de Dieu, tout est vain. Un peu plus loin, au chapitre quatre, il écrit que Dieu avait en vue un autre repos que celui donné au peuple d’Israël lorsqu’il les délivra de l’esclavage égyptien :

« En effet, si Josué leur avait donné le repos, Dieu ne parlerait pas après cela d’un autre jour. Il reste donc un repos de sabbat pour le peuple de Dieu. Car celui qui entre dans le repos de Dieu se repose aussi de ses œuvres, comme Dieu se repose des siennes » (Hé 4.8-10).

Pour le chrétien, la délivrance finale prend place avec Jésus-Christ, au jour de sa résurrection, lorsqu’il manifeste qu’il a vaincu Satan et la mort. C’est alors que nous pouvons jouir du repos qu’il a gagné pour notre compte. Lisons ensemble comment l’évangéliste Luc, au chapitre 24, relate l’apparition de Jésus à ses disciples au soir de sa résurrection : « Tandis qu’ils parlaient de la sorte, lui-même [c’est-à-dire Jésus] se présenta au milieu d’eux et leur dit : Que la paix soit avec vous » (Lc 24.36). Shalom… que la paix divine soit avec vous!

Le sabbat est donc la victoire du repos rédempteur. C’est pourquoi il ne faut pas commettre l’erreur que font beaucoup de gens, consciemment ou inconsciemment : le sabbat et tout ce qui l’accompagne, comme le culte du dimanche, n’est pas une prescription inventée par l’Église, comme si celle-ci nous commandait : « Vous, peuple de Dieu, vous devez vous rassembler une fois par semaine pour adorer le nom du Seigneur ». Redisons-le, le sabbat n’est pas le fruit d’une décision de l’Église ou une prescription inventée par l’Église. En fait, c’est exactement le contraire qui est vrai : l’Église est le fruit du sabbat. L’Église est la communauté du peuple de Dieu délivrée par lui, et qui se rassemble pour adorer et invoquer son nom justement parce qu’il existe un sabbat, un repos que Dieu a acquis pour cette communauté par ses grands actes rédempteurs. Notre repos de sabbat n’est fondé que dans la grâce divine. Si ce principe est bien compris, alors on verra beaucoup moins se manifester les effets d’une fausse conception de l’Église dans laquelle celle-ci, devenue presque une idole, ressemble davantage à une organisation, une administration, parfois même une bureaucratie, qu’une communauté rachetée à qui un repos divin a été accordé.

2. Le commandement de nous reposer🔗

Cependant, ce signe de l’acte rédempteur de Dieu en notre faveur ne signifie pas qu’il n’y ait dans le sabbat aucun commandement pour nous. Dieu ordonne que nous nous reposions. Examinons de quel repos il s’agit. Le réformateur français Jean Calvin écrit ce qui suit dans le catéchisme qu’il a rédigé à l’intention des habitants de la ville de Genève : le sabbat nous a été donné par Dieu pour indiquer un repos spirituel. Ce repos spirituel est le fait de nous abstenir de nos propres œuvres pour laisser Dieu accomplir les siennes en nous. Voici les questions et réponses 171 à 174 du Catéchisme de Genève qui suivent cette définition :

« Comment pouvons-nous nous rendre ainsi disponibles? Si nous crucifions notre chair. C’est-à-dire renoncer à notre propre moi, pour nous laisser conduire par l’Esprit de Dieu. Suffit-il d’un jour par semaine pour pratiquer ce renoncement? Non, ce doit être une attitude permanente : on commence un jour, et l’effort se poursuit tout au long de notre vie. Et pourtant, n’est-ce pas la durée limitée d’une journée qui, ici, nous en donne l’image? Il n’est pas nécessaire que l’image signifiante corresponde parfaitement à la réalité signifiée. Il suffit qu’elle suggère la comparaison. Pourquoi Dieu a-t-il choisi le septième jour plutôt qu’un autre? Dans l’Écriture sainte, ce chiffre est le symbole de la perfection. Notre repos spirituel, commencé en cette vie, n’atteindra sa perfection qu’au jour où nous quitterons ce monde. Le chiffre sept en souligne le caractère éternel. »

De son côté, le Catéchisme de Heidelberg, qui nous vient aussi du 16siècle, parle de manière plus brève du quatrième commandement, mais adopte une approche semblable, lorsqu’il dit : « Dieu veut aussi que tous les jours de ma vie, cessant mes œuvres mauvaises, je le laisse œuvrer en moi par son Esprit, goûtant ainsi dès cette vie le repos éternel » (Q&R 103). En d’autres termes, il nous faut travailler à nous reposer! Cela n’est pas une contradiction. Cela nous montre plutôt que le repos dont il est question n’a rien à voir avec les vacances que notre société moderne a instituées. Le vrai repos du sabbat n’est pas un temps de rupture d’activités durant lequel nous oublions notre occupation professionnelle ou nos soucis quotidiens, peut-être en essayant d’y échapper. Ce n’est pas un temps d’oisiveté, de farniente, comme disent les Italiens. Ce n’est pas non plus en premier lieu un temps de récréation ou de loisirs. Car on ne prend jamais de vacances par rapport au Dieu qui travaille à nous maintenir en vie jour après jour, seconde après seconde, et sous le regard duquel nous vivons constamment. Le mandat que vous avez reçu est donc de laisser Dieu accomplir son œuvre en vous, par son Esprit Saint. Il peut le faire et il le fera, car il a déjà accompli la grande œuvre de libération en Jésus-Christ!

La meilleure manière de comprendre ce que signifiait le repos du sabbat dans l’Ancien Testament consiste à lire les prescriptions en vigueur pour l’année sabbatique et l’année de jubilé, au livre du Lévitique, chapitre 25 : les esclaves étaient libérés, les terres arables n’étaient pas labourées. La terre se reposait de la malédiction prononcée sur elle par Dieu après la désobéissance du premier homme et de la première femme. Non seulement les humains jouissaient du repos pendant ces années sabbatiques ou de jubilé (c’est-à-dire, respectivement tous les sept ans et tous les cinquante ans), mais la terre et les animaux aussi en profitaient.

3. Le caractère éternel du sabbat🔗

Considérons maintenant le caractère éternel de ce sabbat du Seigneur. Voici un passage du quatrième chapitre de la lettre aux Hébreux déjà cité précédemment : « Il reste donc un repos de sabbat pour le peuple de Dieu. Car celui qui entre dans le repos de Dieu se repose aussi de ses œuvres, comme Dieu se repose des siennes » (Hé 4.9-10). Il n’y a pas de doute que le repos dont il est question ici revêt un caractère éternel. L’auteur compare en effet le repos que nous avons acquis avec le repos divin, dont la durée est éternelle. Pourrions-nous recevoir, de la part de Dieu, une perspective plus encourageante? Nous qui sommes si souvent épuisés, que ce soit physiquement, émotionnellement ou spirituellement, nous recevons l’assurance que Dieu nous offre un repos ineffable. Qui d’autre en effet que Dieu pourrait nous l’offrir? Et quelle différence avec le genre de repos que le monde nous propose?

Si nous observons les soi-disant actes libérateurs que le monde nous offre, nous verrons qu’ils ne sont que fiction, pure imagination. Un régime politique oppressif en laisse la place à un autre. Les soi-disant mouvements de libération amènent de nouvelles formes d’oppression, un dictateur se voit chassé par un prétendant au pouvoir qui, à son tour, devient la réplique quasiment exacte de celui dont il a pris la place.

L’industrie du cinéma, s’appuyant sur de bons acteurs et une quantité d’effets spéciaux, parvient à faire rêver des millions d’hommes et de femmes en leur faisant croire à des actes de libération extraordinaires accomplis par les héros du film : les forces du mal ou une destruction imminente sont vaincues par des êtres au courage et aux qualités exceptionnelles. De tels films témoignent souvent d’une foi inébranlable en l’homme et en ses qualités, malgré toutes ses faiblesses. Peut-être ces films sont-ils justement faits pour nous convaincre de la valeur intrinsèque de l’homme, qui ne se laisse pas abattre, quelles que soient les circonstances qui l’entourent. Pour rendre le message encore plus clair, on fabrique même des superhéros, comme Superman : un homme exceptionnel, qui au premier abord ressemble à n’importe quel homme, mais qui peut accomplir des actes surnaturels. Il s’envole comme un aigle, délivre des hommes et des femmes opprimés d’une façon ou d’une autre par des êtres mauvais. Il apporte la libération, là, sur l’écran blanc d’une salle de cinéma, ou sur le petit écran, tandis que bien calés dans notre fauteuil nous mangeons du maïs soufflé et tâchons d’oublier nos problèmes quotidiens. Mais en dehors de l’écran, dans la réalité, l’acteur qui joue Superman est quelqu’un qui aujourd’hui est cloué dans un fauteuil roulant, à la suite d’un banal accident de cheval.

Voilà bien le contraste entre les repos fictifs que nous offre le monde, et le repos éternel du sabbat du Seigneur. Rappelez-vous aussi des paroles de Jésus-Christ à ses disciples : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Moi, je ne vous donne pas comme le monde donne. Que votre cœur ne se trouble pas et ne s’alarme pas » (Jn 14.27). Nous pouvons donc nous appuyer sur le repos de sabbat promis par Dieu, car nous savons qu’il n’est ni passager ni corrompu, comme ceux que le monde nous propose. Au contraire, il s’agit du repos d’un sabbat éternel.

4. Le rapport entre le repos de Dieu et notre propre repos🔗

Mais voyons maintenant ce que notre repos de sabbat et celui de Dieu ont en commun. Ils se ressemblent principalement parce que nous avons été créés à son image. Dieu a créé le monde en six jours, et le septième jour il s’est reposé. Nous recevons ainsi le commandement de nous reposer le septième jour. Il existe une similarité entre le repos de Dieu et notre repos.

Nous avons déjà vu que le quatrième commandement tel qu’il est formulé dans le livre du Deutéronome place l’accent sur la libération apportée par Dieu à son peuple, qui était esclave au pays d’Égypte. En les libérant de l’esclavage, Dieu leur a accordé du repos. Au livre de l’Exode, chapitre 20, où les dix commandements sont énoncés pour la première fois, le quatrième commandement place l’accent sur l’œuvre de Dieu durant la création :

« Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier. Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage, mais le septième jour est le sabbat de l’Éternel, ton Dieu. : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l’étranger qui réside chez toi. Car en six jours l’Éternel a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve, et il s’est reposé le septième jour : c’est pourquoi l’Éternel a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié » (Ex 20.8-11).

Déjà au second chapitre de la Genèse, à la fin du récit de la création, nous trouvons la même mention :

« Ainsi furent achevés le ciel, la terre et toute leur armée. Le septième jour, toute l’œuvre que Dieu avait faite était achevée et il se reposa au septième jour de toute l’œuvre qu’il avait faite. Dieu bénit le septième jour et le sanctifia, car en ce jour Dieu s’était reposé de toute l’œuvre qu’il avait créée » (Gn 2.1-3).

Le Catéchisme de Genève pose la question suivante à ce propos :

« Mais quand, nous invitant au repos, Dieu nous exhorte à suivre son exemple, que veut-il donc nous dire? » Réponse : « Après avoir achevé la création du monde en six jours, Dieu a consacré le septième à la contemplation de son œuvre. Pour nous pousser à en faire autant, il nous propose son exemple : lui ressembler. N’est-ce pas là notre plus cher désir? » (Q&R 175).

Voyez-vous, pour Dieu, le repos suit l’achèvement de ses œuvres; au soir du sixième jour, après que tout eut été achevé, Dieu a contemplé avec plaisir la perfection de son ouvrage : « Dieu considéra tout ce qu’il avait créé, et trouva cela très bon » (Gn 1.31). Nous aussi nous contemplons ses œuvres, non seulement ses œuvres dans la création, mais également l’œuvre de rédemption accomplie en Jésus-Christ pour instaurer une nouvelle création.

Je vous propose de terminer ce deuxième volet de notre méditation sur la signification du sabbat dans la Bible, en lisant ensemble une partie du chapitre 56 du livre du prophète Ésaïe, dans l’Ancien Testament, qui place l’accent sur l’importance du respect du sabbat, mais souligne aussi son caractère libérateur. Notez que, dans le texte qui suit, comme dans toute la Bible, respecter le sabbat ne veut pas dire accomplir une œuvre de manière formaliste, mais se reposer de ses mauvaises œuvres et s’efforcer d’accomplir des œuvres bonnes, c’est-à-dire en conformité avec la loi de Dieu :

« Voici ce que dit l’Éternel : Faites ce qui est juste et respectez le droit, car je vais bientôt vous sauver, je vais faire justice. Bienheureux sera l’homme qui agira ainsi, heureux celui qui s’y appliquera : qui respectera le sabbat et ne le profanera pas, et qui s’efforcera de ne faire aucun mal! L’étranger qui s’attache à l’Éternel ne devra pas se dire : “L’Éternel m’exclura sûrement de son peuple”, et l’eunuque non plus n’aura pas à penser : “Je suis un arbre sec!” Car voici ce que l’Éternel déclare : À ceux qui sont eunuques, qui respecteront les sabbats que j’ai prescrits, qui choisiront de faire ce qui m’est agréable, et qui s’attacheront à mon alliance, je leur réserverai dans mon temple et mes murs une stèle et un nom impérissable qui ne sera jamais rayé. Et tous ceux qui sont étrangers et qui s’attacheront à l’Éternel pour le servir, pour l’aimer et pour être ses serviteurs, qui respecteront le sabbat et ne le profaneront pas, et qui s’attacheront à mon alliance, je les ferai venir à ma montagne sainte et je les réjouirai au Temple où l’on me prie, et j’agréerai leurs holocaustes et autres sacrifices offerts sur mon autel. Car on appellera mon Temple : “Maison de prière en faveur de tous les peuples.” Voici ce que déclare l’Éternel, lui qui rassemble les bannis d’Israël : À ceux qui seront déjà rassemblés, j’en joindrai d’autres que je rassemblerai aussi » (És 56.1-8).

5. La place centrale que Jésus-Christ revêt dans le sabbat🔗

Dans l’Ancien Testament, le sabbat ne pouvait jamais être dissocié des sacrifices. Les sacrifices étaient les signes d’une mort expiatoire accomplissant la réconciliation avec Dieu. La lettre aux Hébreux place justement l’accent sur la mort expiatoire finale du dernier grand-prêtre, Jésus-Christ, qui de cette manière accomplit la réconciliation finale avec Dieu. Souvenez-vous des dernières paroles de Jésus sur la croix, d’après l’Évangile selon Jean : « Tout est accompli » (Jn 19.30), c’est-à-dire l’œuvre pour laquelle le Père m’a envoyé est totalement achevée. Avec cet achèvement, une toute nouvelle dimension est ajoutée au sens du sabbat. Désormais, nous ne contemplons plus l’œuvre de Dieu seulement à travers sa création, mais aussi à travers sa recréation en Christ. Jésus-Christ a pris la place centrale dans le sabbat, car il a accompli la grande œuvre de rédemption qui nous offre le shalom — la paix véritable —, et par là le repos. Lui seulement peut dire : « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat. C’est pourquoi le Fils de l’homme est aussi maître du sabbat » (Mc 2.27-28).

En effet, Jésus apporte une dimension toute nouvelle à notre expérience et notre célébration du sabbat, car il apporte un élément d’accomplissement qui n’était pas présent dans l’Ancien Testament. C’est pourquoi l’auteur de la lettre aux Hébreux dit clairement que Josué, qui a fait entrer le peuple d’Israël dans la terre promise, ne leur a pas donné le repos final, sans même parler de tous les Israélites qui sont morts dans le désert à cause de leur manque de foi. Christ, lui seulement, accomplit cette œuvre. Seuls ceux qui sont greffés en lui peuvent entrer dans le repos éternel. C’est précisément ce que dit l’épître aux Hébreux : « En effet, nous sommes associés au Christ, si toutefois nous conservons fermement, et jusqu’au bout, l’assurance que nous avons eue dès le début » (Hé 3.14).

6. Dieu nous exhorte à persévérer dans le repos
qu’il nous accorde gratuitement🔗

Nous avons déjà vu que se reposer dans la grâce de Dieu demande de notre part un effort : il s’agit en fait d’un ordre qui nous est donné. En fin de compte, tel est le message central du texte de la lettre aux Hébreux que nous avons déjà lu, à savoir que nous ne devons pas nous relâcher, afin de pouvoir entrer dans le repos de Dieu. Relisons, pour bien nous le remémorer, ce passage du quatrième chapitre de la lettre aux Hébreux, dans le Nouveau Testament. L’auteur prend comme exemple les Israélites incrédules qui sont tombés dans le désert pour n’avoir pas cru aux promesses que Dieu leur avait faites. Il la compare avec la génération de chrétiens auxquels il s’adresse, et qui ont reçu la promesse d’entrer dans un repos éternel bien supérieur encore à celui que les Israélites attendaient lorsqu’ils seraient entrés en terre promise :

« Ainsi donc, pendant que la promesse d’entrer dans le repos de Dieu est toujours en vigueur, craignons que l’un d’entre vous ne se trouve coupable d’être resté en arrière. Car nous aussi, nous avons entendu la Bonne Nouvelle, tout comme eux. Mais le message qu’ils ont entendu ne leur a servi à rien, car ils ne se sont pas associés par leur foi à ceux qui l’ont reçu » (Hé 4.1-2).

Puis, un peu plus loin, l’auteur ajoute : « Empressons-nous donc d’entrer dans ce repos afin que personne ne tombe dans la désobéissance, à l’exemple des Israélites » (Hé 4.11).

Il nous faut bien noter que, si nous sommes effectivement appelés à persévérer dans ce repos que Dieu dans sa grâce nous accorde, l’observance du sabbat n’est pas une bonne œuvre qui nous ferait mériter le salut aux yeux de Dieu. Or, c’est justement ce que pensaient les Juifs qui faisaient de l’observance ritualiste du sabbat la voie d’accès à Dieu, en lieu et place de la foi que Dieu leur demandait d’avoir en ses promesses. Si de même nous considérions notre effort et notre persévérance comme cette voie d’accès, nous ne ferions que nier l’œuvre de rédemption accomplie en Christ, et dont nous venons de parler. Nous ne chercherions alors plus notre repos exclusivement dans la grâce divine. Une telle fausse bonne œuvre n’a rien de commun avec le repos de sabbat offert par Dieu. Nous nous adonnerions à une sorte de repos et de paix formalistes qui nous opprimeraient totalement.

Pour les pharisiens du temps de Jésus, observer le sabbat signifiait absolument ne rien faire, pas même déplacer une chaise ou préparer un repas simple. Le respect scrupuleux du sabbat tel qu’ils l’envisageaient en faisait une bonne œuvre qui les justifiait aux yeux de Dieu. Par leurs propres efforts, ils pensaient donc pouvoir avoir accès à Dieu. De telles prescriptions impliquaient aussi selon eux que guérir un malade durant un jour de sabbat constituait en fait une violation du quatrième commandement qui enjoint de respecter le sabbat. C’est la situation qui nous est décrite au douzième chapitre de l’Évangile selon Matthieu :

« À cette époque, un jour de sabbat, Jésus traversait des champs de blé. Comme ses disciples avaient faim, ils se mirent à cueillir des épis pour en manger les grains. Quand les pharisiens virent cela, ils dirent à Jésus : Regarde tes disciples : ils font ce qui est interdit le jour du sabbat! Il leur répondit : N’avez-vous donc pas lu ce qu’a fait David lorsque lui et ses compagnons avaient faim? Il est entré dans le sanctuaire de Dieu et il a mangé avec eux les pains exposés devant Dieu. Or ni lui ni ses hommes n’avaient le droit d’en manger, ils étaient réservés uniquement aux prêtres. Ou bien, n’avez-vous pas lu dans la loi que, le jour du sabbat, les prêtres qui travaillent dans le Temple violent la loi sur le sabbat, sans pour cela se rendre coupables d’aucune faute? Or, je vous le dis : il y a ici plus que le Temple. Ah! si vous aviez compris le sens de cette parole : Je désire que vous soyez bons plutôt que vous m’offriez des sacrifices, vous n’auriez pas condamné ces innocents. Car le Fils de l’homme est maître du Sabbat. En partant de là, Jésus se rendit dans l’une de leurs synagogues. Il y avait là un homme paralysé d’une main. Les pharisiens demandèrent à Jésus : A-t-on le droit de guérir quelqu’un le jour du sabbat? Ils voulaient ainsi pouvoir l’accuser. Mais il leur répondit : Supposez que l’un de vous n’ait qu’une seule brebis et qu’un jour de sabbat, elle tombe dans un trou profond. Ne la tirera-t-il pas pour l’en sortir? Eh bien, un homme a beaucoup plus de valeur qu’une brebis! Il est donc permis de faire du bien le jour du sabbat. Alors il dit à l’homme : Étends la main! Il la tendit, et elle redevint saine, comme l’autre. Les pharisiens sortirent de la synagogue et se concertèrent sur les moyens de faire mourir Jésus » (Mt 12.1-14).

Voilà bien à quoi ressemble le respect formaliste du sabbat qui n’intéresse aucunement le Dieu de grâce. Un tel respect du quatrième commandement n’est d’aucune valeur à ses yeux. Dans le vrai sabbat, il n’est question ni de ritualisme ni de formalisme. Il n’est pas non plus question, comme nous l’avons déjà dit, d’une forme mondaine de distraction, laquelle ne s’intéresse pas au repos accordé par Dieu. Le texte de la lettre aux Hébreux qui nous parle d’effort parle aussi de persévérance. Le but de l’auteur est d’inciter ses lecteurs à comprendre le vrai sens du sabbat offert en Jésus-Christ. En lui seul se trouve un sabbat éternel qui nous est promis : « Empressons-nous donc d’entrer dans ce repos, afin que personne ne tombe dans la désobéissance à l’exemple des Israélites » (Hé 4.11). Pour le dire autrement : si vous ne persévérez pas afin d’entrer dans ce repos, tel qu’il vous est promis, alors vous n’y aurez pas part… Il s’agit d’une exhortation, mais aussi d’un avertissement.

En conclusion, disons que le sabbat est la porte d’entrée et aussi l’image de notre demeure éternelle, qui est faite de repos et de paix. C’est pourquoi nous devons nous tenir au commandement qui nous est donné : persévérer dans les promesses que Dieu nous fait, ne pas relâcher notre foi, nous repentir de nos œuvres mauvaises et nous en écarter.

Peut-être aucun autre texte dans toute la Bible n’exprime mieux l’attente intense d’un repos complet que le passage suivant tiré du huitième chapitre de la lettre que Paul écrivit aux chrétiens de Rome. Terminons notre méditation sur le sabbat du Seigneur en citant ce passage :

« J’estime qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire à venir qui sera révélée pour nous. Aussi la création attend-elle avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise à la vanité, non de son gré, mais à cause de celui qui l’a soumise, avec une espérance : cette même création sera libérée de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu. Or, nous savons que, jusqu’à ce jour, la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement. Bien plus : nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit, nous aussi nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l’adoption, la rédemption de notre corps. Car c’est en espérance que nous avons été sauvés. Or l’espérance qu’on voit n’est plus espérance : ce qu’on voit, peut-on l’espérer encore? Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance » (Rm 8.18-25).