Cette fiche de formation contient une série de 9 études sur l'écoute, la prière qui écoute, le jeûne, la soumission mutuelle, les difficultés de l'écoute, ce qui peut favoriser une attitude d'écoute, et la lecture de la Bible.

16 pages.

Vivre à l'écoute

  1. Entendre, écouter, recevoir
  2. Prier avant de prier ou la prière qui écoute
  3. Ma prière et mon ressenti
  4. Ma prière est accordée avec ma vie
  5. Est-ce le temps de jeûner?
  6. L’écoute et la soumission mutuelles
  7. Pourquoi écouter est-il souvent difficile?
  8. Recommandations pour favoriser l’attitude d’écoute
  9. La lectio divina

Annexes

  1. Les dons spirituels
  2. Consolation à M. du Périer pour la mort de sa fille
  3. La juste relation

1. Entendre, écouter, recevoir

a. Nous commençons par un peu de français

Comparons les verbes « voir » et « regarder ». Donner des exemples.

  • Voir défiler le paysage (en train) ou regarder un paysage.
  • Voir une affiche, regarder un tableau.
  • Voir un oiseau qui passe, regarder un coucher de soleil.
  • Voir une femme et regarder une femme (Mt 5.28).

Où est la différence?

En Mt 5.28, « regarder » traduit le verbe grec « blêpô » qui signifie « regarder », « porter ses regards », « prendre garde », « faire attention ».

Dans ce verset, Jésus mentionne le cœur. « Regarder » a un rapport avec le cœur (dans le sens biblique, qui implique l’être tout entier).

Il y a un troisième verbe qui marque une dimension de plus, c’est le verbe « contempler ». Déjà, le verbe « blêpô » s’en approche, comme le montre 2 Co 4.18 : « Nous regardons, non pas aux choses visibles (qui sont passagères), mais aux invisibles qui sont éternelles. » La notion de durée est importante. Pour ce verbe « contempler », nous devons lire ce que Paul écrit en 2 Co 3.18 (le grec dit « refléter »). Ce passage se rapporte à Moïse qui demeura pendant 40 jours seul en présence de Dieu. Là aussi, la dimension du cœur et celle de l’Esprit sont impliquées.

La même différence existe entre « entendre » et « écouter ». Donner des exemples.

  • Entendre le bruit d’une cloche, écouter un message.
  • Entendre une musique de fond dans un magasin et écouter une symphonie.
  • Entendre une conversation et écouter quelqu’un qui appelle.
  • Une maman dit à son enfant (ou à son mari) : Tu écoutes quand je te parle?

Qu’implique le verbe « écouter »? Écouter demande de s’arrêter.

b. Le lien entre le berger et la brebis

Darby traduit Jn 10.27 : « Mes brebis écoutent ma voix. » Comment sait-on que c’est la bonne traduction? Parce que la brebis qui ne fait qu’entendre ne suit pas. Pensons à La chèvre de Monsieur Seguin. « Les brebis le suivent parce qu’elles connaissent sa voix » (lire Jn 10.5, 14-15, 27).

Enfin, « écouter » est pratiquement synonyme de « recevoir » (lire dans ce sens És 55.3; Jn 1.12).

c. L’histoire du jeune Samuel (1 S 3.1-11)

Noter que la parole de l’Éternel était rare (Jg 21.25). Noter que Samuel, bien que vivant dans le temple, « ne connaissait pas encore l’Éternel, et la parole de l’Éternel ne lui avait pas encore été révélée » (1 S 3.7). Relever les verbes « connaître » et « révéler ».

Remarquer la difficulté d’établir le contact, la relation, les tâtonnements, même pour Éli… qui, lui-même, n’entend plus quand Dieu lui parle. Pourquoi? Quand on refuse d’écouter, on finit par ne plus même entendre (Jb 33.14). Noter la patience et l’insistance de Dieu qui appelle Samuel à 4 reprises. Et la phrase décisive : « Parle, car ton serviteur écoute » (1 S 3.10)1.

Le verbe « écouter » est le verbe hébreu « shama », que l’on a en Deutéronome 6.4 : « Écoute, Israël! »

En 1 Samuel 3.11, Dieu dit, littéralement : « Je vais faire en Israël une chose telle que quiconque l’écoutera, les deux oreilles lui tinteront »!

d. Le témoignage d’Ésaïe

« Chaque matin, il éveille mon oreille pour que j’écoute » (És 50.4-5). Dans ce passage et dans bien d’autres, le verbe « écouter » est pratiquement synonyme du verbe « suivre » ou du verbe « obéir ». Ève n’a pas seulement entendu le tentateur, elle l’a écouté.

Avec Ésaïe 50.5, remarquer le lien entre l’écoute et l’aptitude à dire une « parole opportune » (comparer Pr 15.23 et 18.13). Celui qui écoute reçoit, quand c’est nécessaire, la parole qu’il doit dire : la parole opportune.

2. Prier avant de prier ou la prière qui écoute

a. Tout ce qui est pour Dieu vient de Dieu

« Tout est de lui, par lui et pour lui! À lui la gloire dans tous les siècles. Amen » (Rm 11.36). « Tout vient de toi et nous recevons de ta main ce que nous t’offrons » (1 Ch 29.14).

Mon second point s’appuie aussi sur un fondement biblique majeur : l’homme seul n’a aucune chance de trouver la volonté de Dieu et encore moins de l’accomplir. La corruption de l’homme est totale : même le bien qu’il veut et qu’il fait est entaché de mal. Que faire alors? Accepter que « tout don parfait, que toute grâce excellente descendent d’en haut, du Père des lumières », comme le dit Jacques (Jc 1.17; voir Lc 19.10; Rm 5.6; 1 Jn 4.10). Tout est grâce, même la foi; même la prière. La prière qu’il agrée, c’est lui qui la donne. Celle qu’il exauce, c’est celle qu’il inspire!2

« L’Esprit nous aide dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables » (Rm 8.26).

On pourrait presque dire que c’est Dieu qui prie dans le cœur de celui ou de celle qui prie!

b. Prier avant de prier

Pour éviter que la prière devienne une « œuvre » :

« Ne te presse pas d’ouvrir la bouche, et que ton cœur ne se hâte pas d’exprimer une parole devant Dieu; car Dieu est au ciel, et toi sur la terre; que tes paroles soient donc peu nombreuses » (Ec 5.1; voir Lm 3.26).

L’expérience de Saul de Tarse le démontre, avec cette parole de Dieu à Ananias : « Va le voir, car il prie » (Ac 9.12). « Il prie », ici, est synonyme de : « Il écoute, enfin! » L’Éternel a éveillé son oreille pour qu’il « écoute comme écoutent les disciples » (És 50.4-5; voir 1 S 3.9).

Si cela ne se passe pas, la prière reste sourde3. Quelle chance peut avoir une prière sourde de dire ou de demander ce qu’il faut, ce qui est juste? Ce sera la prière des païens dont parle Jésus (Mt 6.7).

« Fais de l’Éternel tes délices, et il te donnera ce que ton cœur désire » (Ps 37.4). Prier avant de prier, c’est laisser Dieu tracer des chemins dans notre cœur (Ps 84.6).

c. Le temps de l’épreuve

Le temps de l’épreuve correspond souvent à ce que j’appelle : Prier avant de prier. C’est assez exactement la pédagogie du désert (Os 2.16). Le lieu du dépouillement, le lieu d’où on crie à Dieu, où le cœur est à nu et où on abandonne toute résistance (Ps 107.6, 13, 19…). Le lieu du combat qui devient le lieu du repos4.

Je vois cela dans l’expérience du fils prodigue. Il est seul, avec les pourceaux. Il a tout perdu. Il est presque mort. Il n’est même pas dit qu’il prie, mais qu’il « entre en lui-même ». C’est cela : « Prier avant de prier ». Alors, « il se dit [quelqu’un lui dit] : Combien de serviteurs chez mon père ont du pain en abondance. Je me lèverai, j’irai vers mon père… » (Lc 15.17-19). Il a été exaucé avant même de prier! Il a entendu dans son cœur une voix et il l’a écoutée : « Il se leva et alla vers son père » (Lc 15.20).

d. Vouloir ce que Dieu veut5

Cela n’est pas évident. C’est pourquoi il est souvent nécessaire de se présenter devant Dieu, de se tenir en silence, de s’attacher fortement à Jésus-Christ, dans une totale dépendance, dans une totale confiance; de « demeurer en lui », de « faire de lui mes délices » (Ps 37.4). Cela peut bien prendre quelques minutes. « Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez et cela vous sera accordé », dit Jésus (Jn 15.7). On ne retient souvent que la deuxième partie du verset. Il n’y a pas de mérites, mais il y a des conditions.

La passivité, l’indécision sont des attitudes préjudiciables (Mt 5.37; Jc 1.7-8. Comparer Lc 9.51; 22.42).

e. Prier, c’est s’accorder avec Dieu6

Dieu peut-il répondre à une prière injuste? Le premier larron en croix s’est lui aussi adressé à Jésus, mais il n’a reçu aucune réponse (Lc 23.39). Mais :

« Nous avons auprès de lui cette assurance, que si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous écoute. Et si nous savons qu’il nous écoute [et pas seulement qu’il nous entend], quelque chose que nous lui demandions, nous savons que nous possédons la chose que nous lui avons demandée » (1 Jn 5.14-15).

3. Ma prière et mon ressenti

Si la prière nécessite que je « rentre en moi-même » et que mon oreille soit « ouverte chaque matin », comment saurai-je si je suis en mesure d’entendre (et même d’écouter) ce que Dieu a à me dire? Pensons au jeune Samuel. Je suis naturellement traversé par un grand nombre de pensées, de sentiments. Lesquels viennent de Dieu? Comment m’y retrouver? La prière que Dieu écoute et à laquelle il répond, c’est celle qui est conforme à sa volonté. Mais comment le savoir?

a. L’Écriture et l’Esprit

Au Psaume 43, nous trouvons le psalmiste déprimé. « Pourquoi t’abats-tu, mon âme, et gémis-tu au dedans de moi? Espère en Dieu, car je le louerai encore! Il est mon Sauveur et mon Dieu » (Ps 43.5). Son âme est triste. Mais son esprit s’appuie sur autre chose : sur les promesses de Dieu, sur la Parole écrite de Dieu : « Il est mon Sauveur et mon Dieu! » Il ne le sent pas, mais il le sait, car l’Écriture le dit! « Gégraptaï! — Il est écrit! », dit Jésus (Mt 4.4).

L’Écriture et l’Esprit sont toujours d’accord! Et en un sens, ce qui prime, c’est l’Écriture. « Si quelqu’un détourne son oreille pour ne pas écouter la loi, sa prière même est une abomination » (Pr 28.9; voir Lc 16.29-31). D’autres passages démontrent le primat de l’Écriture, y compris après la Pentecôte (Lc 24.44-45; Ac 1.16; 17.11; 18.28; 1 Co 15.1-4; Ga 1.8-9). Dire cela n’amoindrit pas le rôle de l’Esprit qui a inspiré les auteurs sacrés (2 Tm 3.16; 2 Pi 1.20-21) et qui doit en inspirer également la lecture et la compréhension (Pr 28.5; Ac 6.4; Rm 12.1-2)7.

b. L’âme et l’esprit

Quelqu’un dira peut-être : « Je ne sens rien, donc je ne fais rien. Dieu ne fait rien! » Celui ou celle qui parle ainsi est principalement conduit(e) par son âme, c’est-à-dire par ses sentiments, ses émotions, son ressenti et par les pensées qui en découlent directement. L’âme correspond bien à la vie intérieure, mais elle est très dépendante de l’extérieur, des circonstances, du corps, des sens. C’est pourquoi elle est souvent fluctuante, dépendante de l’environnement, du temps qu’il fait, ou encore du caractère propre (colère, nostalgie…).

Mon âme peut vivre des transports de vitalité ou des abîmes de tristesse. Cela n’a pas à être nié, pas plus que mon corps d’ailleurs, car c’est ma vie. Cependant, comment s’y fier? Si on me présente sur une page la photo d’une dizaine d’enfants et qu’on me propose d’en choisir un afin de prier pour lui, comment choisirai-je? Il est probable que ce sera l’enfant le plus mignon, ou celui qui me ressemble… C’est comme cela que fonctionne la publicité, par exemple. Mais cela a-t-il un rapport avec la volonté de Dieu, avec la direction de l’Esprit? Rien n’est moins certain! Songeons à Samuel qui voulait oindre le fils aîné d’Isaï, et non le plus jeune (1 S 16.6-7) ou à ce qu’écrit Jacques sur l’apparence (Jc 2.2-4).

Celui qui écoute son âme s’écoute lui-même8. C’est sentimental, psychique, terrestre9.

c. Le niveau du cœur

Quand le fils prodigue est rentré en lui-même (Lc 15.17), son âme lui disait sans doute que tout était fini pour lui. Son corps, lui, devait crier famine! Mais c’est dans son esprit — c’est-à-dire dans son cœur — que la voix juste lui a montré la voie juste. « Je me lèverai, j’irai vers mon père. » Ce n’était ni sentimental ni intellectuel. Il a écouté cette voix, il s’est levé. Son père l’attendait devant la maison.

Dieu est Esprit, et c’est par son Esprit qu’il parle à notre esprit, doucement, précisément, exactement (Rm 8.16). Ainsi, c’est par révélation que Pierre confesse que Jésus est « le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16.16), avant de s’égarer avec les élans de son âme emportée (Mt 16.22-23). Les deux déclarations semblent portées par la meilleure intention : mais une vient de Dieu, l’autre de l’homme (et même du diable). De même, c’est par son esprit que le brigand repentant, sur la croix, reconnaît dans cet autre supplicié sans apparence le Messie qui peut le sauver.

Comment saurai-je si je marche par la chair ou par l’Esprit? Lire Hé 4.12. Le chrétien conduit par son esprit (par l’Esprit) dit : « Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. »

4. Ma prière est accordée avec ma vie

Le verbe grec « hupakouô » signifie « écouter » et « obéir ». Lire Mt 8.27; Mc 1.27; Ac 6.7; Rm 6.12, 16; Ép 6.1.

Écouter la voix de Dieu permet de marcher dans ses voies, ce qui est l’essentiel (Ps 119). « L’Éternel est mon berger; il me conduit… » (Ps 23). L’appartenance et la direction…

a. « L’obéissance vaut mieux que les sacrifices » (1 S 15.22)

Jésus l’a dit ainsi : « Ceux qui me disent Seigneur! Seigneur! n’entreront pas tous dans le Royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux » (Mt 7.21). La parabole des deux fils illustre cela également (Mt 21.28-32) ou encore ce que Jésus dit de ses frères et sœurs (Mc 3.35).

L’obéissance de la foi découle de la prière, mais l’obéissance de la foi est aussi une condition pour la prière. Dire cela, c’est simplement rappeler que la prière est opposée à toute hypocrisie. La prière est le contraire de l’hypocrisie! Comment vais-je vivre, après avoir dit « Amen »?10

Bien sûr, il existe une obéissance extérieure, légaliste, qui marchande et calcule les mérites. Ce n’est pas de celle-là qu’il s’agit! Il s’agit de l’obéissance qui démontre la régénération d’un cœur qui est passé par la repentance et qui se livre dans la foi pour accomplir la volonté de Dieu (Ac 26.20; Rm 6.4-7). Obéir, c’est offrir son cœur. Que sert-il de dire : Oui! Oui! Mieux vaut obéir. Est-ce se placer sous la loi que de dire cela? Non, pas plus que quand l’apôtre Jacques écrit :

« Mes frères, que sert-il à quelqu’un de dire qu’il a la foi, s’il n’a pas les œuvres? Il en est ainsi de la foi : si elle n’a pas les œuvres, elle est morte. […] Montre-moi ta foi sans les œuvres, et moi je te montrerai la foi par mes œuvres » (Jc 2.14-18).

Celui qui écoute? C’est celui qui obéit!

b. La croix avant la résurrection

Quelle chance l’homme naturel ou psychique peut-il avoir de vouloir ce que Dieu veut, de demander ce qui est juste? Aucune! Christ n’est pas seulement mort « à ma place »; il est aussi mort pour que je puisse mourir moi-même avec lui et en lui, devenir « une même plante avec lui, en vue de marcher en nouveauté de vie » (Rm 6.4-5).

C’est par son obéissance que Jésus a remporté sa victoire et acquis notre salut (Hé 5.7-9). Comment ce salut va-t-il se démontrer? Notamment par l’obéissance de la foi. En un sens, l’obéissance a priorité sur la prière. Celui qui marche dans la volonté de Dieu toute sa vie est une prière! C’est là le parfum de bonne odeur que Dieu agrée. « Ceux qui m’aiment sont ceux qui gardent mes commandements » (Jn 14.21) « Car l’amour de Dieu consiste à garder ses commandements » (1 Jn 5.3)11.

c. L’écoute et l’autorité

La prière qui écoute devient une prière qui confesse, qui proclame, qui témoigne avec une forme d’autorité (Ps 9.2-3; 18.2-4; 23.1-3). Pourquoi le centenier dit-il à Jésus : « Dis un mot et mon serviteur sera guéri »? (Lc 7.7). Parce qu’il sait que Jésus a l’autorité de celui qui l’envoie, de celui à qui il est réellement soumis. C’est le principe de délégation, si important dans la Bible12. Pourquoi Jésus dit-il à son Père, devant le tombeau de Lazare : « Je sais que tu m’exauces toujours »? (Jn 11.42). Parce qu’il sait qu’il ne fait pas sa propre volonté, mais celle de son Père (Mt 20.28; Hé 10.7). C’est pourquoi Jacques écrit que « la prière du juste a une grande efficace » (Jc 5.16). De même, les parents qui obéissent à Dieu ont une meilleure autorité sur leurs enfants.

d. Que ta volonté soit faite

« Quoi que ce soit que nous demandions, nous le recevons de lui, parce que nous gardons ses commandements et que nous faisons ce qui lui est agréable » (1 Jn 3.22; 5.14-15). Ce n’est pas une question de mérites… Mais c’est une condition! Nous comprenons l’importance des premières demandes du Notre Père : « Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite » (Mt 6.9-10)13. Dieu au centre de notre prière! Prier avant de prier…

5. Est-ce le temps de jeûner?

Jésus a répondu à cette question en disant que ses disciples jeûneraient quand l’époux leur serait enlevé (Mt 9.15). Le jeûne est la reconnaissance d’une absence, d’un manque que rien d’autre ne peut combler, d’une attente14.

« Comme une biche soupire après des courants d’eaux, ainsi mon âme soupire après toi, ô Dieu! Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant : Quand irai-je et paraîtrai-je devait la face de Dieu? » (Ps 42.2-3).

Le jeûne, comme la prière, manifeste une faim et une soif de Dieu qui devrait habiter chaque chrétien. « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice » (= la volonté de Dieu) (Mt 5.6). « Que ton règne vienne! » (Mt 6.10). « Viens, Seigneur Jésus! » (Ap 22.20).

a. Attention aux bonnes choses!

Dans cette recherche de la présence et de la volonté du Seigneur (c’est à dire de son règne), la repentance consiste à délaisser définitivement une chose mauvaise et impure qui irrite le Seigneur et m’empêche de m’approcher de lui et de mieux le servir (Mt 3.2; 4.17; Ac 2.38; 26.20); le jeûne, lui, consiste à délaisser pour un temps limité quelque chose de bon et de légitime qui m’empêche de m’approcher de Dieu et de mieux le servir.

Le jeûne, comme la repentance, consiste à dégager la place, à libérer l’espace qui revient à Dieu, mais que d’autres biens avaient peu à peu occupé. C’est rétablir l’ordre des priorités dans la perspective du Royaume de Dieu. C’est délaisser un bien pour un meilleur.

b. Trois exemples

Le jeûne de travail. Le sabbat (Ex 20.8) est, selon la définition donnée ci-dessus, un jeûne de travail. Le travail est une bonne chose, mais il risque d’accaparer l’attention et le cœur de l’homme et de la femme au risque de mettre en oubli l’amour et la fidélité de Dieu (Ex 20.8, 11; Mt 6.25-33).

Le jeûne de pain. C’est le premier enseignement que nous ayons de Jésus, après qu’il eut jeûné pendant 40 jours (Mt 4.4). Jésus ne dit pas que le pain est mauvais. Lui-même a eu faim (Mt 4.2). Lui-même a nourri la foule de pain (Mt 14.19). Mais il avertit contre le risque de se focaliser sur cette nourriture (Mt 6.31-34) et d’oublier que la Parole de Dieu nourrit également l’homme qui la reçoit.

Le jeûne conjugal est mentionné par l’apôtre Paul (1 Co 7.5). Les relations conjugales sont bonnes, dans le cadre d’un couple fidèle. Mais là aussi, un risque existe : que cette relation intime fasse passer au second plan une autre relation intime, celle que chacun doit entretenir avec son Père céleste, dans l’écoute de sa Parole et la prière.

On pourrait évoquer, pour ceux qui sont susceptibles de tomber dans un excès, une dépendance : le jeûne de paroles (Ecc 5.1; Lm 3.28-29; Jc 3.2-12), le jeûne de contacts humains (Lm 3.28; Mt 14.13, 23) assez souvent pratiqué par Jésus, le jeûne de fête, de rire (Jc 4.8-10), de musique (Ps 137.3-4), d’exercice physique (1 Tm 4.8), de télévision, d’Internet… Et même de prière (Jb 39.36-38; Lam 3.26). Il s’agit de montrer à Dieu qu’on l’aime et qu’on aime sa volonté plus que tout (Mt 6.33; 22.37-38).

c. Quand devrait-on jeûner?

Il n’y a pas de règle. On pourrait dire : chaque fois que cela s’avère nécessaire! Chaque fois qu’il paraît important de retrouver une bonne écoute de Dieu (1 Jn 5.14).

Quand la prière « ordinaire » ne semble plus en mesure de rattraper le terrain perdu de la communion avec le Seigneur; quand mon oreille ne parvient plus à être attentive à la voix du Berger (Jn 10.3, 27); quand trop de richesses ont envahi l’espace et se sont intercalées entre Dieu et moi (Mt 7.19-21; 13.22; Mc 10.24; Col 3.1).

Cela peut s’avérer particulièrement important dans une période d’égarement, de trouble, d’humiliation (Jg 20.26-28; 2 S 12.16; Est. 4.3; Néh 1.4; Ps 137.3-4; Jc 5.13); dans la perspective d’une période difficile, d’un danger à venir, d’un combat à mener (2 Ch 20.3; Esd 8.21-23; Mt 17.21); avant une décision importante ou un engagement nouveau, en vue d’une consécration plus grande, un service plus pur (Mt 4.1-2; Ac 13.2-3).

d. Attention à la motivation!

Tout comme la prière (Pr 28.9; Jc 1.6), le jeûne n’est pas un moyen de faire pression pour obtenir ce que l’on veut. C’est même le contraire de cela (Ps 119.67; 139.23-24).

« Que ta volonté soit faite, et non la mienne! » (Lc 11.2; 22.42).

Le jeûne ne nous rend pas plus forts, mais plus faibles, plus conscients de nos faiblesses et donc plus dépendants de la force de Dieu (Mt 4.1-11).

Le jeûne ne nous rend pas plus joyeux, mais plus tristes, plus sensibles au péché, à la misère. Plus sensibles à l’Esprit de consolation et de joie, aussi! (Ps 131).

6. L’écoute et la soumission mutuelles

a. Nous réfléchissons ensemble à ce qu’écrit Dietrich Bonhoeffer

« Le premier service que l’on doit au prochain est de l’écouter. De même que l’amour de Dieu commence par l’écoute de sa Parole, ainsi le commencement de l’amour pour le frère consiste à apprendre à l’écouter.
Les chrétiens, et spécialement les prédicateurs, croient souvent devoir toujours “offrir” quelque chose à l’autre lorsqu’ils se trouvent avec lui; et ils pensent que c’est leur unique devoir. Ils oublient qu’écouter peut être un service bien plus grand que de parler.
Qui ne sait pas écouter son frère bientôt ne saura même plus écouter Dieu; même en face de Dieu, ce sera toujours lui qui parlera… Nous devons écouter avec les oreilles de Dieu, afin de pouvoir nous adresser aux autres avec sa Parole.15 »

b. Que remarquons-nous?

Les mots « frères » et « prochains » sont employés comme synonymes, ce qui est conforme à l’Écriture. Lire Ép 4.25, 29. Dans ce passage d’Éphésiens, le mot « édification » s’applique à l’Église comme un corps (Ép 4.16). L’expression « les uns les autres » (Ép 4.25) confirme ce contexte fraternel centré sur Christ.

L’attitude envers les autres reflète notre attitude envers Dieu. Donner des exemples. Il y a un lien entre l’oreille (ce qu’on entend) et la bouche (ce qu’on dit) (Ac 1.8; 6.4).

c. Pourquoi « écouter » est-il « un service plus grand »?

  • D’abord pour établir une vraie relation et non la juxtaposition de deux monologues. « Et moi je… »
  • Pour être attentif à l’autre, à son vécu, à sa souffrance, à son attente.
  • Pour être attentif à ce qu’il a à me donner aussi, ce qui ne va pas de soi.
  • Par exemple, remarquer qu’être visité (se faire laver les pieds) n’est pas plus aisé que visiter.
  • Dans le cadre de l’Église, pour favoriser l’édification mutuelle, dans la grâce, l’unité du corps.
  • Pour être en mesure aussi, le moment venu, d’apporter une parole opportune, de la part de Dieu16.

d. Que signifie « Vous soumettant les uns les autres dans la crainte de Christ » (Ép 5.21)?

Cela a un rapport direct avec la nature des liens entre les membres du corps (liens de dépendance17). Voir un exemple de soumission hiérarchique en Luc 7.2-10. À méditer.

La « soumission mutuelle » est-elle hiérarchique?18 Non! Pourquoi? Parce que le Seigneur utilise, pour communiquer sa grâce, qui il veut, quand il veut (1 Co 12.7, 11; 14.12; voir Ec 4.13).

La soumission fraternelle est-elle anarchique? Non, elle n’abolit pas les fonctions réparties (dans le couple, dans la famille), les différents ministères. Dans l’Église, cela correspond à la juxtaposition des ministères établis et du sacerdoce commun des croyants.

Calvin écrit : « Chaque membre est tenu d’apporter ce qu’il pense juste, à condition que cela se fasse décemment et par ordre, sans troubler la paix ni la discipline. »

e. Comment cela peut-il se traduire dans la maison?

Calvin dit que chaque maison de chrétiens doit être gouvernée comme une petite Église. Il entend par là que les parents ont un ministère de la part de Dieu19, que les enfants doivent obéir (c’est-à-dire écouter), que les parents doivent donner l’exemple, que les enfants aussi doivent être écoutés, que parents et enfants doivent être prêts à demander pardon et à développer un esprit de service.

7. Pourquoi écouter est-il souvent difficile?

a. Le constat

Nous avons tous été témoins de faux dialogues du genre : « Et moi je… Et moi je… » Quelle impression cela laisse-t-il?

Me rappeler la dernière fois où j’ai été réellement écouté(e). Quelle impression cela m’a-t-il laissée? Et la dernière fois où je n’ai pas été écouté(e), alors que j’en avais besoin…

Nous avons tous une ou plusieurs choses difficiles à confier, depuis longtemps peut-être. Mais nous le gardons pour nous jusqu’à ce qu’une personne soit vraiment prête à écouter. Des années peuvent s’écouler. Pourquoi? « Si quelqu’un reste 10 minutes près de moi sans parler, je le lui dis. »

b. Parler pour se rassurer

Souvenons-nous de l’épisode de la transfiguration (Mc 9.2-8). Jésus s’entretient avec Élie et Moïse. Troublé, Pierre se met à parler. « En fait, il ne savait que dire » (Français courant).

Les psychologues le disent : Si je me presse pour répondre à une question, pour donner un conseil, c’est pour me rassurer moi-même, faire diversion. Lire Pr 13.3; 1 Co 13.4.

Que disent les expressions : « Faire les questions et les réponses » et « poser des questions ouvertes »? Certains posent des questions, mais ne sont pas intéressés par les réponses… (Mt 22.35; 21.27).

Il y a les joutes de mots où le plus habile l’emporte, qui n’est pas toujours celui qui a raison (2 Tm 2.14). Quelques-uns ont peut-être déjà fait l’expérience de repas pris en silence…

c. L’amour de la vérité

Jésus dit que c’est le refus de se reconnaître pécheur qui est le véritable obstacle à la foi (Jn 3.19). Paul parle de personnes qui « n’ont pas reçu l’amour de la vérité pour être sauvées » (2 Th 2.10).

« Nous t’entendrons là-dessus une autre fois » (Ac 17.32), disent les auditeurs de Paul à Athènes quand il aborde la question de la résurrection. Le texte nous dit qu’il s’agissait de moqueurs…

La parabole du semeur (Mt 13.18-23) décrit les divers obstacles à l’écoute, à la réceptivité.

« Ils eurent le cœur vivement touché » (Ac 2.37). Ils ont écouté Pierre (verbe « akouô »), ils ont reçu de bon cœur sa parole (Ac 2.41). Écouter ressemble un peu à une « opération portes ouvertes ».

De même, Dieu touche le cœur de Lydie pour qu’elle soit attentive aux paroles de Paul (Ac 16.14).

d. Écouter a un rapport avec l’hospitalité

  • C’est facile en théorie, mais pas évident dans la pratique.
  • Cela signifie avoir de la place (et du temps) en soi, pour l’autre.
  • Cela nécessite une guérison suffisante de mes peines, de mes blessures, de mes émotions.
  • Cela implique que je sois moi-même écouté, reçu, déchargé, visité20.
  • Cela signifie être en paix, avoir une conscience pure, être « à jour ».
  • Cela signifie être dans la foi, être rassasié (Ps 23.1), être sûr de l’amour de Dieu.
  • Cela signifie être « désintéressé » (1 Tm 3.3; 1 Pi 5.2) : ne pas chercher son propre intérêt (Mt 5.46-47).
  • Cela a un rapport avec « la circulation de la grâce » : la grâce reçue, la grâce accordée (le pardon).

e. Combien est agréable une parole dite à propos (Pr 15.23)

La parole bonne vient de Dieu21. Elle est reçue quand elle est écoutée (et pas seulement entendue). Ensuite, elle peut être donnée. « Les projets que forme le cœur dépendent de l’homme, mais la réponse que donne la bouche vient de l’Éternel » (Pr 16.1).

Écouter nécessite la « pauvreté en esprit » dont parlent les Béatitudes (Mt 5.3) : je ne peux pas apporter quelque chose si je ne reçois pas d’abord. Cela parle d’une double réceptivité : recevoir ce que l’autre me montre, me dit; recevoir ce que Dieu me dit…

Écouter fait de moi un serviteur : je ne suis pas là pour moi. Je donne mon temps, mon attention. Jésus est venu non pour être servi, mais pour servir (Mt 20.28). Nous sommes serviteurs les uns des autres (Ga 5.13).

8. Recommandations pour favoriser l’attitude d’écoute

Ces recommandations doivent découler logiquement de ce que nous avons déjà rappelé. Je tente de les formuler de manière synthétique.

a. L’écoute est en lien direct avec le cœur

Un cœur fermé n’écoute pas. Il y a très certainement un lien entre l’écoute et la « circoncision du cœur », autrement dit la nouvelle naissance. La nouvelle naissance est l’œuvre de Dieu. Elle suppose une double révélation : celle de mon péché et celle de l’amour de Dieu. Qui oublie cela cesse de se tenir à l’écoute.

b. L’écoute est une attitude qui touche à l’intimité

« Mes brebis écoutent ma voix; je les connais et elles me suivent » (Jn 10.27). Le verbe connaître parle d’une relation personnelle, intime. Écouter requiert un certain recueillement et, si possible, de la solitude et du silence. « Viens, allons à l’écart. » Notons que cela vaut pour l’écoute de Dieu, mais aussi pour l’écoute de l’autre.

c. Écouter, c’est se déplacer pour s’approcher de l’autre

« Il a penché son oreille vers moi » (Ps 116.2). C’est se mettre à sa portée. « Il fit route avec eux » (Lc 24.15). C’est ce qu’a fait le Seigneur. Pour cela, il a quitté son lieu et a « habité parmi nous » (Jn 1.14). Je ne me tiens ni éloigné ni à la place de l’autre22. Je n’ai pas peur; je suis prêt à me laisser toucher.

d. L’écoute a un rapport avec l’hospitalité23

Avoir du temps et de la place pour l’autre. Cela est lié à la dimension de l’amour, du service, du sacrifice. Cela nécessite d’être en paix avec Dieu, avec soi-même. Cela nécessite de recevoir une mesure de grâce qui dépasse mes besoins personnels… (Ac 3.6; Ép 4.28). Cela nécessite aussi de ne pas nier mes émotions ni de me laisser envahir par elles.

e. Écouter implique d’être ouvert à l’imprévisible

Je ne sais pas à l’avance ce que je vais entendre; encore moins ce que je vais dire. Il ne s’agit pas de faire le vide; il ne s’agit pas d’être neutre. Il s’agit d’être disponible pour permettre à l’autre de dire ce qu’il a réellement besoin de dire, s’il le désire. Si mon écoute est réelle et s’il y a quelque chose à dire, cette chose me sera donnée.

f. Être disponible, c’est solliciter l’accord de celui ou celle que j’écoute

Cela se fait tout au long de la rencontre. Puis-je entrer? Puis-je m’asseoir? Puis-je vous demander…? C’est devenir partenaire. C’est vérifier que l’on a bien compris ce qui a été dit en le reformulant. C’est offrir à la personne d’aller plus loin si elle le souhaite en l’invitant à prolonger sa pensée (Lc 24.17). Écouter, c’est s’abstenir d’interrompre l’autre, si ce n’est pour mieux comprendre ce qui a été dit.

g. L’écoute est une disposition du cœur, mais écouter s’apprend

Plus je suis à l’écoute, plus mon écoute s’éveillera. Si je refuse d’écouter, bientôt je n’entendrai même plus. Jésus a alterné les temps de relations humaines et les temps de solitude, les temps d’enseignement et les temps de prière (Ac 6.4). La Bible dit qu’il a appris l’obéissance (Hé 5.8), qui est une attitude proche de l’écoute. La prière est une école d’écoute. Le jeûne également, difficile et prometteur.

h. L’écoute est-elle inconditionnelle? Y a-t-il des limites?

L’attitude d’écoute n’est ni passive ni neutre. Si je ne suis pas d’accord, il n’est pas forcément opportun de débattre, mais je ne suis pas obligé de dire oui24. Je peux questionner : « Pourquoi dites-vous cela? » (Mt 21.23-24). « Je vais y réfléchir; pouvons-nous en reparler la semaine prochaine? »

Écouter quelqu’un qui s’égare de manière passive, c’est se faire son complice, c’est aussi s’exposer à être contaminé (Lc 8.18). Dire non n’est pas nécessairement un manque d’amour. Pourquoi? (Ac 4.19-20; 5.29).

Si mon écoute est réelle, vraie, empreinte de grâce, elle est le reflet de l’écoute de Dieu. Ce Dieu qui écoute nous invite à écouter aussi, avec cette promesse : « Écoutez, et votre âme vivra » (És 55.3; voir Ps 95.7).

9. La lectio divina

La lectio divina est une expression latine qui fait référence à une méthode de prière développée dans la tradition monastique occidentale. Partant de la lecture d’un texte à caractère spirituel (de préférence la Bible) [lectio], elle se prolonge dans la réflexion sur ce même texte [meditatio], se poursuit par un dialogue avec Dieu [oratio] se terminant par une écoute silencieuse de Dieu [contemplatio]. (Définition de Wikipédia).

La lectio divina est mentionnée pour la première fois par Origène, vers l’an 220 de notre ère. Elle a été introduite en Occident par Ambroise au 4e siècle. Pratiquée de tout temps dans les milieux monastiques, elle accompagne assez souvent le renouveau biblique au sein de l’Église catholique depuis quelques décennies. Répondant à un besoin de recueillement plus grand et comme une forme de réaction à la lecture « technique » de la Bible, elle est aujourd’hui pratiquée par de nombreux groupes de piété au sein de l’Église romaine, mais aussi au sein du protestantisme et même dans certaines Églises évangéliques. Elle peut se vivre en groupe ou individuellement.

La lectio divina délaisse la question : Que dit ce passage de l’Écriture? et privilégie la question : Que me dit ce passage de l’Écriture?

Les 4 étapes peuvent être décrites sommairement ainsi :

  • Lire un passage biblique lentement, plusieurs fois.
  • Laisser raisonner en moi certains mots ou expressions qui me rejoignent dans mon vécu et me touchent. Recevoir le texte, c’est se laisser toucher. L’intellect n’est pas sollicité; c’est le ressenti.
  • La prière va prolonger ce qui a été touché, remué, et le présenter devant Dieu, comme dans une conversation avec lui.
  • Le silence qui suit est vécu comme une contemplation et une écoute de Dieu.

Dans un groupe, chacun peut exprimer, en une ou deux phrases, ce qui l’a touché.

Nul doute que cette discipline de lecture biblique peut s’avérer bénéfique, notamment quand on est habitué à lire la Bible pour en faire l’étude, pour soi ou pour les autres. Cette pratique de lecture qui met en avant la subjectivité du lecteur est néanmoins porteuse de lacunes si le texte n’est reçu que comme un « lieu d’exercice spirituel ». Pourquoi ne pas vivre la même chose avec un poème de Baudelaire ou d’Aragon?

Jésus et les apôtres n’opposent pas la subjectivité du lecteur et le contenu objectif du texte biblique, pas plus qu’ils n’opposent la pensée et les sentiments. En réalité, la foi reçoit le texte biblique autrement que par la pensée et les sentiments, même si elle ne les exclut pas.

Ce que le texte biblique transmet est de toute première importance, même s’il ne me touche pas! En un sens, l’essentiel est l’intention de l’auteur (1 Co 15.1-4). C’est en ce sens que nous disons que l’Écriture sainte est la Parole écrite de Dieu. Ce qui est écrit est écrit! (Mt 4.4; Lc 16.29). Cependant, il est plus que souhaitable qu’il me touche! C’est alors l’œuvre de Dieu, par son Esprit, qui m’atteint. (Jn 1.12; Ac 2.37; 16.14; 17.34)25.

Exercice de lectio divina avec la lecture méditée du Ps 116.1-9.

Annexes

1. Les dons spirituels

L’enseignement de Paul en 1 Corinthiens 12 touche à la grâce qui se manifeste au sein du peuple de Dieu par les dons spirituels.

« À chacun, la manifestation de l’Esprit est donnée pour l’utilité commune. En effet, à l’un est donnée, par l’Esprit, une parole de sagesse; à un autre, une parole de connaissance, par le même Esprit. […] Un seul et même Esprit opère toutes ces choses, les distribuant à chacun en particulier, comme il veut » (1 Co 12.7-11).

Dieu donne, parfaitement, à point nommé, le secours qui convient dans son œuvre. Que c’est beau! Que c’est utile! Que c’est précieux!

Mais qui le reçoit? Et comment le recevoir? Cela est lié à l’écoute, au niveau du cœur, au niveau de l’esprit.

Ce n’est pas au niveau du corps : les yeux ne voient rien, l’oreille n’entend rien. Ce n’est pas au niveau de l’âme : les émotions, la pensée, la volonté n’y sont pour rien. En tout cas pour ce qui est de la réception. Paul enseigne qu’une responsabilité dans la « gestion » de ces dons est cependant nécessaire : vérifier que cela est conforme à l’Écriture et opportun pour l’édification (1 Co 14.26-33). C’est au niveau de l’esprit, c’est-à-dire du cœur, là où Dieu parle par son Esprit (1 Co 2.12-16).

Chacun de nous est concerné. Chacun de nous est donc invité à exercer ce discernement qui permet de recevoir le secours de Dieu, par la grâce, par l’Esprit, afin d’apporter un secours de la part de Dieu quand humainement nos moyens sont insuffisants (ce qui est souvent le cas!).

Chacun de nous est concerné, et cela touche tout particulièrement l’usage de la parole, selon ce que dit Paul :

« Qu’il ne sorte de votre bouche aucune mauvaise parole, mais s’il y a lieu, quelque bonne parole qui serve à l’édification et communique une grâce à ceux qui l’entendent » (Ép 4.29).

Le dialogue de Jésus avec la femme samaritaine montre l’exemple d’un don spirituel exercé par Jésus. Toutes les paroles qu’il dit sont justes et appellent à la foi. Mais soudain, il dit une parole qui paraît surprenante, comme si cela lui était donné spontanément : « Va, appelle ton mari et viens ici. » C’est cette parole qui va tout déclencher.

Nous voyons que l’écoute de l’Esprit n’est pas opposée à l’usage de la connaissance et de l’intelligence. Mais l’usage de la connaissance et de l’intelligence ne devrait pas non plus être opposé à l’écoute de l’Esprit qui s’apprend et s’exerce. Sans jamais devenir infaillible.

2. Consolation à M. du Périer pour la mort de sa fille26

[…] Mais elle était du monde où les plus belles choses
Ont le pire destin,
Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses,
L’espace d’un matin.
La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles :
On a beau la prier,
La cruelle qu’elle est se bouche les oreilles,
Et nous laisse crier.
Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre,
Est sujet à ses lois,
Et la garde qui veille aux barrières du Louvre
N’en défend point nos rois.
De murmurer contr'elle et perdre patience,
II est mal à propos :
Vouloir ce que Dieu veut est la seule science
Qui nous met en repos

3. La juste relation

Je ne suis pas à la place de Dieu.
Je ne suis pas à la place de l’autre.
Je ne suis pas entre l’autre et Dieu.
J’entretiens une double relation, une double écoute : de Dieu et de l’autre.
Je me tiens à la bonne distance : ni trop loin ni trop près.
Quand je m’en vais, l’autre reste devant Dieu, dans une intimité qui ne m’appartient pas.

Notes

1. Un berger disait chaque matin à son réveil : « Seigneur, ton serviteur se lève. » Offrir à Dieu sa première pensée, sa première parole, les prémices de son cœur, c’est déjà éveiller son esprit et rendre son âme plus prompte à écouter.

2. « Dieu qui enseigne aux hommes la science, donne la prière à celui qui prie. » Jean Climaque, Petite philocalie de la prière du cœur.

3. Voir la 5section sur le jeûne.

4. Voir le livre récent de Cynthia Fleury : L’accident comme souci de soi. Éd. Pluriel.

5. Voir en annexe 2 le poème de Malherbe.

6. Prier avant de prier, c’est comme viser avant de tirer. Cela doit être fait avec grand soin. Pécher, c’est rater la cible.

7. Le temps passé devant la Bible ouverte, c’est du temps passé devant Dieu.

8. C’est important, mais bien insuffisant pour être conduit dans les voies du Seigneur. C’est pourquoi nous voyons le psalmiste reprendre son âme fluctuante : « Mon âme, bénis le Seigneur! » (c’est un impératif) (Ps 103.1-2).

9. Les mots « charnel » ou « naturel », dans le Nouveau Testament traduisent souvent le grec psychikos. Voir 1 Co 2.14-15; Jc 3.15.

10. Par exemple se demander, au cours de la journée : À quel moment je sens que je contredis ma prière de ce matin? (Ps 139.23-24). Jésus dit aussi que pardonner est une condition (pas un mérite) pour recevoir le pardon (Mt 6.14).

11. Il est intéressant de noter que ces commandements se résument à deux principaux, selon Jean : Croire en Jésus-Christ et aimer les frères dans la foi (1 Jn 3.23; 4.7-16, 20-21; 5.1-3).

12. À propos du mandat confié aux parents, Martin Luther a dit : « C’est Dieu qui lange l’enfant et lui donne la bouillie. Mais il le fait par les mains de la mère. » Jean Calvin a ajouté : « Dieu met l’enfant dans les bras de la mère et lui dit : Prends soin de lui de ma part, maintenant. »

13. Discerner ce qui est « bon, agréable et parfait » (Rm 12.2) est possible par « le renouvellement de l’intelligence », lui-même consécutif à l’offrande de notre être tout entier à Dieu (Rm 12.1).

14. Pensons à Jean-Baptiste qui prépare les chemins du Seigneur.

15. Dietriech Bonhoeffer, De la vie communautaire.

16. Voir l’annexe 1 sur les dons spirituels.

17. Un patient devenant grabataire dit à une infirmière : « Je ne peux accepter de devenir dépendant. » L’infirmière répond : « Nous sommes tous dépendants. »

18. Voir en annexe 3 la bonne relation et l’image du triangle.

19. Voir deux citations à la note 12 sur le mandat confié aux parents.

20. Noter qu’être visité n’est pas beaucoup plus facile que visiter. Ou se laisser laver les pieds que laver les pieds…

21. Voir l’annexe 1 sur les dons spirituels.

22. Voir l’annexe 3 sur la juste relation.

23. Voir la section 7.d.

24. Apprendre aux enfants à ne pas dire oui à tout, à l’école. Dans la cour avec les copains-copines, par exemple.

25. De la même manière, Jésus est objectivement le Sauveur, qu’on y croie ou pas. Mais il le devient pour moi au moment où je place en lui ma confiance.

26. De François de Malherbe (1555-1628).