Cet article a pour sujet l'enseignement de l'amillénarisme sur l'eschatologie inaugurée (les derniers temps déjà présents depuis la première venue du Christ) et sur l'eschatologie future (ce qui reste à venir au retour du Christ).

Source: L’amillénarisme (AH). 9 pages. Traduit par Paulin Bédard

Une brève esquisse de l’eschatologie amillénariste

  1. À propos de l’eschatologie inaugurée
  2. À propos de l’eschatologie future
  3. Quelques implications de l’eschatologie amillénariste

Ma discussion de la compréhension amillénariste du millénium comprend les sujets suivants : l’interprétation du livre de l’Apocalypse1, l’interprétation d’Apocalypse 20.1-62, un regard sur deux passages de l’Ancien Testament généralement considérés comme prédisant un royaume millénaire terrestre3, une brève esquisse de l’eschatologie amillénariste et une déclaration résumant certaines des implications de l’eschatologie amillénariste (dans cet article).

L’eschatologie amillénariste est souvent critiquée parce qu’on dit qu’elle est trop négative et dépense ses énergies principalement à s’opposer aux systèmes eschatologiques avec lesquels elle n’est pas d’accord et à les réfuter. Laissant de côté la question de savoir si cette critique est vraie ou fausse, je voudrais à ce stade contrecarrer le négativisme de certaines eschatologies amillénaristes en esquissant brièvement quelques affirmations positives faites par des théologiens amillénaristes. De cette façon, nous serons en mesure de voir l’eschatologie amillénariste dans sa totalité, et non pas seulement comme une certaine interprétation du millénium d’Apocalypse 20.

Cette esquisse couvrira deux domaines : premièrement, ce que l’eschatologie amillénariste enseigne en ce qui concerne l’eschatologie inaugurée et, deuxièmement, ce qu’elle enseigne en référence à l’eschatologie future. Par eschatologie inaugurée, j’entends l’aspect de l’eschatologie qui est déjà présent maintenant, à l’époque de l’Évangile. Le terme d’eschatologie inaugurée est préféré à celui d’eschatologie réalisée car, si le premier terme rend pleinement justice au fait que la grande incision eschatologique dans l’histoire a déjà été faite, il n’exclut pas un développement ultérieur et une consommation finale de l’eschatologie dans le futur. Lorsque nous parlons « d’eschatologie inaugurée », nous disons que, pour le croyant du Nouveau Testament, des événements eschatologiques significatifs ont déjà commencé à se produire, tandis que d’autres événements eschatologiques sont encore à venir.

1. À propos de l’eschatologie inaugurée🔗

En ce qui concerne l’eschatologie inaugurée, l’amillénarisme affirme donc ce qui suit :

a. Le Christ a remporté la victoire décisive sur le péché, sur la mort et sur Satan🔗

En vivant une vie sans péché et en mourant sur la croix comme sacrifice d’expiation pour notre péché, le Christ a vaincu le péché. En subissant la mort, puis en ressuscitant victorieusement du tombeau, le Christ a vaincu la mort. En résistant aux tentations du diable, en obéissant parfaitement à Dieu, et par sa mort et sa résurrection, le Christ a porté un coup fatal à Satan et à ses armées maléfiques. Cette victoire du Christ a été décisive et définitive. Le jour le plus important de l’histoire n’est donc pas la seconde venue du Christ qui est encore future, mais sa première venue qui se situe dans le passé. En raison de la victoire du Christ, les questions ultimes de l’histoire ont déjà été décidées. Ce n’est plus qu’une question de temps jusqu’à ce que cette victoire soit amenée à sa consommation finale.

b. Le royaume de Dieu est à la fois présent et futur🔗

Les amillénaristes ne croient pas que le royaume de Dieu soit principalement un royaume juif qui implique la restauration littérale du trône de David. Ils ne croient pas non plus qu’en raison de l’incrédulité des Juifs de son époque, le Christ ait reporté l’établissement du royaume au moment de son futur règne millénaire terrestre. Les amillénaristes croient que le royaume de Dieu a été fondé par le Christ lors de son séjour sur terre, qu’il opère actuellement dans l’histoire et qu’il est destiné à être révélé dans sa plénitude dans la vie à venir. Ils comprennent le royaume de Dieu comme étant le règne de Dieu dynamiquement actif dans l’histoire humaine par Jésus-Christ. Son but est de racheter le peuple de Dieu du péché et des puissances démoniaques, et finalement d’établir les nouveaux cieux et la nouvelle terre. Le royaume de Dieu ne signifie rien de moins que le règne de Dieu en Christ sur l’ensemble de son univers créé.

Le royaume de Dieu est donc à la fois une réalité présente et une espérance future. Jésus a clairement enseigné que le royaume était déjà présent pendant son ministère terrestre : « Mais si c’est par l’Esprit de Dieu que je chasse les démons, le royaume de Dieu est donc parvenu jusqu’à vous » (Mt 12.28). Lorsque les pharisiens ont demandé à Jésus quand le royaume de Dieu allait venir, il a répondu : « Le royaume de Dieu ne vient pas de telle sorte qu’on puisse l’observer. On ne dira pas : Voyez, il est ici! ou : Il est là. Car voyez, le royaume de Dieu est au dedans de vous » (Lc 17.20-21). Toutefois, Jésus a également enseigné que, dans un sens, le royaume de Dieu est encore futur, que ce soit dans des paroles spécifiques (Mt 7.21-23; 8.11-12) ou dans des paraboles eschatologiques (telles que celles des noces, de l’ivraie, des talents, des vierges sages et des vierges folles). Paul fait également des déclarations décrivant le royaume comme étant à la fois présent (Rm 14.17; 1 Co 4.19-20; Col 1.13-14) et futur (1 Co 6.9; Ga 5.21; Ép 5.5; 2 Tm 4.18).

Le fait que le royaume de Dieu soit présent dans un sens et futur dans un autre implique que nous, qui sommes les sujets de ce royaume, vivons dans une sorte de tension entre le « déjà » et le « pas encore ». Nous sommes déjà dans le royaume, et pourtant nous attendons avec impatience la pleine manifestation de ce royaume; nous avons déjà part à ses bénédictions, et pourtant nous attendons sa victoire totale. Étant donné que le moment exact du retour du Christ n’est pas connu, l’Église doit vivre avec un sentiment d’urgence, sachant que la fin de l’histoire est peut-être très proche. En même temps, cependant, l’Église doit continuer à planifier et à travailler pour un avenir sur cette terre actuelle qui peut encore durer longtemps.

En attendant, le royaume de Dieu exige de nous tous un engagement total envers le Christ et envers sa cause. Nous devons voir toute la vie et toute la réalité à la lumière de l’objectif de la rédemption, non seulement des individus mais de l’univers entier. Cela implique, comme l’a dit un jour Abraham Kuyper, le célèbre théologien et homme d’État néerlandais, qu’il n’y a pas un pouce de l’univers sur lequel le Christ ne dise pas : « C’est à moi. »

Cet engagement total implique en outre une philosophie chrétienne de l’histoire : Toute l’histoire doit être considérée comme l’accomplissement du dessein éternel de Dieu. Cette vision du royaume inclut une philosophie chrétienne de la culture : L’art et la science, reflétant comme ils le font la gloire de Dieu, doivent être menés pour sa louange. La vision du royaume comprend également une vision chrétienne de la vocation : Tous les appels viennent de Dieu, et tout ce que nous faisons dans la vie quotidienne doit être fait à la louange de Dieu, qu’il s’agisse des études, de l’enseignement, de la prédication, du commerce, de l’industrie ou des travaux ménagers.

La question de savoir si l’Église doit se préoccuper principalement d’évangélisation ou d’action sociale et politique est une source fréquente de tension parmi les évangéliques d’aujourd’hui. Une vision correcte du royaume, me semble-t-il, nous aidera à garder l’équilibre sur cette question. Il va sans dire que l’évangélisation — qui consiste à amener les gens dans le royaume de Dieu — est l’une des tâches essentielles de l’Église. Cependant, puisque le royaume de Dieu exige un engagement total, l’Église doit aussi se préoccuper de manière vitale de la mise en œuvre des principes chrétiens dans tous les domaines de la vie, y compris la politique et le social. L’évangélisation et la préoccupation sociale ne doivent donc jamais être considérées comme des options entre lesquelles les chrétiens peuvent choisir; les deux sont essentielles à l’obéissance totale au royaume.

c. Bien que le dernier jour soit encore futur, nous sommes maintenant dans les derniers jours🔗

Cet aspect de l’eschatologie, qui est souvent négligé dans les cercles évangéliques, est une partie essentielle du message du Nouveau Testament. Quand je dis que « nous sommes dans les derniers jours maintenant », je comprends l’expression « les derniers jours » non seulement comme se référant à la période juste avant le retour du Christ, mais comme une description de toute l’ère entre la première et la seconde venue du Christ. Les auteurs du Nouveau Testament étaient conscients du fait qu’ils vivaient déjà dans les derniers jours au moment où ils parlaient ou écrivaient. C’est ce qu’a spécifiquement déclaré Pierre dans son sermon du jour de la Pentecôte, lorsqu’il a cité la prophétie de Joël concernant l’aspersion de l’Esprit sur toute chair dans les derniers jours (Ac 2.16-17). Il disait ainsi en substance : « Nous sommes maintenant dans les derniers jours prédits par le prophète Joël. » Paul a fait la même remarque lorsqu’il a décrit les croyants de son époque comme étant ceux « pour qui la fin des siècles est arrivée » (1 Co 10.11). Et l’apôtre Jean a dit à ses lecteurs qu’ils vivaient déjà à « l’heure dernière » (1 Jn 2.18). À la lumière de ces enseignements du Nouveau Testament, nous pouvons effectivement parler d’une eschatologie inaugurée, tout en nous rappelant que la Bible parle aussi d’une consommation finale des événements eschatologiques dans ce que Jean appelle communément « le dernier jour » (Jn 6.39-40, 44, 54; 11.24; 12.48).

Le fait que nous vivions maintenant dans les derniers jours implique que nous goûtons déjà les débuts des bénédictions eschatologiques, que nous avons déjà « les prémices de l’Esprit » (Rm 8.23), comme le dit Paul. Cela signifie que nous, les croyants, devons nous considérer non pas comme des pécheurs impuissants face à la tentation, mais comme de nouvelles créatures en Christ (2 Co 5.17), comme des temples de l’Esprit Saint (1 Co 6.19) et comme ceux qui ont résolument crucifié la chair (Ga 5.24), qui se sont dépouillés du vieux moi et ont revêtu le nouveau (Col 3.9-10). Tout cela implique d’avoir une image de nous-mêmes qui soit principalement positive plutôt que négative. Cela implique aussi de considérer les autres chrétiens comme ceux qui sont en Christ avec nous et pour lesquels nous devons donc remercier Dieu4.

d. En ce qui concerne les mille ans d’Apocalypse 20, nous sommes maintenant dans le millénium.🔗

Dans un chapitre précédent5, nous avons donné des preuves de la position selon laquelle les mille ans d’Apocalypse 20 s’étendent de la première venue du Christ à la veille de sa seconde venue, lorsque Satan sera relâché pour un court moment. La position amilléniste sur les mille ans d’Apocalypse 20 implique que les chrétiens qui vivent actuellement bénéficient des avantages de ce millénium puisque Satan a été lié pour la durée de cette période. Comme nous l’avons vu, le fait que Satan soit lié ne signifie pas qu’il n’est pas actif dans le monde d’aujourd’hui, mais plutôt que, pendant cette période, il ne peut pas séduire les nations, c’est-à-dire qu’il ne peut pas empêcher la propagation de l’Évangile. En d’autres termes, le fait que Satan soit lié pendant cette période rend possibles les missions et l’évangélisation. Ce fait devrait certainement être une source d’encouragement pour l’Église sur terre.

Les amillénaristes enseignent également que, pendant cette même période de mille ans, les âmes des croyants qui sont morts vivent et règnent avec le Christ dans le ciel en attendant la résurrection du corps. Leur état est donc un état de bénédiction et de bonheur, bien que leur joie ne soit pas complète avant la résurrection de leur corps. Cet enseignement devrait certainement apporter du réconfort à ceux dont les êtres chers sont morts dans le Seigneur.

2. À propos de l’eschatologie future🔗

En ce qui concerne l’eschatologie future, l’amillénarisme affirme ce qui suit :

a. Les « signes des temps » ont une pertinence à la fois présente et future🔗

Les amillénaristes croient que le retour du Christ sera précédé de certains signes : par exemple, la prédication de l’Évangile à toutes les nations, la conversion de la plénitude d’Israël, la grande apostasie, la grande tribulation et la venue de l’Antichrist. Ces signes, cependant, ne doivent pas être considérés comme se rapportant exclusivement à la période précédant immédiatement le retour du Christ. Ils ont été présents d’une certaine manière dès le début de l’ère chrétienne6 et sont présents aujourd’hui7. Cela signifie que nous devons toujours être prêts pour le retour du Seigneur et que nous ne devons jamais, dans nos pensées, repousser le retour du Christ vers un avenir lointain.

Les amillénaristes croient également, cependant, que ces « signes des temps » auront un accomplissement final culminant juste avant le retour du Christ. Cet accomplissement ne prendra pas la forme de phénomènes totalement nouveaux, mais plutôt d’une intensification des signes qui ont toujours été présents.

b. La seconde venue du Christ sera un seul et même événement🔗

Les amillénaristes ne trouvent aucun fondement scripturaire à la division dispensationaliste de la seconde venue en deux phases (parfois appelées parousie et révélation), avec une période de sept ans entre les deux. Nous comprenons le retour du Christ comme étant un événement unique.

c. Au moment du retour du Christ, il y aura une résurrection générale, tant des croyants que des non-croyants🔗

Les amillénaristes rejettent l’enseignement prémillénariste habituel selon lequel la résurrection des croyants et celle des non-croyants seront séparées de mille ans. Ils rejettent également l’opinion de nombreux dispensationalistes selon laquelle il y aura jusqu’à trois ou quatre résurrections (puisque, en plus des deux résurrections que nous venons de mentionner, les dispensationalistes enseignent également qu’il y aura une résurrection des saints de la tribulation et une résurrection des croyants morts pendant le millénium). Nous ne voyons aucune preuve scripturaire pour de telles résurrections multiples8.

d. Après la résurrection, les croyants qui seront alors encore en vie seront soudainement transformés et glorifiés🔗

Cet enseignement se fonde sur ce que Paul dit dans 1 Corinthiens 15.51-52 :

« Voici que je vous dis un mystère : nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons changés, en un instant, en un clin d’œil, à la dernière trompette. Car elle sonnera, et les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons changés. »

e. L’« enlèvement » de tous les croyants aura lieu à ce moment-là🔗

Les croyants qui viendront de ressusciter d’entre les morts, ainsi que les croyants vivants qui viendront d’être transformés, seront alors enlevés dans les nuages pour rencontrer le Seigneur dans les airs (1 Th 4.17). La Bible enseigne clairement qu’il y aura un tel « enlèvement ». J’ai toutefois mis le mot « enlèvement » entre guillemets afin de distinguer la conception amillénariste de l’enlèvement du point de vue dispensationaliste. Les dispensationalistes enseignent qu’après l’enlèvement, l’Église entière sera enlevée au ciel pour une période de sept ans, pendant que ceux qui sont encore sur terre subiront la grande tribulation.

Les amillénaristes ne voient aucune preuve scripturaire d’une telle période de sept ans ou d’un transfert de l’Église de la terre au ciel pendant cette période. Les corps ressuscités et glorifiés des croyants n’ont pas leur place au ciel mais sur la terre. Le mot traduit par « rencontrer » dans 1 Thessaloniciens 4.17 (apantesis) est un terme technique utilisé à l’époque du Nouveau Testament pour décrire un accueil public donné par une ville à un dignitaire en visite. D’ordinaire, les gens quittaient la ville pour aller à la rencontre du visiteur de marque, puis retournaient avec lui dans la ville9. Sur la base de l’analogie évoquée par ce mot, tout ce que Paul dit ici est que les croyants ressuscités et transformés sont enlevés dans les nuées pour rencontrer le Seigneur qui descend, ce qui implique qu’après cette rencontre, ils retourneront avec lui sur la terre.

f. Le jugement dernier suivra🔗

Alors que les dispensationalistes enseignent généralement qu’il y aura au moins trois jugements distincts, les amillénaristes ne sont pas d’accord. Ces derniers voient des preuves scripturaires d’un seul jour de jugement qui se produira au moment du retour du Christ. Tous les hommes devront alors comparaître devant le tribunal du Christ.

Le but du jugement dernier n’est pas d’abord de déterminer la destinée finale des hommes, car à ce moment-là, cette destinée finale a déjà été déterminée pour tous les hommes, sauf ceux qui vivent encore au moment du retour du Christ. Le jugement aura plutôt un triple objectif : Premièrement, il révélera la glorification de Dieu dans la destinée finale assignée à chaque personne; deuxièmement, il indiquera finalement et publiquement la grande antithèse de l’histoire entre le peuple de Dieu et les ennemis de Dieu; et troisièmement, il révélera le degré de récompense ou le degré de punition que chacun recevra.

g. Après le jugement, l’état final sera inauguré🔗

Les incroyants et tous ceux qui auront rejeté le Christ passeront l’éternité en enfer, tandis que les croyants entreront dans la gloire éternelle sur la nouvelle terre. Le concept de la nouvelle terre est si important pour l’eschatologie biblique que nous devrions y accorder plus qu’une simple attention. De nombreux chrétiens pensent qu’ils passeront l’éternité dans un ciel éthéré, alors que la Bible nous enseigne clairement qu’il y aura une nouvelle terre. Lorsque le livre de l’Apocalypse nous dit que la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, descendra du ciel sur la nouvelle terre (Ap 21.2), que Dieu aura désormais sa demeure avec les hommes (Ap 21.3) et que le trône de Dieu et de l’Agneau sera dans la nouvelle Jérusalem (Ap 22.3), il nous enseigne, dans un langage figuré, que, dans la vie à venir, le ciel et la terre ne seront plus séparés mais seront réunis. Dans l’état final, les croyants glorifiés seront donc à la fois dans le ciel et sur la nouvelle terre, puisque les deux ne feront alors qu’un.

Lorsque l’on garde bien à l’esprit la vision de la nouvelle terre, de nombreux enseignements bibliques commencent à trouver leur pleine signification. Comme nous l’avons vu, la résurrection du corps requiert une nouvelle terre. La signification cosmique de l’œuvre du Christ implique que la malédiction qui s’est abattue sur la création à cause du péché de l’homme (Gn 3.17-19) sera un jour levée (Rm 8.19-22); ce renouvellement de la création signifie qu’il y aura effectivement une nouvelle terre. La Bible contient également des promesses spécifiques concernant la nouvelle terre. Nous avons déjà examiné la prédiction d’Ésaïe concernant la nouvelle terre en Ésaïe 65.17 (voir És 66.22)10. Jésus a promis que les doux hériteront la terre (Mt 5.5). Pierre parle de nouveaux cieux et d’une nouvelle terre où la justice habitera (2 Pi 3.13). Et les anciens et les êtres vivants que Jean voit dans la vision céleste rapportée dans Apocalypse 5 chantent un chant de louange à l’Agneau victorieux qui inclut ces mots : « Tu as fait d’eux [ceux que tu as rachetés par ton sang] un royaume et des sacrificateurs pour notre Dieu, et ils régneront sur la terre » (Ap 5.10)11.

À la lumière de l’enseignement biblique sur la nouvelle terre, de nombreuses prophéties de l’Ancien Testament sur la terre de Canaan et sur l’avenir du peuple de Dieu prennent tout leur sens. Le quatrième chapitre de la lettre aux Hébreux nous apprend que Canaan était un type du repos sabbatique du peuple de Dieu dans la vie à venir. La lettre de Paul aux Galates nous apprend que tous ceux qui sont en Christ sont inclus dans la postérité d’Abraham (Ga 3.29). Lorsque nous lisons Genèse 17.8 (« Je te donnerai, et à tes descendants après toi, le pays dans lequel tu viens d’immigrer, tout le pays de Canaan, en possession éternelle, et je serai leur Dieu ») avec cette compréhension de l’élargissement de ces concepts par le Nouveau Testament, nous y voyons une promesse de la nouvelle terre comme possession éternelle de tout le peuple de Dieu, et pas seulement des descendants physiques d’Abraham. Et lorsque, à la lumière de cet enseignement du Nouveau Testament, nous lisons maintenant Amos 9.15 (« Je les planterai sur leur terre, et ils ne seront plus arrachés de leur terre, celle que je leur ai donnée, dit l’Éternel, ton Dieu »), nous ne nous estimons pas obligés de restreindre le sens de ces paroles à l’Israël national et à la terre de Palestine. Nous les comprenons comme une prédiction de la demeure éternelle de tout le peuple de Dieu, païens comme juifs, sur la nouvelle terre dont Canaan était un type. Les amillénaristes ne ressentent donc pas le besoin de postuler un millénium terrestre pour assurer l’accomplissement des prophéties de ce genre; ils considèrent que ces prophéties annoncent le glorieux avenir éternel qui attend tout le peuple de Dieu.

Ainsi donc, lorsque les prémillénaristes accusent les amillénaristes d’enseigner un royaume futur qui n’est que spirituel et qui n’a rien à voir avec la terre, ils ne représentent pas correctement l’optique amillénariste. Les amillénaristes croient que les prophéties de l’Ancien Testament qui prédisent que la terre promise sera la possession éternelle du peuple de Dieu, que le loup habitera avec l’agneau et que la terre sera aussi remplie de la connaissance de l’Éternel que les eaux couvrent la mer, s’accompliront non seulement pendant une période de mille ans, mais pour toute l’éternité! Cette interprétation, croyons-nous, nous donne une compréhension plus riche, plus profonde et plus pertinente de ces prophéties que celle qui restreint leur sens à la description d’un millénium terrestre qui précédera l’état final.

3. Quelques implications de l’eschatologie amillénariste🔗

En conclusion, quelles sont certaines des implications de l’eschatologie amillénariste pour notre compréhension théologique? Permettez-moi d’en mentionner quatre :

a. Ce qui lie l’Ancien et le Nouveau Testament est l’unité de l’alliance de grâce🔗

Les amillénaristes ne croient pas que l’histoire sainte doive être divisée en une série de dispensations distinctes et disparates, mais voient une seule alliance de grâce qui traverse toute cette histoire. Cette alliance de grâce est toujours en vigueur aujourd’hui et culminera dans la demeure éternelle de Dieu et de son peuple racheté sur la nouvelle terre.

b. Le royaume de Dieu est au centre de l’histoire de l’humanité🔗

Ce royaume a été prédit et préparé à l’époque de l’Ancien Testament, a été établi sur terre par Jésus-Christ, s’est étendu et développé à l’époque du Nouveau Testament et au cours de l’histoire ultérieure de l’Église, et sera finalement consommé dans la vie à venir.

c. Jésus-Christ est le Seigneur de l’histoire🔗

Cela signifie que toute l’histoire est sous le contrôle du Christ et qu’elle s’avérera finalement avoir été soumise à son dessein. Nous devons donc nous soucier non seulement de profiter des bénédictions de notre salut, mais aussi de servir joyeusement le Christ comme Seigneur dans tous les domaines de notre vie.

d. Toute l’histoire tend vers un but : la rédemption totale de l’univers🔗

L’histoire n’est pas dénuée de sens, mais elle a un sens. Bien que nous ne soyons pas toujours capables de discerner la signification de chaque événement historique, nous savons quel sera le résultat final de l’histoire. Nous attendons avec impatience la nouvelle terre comme partie d’un univers renouvelé dans lequel la bonne création de Dieu réalisera finalement et totalement le but pour lequel il l’a appelée à l’existence : la glorification de son nom.

Tout ceci implique qu’en ce qui concerne l’histoire du monde, les amillénaristes adoptent une position d’optimisme sobre ou réaliste. La foi dans le règne actuel du Christ, dans la présence du royaume de Dieu et dans le mouvement de l’histoire vers son but s’accompagne d’une reconnaissance réaliste de la présence du péché dans ce monde et du développement croissant du royaume du mal. L’eschatologie amillénariste prévoit un point culminant d’apostasie et de tribulation avec l’émergence finale d’un Antichrist personnel avant le retour du Christ. Les amillénaristes ne s’attendent pas à voir la société parfaite se réaliser au cours du siècle présent.

Pourtant, puisque nous savons que la victoire du Christ sur le mal a été décisive et que le Christ règne maintenant sur son trône, l’état d’esprit dominant de l’eschatologie amillénariste est l’optimisme, l’optimisme chrétien. Cela signifie que nous ne considérons aucune crise mondiale comme totalement irrémédiable et aucune tendance sociale comme absolument irréversible. Cela signifie que nous vivons dans l’espérance, une espérance qui est fondée sur la foi et qui s’exprime dans l’amour.

L’eschatologie amilléniste nous donne donc une vision réaliste, mais fondamentalement optimiste, du monde et de la vie. C’est une eschatologie qui est passionnante, exaltante et stimulante. C’est une eschatologie qui nous donne une vision inspirante de la seigneurie du Christ sur l’histoire et du triomphe ultime de son royaume.

Notes

1. Voir mon article intitulé L’interprétation du livre de l’Apocalypse.

2. Voir mon article intitulé L’interprétation d’Apocalypse 20.1-6.

4. Voir Anthony A. Hoekema, The Christian Looks at Himself [Le chrétien se regarde lui-même] (Grand Rapids, Michigan : William B. Eerdmans, 1975).

5. Voir mon article intitulé L’interprétation d’Apocalypse 20.1-6.

6. Notez, par exemple, comment Jean nous dit que l’esprit de l’Antichrist est déjà dans le monde à son époque (1 Jn 4.3).

7. G. C. Berkouwer, dans son livre The Return of Christ [Le retour du Christ] (Grand Rapids, Michigan : William B. Eerdmans, 1972), montre comment l’Écriture nous oblige à considérer les « signes des temps » comme ayant une pertinence tout au long de l’ère chrétienne (p. 235.59).

8. La preuve scripturaire d’une résurrection générale unique a été donnée ci-dessus dans l’exposé d’Apocalypse 20.1-6. Pour des preuves supplémentaires contre une résurrection multiple, voir L. Berkhof, Systematic Theology [Théologie systématique] (Grand Rapids, Michigan : William B. Eerdmans, 1941), p. 724-727.

9. Gerhard Kittel, éd., Theological Dictionary of the New Testament [Dictionnaire théologique du Nouveau Testament], traduit et édité par Geoffrey Bromiley (Grand Rapids, Michigan : William B. Eerdmans, 1964), I, 380-381.

11. Voir l’excellent chapitre sur la nouvelle terre dans Berkouwer, p. 211-234.