Cet article a pour sujet l'interprétation du livre de l'Apocalypse qui se présente en sept sections structurées en parallélisme progressif couvrant chacune l'ensemble de la période entre les deux venues du Christ.

Source: L’amillénarisme (AH). 3 pages. Traduit par Paulin Bédard

L’interprétation du livre de l’Apocalypse

Ma discussion de la compréhension amillénariste du millénium comprendra les sujets suivants : l’interprétation du livre de l’Apocalypse (dans cet article), l’interprétation d’Apocalypse 20.1-61, un regard sur deux passages de l’Ancien Testament généralement considérés comme prédisant un royaume millénaire terrestre2, une brève esquisse de l’eschatologie amillénariste et une déclaration résumant certaines des implications de l’eschatologie amillénariste3.

Il convient d’abord de dire un mot sur la terminologie. Le terme amillénarisme n’est pas très heureux. Il suggère que les amillénaristes soit ne croient à aucun millénium, soit qu’ils ne tiennent tout simplement pas compte des six premiers versets d’Apocalypse 20, qui parlent d’un règne millénaire. Aucune de ces deux affirmations n’est vraie. S’il est vrai que les amillénaristes ne croient pas à un règne terrestre littéral de mille ans qui suivra le retour du Christ, le terme amillénarisme n’est toutefois pas une description exacte de leur position. Le professeur Jay E. Adams, du Séminaire de Westminster à Philadelphie, a suggéré que le terme amillénarisme soit remplacé par l’expression millénarisme réalisé4. Ce dernier terme, certes, décrit la position « amillénariste » avec plus de précision que le terme habituel, puisque les « amillénaristes » croient que le millénium d’Apocalypse 20 n’est pas exclusivement futur, mais qu’il est en train de se réaliser. L’expression millénarisme réalisé est cependant assez maladroite, car elle remplace un simple préfixe par un mot de trois syllabes. Malgré les inconvénients et les limites de ce mot, je continuerai donc à utiliser le terme plus court et plus courant, l’amillénarisme.

L’interprétation du livre de l’Apocalypse

Pour comprendre l’arrière-plan de la vision amillénariste du millénium, nous devons tout d’abord nous pencher sur la question de l’interprétation du livre de l’Apocalypse. Supposons, par exemple, que le livre de l’Apocalypse doive être interprété dans un sens exclusivement futuriste, se référant uniquement à des événements qui doivent se produire autour ou au moment de la seconde venue du Christ. Supposons en outre que ce qui est présenté dans Apocalypse 20 doive nécessairement suivre, dans l’ordre chronologique, ce qui a été décrit au chapitre 19. Nous sommes donc pratiquement obligés de croire que le règne de mille ans décrit en Apocalypse 20.4 doit se produire après le retour du Christ décrit en Apocalypse 19.11. Cependant, si nous considérons Apocalypse 20.1-6 comme décrivant ce qui se passe pendant toute l’histoire de l’Église, à partir de la première venue du Christ, nous aurons une compréhension du millénium d’Apocalypse 20 qui est tout à fait différente de celle qui vient d’être mentionnée. C’est pourquoi il sera nécessaire de dire d’abord quelque chose sur la manière dont le livre de l’Apocalypse doit être interprété.

Le système d’interprétation du livre de l’Apocalypse qui me semble le plus satisfaisant (bien qu’il ne soit pas sans difficultés) est celui connu sous le nom de parallélisme progressif, habilement défendu par William Hendriksen dans More Than Conquerors [Plus que vainqueurs], qui est son commentaire sur l’Apocalypse5. Selon ce point de vue, le livre de l’Apocalypse est composé de sept sections parallèles les unes aux autres, chacune d’entre elles décrivant l’Église et le monde depuis la première venue du Christ jusqu’à sa seconde venue.

La première de ces sept sections se trouve dans les chapitres 1 à 3. Jean voit le Christ ressuscité et glorifié marcher au milieu de sept chandeliers d’or. En obéissant à l’ordre du Christ, Jean écrit maintenant des lettres à chacune des sept Églises d’Asie Mineure. La vision du Christ glorifié et les lettres aux sept Églises forment évidemment une unité. En lisant ces lettres, nous sommes impressionnés par deux choses. Premièrement, il y a des références à des événements, à des personnes et à des lieux se rapportant à l’époque où le livre de l’Apocalypse a été écrit. Deuxièmement, les principes, les recommandations et les avertissements contenus dans ces lettres ont une valeur pour l’Église de tous les temps. Ces deux observations, en fait, fournissent un indice pour l’interprétation de l’ensemble du livre. Puisque le livre de l’Apocalypse s’adressait à l’Église du premier siècle de notre ère, son message faisait référence à des événements survenus à cette époque et avait donc une signification pour les chrétiens de ce temps-là. Toutefois, comme le livre était également destiné à l’Église tout au long de l’histoire, son message est toujours pertinent pour nous aujourd’hui.

La deuxième de ces sept sections est la vision des sept sceaux que l’on trouve aux chapitres 4 à 7. Jean est enlevé au ciel et voit Dieu assis sur son trône rayonnant. Il voit ensuite l’Agneau immolé prendre le rouleau scellé de sept sceaux de la main de celui qui était assis sur le trône. Les différents sceaux sont ouverts et divers jugements divins sur le monde sont décrits. Dans cette vision, nous voyons l’Église subir des épreuves et des persécutions sur fond de victoire du Christ.

La troisième section, qui se trouve aux chapitres 8 à 11, décrit les sept trompettes du jugement. Dans cette vision, nous voyons l’Église vengée, protégée et victorieuse.

La quatrième section, dans les chapitres 12 à 14, commence par la vision de la femme qui donne naissance à un fils tandis que le dragon attend pour le dévorer dès qu’il sera né — une référence évidente à la naissance du Christ. Le reste de la section décrit l’opposition continue du dragon (qui représente Satan) à l’Église. Cette section nous présente également les deux bêtes qui sont les auxiliaires du dragon : la bête de la mer et la bête de la terre.

La cinquième section se trouve aux chapitres 15 et 16. Elle décrit les sept coupes de la colère, décrivant ainsi de manière très imagée la visitation finale de la colère de Dieu sur ceux qui restent impénitents.

La sixième section, aux chapitres 17 à 19, décrit la chute de Babylone et des bêtes. Babylone représente la cité mondaine, les forces du sécularisme et de l’impiété qui s’opposent au royaume de Dieu. La fin du chapitre 19 décrit la chute et le châtiment final des deux auxiliaires du dragon : la bête de la mer et le faux prophète, qui semble être identifié à la bête de la terre (voir Ap 16.13).

La septième section, les chapitres 20 à 22, raconte la fin du dragon, complétant ainsi la description du renversement des ennemis du Christ. En outre, elle décrit le jugement dernier, le triomphe final du Christ et de son Église, et l’univers renouvelé, appelé ici le nouveau ciel et la nouvelle terre.

Il est à noter que si ces sept sections sont parallèles les unes aux autres, elles révèlent aussi une certaine progression eschatologique. La dernière section, par exemple, nous emmène plus loin vers l’avenir que les autres sections. Bien que le jugement dernier ait déjà été annoncé en Apocalypse 1.7 et qu’il ait été brièvement décrit en Apocalypse 6.12-17, il n’est pas exposé en détail avant Apocalypse 20.11-15. Bien que la joie finale des rachetés dans la vie à venir ait été évoquée en Apocalypse 7.15-17, ce n’est qu’au chapitre 21 que nous trouvons une description détaillée et élaborée de la béatitude de la vie sur la nouvelle terre (Ap 21.1 à 22.5). C’est la raison pour laquelle cette méthode d’interprétation est appelée parallélisme progressif.

Il y a une progression eschatologique dans ces sept sections, non seulement en ce qui concerne les sections individuelles mais aussi en ce qui concerne le livre dans son ensemble. Si l’on admet que le livre de l’Apocalypse décrit la lutte entre le Christ et son Église d’une part, et les ennemis du Christ et de l’Église d’autre part, on peut dire que la première moitié du livre (chapitres 1 à 11) décrit la lutte sur terre, en présentant l’Église persécutée par le monde. La seconde moitié du livre, en revanche (chapitres 12 à 22), nous donne le contexte spirituel plus profond de cette lutte, en décrivant la persécution de l’Église par le dragon (Satan) et ses auxiliaires. À la lumière de cette analyse, nous voyons comment la dernière section du livre (chapitres 20 à 22) se met en place. Cette dernière section décrit le jugement qui s’abat sur Satan et sa condamnation finale. Puisque Satan est l’adversaire suprême du Christ, il est logique que son destin soit raconté en dernier.

1. Voir mon article intitulé L’interprétation d’Apocalypse 20.1-6.

4. Jay E. Adams, The Time Is at Hand [Le temps est venu] (Philadelphie : Presbyterian and Reformed Publishing Co., 1970), p. 7-11.

5. William Hendriksen, More Than Conquerors (Grand Rapids : Baker Book House, 1939); traduit en français : Plus que vainqueurs (Éditions Grâce et Vérité, 2010). Une exposition et une défense de cette méthode d’interprétation, résumée en neuf propositions, se trouvent aux pages 11-64 de la version anglaise de ce livre.