Cet article a pour sujet la réalité de Satan et des démons, leurs ruses, leurs tentations et leurs différents modes d'action pour essayer de s'opposer à Dieu et à son Église.

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À malin, malin et demi

Jadis, surtout au Moyen-Âge, les croyances en Satan et en ses démons prenaient souvent des formes quasiment grotesques. Ce temps est à présent révolu, mais la tendance actuelle — même et jusque chez les chrétiens — est celle de nier l’existence de Satan et des créatures de l’arrière-monde. Cette attitude passe de nos jours pour une preuve d’ouverture d’esprit et de mentalité évoluée.

Pour ma part, je m’en tiens sur ce sujet, comme sur le reste, aux seules informations que je puise dans le livre saint, celui de la révélation chrétienne, la Bible. Le contenu de la Bible au sujet de Satan et de ses suppôts est loin de satisfaire ma vaine curiosité. Mais il me suffit, et nous suffit à tous, pour nous mettre en garde contre les agissements rusés du Père du mensonge, de nous éloigner avec prudence de toutes les perversions dont il ne cesse d’être l’instigateur malin.

Les détracteurs chrétiens de l’existence de Satan évoquent à ce sujet la différence entre l’Ancien Testament et le Nouveau Testament. Selon eux, si le premier représente une forme archaïque et primitive de la religion biblique, le second, quant à lui, élève notre foi sur les sommets d’un idéal plus noble. Pourtant il suffit, même d’un coup d’œil très rapide et non prévenu, pour s’apercevoir que c’est précisément la deuxième partie de la Bible qui témoigne, presque avec profusion, de l’existence des esprits maléfiques et des désordres qu’ils sèment chez leurs victimes et des dévastations qu’ils causent chez l’homme comme dans la nature. Rappelons-nous seulement des récits de la tentation de Jésus, ou des nombreux exorcismes que celui-ci a opérés, ses nombreux discours aussi se référant à Satan, l’interprétation qu’il donne de sa passion : celle d’un combat gigantesque, voire cosmique, livré contre le prince de ce monde, et enfin, pas moins importante que ce qui précède, la dernière requête de la prière qu’il enseigna et par laquelle il nous apprend à demander d’être délivrés du Malin. Je dis bien du Malin et non pas du mal, d’un mal impersonnel, ainsi que vient de traduire en français une traduction dite œcuménique de la Bible qui, ici comme dans d’autres passages, déforme le sens du texte original de l’Évangile.

Mon exposé d’aujourd’hui ne sera nullement une étude systématique consacrée à Satan. Il veut plutôt être un simple avertissement, une mise en garde sérieuse contre tout oubli ou négligence quant à l’activité véritablement nocive des légions des mauvais esprits. Car expurger l’enseignement évangélique des éléments démonologiques sous prétexte qu’il faut le démythologiser de ce qui est une notion périmée, propre à une conception de l’univers préscientifique, reviendrait à être piégé comme une mouche dans le vinaigre. Sans doute, une telle attitude s’explique par le fait que même Satan ne cherche pas trop à ce qu’on parle de lui. D’ailleurs, Jésus disait quelque part qu’il agit tel un voleur, c’est-à-dire à notre insu. Il a tout intérêt à nous garder inconscients en ce qui concerne sa présence. N’est-ce pas un autre chrétien averti qui disait avec raison : « La ruse la plus astucieuse de Satan consiste à nous faire croire qu’il n’existe pas! »

Rappelons-nous de quelques traits essentiels du ministère de Jésus concernant son combat contre l’arrière-monde de Satan et de ses armées infernales. Durant cette période-là, Satan ne détenait aucun pouvoir réel. D’où ses acharnements. Mais à présent, en l’absence physique du Sauveur du monde, il réussit à se dissimuler, non pas certes derrière nos vieilles armoires branlantes pour nous effrayer, mais enveloppés de nos oublis pour mieux infuser dans nos vies son mortel poison et nous séparer de Dieu. Ne s’appelle-t-il pas aussi diable, terme qui signifie étymologiquement le diviseur? Il l’est par excellence! 

Retenons donc de l’enseignement biblique quelques points qui nous permettront d’élaborer non pas une théorie abstraite, mais une stratégie intelligente, à bien ajuster contre lui les tirs de la foi.

Il existe dans l’univers des myriades d’êtres spirituels, des créatures autres que l’homme et que l’Écriture appelle des chérubins, des séraphins et des anges. À côté d’eux, ou plutôt dressées contre eux, les armées des démons et d’esprits des ténèbres, en étroite liaison avec notre monde temporel et opérant et infléchissant le cours des événements. L’antithèse entre les anges de lumière et les esprits maléfiques est radicale. Cependant, ce dualisme n’est pas absolu, au sens où il l’est dans des religions non chrétiennes, car seul Dieu demeure le Souverain universel et le Maître absolu, tant pour l’homme que sur les esprits créés.

Or entre l’homme, celui de la foi, et les anges, il existe une certaine connivence, une alliance amicale. En revanche, du côté des démons, c’est la ruse, les machinations et la conspiration contre l’homme. Car Satan et ses lieutenants se servent des hommes pour parvenir à leurs funestes desseins. Si du côté des anges il y a explosion de joie à chaque conversion d’un pécheur, du côté des démons ce ne sont que ricanements sardoniques chaque fois qu’un homme mortel se livre à l’apostasie et se laisse égarer, pour sa perte, dans la rébellion.

Selon le Nouveau Testament, ces attitudes témoignent de la réalité dramatique tragique même de la lutte cosmique entre le Christ, Fils de Dieu, et le prince des esprits et des puissances célestes, l’adversaire par excellence de Dieu, des hommes et de l’Église. Nulle part, toutefois, le Nouveau Testament ne laisse supposer qu’un seul instant Dieu perdrait le contrôle de l’univers ou des événements. Aussi nous encourage-t-il à croire et à nous enrôler avec courage dans les rangs du Christ pour participer au même combat, assurés d’avance du triomphe final.

La façon d’opérer des anges déchus est souvent pour nous énigmatique. Quelques simples indications, tirées toujours de la Bible, nous orienteront dans notre pensée et dans notre action :

  • Les mauvais esprits peuvent agir sans qu’il y ait forcément une attaque ouverte et véhémente. Parfois, ils choisissent le mode feutré et larvé, opérant par les opinions, les tendances, les réflexions, l’exemple ou les actions perverses des hommes, qui corrompent davantage ce qui est déjà corrompu. Ainsi, les démons occupent tout et remplissent l’ambiance pour influencer les uns et pour jeter les autres dans des imitations pernicieuses.
  • Un autre mode d’action plus grave que le précédent est lorsque les esprits méchants s’emparent directement de l’esprit de l’homme et le possèdent. La possession démoniaque est une réalité qu’aucun lecteur sérieux de la Bible ne peut récuser. Toutefois, je tiens à rassurer mes lecteurs en précisant que possession démoniaque et maladie mentale ne sont pas forcément des réalités identiques. Souvent, il y aurait lieu d’avoir recours à l’avis et aux soins médicaux.
  • Enfin, reste le mode d’action le plus redoutable entre tous, quand Satan en personne, sans l’intermédiaire de ses suppôts ni agents interposés, met la main à la pâte. Ce fut le cas lors du ministère terrestre de Jésus. Il réunit toutes ses forces et se dressa avec furie contre le Messie de Dieu. Même ses soubresauts de moribond mortellement blessé furent effroyables. Jésus en fut en premier lieu la cible, et après lui ses disciples immédiats et les fidèles de l’Église naissante. Je terminerai sur un seul incident que nous rapporte le premier évangéliste, Matthieu, et qui met en présence le Christ et Satan, confrontation qui se termine, une fois de plus, par la déroute du dernier. Ceci se passait au moment où le disciple Pierre, avec les meilleures intentions du monde et une sainte indignation, s’opposait à ce que Jésus, le Christ, choisisse le chemin de la croix pour parvenir à l’accomplissement final de sa divine mission. Mais derrière la protestation véhémente et sincère de son ami, Jésus discerna la personne même de Satan. D’où sa réplique terrible, qui dut couper le souffle à ce pauvre Pierre, si impétueux. On se souvient de la phrase : « Arrière de moi Satan. Car tu ne penses pas selon Dieu, mais selon les hommes. »

Cet incident, si pénible pour Pierre, est révélateur à plusieurs égards. Il nous apprend à nous aussi qui le méditons qu’il n’y a pas seulement les mauvais penchants ou les péchés grossiers qui peuvent servir les projets de Satan. Nos meilleures intentions risquent parfois d’être manipulées par lui et de lui servir d’armes dans son arsenal. Satan livre l’assaut au moment où nous nous y attendons le moins. Et c’est pourquoi le fidèle de Jésus-Christ est invité à prier sans cesse : « Délivre-nous du Malin. »

En regardant parfois en arrière, nous nous demandons : n’y eut-il pas, dans telle ou telle occasion, tentation diabolique? Et ne fut-ce pas le secours de Dieu qui m’en délivra?

Ce put être non seulement lors des grandes tentations qualifiées de grossières, mais encore dans de menus détails et au cœur d’une action ou dans une attitude qui nous paraissait bonne! Pour nous, l’essentiel consistera à renouer avec l’intimité de Dieu. C’est lui notre véritable secours. Si nous marchons en sa compagnie, notre victoire sera assurée. Et puis soyons constamment sur nos gardes. Examinons ce qui pourrait se dresser comme obstacle entre nous et le divin protecteur. Lors de l’incident rapporté, Jésus fut violent. Il repoussa sur le champ la suggestion diabolique de son disciple. « Arrière de moi Satan! » Parole brève, forte, agressive. Car, rappelons-nous, à Malin, Malin et demi! Ainsi seulement nous saurons repousser et même briser l’emprise tyrannique de notre ennemi et celui de notre Dieu.