Cet article sur Marc 1.40-45 a pour sujet la guérison d'un lépreux par la puissance de purification du Christ, capable de nous purifier de nos impuretés morales, spirituelles et physiques.

Source: Les miracles de Jésus. 4 pages.

Marc 1 - Guérison d'un lépreux - Je le veux, sois pur

« Un lépreux vint à lui et, se jetant à genoux, il lui dit d’un ton suppliant : Si tu le veux, tu peux me rendre pur. Jésus, ému de compassion, étendit la main, le toucha et dit : Je le veux, sois pur. Aussitôt, la lèpre le quitta, et il fut purifié. Jésus le renvoya aussitôt avec de sévères recommandations, et il lui dit : Garde-toi de ne rien dire à personne, mais va te montrer au sacrificateur et présente pour ta purification ce que Moïse a prescrit, afin que cela leur serve de témoignage. Mais cet homme, une fois parti, se mit à publier hautement la nouvelle et à la colporter, de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville. Il se tenait dehors, dans les lieux déserts, et l’on venait à lui de toutes parts. »

Marc 1.40-45

Dans la même catégorie que la lèpre proprement dite (qui dans l’original « lèpra » signifie d’abord plaie, coup), la Bible regroupe sous divers noms plusieurs affections cutanées particulièrement contagieuses, et même la moisissure des vêtements et des murs. Pour la loi lévitique, la lèpre est une impureté contagieuse; aussi le lépreux est-il exclu de la communauté jusqu’à sa guérison et sa purification rituelle, qui exige un sacrifice pour le péché (Lv 13 et 14). Cette lèpre est la plaie par excellence dont Dieu frappe les pécheurs. Israël en est menacé (Dt 28.27, 35), les Égyptiens en sont frappés (Ex 9.8-12), ainsi que Myriam, la sœur de Moïse (Nb 12.10) et Ozias, l’un des monarques juifs (2 Ch 26.19-21). Elle est en principe un signe de péché. Le Serviteur souffrant du Seigneur, dont il est question dans le livre du prophète Ésaïe, en est aussi frappé, mais c’est malgré son innocence, car il porte les péchés des hommes qui sont guéris par ses plaies (És 53.3-12)1.

L’homme atteint de la lèpre est frappé d’un destin cruel. À tel point que mieux vaut mourir que vivre lépreux! C’est un exclu de la société; tout contact avec la communauté physiquement saine lui est interdit; il doit même quitter sa femme et ses enfants, déchirer ses vêtements et porter un linceul blanc qui le présente déjà comme un cadavre ambulant devant lequel doivent fuir les bien-portants… Partout où il se déplace, il doit crier : impur, impur!

Maladie incurable ou presque, la société en est tellement effrayée qu’il n’est pas étonnant qu’elle traite ceux qui en sont atteints avec autant de rigueur. La solitude du lépreux est un fardeau intolérable, et ce fardeau est d’autant plus lourd à porter qu’il sait que son mal est le signe du châtiment infligé par Dieu. C’est au nom même de Dieu que la loi le sépare de la société. Le lépreux est condamné à une telle condition par décret du sacrificateur, le prêtre du Dieu d’lsraël. La lèpre seule est le signe par excellence du déplaisir divin. Toute autre maladie est appelée infirmité, mais la lèpre est considérée comme une impureté religieuse; un mal qui le met en dehors du bénéfice de Temple, du sanctuaire où l’homme peut et doit rencontrer le Très-Haut.

On peut mesurer la détresse physique et le désespoir moral du lépreux. Il est submergé par une amertume profonde à cause de son isolement social, asphyxié par le désespoir causé par le sentiment de la faute, la conscience de sa propre impureté.

Cet homme, dont l’histoire nous est rapportée par l’évangéliste Marc, n’est-il pas le type même, moral et spirituel, de nombre de nos propres contemporains? Des êtres découragés, voire désespérés, rongés par un mal invisible, ne sachant à quel médecin s’adresser… Apparemment, ils ne vivent pas dans l’isolement, et il ne viendrait à l’esprit de personne, de nos jours, de les exclure de la société. Mais leur solitude intérieure est totale et leur désespoir sans bornes. Ils ont cessé de mener une existence normale; ils se sont détachés peu à peu de leurs amis, ont rompu avec la société, ont brisé même les liens les plus intimes. Ils cachent au fond d’eux-mêmes un mal, une impureté par rapport auxquels la lèpre est un mal anodin.

C’est dans un grand pays occidental que se passe ce qui, semble-t-il, n’est pas rare dans nos sociétés : deux jeunes sœurs, après vingt ans de souffrance morale, révèlent le lourd secret qu’elles ont dissimulé durant si longtemps : elles intentent un procès à leur père, coupable d’un odieux inceste; elles en avaient été les victimes lorsqu’elles étaient de très jeunes enfants. Leur père les avait sexuellement abusées alors qu’elles n’avaient l’une que cinq ans et l’autre à peine deux ans! Cet homme a vécu en lépreux sans que nul le sache, sans doute comme un membre respectable de la société, peut-être même fréquentant l’Église de son quartier… Pourtant, quelle déchéance! Durant de longues années, il a dissimulé un vice horrible, qu’il a pratiqué sans repentir…

Pour certains, une impureté morale avancée peut aboutir parfois jusqu’à la maladie mentale. Il y a, paraît-il, jusque sur les bancs mêmes des églises, de véritables lépreux, de misérables loques humaines. Mais d’autres, conscients de leur mal et à bout de force, accourent vers l’Église pour y trouver remède et guérison; pour y rencontrer le Maître de la vie, le Guérisseur divin, afin d’être délivrés par lui. Ils savent que leurs impuretés, qu’elles soient d’ordre sexuel, qu’elles relèvent de l’asservissement à l’alcool ou aux drogues, ou encore de l’infidélité conjugale, ne résisteront pas à l’autorité du Christ, qui répare, purifie et restaure le cœur et l’esprit. Oui, ils ont compris que l’engrenage dans le vice et les passions les plus viles ne pourront pas lui résister, car sa grâce est irrésistible.

Il faut que ceux qui gémissent sous une lourde servitude sachent que, si un lépreux de la vieille Palestine biblique d’il y a deux mille ans bénéficia d’une guérison à la fois miraculeuse et pleine de compassion, eux non plus ne seront pas exclus de l’intervention divine. Que leur foi ait donc recours au Christ, s’ils sont accablés par une existence frivole ou victimes impotentes de vices secrets… Qu’ils accourent au Christ, le Fils de Dieu, dont le pouvoir et la compassion sont à la disposition de celui qui sait implorer le secours divin.

Alors, l’histoire que nous rapporte l’Évangile de Marc ne restera pas l’histoire d’un homme du passé; elle pourra devenir notre histoire personnelle, existentielle, celle de chacun et de chacune d’entre nous.

Ce récit nous place face à un triple miracle, dont chacun a son importance :

Le premier est celui de la foi de l’homme lépreux. Il aurait pu passer le restant de sa vie prostré, soumis aveuglément à son sort maudit. Or, il n’en fit rien. Il n’attendit pas passivement sa délivrance à travers la mort, ne se résigna pas à un destin tragique. D’autres lépreux sont restés dans leur isolement inhumain, partageant leur sort avec d’autres malheureux dans une communauté d’indescriptible misère. Le personnage de notre récit a refusé de s’installer dans le malheur; il a refusé le désespoir; il a pris courage et ranimé son espérance. Il avait de bonnes raisons pour cela, car sans doute s’était-il souvenu des guérisons miraculeuses rapportées par les livres saints d’lsraël. Mais surtout, il avait dû entendre parler de Jésus, auteur de nombreuses interventions miraculeuses, et dont on parlait comme le Messie. Aussi, s’adresse-t-il à lui avec foi.

Christ répond à une foi sincère et intense; il accueille celui qui fait preuve d’une telle audace. Un jour, il déclarera : « Le Royaume des cieux est soumis à la violence, et ce sont les violents qui le ravissent » (Mt 11.12). Il a voulu dire qu’il faut lutter pour obtenir la grâce. Toute grâce divine sera refusée aux résignés, aux paresseux, aux indifférents et aux irresponsables… Vous aurez remarqué combien les pages de l’Évangile et de toute la Bible sont une invitation à une telle lutte; la foi est précisément un stimulant tel, qui motive le combat spirituel, inspire une conception dynamique de l’existence et brise les chaînes d’un fatalisme inhumain. L’Évangile est libération, et non une recette de passivité pour vaincus de l’existence, un manuel pour écrasés, un prétexte pour se morfondre… Christ se charge de nos fardeaux et nous redonne courage, car si nous étions livrés à nous-mêmes, nous mettrions fin à tout…

Il y a aussi le miracle de l’amour. Une fois de plus, Jésus-Christ témoigne d’une infinie compassion envers ce malheureux proscrit de la société. Pourtant, je m’imagine aussi — et j’espère ne pas me tromper — que sa compassion est mêlée d’une sainte colère lorsqu’il étend sa main pour guérir; il refuse la présence du mal et le chasse avec rudesse, afin d’affranchir la victime, créature à l’image de Dieu. Cela arrivera aussi devant la tombe de son ami Lazare, où il protestera contre la mort (Jn 11.33-44). C’est ce que nous appellerons le miracle de son amour. L’amour divin et biblique n’est jamais faiblesse ni effusion sentimentale, mais virile résistance contre tout ce qui avilit et dégrade l’homme dont Christ veut être, au prix de sa mort, le divin Sauveur.

Il me semble que dans l’idée que nous nous faisons de l’amour de Dieu manifesté en Christ, nous oublions souvent cet aspect-là. Or, ici encore, nous devons rappeler que notre foi est une attitude dynamique et non la prostration des résignés; l’objet de notre foi est le premier qui refuse les tragédies, le fatalisme, le mal, la maladie et la mort.

Enfin, nous nous trouvons en face du miracle de l’autorité. Et l’ayant touché, dit l’évangéliste, il le rendit pur; étendant sa main, il fait toutes choses nouvelles; il rétablit dans sa dignité humaine celui qui n’était jusque là qu’une loque humaine.

Il en est ainsi chaque fois que sa Parole nous atteint et nous touche. Chaque fois aussi qu’il offre les signes tangibles de son pouvoir et de sa compassion dans les sacrements, signes et sceaux tangibles de sa miséricorde, de notre purification, du pain de vie et du breuvage éternel qui nous désaltère. Par sa Parole et par les sacrements, le Fils de Dieu atteste qu’il s’est identifié aux hommes et aux femmes impurs, qu’il a pris notre chair et porté sur lui nos maladies et nos infirmités.

Pour son Église, qui se débat aujourd’hui dans ses faiblesses comme aussi contre les agressions qui lui viennent de l’extérieur, l’incarnation du Fils unique de Dieu reste et restera toujours la réelle et unique source d’encouragement. L’Église n’a pas à se fier aux impressions de ceux du dehors, de prendre au sérieux les jugements négatifs portés sur elle par ses adversaires, de se soucier des pronostics pessimistes sur son avenir et de prendre au sérieux les évaluations de statisticiens et autres sociologues prédisant la disparition du christianisme. Le Fils de Dieu s’est incarné, toute autorité dans les cieux et sur la terre lui a été donnée. Le miracle de la purification du lépreux que nous venons de lire nous assure, avec le reste de tout l’Évangile, que nous n’avons pas à nous décourager. Son pouvoir est réel, son Royaume proche, sa compassion efficace, la guérison accordée effective. C’est en son nom, au nom du divin Sauveur, que l’Église proclamera, servira, agira et témoignera, jusqu’à ce que vienne le Royaume dont elle est invitée à rester, jusqu’à la fin, la fidèle et humble servante.

Note

1. D’après le Vocabulaire biblique.