Cet article présente une introduction à la Confession de foi de Guanabara écrite en 1558 par Jean du Bordel, Matthieu Vermeil, Pierre Bourdon et André La Fon, lors de la tentative d'implantation française à Guanabara au Brésil, appelé la France antarctique (1555-1560) avec Nicolas Durand de Villegagnon.

4 pages. Traduit par Paulin Bédard

À propos de la Confession de foi de Guanabara

La Confession de foi de Guanabara, une des premières déclarations de la foi réformée, a été rédigée dans la « France antarctique », une colonie française du 16siècle située à Rio de Janeiro, au Brésil. Après la découverte du Brésil en 1500, le Portugal a tardé à protéger et à coloniser son nouveau territoire. Ce n’est qu’en 1549 que la couronne portugaise a pris le contrôle direct de ses domaines d’Amérique du Sud en nommant le premier gouverneur général. Depuis des décennies, d’autres nations européennes avaient jeté leur dévolu sur ces nouvelles terres et sur leurs ressources naturelles. Parmi elles, la France, dont les navires accostaient continuellement sur les côtes brésiliennes pour y faire de la contrebande de bois de teinture et d’autres produits.

Dans les années 1550, Nicolas Durand de Villegagnon, soldat et aventurier bien connu, eut l’idée d’établir une colonie française dans la baie de Guanabara, le site de la future ville de Rio de Janeiro. Avec le soutien de l’amiral Gaspard de Coligny et du roi Henri II, il dirigea une expédition qui arriva à Rio en novembre 1555. L’amiral de Coligny était un sympathisant de la Réformation et allait bientôt devenir le chef des protestants français. Il semble que, outre les intérêts économiques et politiques, l’un des objectifs de la nouvelle colonie était de fournir un refuge aux réformés persécutés à une époque où l’intolérance religieuse augmentait en France.

Villegagnon a construit le petit fort Coligny sur une île près de l’entrée de la baie de Guanabara. Pendant un certain temps, la France antarctique nouvellement fondée se porta bien, puis plusieurs conflits éclatèrent entre les colons et le commandant au caractère bien trempé. Soucieux d’améliorer les conditions morales et spirituelles de la colonie et manifestant à l’époque un certain intérêt pour la foi réformée, il écrivit à Jean Calvin et à l’Église réformée genevoise pour demander l’envoi de colons évangéliques au Brésil. Genève réagit rapidement et réunit un petit groupe de volontaires, dont deux pasteurs réformés, Pierre Richier et Guillaume Chartier.

Une deuxième expédition, comprenant les quatorze huguenots, arriva à Rio de Janeiro en mars 1557. Le 10 de ce mois, les pasteurs dirigèrent ce qui est connu comme le premier service religieux protestant dans les Amériques. Le groupe chanta le Psaume 5 du Psautier huguenot et le pasteur Richier prêcha sur le Psaume 27.4. L’objectif des réformés était double : fonder une Église parmi les colons et évangéliser les indigènes. Malheureusement, peu de temps après, Villegagnon commença à être en désaccord avec les huguenots sur des questions liturgiques et sur d’autres sujets. Revenant à ses convictions catholiques, il critiqua la simplicité du rite eucharistique réformé. Finalement, il expulsa le petit groupe vers le continent voisin.

Parmi les réformés se trouvait un humble cordonnier du nom de Jean de Léry, qui raconta plus tard ces incidents dans son livre Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil (1578). Tout en fournissant un compte-rendu détaillé des tristes événements survenus dans la colonie française, ce célèbre ouvrage classique contient des informations inestimables sur la culture, les coutumes et la langue des autochtones brésiliens.

Frustrés dans leurs objectifs au Brésil, les réformés décidèrent de retourner dans leur pays d’origine. Ils embarquèrent sur un petit navire français transportant du bois de teinture, des animaux exotiques et d’autres marchandises. Dès le départ, le capitaine les avertit que les provisions à bord ne suffiraient pas pour le long voyage. Il demanda si quelqu’un se portait volontaire pour retourner sur le continent. Cinq d’entre eux se sont portés volontaires. Ils rejoignirent finalement la France antarctique. Villegagnon les accueillit avec sympathie, mais les fit arrêter quelques jours plus tard les accusant de traîtres et d’espions. Cherchant un prétexte pour les exécuter, il leur remit un questionnaire théologique et leur donna quelques heures pour y répondre par écrit.

Ces simples laïcs, qui n’avaient pas de livres de théologie, mais seulement un exemplaire des Écritures, produisirent dans le court laps de temps qui leur était imparti une affirmation profonde et éloquente de leur foi, connue plus tard sous le nom de Confession de foi de Guanabara. Avec leur déclaration en main, Villegagnon les déclara coupables d’hérésie et les condamna à mort. Le 9 février 1558, trois des huguenots furent étranglés et jetés dans l’océan : Jean du Bordel (le principal auteur du document), Matthieu Vermeil et Pierre Bourdon. Un autre, André Lafon, seul tailleur de la colonie, hésita à réaffirmer sa foi et fut épargné. Le cinquième, Jacques Le Balleur, réussit à s’échapper et prêcha ses convictions ailleurs au Brésil.

Au sens strict, cette confession de foi est un credo, puisque la plupart de ses articles commencent par « nous croyons ». Cependant, son étendue et la variété de ses thèmes la placent parmi les confessions de foi qui étaient courantes à l’époque de la Réformation. En fait, il s’agit de l’un des premiers documents confessionnels réformés. La Confession de La Rochelle ou gallicane (1559), la Confession des Pays-Bas (1561), le Catéchisme de Heidelberg (1563) et la Confession de foi de Westminster (1648) ont tous été rédigés à une date ultérieure. L’introduction à la Confession de Guanaraba fait une belle application de 1 Pierre 3.15. La confession elle-même est composée de 17 paragraphes qui traitent de 6 sujets.

Les paragraphes 1 à 4 traitent de la doctrine de la Trinité, en particulier de la personne du Christ avec ses natures divine et humaine. Les paragraphes 5 à 9 traitent de la doctrine des sacrements, la cène faisant l’objet de quatre articles et le baptême d’un seul. Le paragraphe 10 parle du libre arbitre. Les paragraphes 11 et 12 traitent de l’autorité des ministres à pardonner les péchés et à imposer les mains. Les paragraphes 13 à 15 traitent du divorce, du mariage des évêques et des vœux de chasteté. Enfin, les paragraphes 16 et 17 traitent de l’intercession des saints et des prières pour les morts.

Le document fait référence aux conciles de l’Église primitive et à plusieurs pères de l’Église. Il témoigne ainsi de la connaissance historique de ses auteurs. Les paragraphes 1 à 4 reprennent des concepts du Symbole de Nicée (381) et de la Définition de Chalcédoine (451). Les expressions « le Fils, éternellement engendré par le Père » et « l’Esprit Saint, qui procède du Père et du Fils » (Filioque) sont bien connues dans l’histoire de la théologie. Le paragraphe 3 fait référence au « symbole », c’est-à-dire au Credo des apôtres ou à un autre des anciens credo. Le paragraphe 5 fait explicitement référence au Concile de Nicée (325).

La confession de foi brésilienne mentionne également quatre pères de l’Église ou écrivains de l’Église primitive : Tertullien (ca. 160 – ca. 220) au paragraphe 5; Cyprien (ca. 200-258) aux paragraphes 11 et 15; Ambroise (ca. 339-397) aux paragraphes 11 et 13; et surtout Augustin (354-430), mentionné trois fois aux paragraphes 7, 11 et 171. Il y a également des références à de nombreux passages bibliques, principalement dans la seconde moitié du document.

Considérée dans son ensemble, la Confession de foi de Guanabara présente trois caractéristiques :

  1. C’est une confession biblique, qui abonde en références et en arguments tirés directement de l’Écriture.
  2. C’est une confession chrétienne : elle exprime des convictions et des concepts hérités des premiers siècles de l’Église.
  3. C’est une confession réformée : elle contient plusieurs éléments clés de la foi réformée tels que la centralité de l’Écriture, la nature symbolique des sacrements, la suprématie du Christ, l’importance de la foi, le baptême des enfants et l’élection, entre autres.

Après cinq mois d’un voyage dangereux, le navire sur lequel les huguenots avaient embarqué à Rio de Janeiro arriva en France à la fin du mois de mai 1558. Quelques-uns de ceux qui revinrent des mois plus tard de la France antarctique racontèrent qu’ils avaient assisté aux exécutions. Ils apportèrent la Confession de foi ainsi que le déroulement de l’affaire contre les réformés. Ces documents furent finalement obtenus par Jean de Léry qui, intéressé par leur conservation, les remit à l’éditeur Jean Crespin pour qu’il les insère « dans le livre de ceux de notre temps qui ont été martyrisés pour la défense de l’Évangile » (Histoire des martyrs, 1564, 1887, p. 448 à 466 et p. 506 à 519).

La Confession de Guanabara a été traduite pour la première fois en portugais en 1907 par Erasmo Braga, le jeune doyen du Séminaire théologique presbytérien de Campinas. Dans son introduction à la traduction, il écrivit :

« Il s’agit d’une confession calviniste, la confession de nos grands hommes; elle répond en particulier aux hérésies de Rome. C’est la première confession écrite dans les Amériques, dans la première Église du Brésil. Et elle a été scellée avec du sang.2 »

L’affirmation de Braga souligne l’importance de ce document pour l’Église brésilienne d’aujourd’hui. Il s’agit de la première déclaration confessionnelle protestante de l’histoire du pays. Elle marque la présence précoce de la foi réformée dans ce qui allait devenir l’une des plus grandes nations chrétiennes du monde. La confession rassemble certains des accents les plus significatifs de la tradition réformée : un contenu biblique solide, l’appel à l’histoire de l’Église, la pertinence de la réflexion théologique et la nécessité de confesser la foi. En outre, elle montre l’intégrité chrétienne et le courage des auteurs qui, écrivant sous une forte pression et pleinement conscients de la possibilité du martyre, ont donné un témoignage audacieux de leurs convictions les plus chères.

Pour plus d’informations

Gonzalo Baez-Camargo, « The Earliest Protestant Missionary Venture in Latin America » [Le premier projet missionnaire protestant en Amérique latine]. Church History 21, 1952, p. 135-144.

R. Pierce Beaver, « The Genevan Mission to Brazil » [La mission genevoise au Brésil]. Pages 55-73 dans The Heritage of John Calvin. Édité par John H. Bratt. Grand Rapids, Eerdmans, 1973.

Amy Glassner Gordon, « The First Protestant Missionary Effort : Why Did It Fail? » [Le premier effort missionnaire protestant : Pourquoi a-t-il échoué?], International Bulletin of Missionary Research 8, 1984, p. 12-18.

Jean de Léry, Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil. Édité par Frank Lestringant. Montpellier, Max Chaleil, 1992.

Jean de Léry, History of a Voyage in the Land of Brazil [Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil]. Traduit par Janet Whatley. Berkeley, University of California Press, 1990.

Notes

1. L’appel aux Pères de l’Église est certainement lié à l’accent apologétique du document. Puisque les auteurs ont écrit en réponse aux opinions catholiques romaines défendues par Villegagnon, ils ont judicieusement montré comment certains des plus grands théologiens patristiques pouvaient être appelés à soutenir les doctrines protestantes et réformées.

2. Voir Jean Crespin, A tragédia da Guanabara, trad. Domingos Ribeiro, São Paulo : Cultura Cristã, 2007, p. 72.