Cet article sur Genèse 2 a pour sujet l'alliance que Dieu a établie avec Adam au paradis que certains appellent à tort "alliance des oeuvres". avec l'idée d'une période de probation. Il s'agit plutôt d'une alliance d'amour.

Source: L’alliance d’amour. 8 pages.

5. Faut-il parler d’une alliance des oeuvres?

  1. L’alliance des œuvres
  2. Une période de probation?
  3. Une alliance de faveur?
  4. La déclaration d’amour de Dieu
  5. L’alliance d’amour

La plupart des commentateurs réformés s’accordent à dire que Dieu établit l’alliance déjà dans le paradis, avant que l’homme ne chute dans le péché. Cependant, nombre d’entre eux opèrent une distinction entre l’alliance d’avant et celle d’après la chute. Cette idée est souvent formulée de la manière suivante : avant la chute, l’alliance fut une alliance des œuvres, mais après la chute elle devint une alliance de grâce. Cela laisse entendre qu’avant la chute l’homme devait gagner quelque chose, ou du moins se montrer digne d’obtenir plus que ce qu’il avait. Mais désormais, après la chute, puisqu’il a perdu la capacité de gagner quoi que ce soit, l’homme ne peut vivre que par la grâce.

Une importante question sous-tend ceci. Notre relation avec Dieu a-t-elle déjà été fondée sur les œuvres humaines, l’accomplissement ou le mérite? Nos œuvres passées et présentes ont-elles déterminé, ou déterminent-elles, d’une quelconque manière la relation elle-même? Nos œuvres — ou l’absence d’œuvres — influencent en effet la relation avec Dieu et la manière dont elle fonctionne à un moment donné, mais celle-ci est-elle basée sur nos œuvres ou bien toujours et uniquement sur la grâce qu’il nous accorde?

1. L’alliance des œuvres🔗

L’expression alliance des œuvres n’apparaît pas dans l’Écriture. Si la Bible opère une quelconque distinction entre les œuvres et la grâce, c’est que nous ne pouvons pas être sauvés par nos œuvres, les œuvres de la loi, mais seulement par la foi, au moyen de la grâce. Cette ligne de pensée est suivie par l’apôtre Paul contre les judaïsants, par exemple dans Romains 3 ou Éphésiens 2. Tout est question de grâce, afin que nul homme ne se glorifie devant l’Éternel (Rm 3.27; 1 Co 1.31).

Il semblerait que l’expression alliance des œuvres ne fut utilisée qu’après la Réforme. Certains des éléments sous-jacents (tels que l’ordre probatoire ou l’idée de liberté de choix) sont mentionnés par les Pères de l’Église primitive et les réformateurs. Augustin nomma « alliance » (pactum) la relation qu’Adam avait avec Dieu. Calvin souligna, comme Augustin, que le salut était une œuvre de Dieu seul, au moyen de la grâce, et qu’il en était de même sous l’ancienne alliance : « … l’alliance qui les a liés à Dieu n’a pas été fondée sur leurs mérites, mais sur la seule miséricorde du Seigneur1 »

Dans la période qui suivit la Réforme, la doctrine concernant l’alliance fut plus amplement développée par des hommes tels que Bullinger et Olevianus. L’idée d’une alliance des œuvres fit aussi son apparition2.

La doctrine concernant l’alliance des œuvres s’établit rapidement et nier l’existence d’une telle alliance fut même vu à une certaine époque comme une hérésie. L’enseignement fut aussi formalisé par diverses confessions de foi, par exemple dans les textes de Westminster. La Confession de Foi de Westminster stipule premièrement qu’il a plu à Dieu d’établir son alliance (Chapitre VII, « L’alliance de Dieu avec l’homme »)3. Nous pouvons être en accord de tout notre cœur avec cet énoncé. Le texte continue et stipule, dans la section 2 du même chapitre :

« La première alliance conclue avec l’homme a été une alliance des œuvres, dans laquelle la vie a été promise à Adam, et en lui à sa postérité, sous la condition d’une obéissance parfaite et personnelle. »

Et dans la section 3 du chapitre VII, nous lisons :

« L’homme, par la chute, s’étant rendu incapable de vivre par cette alliance, le Seigneur a bien voulu en conclure une seconde, généralement nommée “Alliance de grâce”. »

Cette idée s’est aussi imposée dans les Églises réformées aux Pays-Bas, notamment par le truchement de l’œuvre du célèbre théologien et homme d’État le Dr Abraham Kuyper. Il fut un temps où pratiquement tous les théologiens réformés travaillaient avec la distinction entre une alliance des œuvres et une alliance de grâce.

Pour prouver cette alliance des œuvres, les textes de Westminster citent Galates 3.12 : « Or, la loi ne procède pas de la foi; mais elle dit : Celui qui mettra ces choses en pratique vivra par elles. » Le passage étayant l’alliance de grâce est Galates 3.21 : « La loi est-elle donc contre les promesses de Dieu? Loin de là! S’il avait été donné une loi qui puisse procurer la vie, la justice viendrait réellement de la loi. » Cela paraît simple : avant la chute, l’homme vécut par la loi, après la chute, il vécut par la promesse. Ce sont les œuvres (première alliance) contre la grâce (deuxième alliance).

Cependant, le recours à ces textes ne prouve pas grand-chose. Dans ce chapitre, Paul n’établit pas de contraste entre l’état de l’homme avant la chute et son état après la chute, mais il s’oppose à l’enseignement judaïste selon lequel le salut vient par les œuvres de la loi et pas uniquement par la foi en Jésus-Christ. Il affirme qu’on ne peut être sauvés par les œuvres de la loi, mais seulement par la grâce.

Il est non fondé et plutôt problématique de suggérer que dans le paradis l’homme méritait la vie éternelle par une obéissance parfaite et personnelle. Il n’existe aucune preuve biblique appuyant l’idée selon laquelle Adam aurait gagné la vie éternelle s’il s’était montré fidèle et obéissant. Comme nous l’avons vu, Dieu a donné la vie et l’abondance à Adam et Ève par ses dispositions gracieuses et bienveillantes dans l’alliance qu’il conclut avec eux. Ils n’ont pas eu à gagner ces dons ou à atteindre un degré de perfection plus grand. Ils devaient demeurer obéissants, justes et saints, comme ils furent créés.

La chute de l’homme dans le péché n’a rien à voir avec le fait qu’il n’ait pas réussi à faire le travail demandé; il s’agit plutôt d’une question de rébellion et d’infidélité, une rupture de l’alliance que Dieu, dans sa bonté, avait conclue avec l’homme. La chute est un rejet obstiné de la souveraineté de Dieu.

2. Une période de probation?🔗

L’idée d’une alliance des œuvres réclame nécessairement la notion de période probatoire. Si une alliance des œuvres a existé, alors l’homme doit être mis à l’épreuve afin de se montrer digne des dons de Dieu. S’il réussit l’épreuve, il recevra l’approbation et on lui accordera des bénédictions supplémentaires, telles que la perfection et la vie éternelle; s’il échoue, il deviendra corrompu et digne de la damnation éternelle.

Mais pourquoi Dieu chercherait-il à mettre à l’épreuve et à éprouver ce qu’il a créé bon? Le mot utilisé pour « bon » dans le texte original signifie quelque chose qui est sans défauts, « une perfection qui était pleinement en accord avec la volonté divine4 ». Le résultat de tout — y compris l’homme — fut exactement selon le dessein de Dieu.

Si l’on souhaite maintenir l’idée d’une alliance des œuvres, il faut adopter la position selon laquelle l’homme, à la création, était imparfait, et devait encore gagner, atteindre la perfection et la vie éternelle. Adam était alors à ce moment-là en quête personnelle pour la gloire, par laquelle il lui fallait démontrer son mérite. Mais à quel endroit la Parole de Dieu affirme-t-elle une telle chose?

Il est remarquable de voir combien de défenseurs d’une alliance des œuvres et d’une période probatoire corollaire se doivent d’admettre qu’ils se servent de conjectures et ne se basent pas sur la révélation. Par exemple, L. Berkhof déclare : « [Adam] a été temporairement mis en probation pour déterminer s’il soumettrait de bon gré sa volonté à la volonté de Dieu », et il en voit la preuve dans la promesse de la vie éternelle qui doit être accomplie une fois la condition d’obéissance remplie. Toutefois, il doit admettre : « … il est parfaitement vrai que l’Écriture ne contient aucune promesse explicite de vie éternelle à Adam.5 »

H. Bavinck affirme que la doctrine de l’alliance des œuvres « repose sur un fondement biblique et conserve une valeur exceptionnelle ». Il avance que ceux qui s’opposaient à la notion d’alliance des œuvres étaient habituellement opposés à l’idée d’une quelconque alliance6. Il n’en est pas ainsi dans mon cas, car j’adhère complètement à la vérité selon laquelle Dieu conclut une alliance avec Adam et sa postérité. Il est remarquable de voir comment Bavinck, tout en voulant maintenir d’un côté l’enseignement d’une alliance des œuvres, admet librement d’un autre côté :

« … [la religion] n’est pas une œuvre par laquelle nous apportons quelque chose d’avantageux à Dieu ou faisons avancer ses intérêts pour ensuite avoir droit à une récompense. Cependant, c’est une grâce de pouvoir le servir… »

Peut-on avoir le beurre et l’argent du beurre?

Dans son ouvrage Outlines on Genesis (Les grandes lignes de la Genèse), I. de Wolff démontre la même ambiguïté lorsqu’il écrit que Dieu, en interdisant le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal :

« mit l’homme à l’épreuve, le plaça devant un choix libre afin que dans le cadre de l’exécution de ses tâches l’homme puisse démontrer sa fidélité dans la sainteté. Le revers de la médaille était que l’homme devait, par l’obéissance dans la vie, persévérer et ainsi atteindre la vie éternelle bénie, pour laquelle l’arbre de vie servait de sacrement. Cela n’est pas explicitement énoncé, mais l’homme qui fut mis au travail avec sa connaissance pure et clairvoyante était en mesure de déduire cela de la menace de la malédiction…7 »

Que ces déclarations tiennent tant de choses pour acquises et qu’on nous dise même ce qu’Adam fut capable de « déduire » des paroles de Dieu est déconcertant. Nous sommes à l’évidence en présence de conjectures. Nous lisons aussi que ces arbres faisaient en quelque sorte office de sacrement, un signe qui en réalité ne s’applique qu’à l’homme déchu et pécheur, comme nous le confessons dans l’article 33 de la Confession des Pay-Bas :

« Nous croyons que notre Dieu de grâce, ayant égard à notre ignorance et notre faiblesse, a ordonné des sacrements pour sceller en nous ses promesses, pour être des gages de sa bonne volonté et de sa grâce envers nous, et pour nourrir et soutenir notre foi. »

L’idée d’épreuve dans ce que l’on nomme l’ordre probatoire est problématique pour d’autres raisons. Qu’est-ce qu’Adam devait exactement prouver? La possibilité qu’il pût pécher et mourir indiquait-elle qu’il n’était, à ce moment-là, pas encore parfait, selon notre compréhension habituelle de la perfection? Combien de temps devait durer la période de probation? Chaque nouvelle génération devait-elle être soumise à la même épreuve? Il est plus que probable — si une période de probation a jamais existé — qu’une seule attaque devait être repoussée, et Satan aurait ensuite toujours été banni du paradis. Nous ne voyons cependant pas de telles garanties dans Genèse 2 et 3.

En réalité, les choses sont beaucoup plus simples. En plaçant Adam dans le paradis, l’Éternel ne le mit pas au banc d’essai. Il fit connaître à Adam les modalités de son alliance, la promesse et l’obligation, et attendait à juste titre obéissance et fidélité, car il avait fait l’homme à son image. Il montra du doigt les bénédictions non méritées de son alliance qu’Adam recevait déjà : abondance et vie. Il donna aussi cet avertissement, si l’alliance devait être rompue, les bénédictions seraient confisquées et la mort s’ensuivrait. En effet, dans le paradis la règle et la structure fondamentales de l’alliance furent révélées : la bénédiction continue de Dieu pour l’obéissance et la colère certaine de Dieu pour la désobéissance. Il en fut toujours ainsi et il en sera toujours de même.

3. Une alliance de faveur?🔗

En raison des questionnements entourant la doctrine de l’alliance des œuvres, certains biblistes commencèrent dans les années 1930 à chercher une terminologie plus appropriée qui rendrait justice aux faits bibliques. Dans ses cours magistraux sur l’alliance, K. Schilder note ceci :

« Nombreux sont ceux qui pensent que dans l’alliance des œuvres l’homme gagnait son propre salut, et que désormais c’est le Christ qui le fait pour nous. Mais établir un contraste entre œuvre et grâce a causé beaucoup de confusion. Ursinus [l’un des auteurs du Catéchisme de Heidelberg] l’a bien vu. L’homme ne peut jamais rien gagner avec Dieu; la loi promet le salut aux termes du pacte d’obéissance et l’alliance de grâce promet le salut aux termes du pacte de la foi. Nous ne pouvons pas ici parler de mérite. Dieu a librement déterminé qu’il en serait ainsi. En toute liberté, il a lié mérite et œuvres, tout comme il a lié été et printemps.8 »

Ce que dit Schilder, c’est que tout dépend — avant et après la chute — de la grâce (souveraine) de Dieu. Il utilise cependant deux termes : grâce et faveur. « Dans le paradis, il y avait la faveur; la grâce dans un sens strict après la chute. » L’idée est que la grâce ne peut être démontrée que lorsqu’il y a péché. Il écrit : « Tout comme Dieu a montré sa faveur dans le paradis, il a accordé sa grâce après la chute. » En utilisant ces deux mots différents (qui sont très proches), Schilder souhaite maintenir l’accent particulier mis sur la grâce de Dieu après la chute, mais aussi porter l’attention sur la faveur (imméritée) avant la chute. Le point important est que nous ne pouvons jamais rien gagner avec Dieu, mais que nous sommes toujours dépendants de sa grâce et de sa faveur.

S. G. de Graaf s’est notamment fermement opposé au terme « alliance des œuvres ». Il écrit :

« Cette alliance [conclue avec Adam avant la chute] est communément appelée alliance des œuvres. Cela donne l’impression qu’Adam devait parvenir à la vie éternelle pour lui-même au moyen de ses bonnes œuvres. Mais dans le cas d’Adam nous ne pouvons pas parler de gagner : Dieu lui a accordé sa pleine faveur, et la seule chose que Dieu a demandée de lui était qu’il choisisse cette faveur et qu’il démontre, par son obéissance, qu’il désirait demeurer dans cette faveur9 »

De Graaf s’exprime dans les mêmes termes dans son livre sur l’alliance. Il écrit :

« Nous avons l’habitude de parler de cette alliance comme de l’alliance des œuvres. Cependant, nous ne devrions pas comprendre par ce mot que l’homme pouvait s’attendre à gagner la vie éternelle en récompense de ses bonnes œuvres, comme si la vie éternelle était la paie de l’homme pour services rendus. Parce que l’homme doit tout ce qu’il est et ce qu’il a à Dieu, nous ne pouvons jamais dire qu’un homme gagne un salaire payé par Dieu. Par conséquent, il serait peut-être plus sage de parler de l’alliance de faveur de Dieu.10 »

Ce n’est pas qu’une question de sémantique. De Graaf admet que « la grâce, de manière générale, signifie aussi faveur, mais dans les Écritures la grâce revêt toujours le sens particulier d’une faveur qui pardonne la culpabilité ». Par conséquent, selon De Graaf, il est préférable de résumer l’idée ainsi : l’alliance de faveur fut conclue avec Adam, et l’alliance de grâce (par laquelle le péché est pardonné) est conclue avec le Christ. Tout cela pour dire que Dieu seul reçoit toute la gloire pour ce que l’homme reçoit et fait. Ces théologiens étaient motivés par le soli Deo gloria de la Réforme : la vie c’est vivre par la grâce de Dieu.

4. La déclaration d’amour de Dieu🔗

Ce que nous venons de remarquer sert à mettre en évidence certains points importants en lien avec notre relation avec Dieu. Déjà dans le paradis, avant la chute, l’Éternel Dieu conclut une alliance avec l’humanité. Cette alliance fut une initiative souveraine et libre de Dieu dans laquelle il définit ses propres modalités. Dans sa bonté, il accorda à l’homme de riches bénédictions dans cette alliance. Il était clair que l’homme, dépendant entièrement de l’Éternel Dieu, pouvait placer son entière confiance dans les promesses de son alliance. Dieu n’abandonnerait jamais ses enfants, mais respecterait toujours la parole qu’il leur a donnée.

L’Éternel s’est alors engagé dans une relation personnelle et étroite avec l’humanité, une relation fondée sur la faveur et la bonté de Dieu. L’homme ne méritait rien, mais a tout reçu, même une place d’honneur et de gloire dans la création. Ainsi, cette alliance constitue la déclaration d’amour de Dieu envers ses enfants, créés à son image. L’Éternel ne demanda qu’une seule chose en retour : qu’on le reconnaisse et qu’on l’accueille comme l’Éternel souverain et Roi de tout.

Comme nous l’avons remarqué plus haut, Dieu accorda une grande abondance et requit une obéissance totale. Ce qu’il demande dans son alliance est une réponse d’amour volontaire et parfait. Cet amour n’est pas une chose grâce à laquelle Adam aurait gagné de quelconques avantages supplémentaires. Il ne pouvait pas escalader de sommets plus hauts que ceux où il se trouvait déjà (Ps 8). Ce n’est qu’en aimant Dieu qu’Adam verrait sa vie préservée, perpétuée et bénie.

5. L’alliance d’amour🔗

Il est par conséquent sage de ne pas parler d’une alliance des œuvres. En même temps, l’expression alliance de faveur est aussi problématique, parce que la faveur est bien difficile à distinguer de la grâce.

Le meilleur moyen est de qualifier l’alliance conclue avec l’humanité dans le paradis, et maintenue à travers le temps, d’alliance d’amour. L’amour se situe au cœur de toute relation saine. Dieu nous a façonnés avec amour à sa propre image et nous a lui-même insufflé la vie. L’amour et la vie vont de pair. L’amour de Dieu constitue le fondement de notre vie et la force de l’alliance.

L’expression « alliance d’amour » (« covenant of love ») se retrouve deux fois dans le livre de Néhémie, dans la New International Version (NIV)11. Nous lisons au verset 5 du premier chapitre de Néhémie : « Ô Éternel, Dieu des cieux, le Dieu grand et redoutable, qui garde son alliance d’amour avec ceux qui l’aiment et qui observent ses commandements! » (trad. libre de la NIV). Néhémie 9.32 dit, de nouveau dans une prière : « Maintenant donc, ô notre Dieu, le grand, puissant et redoutable Dieu, qui garde son alliance d’amour, ne regarde pas comme peu de choses toutes les souffrances que nous avons éprouvées… » (trad. libre de la NIV). Dans les deux cas, l’hébreu utilise le mot chesed, indiquant, comme nous l’avons vu plus haut, la bonté, la miséricorde et l’amour de Dieu.

Il y a plusieurs passages dans lesquels l’amour (chesed) est intimement lié à l’alliance. Il s’agit de Deutéronome 7.9,12 ; 1 Rois 8.23; 2 Chroniques 6.14 et Daniel 9.4. Ces passages disent littéralement « ton alliance et ton amour », mais la NIV traduit invariablement cela par « ton alliance d’amour », une traduction tout à fait acceptable. Ces passages démontrent clairement que l’alliance de Dieu est caractérisée par l’amour (chesed).

L’Éternel nous assure souvent de son amour. Deutéronome 4.37 parle des motifs qui ont poussé Dieu à conduire son peuple hors d’Égypte de la manière suivante : « Il a aimé tes pères, et il a choisi leur postérité après eux; il t’a fait lui-même sortir d’Égypte par sa grande puissance… » Dans Deutéronome 23.5, nous lisons que la raison pour laquelle Dieu ne permit pas à Balaam de maudire Israël fut : « parce que tu es aimé de l’Éternel, ton Dieu ». Le roi Huram, de Tyr, admit à Salomon : « C’est parce que l’Éternel aime son peuple qu’il t’a établi roi sur eux » (2 Ch 2.11). Les Psaumes parlent de l’amour de Dieu pour Israël, pour Juda et pour Sion.

Dans Jérémie 31, le chapitre où l’établissement de la nouvelle alliance est proclamé, l’Éternel assure à son peuple : « Je t’aime d’un amour éternel; c’est pourquoi je te conserve ma bonté » (v. 3). Nous pourrions citer de nombreux autres passages, mais permettez-moi de conclure avec Malachie 1.2, où à la fin de l’Ancien Testament l’Éternel assure à son peuple, une fois de plus : « Je vous ai aimés, dit l’Éternel. »

Cet amour de Dieu doit lui être rendu par son peuple. Par conséquent, le premier et plus grand commandement, tel qu’il est affirmé depuis le commencement et très clairement explicité par notre Seigneur Jésus-Christ, est d’aimer l’Éternel notre Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme et de toute notre pensée. Le Dieu d’amour exige premièrement l’amour pour lui-même, mais aussi pour notre prochain. Dieu le donne lui-même, et fait tout ce que l’amour demande. La force et la gloire de l’alliance deviennent évidentes en Jésus-Christ. « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle » (Jn 3.16).

Déjà dans le paradis l’amour occupait une position centrale, et il continue d’occuper cette position centrale dans l’histoire du monde présent, jusqu’à ce que la nouvelle Jérusalem descende, jusqu’à ce que nous puissions vivre sous son éclat pour l’éternité.

Notre discussion entourant la question de savoir s’il faut parler d’une alliance des œuvres n’avait pas pour but d’entrer dans une controverse académique de peu d’intérêt. Notre objectif était d’en apprendre davantage sur l’essence et le caractère de l’alliance que Dieu a conclue avec nous. Nous voulons le connaître, lui qui nous a richement bénis dès la fondation du monde, qui en effet « nous a prédestinés dans son amour à être ses enfants d’adoption » (Ép 1.5). L’amour a motivé Dieu, et il doit aussi nous motiver à son service.

Nous voulons savoir comment fut ce Dieu d’amour avec ses enfants depuis le commencement des temps, et nous sommes grandement émerveillés de trouver à chaque détour son profond amour, qui l’a poussé à donner son Fils unique pour être le Sauveur du monde. C’est un amour qui donne tout, et par conséquent demande tout. Nous voyons donc que l’alliance est un engagement d’amour total, de Dieu envers l’homme et de l’homme envers Dieu. L’alliance est tout cela, ou bien elle n’est rien du tout.

Notes

1. Jean Calvin, Institution de la religion chrétienne, livre II, chapitre 10, 2, mise en français moderne par Marie de Védrines et Paul Wells, Aix-en-Provence/Charols, Kerygma/Excelsis, 2009.

2. L. Berkhof examine cette conception dans son ouvrage Systematic Theology, p. 211-112. N. D. T. : Louis Berkhof, Systematic Theology [Théologie systématique], Banner of Truth, 1958. Cet ouvrage de référence n’est pas disponible en français. Toutefois, les chapitres 2 à 8 ont été traduits en français et publiés par la Revue réformée.

3. N. D. T. : Les textes de Westminster, Aix-en-Provence, Éditions Kerygma, 1988.

4. Aalders. Trad. libre.

5. Systematic Theology, p. 216.

6. Bavinck, Gereformeerde Dogmatik, II, p. 530-531

7. P. 25, accentuation forte pour souligner.

8. Het Verbond [L’alliance], p. 13-14.

9. Hoofdlijnen in de Dogmatiek [Points principaux de dogmatique], p. 61.

10. Promise, I, p. 37.

11. N. D. T. : La NIV est une version anglaise de la Bible. Aucune traduction en français n’utilise l’expression « alliance d’amour » dans Néhémie. Seule la traduction d’André Chouraqui propose une expression proche et parle du « pacte de chérissement ». Nous avons donc choisi de traduire librement la NIV pour respecter les propos de l’auteur.