Action sociale et amour fraternel - Qui est mon prochain?
Action sociale et amour fraternel - Qui est mon prochain?
- Le contexte de la question
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Christ et les siens : les enjeux de l’amour fraternel
a. Le message biblique n’est pas anthropocentrique, il est christocentrique
b. L’amour fraternel est le propre du peuple de Dieu
c. Ce que l’on fait à un chrétien, on le fait à Christ
d. Diaconie et diaconat
e. Les deux signes de la vie nouvelle -
De qui parle-t-on?
a. Tous
b. Les païens, les nations
c. Les frères
d. Le pauvre, l’indigent
e. Le petit, le faible
f. L’étranger
g. L’ennemi, l’adversaire - Le prochain
- Et ceux du dehors?
- L’Église dans la cité
1. Le contexte de la question⤒🔗
La question posée est celle du sens qu’il convient de donner au mot « prochain » dans la Bible. Un pharisien a demandé à Jésus quel était plus grand commandement de la loi. Jésus a répondu à cette question légitime en donnant deux commandements : Aimer Dieu de tout son être et aimer son prochain comme soi-même (Mt 22.36-40). Si toute la loi est résumée en deux ces commandements, comment espérer les mettre en pratique si on n’en comprend pas correctement le sens? Comment définir bibliquement qui est le « prochain »?
Le contexte global, c’est la question du rapport qu’il y a entre l’universalisme et le particularisme qui constituent deux grandes tentations pour aujourd’hui. Quand Dieu dit à Abraham : « Toutes les nations de la terre seront bénies en toi » (Gn 12.3), il y a bien là une dimension d’universalité (il devait compter les étoiles du ciel et regarder le sable qui est au bord de la mer). Mais qu’est-ce que cela signifie « toutes les nations »?
Nous verrons plus loin que le sens et la portée du mot « tous » doivent être précisés bien des fois1. Beaucoup de chrétiens ont une lecture plus poétique que réellement cohérente de la Bible : ils la lisent avec des présupposés (la Déclaration des droits de l’homme, par exemple) et avec des outils (ceux des sciences humaines : anthropologie, sociologie, psychanalyse…) qui ne sont pas nécessairement ceux que la Bible réclame2. La tentation touche fortement les Églises dites historiques, catholiques et protestantes; elle n’est pas absente dans les Églises évangéliques3.
Dans ce sens, la parabole dite du bon Samaritain ou celle du jugement des nations (« Toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un des plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites », Mt 25.40) ont servi de support pour justifier une sorte d’évangile sans Christ, un évangile de l’engagement social, un évangile censé être consensuel et réunir toutes les bonnes volontés de la terre, croyantes ou pas, un évangile qui apporte sa contribution pour favoriser l’avènement d’une humanité nouvelle. Mais ces textes sont-ils utilisés de manière juste, c’est-à-dire avec le sens qui est réellement le leur4?
La tentation du particularisme se traduit par exemple par le fait d’appeler « tradition biblique » ou « tradition chrétienne » ce que la Bible communique, ce que l’Église croit. Une tradition, c’est légitime (laissez-nous croire comme nous l’entendons), mais cela est particulier : on ne peut pas l’imposer aux autres, car les autres traditions sont tout aussi légitimes. C’est là une compréhension qui veut être libératrice : pas de prosélytisme, acceptation de l’autre, garder ce qui est le meilleur de chaque religion, etc.
Le constat, c’est que l’universalisme et le particularisme se rejoignent, relativisant un grand nombre de vérités bibliques et ne conservant que ce qui est consensuel. Cela se traduit par exemple par l’affirmation que tous les hommes sont frères : ce serait cela la bonne nouvelle de l’Évangile. Dieu a « abattu le mur de séparation »; c’est la fin des discriminations et donc des guerres. Tous les efforts qui vont dans ce sens contribueraient à l’avènement du Royaume de Dieu, que ce soit au niveau politique, humanitaire, culturel ou social5.
Je ne crois pas que l’on doive se démarquer de ces positions en prenant le contrepied (en vivant dans un esprit de clan ou de dénigrement de tout ce qui peut se faire, ou de désintérêt pour ce qui nous entoure ou d’attente fébrile du retour hyper imminent du Seigneur), mais ce que nous devons avoir le courage de dire (et de vivre), me semble-t-il, c’est que le message de l’Évangile est incompréhensible pour ceux qui ne croient pas, et que malgré cela, nous n’avons pas à le modifier. C’est notre pensée et notre vision qui doivent être transformées, pas le message.
2. Christ et les siens : les enjeux de l’amour fraternel←⤒🔗
a. Le message biblique n’est pas anthropocentrique, il est christocentrique←↰⤒🔗
« Tout est par lui [Christ] et pour lui » (Col 1.16-18). C’est une clé de lecture de toute la Bible. Or, Christ, c’est, en un sens, la tête et le corps (1 Co 12.12), le Seigneur et ceux qui lui appartiennent.
L’unité entre la tête et le corps est illustrée de manière frappante par la parole de Jésus à Saul qui persécutait des chrétiens : « Je suis Jésus que tu persécutes » (Ac 9.5). Cette unité « spirituellement organique » est associée par Jésus à celle qui l’unit, lui le Fils, à son Père dans la Trinité (Jn 17.20-23). Dans ce même texte (Jn 17), Jésus indique que l’unité entre les chrétiens (les membres de ce corps) est aussi de la même nature. C’est pourquoi un même mot est employé : communion. Cette réalité est également soulignée par Paul (1 Co 12.27; Rm 12.5) et par Jean (1 Jn 1.3).
En conséquence, une des préoccupations majeures de l’apôtre est bien l’unité spirituelle des membres de l’Église : « … afin qu’il n’y ait pas de division dans le corps, et que [pour cela] les membres aient également soin les uns des autres. Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui… » (1 Co 12.25-26; voir Ép 4.1-16; Ph 2.1-4, etc.). Nous savons que c’était (et cela demeure!) le désir ardent du Seigneur. « Je ne te prie pas pour le monde, mais pour ceux que tu m’as donnés, parce qu’ils sont à toi, afin qu’ils soient un » (Jn 17.9,21).
b. L’amour fraternel est le propre du peuple de Dieu←↰⤒🔗
C’est un principe important enseigné par Jésus dans un passage qui, lui aussi, a d’innombrables fois été galvaudé : « Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres » (Jn 13.34). Le « comme » du début de ce verset n’indique pas une imitation, mais une conséquence : parce que je vous ai aimés, de cet amour-là vous pouvez et devez vous aimer maintenant. Ce verset concerne bien ceux qui ont connu l’amour de Dieu en Jésus-Christ. Quant à l’expression « les uns les autres », elle trouve toujours son application au sein du peuple de Dieu; il n’y a pas d’exception.
Certains craindront que ces remarques conduisent à une vision étroite de la vie chrétienne. C’est le contraire : le caractère particulier de l’amour fraternel est ce qui lui donne sa force et son sens : « À ceci, tous connaîtront que vous êtes mes disciples », ajoute Jésus (Jn 13.35)6.
c. Ce que l’on fait à un chrétien, on le fait à Christ←↰⤒🔗
Ce principe important est visible dans toute la Bible : ce que l’on fait à un membre du peuple de Dieu, on le fait à Dieu. « Je bénirai ceux qui te béniront, je maudirai ceux qui te maudiront », dit Dieu à Abram (Gn 12.3). « Qui vous touche touche la prunelle de mon œil » (Za 2.8). « En péchant de la sorte contre un frère, vous péchez contre Christ » (1 Co 8.12). Il y a à cela beaucoup d’implications concrètes auxquelles nous devrions être attentifs dans nos rapports les uns envers les autres7.
Le constat, c’est qu’il y a donc une sorte de piété qui se manifeste par la bienveillance envers ceux qui appartiennent au Seigneur, y compris d’ailleurs de la part de ceux qui n’appartiennent pas (encore) au peuple de Dieu8.
C’est à la lumière de ce principe que l’on doit lire la parabole du « jugement des nations », en Matthieu 25 : « Toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un des plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites » (Mt 25.40). Les plus petits des frères de Jésus sont les membres de son peuple, car jamais le terme « frère » n’est utilisé pour parler des hommes d’une manière générale. C’est donc de manière indue que l’on a utilisé ce texte pour justifier une sorte d’évangile des bonnes œuvres, une sorte de salut par l’altruisme. Les récits parallèles de cette parabole montrent clairement que les « petits » en question sont les disciples de Jésus (Mt 10.42), ceux qui croient en lui (Mc 9.40).
d. Diaconie et diaconat←↰⤒🔗
La préservation de cette communion, c’est la vocation de la diaconie et du diaconat (ministère des diacres) qui est un ministère de l’Église pour l’Église : il s’agit de l’entraide et du soutien des membres les plus faibles de la communauté, comme cela apparaît maintes fois dans l’Écriture. « Il n’y avait parmi eux aucun indigent » (Ac 4.34). « Pourvoyez aux besoins des saints » (Rm 12.13). « La Macédoine et l’Achaïe ont bien voulu s’imposer une contribution en faveur des pauvres parmi les saints » (Rm 15.26). « Il est superflu que je vous écrive touchant l’assistance destinée aux saints » (2 Co 9.1). Je ne crois pas exagéré de dire que le ministère diaconal est aussi important pour l’unité, le développement et le témoignage de la communauté chrétienne que les ministères de la Parole.
e. Les deux signes de la vie nouvelle←↰⤒🔗
Dans sa première lettre, l’apôtre Jean dit à plusieurs reprises que la vie chrétienne se remarque spécialement à deux signes : l’amour des commandements de Dieu et l’amour des frères et sœurs en Christ. On peut lire 1 Jn 3.10, 14, 23-24; 5.1-49.
Ce que nous avons vu permet d’affirmer ce principe magnifique qui se situe au cœur de l’expérience chrétienne : Quand j’aime mon frère chrétien, c’est Christ qui l’aime à travers moi, et c’est Christ que j’aime à travers lui!
3. De qui parle-t-on?←⤒🔗
Il existe deux erreurs en matière d’interprétation des textes bibliques :
La première consiste à tellement insister sur le contexte culturel et religieux de l’époque que les textes n’ont plus rien ou presque à nous dire aujourd’hui. C’est la dérive historico-critique.
La deuxième fait tellement abstraction du contexte que chaque affirmation biblique est considérée comme ayant une valeur universelle. C’est la dérive littéraliste ou symbolique.
Nous essaierons d’éviter ces deux défauts en donnant au contexte biblique sa juste place.
a. Tous←↰⤒🔗
Le premier réflexe consiste à donner à ce mot son sens immédiat : tous les hommes. Or, c’est assez rarement le cas dans le Nouveau Testament. Presque toujours, il s’agit des membres du peuple de Dieu : tous, mais eux seulement!
« Amener à l’obéissance de la foi tous les païens » (Rm 1.5). Il faut comprendre tous les croyants parmi les non-juifs : « Ceux qui sont à Rome, bien-aimés de Dieu » (Rm 1.7). « Abraham est notre père à tous » (Rm 4.16). Il faut comprendre : le père des circoncis qui croient et le père des incirconcis qui croient. Dans les deux cas, il s’agit de croyants. « Nous qui formons un seul corps en Christ, nous sommes tous membres les uns des autres » (Rm 12.5). « Ceux qui pèchent, reprends-les devant tous » (1 Tm 5.20). Il s’agit de l’Église (comparer avec Mt 18.17). « Un seul Dieu et père de tous, qui est au-dessus de tous et parmi tous, et en tous » (Ép 4.6).
Appliquer ces « tous » à l’ensemble des hommes, c’est gentil, mais c’est utopique. Ce n’est en tout cas pas la pensée des auteurs bibliques10.
L’apôtre Paul nous rappelle qu’il y a deux humanités aux yeux de Dieu : une « en Adam » et une « en Christ ». Plusieurs passages mentionnent ces deux ensembles avec le même mot « tous » qui, chaque fois, indique bien une globalité, mais pas la même : « De même que tous meurent en Adam, tous revivront en Christ : Christ comme prémices, puis ceux qui lui appartiennent » (1 Co 15.22; voir Rm 5.12, 15)11.
Il est vraisemblable que bien d’autres passages considérés comme universalistes doivent être lus comme s’appliquant aux croyants, aux élus12. Là se trouve, à n’en pas douter, une perspective qui est tout à la fois majeure pour le message chrétien et scandaleuse pour les autres, il faut le reconnaître.
b. Les païens, les nations←↰⤒🔗
Les versets cités ci-dessus montrent que ceux qui sont désignés ainsi sont les croyants parmi les païens, parmi les nations. Que de dégâts aurait-on évités si on avait lu correctement Mt 28.19 : « Faites de toutes les nations des disciples »! Lire dans ce sens Ga 3.6-9.
c. Les frères←↰⤒🔗
Dans la Bible, sont appelés « frères » ceux qui ont un même père : les enfants d’Abraham dans l’Ancien Testament, les Évangiles et les Actes; les disciples de Jésus qui sont devenus « enfants de Dieu » dans le reste du Nouveau Testament (Jn 1.12; Rm 8.15-16; Ép 1.5). À part quelques cas où il est question des frères d’une même famille de sang, il n’y a pas d’exception à cette règle.
Le fait que nous ne sachions pas de manière certaine qui est réellement né de nouveau et qui ne l’est pas n’autorise pas à s’affranchir de ce principe. La discipline préconisée par l’apôtre consiste à considérer comme tels tous ceux qui « se nomment frères » (ce que Calvin appelle « le jugement de charité ») avec pour contrepartie la répréhension fraternelle : « Si ton frère a péché, va et reprends-le » (Mt 18.15; voir 1 Co 5.9-13). En réalité, le mot « frère » est synonyme du mot « saint » et désigne les mêmes personnes : « Paul et le frère Timothée, aux saints et fidèles frères en Christ… » (Col 1.2).
d. Le pauvre, l’indigent←↰⤒🔗
« Ils nous recommandèrent seulement de nous souvenir des pauvres, ce que j’ai bien eu soin de faire » (Ga 2.10). De quels pauvres s’agissait-il? Cela est précisé dans le livre des Actes : « Les disciples résolurent d’envoyer, chacun selon ses moyens, un secours aux frères qui habitaient la Judée. Ils le firent parvenir aux anciens par les mains de Barnabas et de Saul » (Ac 11.29-30). Il n’est pas difficile de remarquer que chaque fois qu’il est question des pauvres, dans la Bible, il s’agit des pauvres au sein du peuple de Dieu : « Il n’y aura pas d’indigent au milieu de toi » (Dt 15.4, 7). « Il n’y avait parmi eux aucun indigent » (Ac 4.34; voir 1 Co 11.21; 2 Co 8.13-14).
Tout apôtre qu’il ait été, Paul s’est maintes fois soucié de cette question du soutien des pauvres de l’Église, car l’unité spirituelle, la communion étaient alors en jeu : « Je vais à Jérusalem pour le service des saints […] en faveur des pauvres parmi les saints de Jérusalem » (Rm 15.25-26; 2 Co 8.3-4; 9.1, 12). « Si un frère ou une sœur sont nus et manquent de la nourriture de chaque jour… » (Jc 2.14-15; 1 Jn 3.17).
e. Le petit, le faible←↰⤒🔗
Nous l’avons vu avec la parabole de Matthieu 25 : il s’agit des chrétiens. « Quiconque donnera ne serait-ce qu’un verre d’eau à un de ces petits parce qu’il est mon disciple… » « Quiconque scandaliserait un de ces petits qui croient en lui… » (Mt 10.42; 18.6).
L’apôtre Paul consacre beaucoup de temps à cette question, recommandant que l’on ne scandalise pas ceux qui, dans l’Église, ont une foi plus faible (Rm 14.10-16; 1 Co 8.9-13).
f. L’étranger←↰⤒🔗
De qui le Seigneur parle-t-il quand il recommande à son peuple d’accueillir les étrangers, en se souvenant qu’il a lui aussi été un peuple étranger? De très nombreux passages montrent qu’il s’agit des étrangers qui se sont volontairement intégrés au sein du peuple de Dieu, adoptant ses usages et ses lois13.
« Tu ne délaisseras pas l’étranger, l’orphelin et la veuve qui sont dans tes portes » (Dt 14.27, 29).
« Tu abandonneras la grappe restée dans la vigne au pauvre et à l’étranger. Vous n’userez pas de mensonge les uns envers les autres. Tu n’opprimeras pas ton prochain. Tu ne répandras pas de calomnie parmi ton peuple. Tu ne haïras pas ton frère dans ton cœur; tu pourras reprendre ton prochain, mais tu ne te chargeras pas d’un péché à cause de lui. Tu ne garderas pas de rancune contre les enfants de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lv 19.10-18).
La juxtaposition de ces termes montre qu’ils sont pratiquement (parfaitement) synonymes. Cela fait apparaître que la donnée majeure n’est pas l’origine des personnes, mais leur appartenance au peuple saint, ce qui impose des devoirs d’égalité, de soutien, de réciprocité en accord avec la grâce, avec le sacerdoce, avec la présence même de Dieu. Le cadre, c’est Israël en tant que peuple de Dieu, non pas préfigurant n’importe quelle nation ou un nouvel ordre mondial, mais préfigurant l’Église de Jésus-Christ et l’accueil des prosélytes14. Dans ce sens, nous voyons Ésaïe parler de « l’étranger qui s’attache à l’Éternel, qui marche au milieu de vous » (És 56.6-8). Il y a donc, liée à cette intégration, une dimension de piété, comme on le constate aussi dans les nombreux passages des Évangiles où des étrangers (centeniers romains, Samaritains, Syro-Phéniciens…) démontrent leur disposition à la foi, leur accueil du Royaume de Dieu (Lc 7.4; 17.16; Jn 4.39)15.
g. L’ennemi, l’adversaire←↰⤒🔗
Cette catégorie est moins aisée à définir et pourrait sembler contredire ce qui a été proposé plus haut. Il n’est pas exclu, cependant, qu’il s’agisse encore des ennemis ou adversaires au sein du peuple de Dieu. Plusieurs passages semblent le montrer.
Qu’il suffise de rapprocher le fameux : « Aimez vos ennemis » (Mt 5.44) de ce que Jésus dit peu avant :
« Quiconque se met en colère contre son frère. […] Si tu présentes ton offrande à l’autel et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi. […] Accorde-toi promptement avec ton adversaire » (Mt 5.21-25).
Le cadre, c’est le culte rendu à Dieu!
Qu’il suffise de rapprocher le fameux « Si quelqu’un te frappe sur une joue, présente-lui aussi l’autre. Si quelqu’un te prend ton manteau, ne l’empêche pas de prendre encore ta tunique… » (Lc 6.27-30) de ce que dit Paul : « Pourquoi ne pas plutôt vous laisser dépouiller que d’avoir des querelles entre frères? » (1 Co 6.7-8). L’enjeu, c’est l’unité spirituelle!
Le rappel de l’importance pour les serviteurs de Dieu de « ne pas avoir de querelles, mais d’avoir de la condescendance pour tous, de redresser avec douceur les adversaires… » (2 Tm 2.25) plaide pour une application à l’intérieur du peuple de Dieu.
4. Le prochain←⤒🔗
Le bon sens commun associe le mot « prochain » à celui qui se trouve là, à côté (ou même loin). Le prochain, c’est l’autre, quel qu’il soit, le citoyen du monde. Est-ce si simple que cela?
Nous avons déjà vu le mot « prochain » associé aux mots « frère » et « saint ». Les textes fondateurs du peuple de Dieu confirment ce sens. En Israël (y compris au temps de Jésus), le « prochain », c’est le concitoyen. En d’autres termes, la proximité que ce mot indique n’est pas seulement géographique : elle est d’abord liée à une appartenance. Cela apparaît clairement quand Moïse cherche à séparer deux Hébreux qui se disputent et qu’il dit à l’un d’eux : « Pourquoi frappes-tu ton prochain? » (Ex 2.11-14)16.
La loi révélée plus tard confirmera ces dispositions : « Aucun créancier ne pressera son prochain, son frère. Tu te relâcheras de ton droit pour ce qui est de ton frère. Il n’y aura aucun indigent chez toi » (Dt 15.2-3; 23.19, 24; 24.10; voir Jr 23.35; 31.34; 34.9-17). Retenons que tous ceux qui étaient comptés comme appartenant au peuple de Dieu en partageaient les privilèges et les devoirs, y compris les étrangers assimilés. Tous, mais seulement eux. La transposition pour aujourd’hui s’applique à l’Église, pas à la nation.
Le passage de l’Ancien Testament qui cite pour la première fois l’amour du prochain (Lv 19) commence par cet appel : « Vous serez saints, car je suis saint » (v. 2). Ensuite sont mentionnés « les pauvres et l’étranger au milieu de vous » (v. 10, 34), « le mercenaire » (v. 13), « le sourd », « l’aveugle » (v. 14), « les enfants de ton peuple » (v. 18) et enfin « le prochain » assimilé au « frère » (v. 17). L’expression « les uns les autres » (v. 11) confirme qu’il s’agit de relations au sein du peuple saint.
Dans le Nouveau Testament, l’équivalence de sens entre le « prochain » et le « frère » est maintenue, identique à celle de l’Ancien Testament, également associée à l’expression « les uns les autres ».
« Abstiens-toi de ce qui peut être pour ton frère une occasion de chute. […] Que chacun complaise au prochain pour ce qui est bien en vue de l’édification17. […] Faites-vous mutuellement bon accueil, comme Christ vous a accueillis » (Rm 14.21; 15.2, 7).
« Ne parlez pas mal les uns des autres, frères, car celui qui parle mal d’un frère ou juge un frère juge la loi. […] Et toi, qui es-tu qui juges le prochain? » (Jc 2.14-16; 4.11-12).
« C’est pourquoi, que chacun de vous parle selon la vérité à son prochain, car nous sommes membres les uns des autres » (Ép 4.25).
Membres les uns des autres! Peut-il être question d’autres personnes que celles qui constituent le corps de Christ?
Ces textes nous ramènent donc au sommaire de la loi : « Ne devez rien à personne, si ce n’est de vous aimer les uns les autres. […] Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Rm 13.8-10). « Rendez-vous, par l’amour, serviteurs les uns des autres, car toute la loi est accomplie par cette parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Ga 5.13-15, 26).
Nous retrouvons donc le second commandement du sommaire de la loi inséparable du premier qui demande d’aimer Dieu de tout son être. Nous pouvons penser que l’expression « les uns les autres » situe l’application de ce commandement au sein de la communauté des croyants. L’apôtre Jean développe cette même pensée dans sa première lettre, avec des termes différents qui enlèvent toute ambiguïté :
« Si quelqu’un dit : J’aime Dieu, et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur; car celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas? Et nous avons de lui ce commandement : Que celui qui aime Dieu aime aussi son frère » (1 Jn 4.20-21)18.
Il est évident que Paul cite le sommaire de la loi avec les mêmes présupposés (Ga 5.13-18), de même que Jacques (Jc 2.5-8). Quant à l’auteur de la lettre aux Hébreux, il associe également l’amour manifesté envers les chrétiens et l’amour pour Dieu : « Dieu n’est pas injuste pour oublier votre travail et l’amour que vous avez manifesté pour son nom en ayant rendu et en rendant encore service aux saints » (Hé 6.10).
En réalité, nous sommes là devant une affirmation constante de la Parole de Dieu.
5. Et ceux du dehors?←⤒🔗
Et les autres? Les veuves et les orphelins de la terre ne méritent-ils pas tous la même considération? Et les étrangers, les malades, les sans-abri et tous ceux que nous croisons dans la rue : chacun n’a-t-il pas sa souffrance qui vaut bien celle des autres? Chacun n’attend-il pas d’être secouru? À bien des égards oui, bien sûr. Sous le rapport humain, les chrétiens ne sont ni meilleurs ni plus méritants que les autres. Sous le rapport des droits de l’homme et de la citoyenneté, aucune différence ne devrait être faite. Sous le rapport du Royaume de Dieu, cependant, d’autres considérations doivent être prises en compte, incompréhensibles pour l’intelligence naturelle, mais capitales dans le cadre de la foi.
Soyons clairs : l’égalité de condition « en humanité » peut et doit être rappelée sans restriction, comme le fait Paul à Athènes (Ac 17.26). L’apôtre Pierre affirme cette valeur très grande qui doit être reconnue à chaque être humain : « Honorez tout le monde, aimez les frères, craignez Dieu, honorez le roi » (1 Pi 2.17). Ce verset est fort instructif, car il indique tout à la fois que personne ne doit être négligé, et que des regards appropriés sont requis qui ne sont pas équivalents pour tous, car ils correspondent à des sphères de communion, de responsabilité et d’espérance différentes.
Il nous semble remarquer que le verbe « aimer » est toujours employé vis-à-vis des frères et sœurs chrétiens. Vis-à-vis de ceux du dehors, d’autres devoirs sont indiqués, exigeants aussi, mais pas nécessairement identiques : rechercher le bien et si possible être en paix (Rm 12.17-18; Ga 6.10), se conduire avec sainteté et pureté (2 Co 1.12), se comporter de manière irréprochable (Ph 2.15), avoir une bonne conduite (1 Pi 2.12), honorer les autres (1 Pi 2.17), agir avec douceur et respect en étant capable de souffrir (1 Pi 3.14-17). Ces comportements peuvent-ils se vivre sans amour? Non. Mais le commandement d’aimer, nous le trouvons toujours appliqué aux chrétiens pour les chrétiens19.
Plusieurs textes, dans ce sens, introduisent la notion dynamique de priorité : « Nous nous sommes conduits avec sainteté et pureté devant Dieu, dans le monde, et surtout envers vous » (2 Co 1.12). « Pratiquons le bien envers tous, surtout envers les frères en la foi » (Ga 6.10).
Mais Dieu ne se soucie-t-il pas de l’ensemble des hommes? Bien sûr que si, et cela dans le cadre de sa bonté en faveur de tout ce qui vit (Gn 9.8-17; Ps 145.16; Ac 14.16-17). Dieu se soucie de la condition des petits oiseaux (Mt 10.29); combien plus de celle des hommes, de chaque homme. Mais sa grâce particulière est manifestée aux chrétiens en vue du salut et de l’espérance. Ce sont là deux dimensions associées (Dieu est la source de l’une et de l’autre), mais non identiques (la fin n’est pas la même)20.
6. L’Église dans la cité←⤒🔗
Cette compréhension ne paraît-elle pas contraire à l’Évangile? En réalité, c’est là plutôt la marque du Royaume de Dieu et la démonstration que le message chrétien n’est pas qu’une théorie utopique. La réalité, c’est aussi qu’il n’y a aucune opposition entre le fait d’établir cette différence, cette priorité, et la capacité à transmettre l’Évangile et à accueillir ceux que Dieu envoie, quels qu’ils soient.
Quelqu’un demandera peut-être si le risque n’existe pas de circonscrire notre vision au point de la rendre étriquée, frileuse, exclusive. Le risque existe, bien sûr, et cela constituerait un mauvais témoignage, vu que si l’enseignement de Jésus ou de Paul nous paraît sévère parfois, ils ne donnent jamais pour autant l’impression d’être étroits.
Ainsi, il n’est pas vain de parler, comme Martin Luther l’a fait, d’une « double citoyenneté » du chrétien dans ce monde. Qu’il suffise de rappeler que les deux identités du chrétien (membre de l’humanité présente et membre du peuple des rachetés) ne sont pas d’égale importance, qu’elles sont susceptibles de se contrarier, mais qu’elles ne le feront pas nécessairement. En d’autres termes, le chrétien ne trahit pas sa vocation de chrétien quand il s’investit dans des domaines strictement terrestres et temporels, tant qu’il n’oublie pas son autre vocation, celle d’enfant de Dieu21. Ce chrétien se dira que si cette terre et ce temps sont destinés à cesser d’exister dans leur forme actuelle, un jour, ils n’en demeurent pas moins la terre et le temps de Dieu. Il se souviendra que son Sauveur n’a pas prié pour qu’il soit ôté du monde, mais préservé du mal et sanctifié (Jn 17.15, 17), ce qui n’est pas la même chose. Il n’y a là aucune autorisation pour la compromission; il y a là l’appel à être sel de la terre et lumière du monde, « au milieu d’une génération perverse et corrompue, parmi laquelle [il est appelé à] briller comme [un] flambeau dans le monde » (Ph 2.15).
Deux risques existent, me semble-t-il : celui qui consiste à confondre les ministères pour l’Église et l’engagement social et humanitaire, au détriment de l’Église qui se trouvera soit négligée soit chargée de fardeaux trop lourds; et celui qui consiste à vivre la distinction entre les deux domaines de telle sorte que l’engagement social de l’Église en vienne à se séculariser et à perdre son caractère original. Cependant, ces risques ne signifient pas que des engagements importants ne puissent pas être mis en œuvre, qui soient à la fois bénéfiques pour l’œuvre de Dieu et pour la cité.
Comment devons-nous considérer, alors, l’action sociale et les œuvres humanitaires? Nous devrions le faire à la lumière des indications tirées de l’Écriture, celles qui ont été rappelées ci-dessus et quelques autres encore sans aucun doute. Ces indications sont à la fois vastes et restrictives.
Les implications concernant l’engagement social et humanitaire (mais aussi éducatif, culturel, sanitaire, etc.) sont vastes, car elles reflètent la fidélité de Dieu envers sa création tout entière, fidélité qui n’est pas à salut, mais qui s’inscrit dans le cadre de sa patience et de sa miséricorde. Ce n’est pas là le tout du Royaume de Dieu et de notre espérance, mais ce n’est pas rien non plus! Cette fidélité-là, les chrétiens en sont bénéficiaires également, et cela crée une solidarité de condition avec l’ensemble des hommes qu’il serait insensé de nier (Jr 29.7).
Elles sont aussi restrictives parce qu’elles sont peu nombreuses : la quasi-totalité des injonctions bibliques concerne les relations au sein du peuple de Dieu, y compris quand il est question des pauvres, nous l’avons vu22. Vis-à-vis des autres, la recommandation qui prime est celle de se préserver, de ne pas traiter d’alliance… (Ph 2.14-15; Jc 1.27).
Cela signifie-t-il que le chrétien se désintéresse de tout ce qui touche à la vie sociale, éducatrice, culturelle, intellectuelle, à la recherche scientifique, à la préservation de l’environnement, à l’art, etc.? Certainement pas. Mais à quel titre alors?
Deux textes bibliques sont souvent cités pour rappeler que le peuple de Dieu doit aussi se soucier de la cité dans laquelle il vit et rechercher son bien. Mais dans les deux cas, il est précisé que la finalité, c’est le bien du peuple de Dieu! « Recherchez le bien de la ville où je vous ai menés en captivité et priez Dieu en sa faveur, car votre bonheur dépend du sien » (Jr 29.7). « Priez pour tous les hommes, pour les rois et pour ceux qui sont élevés en dignité, afin que nous menions une vie tranquille, en toute piété et honnêteté » (1 Tm 2.1-2).
Pour le reste, il me semble que l’engagement des chrétiens à cet égard devrait être individuel, soit naturellement dans les lieux de vie naturels (habitat, profession, éducation, etc.), soit en fonction de vocations et de dons particuliers que Dieu accorde. Ces vocations peuvent ou pas être liées à un engagement professionnel ou associatif. La particularité du chrétien, c’est qu’il agira en chrétien dans ces différents domaines, à côté de non-chrétiens, autant que cela sera possible.
Des engagements professionnels, sociaux, humanitaires, sanitaires, culturels entre chrétiens sont-ils envisageables ou souhaitables? C’est une question vaste, délicate, qui touche à ce que nous appelons « les œuvres » de l’Église, ou à certaines associations militantes23. Remarquons que la Bible ne donne pas d’indications claires sur la question, ce qui laisse supposer que cela est possible et peut-être souhaitable, dans certaines circonstances et à certaines conditions24. Cela est possible pour constituer un soutien aux chrétiens qui peuvent se trouver isolés dans tel ou tel milieu, par exemple25 ou pour pénétrer tel ou tel domaine ou sphère d’activité. Cela est possible et sans doute souhaitable, mais il s’agira de l’engagement de chrétiens, avec des risques et des limites dont il faudra être conscients, et pas d’une œuvre ou de l’engagement de l’Église en tant que telle.
Qu’il suffise que ce chrétien ne confonde pas cet engagement avec celui qui le lie avec ses frères et sœurs dans la foi, car c’est le témoignage du Royaume de Dieu qui est en question dans cette distinction26. Qu’il suffise — et c’est encore là une considération liée au dessein de Dieu — qu’il considère que parmi ces hommes et ces femmes qui l’entourent et qui ne croient pas en Dieu, il s’en trouve qui croiront un jour et qui sont d’ores et déjà comptés par Dieu comme des rachetés; qu’il s’en trouve également qui sont chrétiens, mais qui n’en ont pas l’apparence, pour de multiples raisons…
Le principe biblique de « priorité fraternelle » n’est donc pas préjudiciable, au contraire, celle-ci qualifie et donne autorité27. Elle constitue une sorte de démonstration et est porteuse d’une promesse. Elle permet de vivre un débordement de la grâce qui attire les regards sur celui qui en est la source, le Seigneur Jésus.
Notes
1. Même question au sujet de l’expression « faire de toutes les nations des disciples », d’ailleurs. Même question pour le sens à donner au mot « monde ». « Dieu a tant aimé le monde », cela signifie-t-il que Dieu a aimé (et aime) tout le monde? Le simple fait de poser la question semblerait déjà horrible à beaucoup de chrétiens.
2. Notre présupposé, identique à celui des réformateurs, c’est que la Bible se comprend à l’aide de clés qu’elle donne elle-même. Ce n’est pas forcément simple. C’est le travail des docteurs. Qu’ils soient peu nombreux, car ils seront jugés sévèrement…
3. Nous avons par exemple assisté récemment à une Table ronde pour la paix dans un cadre interreligieux et entendu un imam réputé expliquer avec toute l’apparence de la sincérité que l’objectif principal était la paix sociale et la bonne citoyenneté. La rencontre s’est conclue par la lecture commune d’un texte affirmant que « tous les hommes ont un même destin ». Prêtres, pasteurs, imams et adeptes de religions orientales semblaient démontrer une belle unanimité. Où est l’erreur?
4. L’universalité du salut est une tentation pour un nombre de chrétiens évangéliques sans doute plus important qu’on le croit. Ils ne diront pas que tous les hommes seront sauvés, mais ils ne diront pas le contraire non plus. Un doute s’est introduit, notamment dans l’esprit des pasteurs, me semble-t-il. Ce doute est nourri par la théologie qui affirme que l’efficacité du salut est opérante pour tous les hommes, qu’ils soient croyants ou pas. Être croyant est important, car cela permet de le savoir et d’en vivre. Mais en fin de compte, cela ne changera rien, et déjà tous les hommes peuvent être regardés comme sauvés. C’est cela la foi. Un autre argument, plus pragmatique, c’est le désir d’être porteur d’un message acceptable par tous, le désir d’être intégré dans le discours commun.
5. On peut se demander, par moment, si le Défi Michée n’est pas touché par cette tentation qui associe les pauvres dont parle la Parole de Dieu à ceux de la terre tout entière, par exemple en utilisant hors contexte le slogan : « Souvenez-vous des pauvres » (Ga 2.10, à rapprocher normalement d’Ac 1.29). « Le Défi Michée est un mouvement mondial de chrétiens qui demandent à leurs gouvernements de tenir la promesse de diminuer l’extrême pauvreté de moitié d’ici 2015. Nous encourageons les chrétiens au niveau mondial à approfondir leur engagement en faveur des pauvres et d’appeler les responsables politiques à agir avec justice. »
6. On peut se demander si le mot « tous », dans ce verset, désigne tous les hommes ou tous les élus. Je penche pour le deuxième sens. Mais dans les deux cas, il y a une dimension d’universalité. Voir Jn 17.21; Ac 13.48.
7. Voir par exemple Rm 12.10-13; Ép 4.29; 1 Jn 3.17. Notons que ce principe est vrai, que l’on fasse du mal ou du bien à un membre du peuple du Dieu : « Lorsque quelqu’un péchera et commettra une infidélité envers l’Éternel en mentant à son prochain… » (Lv 5.21). « Dieu n’est pas injuste pour oublier votre travail et l’amour que vous avez montré pour son nom, ayant rendu et rendant encore service aux saints » (Hé 6.10).
8. Voir mon article intitulé La parabole du bon Samaritain.
9. Dans ce contexte, le sommaire de la loi est comme repris avec 1 Jn 4.21 : « Nous avons de lui ce commandement : que celui qui aime Dieu aime aussi son frère. »
10. Il existe une philosophie humaniste qui considère que l’Évangile consiste précisément à appliquer les préceptes bibliques à l’ensemble des hommes, sans distinction. L’expression « ne pas faire acception de personnes » n’abolit pas la distinction entre chrétiens et non-chrétiens : elle signifie qu’on n’a pas égard aux apparences au sein de l’Église, comme le montre Jacques 2.1-2. Que fait d’utile un pasteur qui, s’adressant lors d’un mariage ou d’un service funèbre à une assemblée composée en grande majorité d’incroyants, dit : « Mes chers frères »?
11. Dans le même sens, comparer Rm 11.32 et Ga 3.22. Tous = ceux qui croient.
12. « À ceci, tous verront que vous êtes mes disciples » (Jn 13.35), à rapprocher de « pour que le monde croie » (Jn 17.21). Il ne s’agit évidemment pas de « tout le monde », mais de tous ceux qui croiront, dans le monde (Ac 13.48).
13. Lv 17.8, 10; 18.26-29; 19.8; 20.2; 1 R 8.41-43.
14. Préciser cela ne signifie pas qu’il ne soit pas important d’accueillir les étrangers avec égards dans n’importe quel pays, bien entendu, mais il s’agit là d’une autre dimension qui n’est pas précisément dans l’intention du texte.
15. Une réflexion pourrait être utilement menée sur le sens de l’expression « craignant Dieu » et sur la place qu’il conviendrait de donner aujourd’hui à ceux qui seraient reconnus comme tels.
16. Il ne pose pas la même question quand, peu avant, il a tué un Égyptien qui maltraitait un Hébreu. De plus, en Ex 2.11, le mot « frère » est employé comme synonyme.
17. La notion biblique d’édification est toujours communautaire, liée à l’Église comme un corps, comme une maison.
18. Pour ceux qui auraient encore des doutes, le verset qui suit (1 Jn 5.1) reformule ce même commandement en précisant que les frères sont ceux qui sont « nés de Dieu ».
19. Et Jean 3.16? Le sens du mot « monde » n’est pas si aisé à définir. Disons qu’il ne signifie pas « tout le monde ».
20. Comparer par exemple Ps 33.13 et 33.18 qui témoignent de ces deux regards de Dieu sur les hommes.
21. Dans ce sens, par exemple, nous voyons que la vocation chrétienne n’abolit pas la vocation conjugale, y compris quand un des deux conjoints n’est pas chrétien (1 Co 7.12-16; 1 Pi 3.1-2).
22. És 10.2; Za 7.10; Ac 6.1-7; 11.29-30; Rm 15.25-26; 1 Tm 5.9, 16; Jc 2.14-15; 1 Jn 3.17.
23. Pour l’exemple, on peut citer le Comité protestant pour la Dignité humaine (CPDH) qui milite pour la préservation des valeurs chrétiennes dans la société, le milieu politique et les médias, ou encore A Rocha qui veut promouvoir (dans l’Église et dans les milieux profanes) une vision chrétienne de la préservation de l’environnement.
24. Parmi ces circonstances, on peut penser au contexte de persécution où les chrétiens peuvent être contraints d’organiser certaines activités entre eux. On peut penser aussi aux périodes de réveil ou, par débordement, la vitalité de l’Église lui permet de s’engager dans des secteurs qui, habituellement, ne sont pas les siens. C’est ainsi que sont nées la plupart des œuvres chrétiennes.
25. On peut mentionner à titre d’exemple, l’Association vaudoise de parents chrétiens, en Suisse.
26. Il est ainsi essentiel que le diaconat (le soutien des membres les plus faibles de l’Église) ne soit pas confondu avec l’engagement social qui a un autre fondement et une autre finalité.
27. Voir par exemple 1 Tm 3.4-5. D’abord diriger correctement sa maison pour pouvoir diriger l’Église de Dieu.