Cet article a pour sujet l'origine de la Confession des Pays-Bas écrite par en 1561 Guy de Brès pour montrer aux autorités que les réformés étaient fidèles aux Écritures et pour préciser leur foi commune.

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Aux origines de la Confession des Pays-Bas La naissance d’une confession de foi réformée

La Confession de foi des Églises belges « Confessio belgica » apparaît pour la première fois à Tournai en 1561. À cette époque, la ville appartient aux Pays-Bas espagnols. Ce texte fait son apparition dans une période troublée marquée par la répression des idées réformatrices et la persécution des prétendus « hérétiques ».

Dès 1555, le réformateur « belge » Guy de Brès, né en 1522 à Mons, songeait à rédiger un texte symbolique. Il faut redire, parce que c’est essentiel, que pour les réformateurs, les confessions de foi font partie de l’être même de l’Église au même titre que la liturgie, le catéchisme et la discipline. Ces trois types de textes constitutifs sont l’expression même de la visibilité de l’Église de Jésus-Christ sur terre et expriment le point de vue réformé de l’autorité en matière de foi. Tout ceci s’appuyant sur l’autorité des Écritures saintes.

Pour les réformateurs, toutes les activités de l’Église relèvent d’une confession de foi. Pour Guy de Brès, il est important de dire, en un langage simple, le contenu de l’enseignement de la Parole de Dieu. Il s’agit d’un recentrement, d’une réforme de l’Église qui pose comme principe l’obéissance à l’Écriture. Cette réforme de l’Église ne veut rien ajouter, par des révélations nouvelles ou particulières, au contenu de la Parole de Dieu. Les confessions expriment les directives ecclésiastiques concernant l’exercice du ministère, la foi et les devoirs des chrétiens.

Ces confessions de foi distinguent les Églises réformées qui se réclament au 16e siècle de la Parole de Dieu. En effet, les communautés anabaptistes y ajoutent des illuminations individuelles et l’Église catholique romaine l’enferme dans un système juridique qui s’autorise à l’interpréter par la force de la Tradition.

En écrivant leurs confessions de foi, les Églises de la Réforme se distinguent aussi des courants humanistes, déistes ou panthéistes.

La confession n’est pas un écrit surgi de nulle part ni le texte de quelqu’un qui voulait rédiger une œuvre littéraire. Elle n’est pas née de rien, mais elle est étroitement liée aux circonstances. Elle s’adresse d’abord et en premier lieu aux princes et ici notamment à Philippe II d’Espagne qui n’est que trop mal informé sur la réalité des protestants. La confession vise avant tout à dire que ce ne sont pas des hérétiques qui s’expriment, mais des fidèles qui veulent enraciner leur foi dans les Écritures saintes. Elle est aussi écrite dans le souci de préciser ce qu’est la foi commune aux réformés des Pays-Bas, quel que soit le lieu où ils vivent.

Ici, des Églises locales, géographiquement dispersées, expriment qu’elles sont unies par une même foi. Il ne s’agit donc ni de conventicules discutant du bien-fondé des idées nouvelles, ni de groupes remettant en cause le système ecclésial catholique romain, mais d’assemblées qui se réunissent pour prier, lire la Bible, écouter la prédication, célébrer Dieu, témoigner de sa grâce dans la fidélité à l’Écriture et à la foi des témoins des siècles précédents.

La Confessio belgica se distingue aussi des autres confessions de foi de la Réforme notamment en prenant ses distances avec l’anabaptisme. En effet, elle a aussi été écrite pour établir dans un texte officiel l’expression de la foi réformée par rapport à celle, multiple, qui s’exprime dans la mouvance anabaptiste de l’époque, constituée d’une vraie mosaïque difficile à cerner. Celle-ci se composait essentiellement, mais non exclusivement de trois courants : pacifique, « révolutionnaire apocalyptique » et mystique. La foi anabaptiste de ce temps ne doit pas être réduite à ce qui constitue la foi des Églises mennonites d’aujourd’hui.

Imprimée le 25 mai 1561 à Rouen, la confession que les autorités de Tournai et celles de l’empire espagnol découvrirent le 2 novembre 1561 circulait déjà parmi les réformés depuis plusieurs semaines. Il faut rappeler que, à la suite de l’action organisatrice de Guy de Brès, une partie non négligeable de la population de Tournai et de Valenciennes avait adhéré aux idées nouvelles.

Le terrain avait été préparé bien avant par Pierre Brully et d’autres prédicateurs itinérants. Les offices publics étaient de plus en plus fréquents et on s’y rendait en chantant ouvertement dans les rues les psaumes de Clément Marot, véritables manifestations de force et de défi. Guy de Brès se montrera farouchement opposé à de telles démonstrations qui s’en prenaient ouvertement aux autorités.

Depuis fin septembre donc, la confession circulait à Tournai et Valenciennes, elle fut même distribuée dans les rues à qui voulait en prendre connaissance. Cela suscita la colère de Marguerite de Parme, régente des Pays-Bas, qui envoya alors des troupes pour rétablir l’ordre.

Guy de Brès alla en jeter quelques exemplaires dans la nuit du 1er novembre 1561 au-dessus des remparts du château du gouverneur du Hainaut à Tournai pour que cet écrit parvienne au roi, selon l’usage du temps. Le paquet contenait une lettre ouverte adressée à Philippe II au nom de tous les réformés, par laquelle des habitants de Tournai se plaignaient des persécutions religieuses.

Dans sa lettre, Guy de Brès rejetait entre autres les allégations selon lesquelles les réformés seraient des rebelles désobéissants qui viseraient seulement à la destruction et au renversement du gouvernement civil en semant parmi le peuple la confusion et le désordre et qui viseraient à s’émanciper de l’autorité et du pouvoir du prince en ôtant le sceptre de ses mains.

Ces accusations criminelles, Guy de Brès les jugea indignes de la confession qu’il présentait, indignes du comportement de tout chrétien authentique et indignes de tout homme. La protestation que Guy de Brès transmit ici de la part des réformés visait à attester devant Dieu et devant les anges que les protestants ne désiraient en rien désobéir à l’autorité du prince, mais voulaient obéir en pleine conscience, servir Dieu et réformer leurs vies en conformité avec sa Parole et ses commandements.

La lettre à Philippe II est assez longue, ce que justifient les circonstances troubles et les accusations fausses. Cette épître dédicatoire vise à exprimer clairement ce qu’est la foi réformée : avoir la crainte de Dieu toujours devant les yeux, vivre en étant attentifs aux avertissements du Christ qui peut nous reconnaître devant le Père ou nous renier devant lui et devant les hommes. Guy de Brès ajoute : « Nos corps peuvent être brûlés, nos langues coupées, arrachées, nous désirons suivre Jésus-Christ, nous charger, comme lui, de notre croix et renoncer à nous-mêmes. »

Ce geste hardi d’adresser un exemplaire au roi, dans l’espoir vain d’obtenir plus de tolérance envers leur mouvement, montrait que les protestants avaient conscience de leur force, mais il exaspéra la régente et le gouverneur de Tournai se mit à rechercher avec zèle Guy de Brès.

Les autorités se mirent aussi à rechercher les copies du document pour les détruire systématiquement. Une centaine d’exemplaires de la confession fut trouvée dans une bibliothèque privée. La lettre adressée à Philippe II ne réussit pas à le convaincre et les villes de Tournai et Valenciennes subirent la colère du roi par une sanglante répression.

Le 10 janvier 1562, un incendie provoqué volontairement pour faire disparaître « une grande multitude de livres et de papiers amassés ensemble » donna aux commissaires l’occasion de découvrir la maison de Guy de Brès à Tournai. Les autorités confisquèrent et brûlèrent, après un inventaire précis, « les secrets et labeurs » du réformateur : 250 copies de la confession ainsi que de nombreux livres de Luther, Zwingli, Bucer, Bullinger et Calvin, des sermons, des lettres, des papiers de famille, etc. Cependant, Guy de Brès restant pour le moment introuvable, fut condamné par contumace et brûlé en effigie.

Bientôt, les Pays-Bas seront scindés en deux parties. Les provinces d’expression française au sud, là où la confession était apparue, se trouvent livrées au joug implacable de l’autorité royale qui impose le catholicisme romain par la force. Les provinces du nord deviennent au contraire une nation protestante et c’est là que nous pouvons trouver le plus d’informations concernant la Confession de foi de Guy de Brès.

Selon Anthonius Thysius1, théologien néerlandais qui fait état de l’origine et de la diffusion de la confession de foi, cette dernière aurait été rédigée en français en 1562 et publiée en 1563. Dès cette année, une édition néerlandaise vit le jour. Toutefois, de nombreuses éditions de la confession de foi ont été retrouvées ultérieurement et il est plus probable que l’édition originale date de 1561 et qu’elle ait été rendue publique à Tournai dans l’hiver 1561/1562.

On peut imaginer que dans les premières années de sa diffusion elle a été distribuée, lue et traduite dans les différents lieux pour que chacun puisse accéder à son contenu dans les quatre langues qui étaient parlées dans les Pays-Bas espagnols. Elle prit très vite de l’importance comme texte symbolique référent et déjà au synode provincial d’Armentières en 1563, il fut décidé de la lire en entier à l’ouverture du synode et d’en garder l’usage pour les synodes ultérieurs. Il fut aussi décidé que les ministres, pasteurs et diacres nouvellement élus seraient invités à signer cette confession. C’est pratiquement en cette même année 1563 que l’on décida que la confession serait ouverte à une possible révision ou reformulation de son contenu par les délégués au synode.

Ces décisions provinciales gagnèrent le niveau national et la confession fut adoptée par le synode national d’Anvers en 1566 comme confession de foi des Églises réformées des Pays-Bas. Elle fut formellement confirmée par les synodes nationaux de Wesel (1568), d’Emden (1571), de Dort (1574) et de Middelburg (1581) et encore une fois lors du grand Synode de Dordrecht, de novembre 1618 à mai 16192.

Notes

1. Antonius Thysius (1565-1640) théologien réformé hollandais, professeur à l’Université de Harderwijk, puis de Leiden. Il a passé quelques années en voyage, notamment à Genève où il a été enseigné par Théodore de Bèze. Au Synode de Dordrecht en 1618, il a été parmi les théologiens délégués et c’est peu de temps après ce synode qu’il a reçu de l’Université de Leiden un appel pour y être professeur de théologie. Il débuta à ce poste le 10 décembre 1619 avec son Oratio de theologia ejusque studio capessendo.

2. C’est au cours de ce synode que les arminiens furent condamnés unanimement, leurs opinions y furent déclarées contraires à l’Écriture et à la doctrine des premiers réformateurs, toute charge ecclésiastique leur fut interdite (pour plus de détails, voir mon article Les sources de la Confession de foi des Pays-Bas).