Cet article a pour sujet le désir de plusieurs de se forger une image de Dieu qui leur convient, au lieu d'adorer le vrai Dieu Créateur qui à tout créé très bon et qui a commencé le renouvellement de toute chose en Jésus-Christ.

5 pages.

Changer notre image de Dieu?

On entend de plus en plus souvent dire, même dans des cercles qui se prétendent chrétiens, qu’il faut changer l’image que nous nous faisons de Dieu. La représentation traditionnelle dont nous avons hérité, fondée sur le message biblique, n’est plus du tout adaptée à notre culture contemporaine. Comme une représentation fonctionnelle de Dieu doit être en phase avec notre niveau de développement technologique — autrement elle perd son autorité morale, nous dit-on —, il est grand temps de dépasser les conceptions traditionnelles de Dieu qui le situent en dehors de l’univers, mais lui assignent en même temps un rôle primordial dans la création et la marche de cet univers. Il nous faut désormais imaginer un Dieu qui soit partie prenante de l’univers et qui évolue et agisse à l’intérieur de celui-ci. Un Dieu transcendant, c’est-à-dire radicalement distingué de l’univers, ne saurait avoir une quelconque influence sur le cosmos, il lui est tout à fait étranger.

À cette affirmation entendue de plus en plus couramment, on pourrait commencer par répondre simplement : Qu’est-ce qui différencie cette nouvelle conception de Dieu des divinités païennes gréco-romaines (ou autres)? Car celles-ci naissaient, grandissaient et évoluaient justement au sein du cosmos, qu’elles influençaient de l’intérieur, parfois même en s’accouplant avec des humains… Avec ces discours qui prennent le revers de l’enseignement de la Bible, on dirait vraiment qu’on a affaire à un retour à peine déguisé aux mythes gréco-romains, ceux-là mêmes que le christianisme avait relégués au niveau de mythes, justement. Certes, ces mythes sont très instructifs et souvent profonds, ils apportent un éclairage sur la manière dont les humains comprennent les dilemmes de leur existence, mais ils n’en sont pas moins des mythes, des constructions humaines.

Le caractère du Dieu dont parle la Bible est bien différent. Il n’est écrit nulle part qu’il reste indifférent au sort du monde qu’il a créé, bien au contraire. Il s’adresse constamment à ses créatures en rupture de ban, il les appelle à retourner vers lui, il s’incarne même en la personne de Jésus-Christ à un moment précis de l’histoire humaine, non pas pour perdre sa divinité, mais pour venir s’identifier à la condition humaine égarée afin de la racheter et la réconcilier parfaitement avec lui. Plusieurs siècles avant cette incarnation, le livre du prophète Ésaïe, dans l’Ancien Testament, s’adresse au peuple d’Israël en donnant la parole au Dieu éternel en ces termes :

« C’est vous qui êtes mes témoins, oracle de l’Éternel, vous, et mon serviteur que j’ai choisi, afin que vous le reconnaissiez, que vous me croyiez et compreniez que c’est moi : avant moi il n’a pas été formé de Dieu, et après moi il n’y en aura pas. C’est moi, moi qui suis l’Éternel et hors de moi il n’y a pas de sauveur. C’est moi qui ai annoncé, sauvé, prédit, ce n’est pas parmi vous un dieu étranger; vous êtes donc mes témoins, oracle de l’Éternel : c’est moi qui suis Dieu. Je le suis dès avant que le jour fût, et personne ne délivre de ma main; j’agirai : qui s’y opposera? » (És 43.10-13).

Un peu plus loin, au chapitre 44, ceux qui se forgent des dieux à leur image et leur ressemblance sont ridiculisés par le prophète :

« Ceux qui façonnent des statues ne sont tous que néant, et leurs plus belles œuvres ne servent à rien; ils sont leurs témoins, elles n’ont ni la vue ni la connaissance. Aussi seront-ils honteux. Qui est-ce qui façonne ou fond une statue, pour n’en retirer aucune utilité? Voici que tous ses compagnons seront honteux » (És 44.9).

On pourrait en dire autant aujourd’hui de tous ceux qui cherchent à se forger une image de Dieu qui leur convienne, selon les besoins du moment, forcés qu’ils seront un jour ou l’autre d’abandonner leur image présente de dieu pour en fondre une nouvelle, soi-disant plus adaptée à leurs nouveaux besoins. Le Dieu de la Bible, lui, est éternel, il est à la fois en dehors de l’univers et totalement impliqué dans sa marche, c’est du reste pourquoi on peut invoquer son nom et lui faire totalement confiance.

Qu’est-ce qui différencie le livre de la Genèse, dans la Bible, des mythes païens relatant les origines du monde? Je vous pose la question parce qu’il n’est pas rare d’entendre dire qu’au fond, la Genèse n’est qu’une adaptation ou une variation de ces mythes. Eh bien, comparons un peu le début de la Genèse avec les récits égyptiens des origines. Dans l’Égypte antique, le spectacle des origines c’était la crue du Nil, qui se reproduisait tous les ans peu après la réapparition dans le ciel — juste avant le lever du soleil — de l’étoile Sirius, après 70 jours d’absence, comme l’explique Nadine Guilhou, une égyptologue française. Un texte des pyramides décrit ce spectacle : « Avant que n’existe le ciel, avant que la terre n’existe, avant que les dieux n’aient été mis au monde, avant que n’existe la mort… » Seul, nous dit Guilhou, existait alors l’infini de l’eau et l’infini des ténèbres. Et elle ajoute : « C’est là qu’allait se manifester le démiurge », c’est-à-dire la divinité qui organise la matière et lui donne des formes différenciées. Voilà le point de départ des cosmogonies égyptiennes c’est-à-dire des mythes qui tâchent de rendre compte des origines de l’univers. Dans la cosmogonie d’Heliopolis, sans doute la mieux connue, au commencement était le Noun, l’océan primordial, le champ de tous les possibles. Je cite encore Nadine Guilhou :

« C’est un infini des eaux et un infini des ténèbres, domaine de l’obscurité totale. C’est là que va se manifester la vie. En son sein s’éveille Atoum, le créateur. Son nom signifie, en égyptien, la Totalité, celui qui est complet. Tout au plus peut-on l’imaginer sous la forme d’un serpent que les hommes ne peuvent pas connaître, que les dieux ne peuvent pas voir, tel qu’il reviendra à la fin des temps, prêt à renaître pour un nouveau cycle de création. À partir du moment où il se manifeste hors du Noun, le créateur devra revêtir une apparence. C’est souvent celle d’un oiseau, évoquant l’apparition de l’espace. Mais cet oiseau doit disposer d’un endroit où se poser, un rocher pointu émergeant des eaux : c’est la condition indispensable à l’apparition du démiurge. À Heliopolis il y avait une pierre sacrée en forme d’obélisque trapu qui remplissait ce rôle. »

Je pourrais continuer à vous raconter ces récits fascinants des cosmogonies égyptiennes. Mais citons plutôt le début de la Genèse, pour voir comment elle s’en sépare radicalement :

« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. La terre était informe et vide; il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, mais l’Esprit de Dieu planait au-dessus des eaux. Dieu dit : Que la lumière soit! Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres. Il y eut un soir et il y eut un matin : ce fut un jour » (Gn 1.1-5).

Ce que nous lisons dans la Genèse, est en fait l’inverse des cosmogonies égyptiennes, il en prend même directement le contrepied : Au commencement, il n’y a pas de la matière au sein de laquelle émergera un créateur qui se posera sous forme d’oiseau sur un tertre, il y a le Dieu éternel qui est lui-même le Créateur de toutes choses. Certes, l’eau et les ténèbres sont bien mentionnées, mais ils viennent après les cieux et la terre; et ceux-ci sont la création du Dieu qui leur préexiste. Dans la Bible, Dieu sauve, car il est le Créateur éternel et tout-puissant. Avec le Psaume 121, nous pouvons alors nous écrier, pleins de reconnaissance : « Notre secours est dans le nom de l’Éternel, qui a fait les cieux et la terre! » (Ps 121.2).

Une chose qui frappe le lecteur des premières pages de la Genèse, c’est la mention plusieurs fois répétée que Dieu vit que ce qu’il avait créé était bon, voire très bon. Difficile d’imaginer un tel état de perfection, n’est-ce pas, surtout au vu de la condition actuelle du monde? Il faut faire preuve de beaucoup d’imagination pour se représenter une telle perfection, d’ailleurs en sommes-nous même capables? Est-il possible que tout n’ait alors été qu’harmonie, équilibre parfait, sans aucune perturbation? En fait, ce n’est peut-être pas le sens de l’expression : « Dieu vit que cela était bon », car la manière dont moi, avec mes capacités et mon intelligence bien limitées, et même obscurcies, j’envisage ce qui est bon et parfait, est sans doute bien différente de la manière dont Dieu le Créateur l’envisage, quant à lui. Mais plus important que cela, il faut surtout souligner le fait que le monde, à l’origine, n’était pas mauvais en soi, et encore moins le produit d’une activité mauvaise. Bien sûr, me direz-vous. Pas si évident, pourtant : car au cours des siècles, bien des hommes ont jugé que la formation du monde était justement le fruit d’une activité mauvaise.

Tenez, les gnostiques par exemple, ce mouvement religieux si puissant au cours des quatre ou cinq premiers siècles de notre ère, en marge du christianisme. Pour eux, le monde est la production d’un sous-dieu déchu, le démiurge, qui a créé une entité néfaste, la matière, dont il faut se libérer pour retrouver la condition spirituelle pure de l’Être suprême. Lui, en revanche, n’est pas contaminé par la matière, il est au-dessus de tout, désintéressé de ce pauvre monde si mauvais; et de fait, il est totalement inconnaissable. Donc, pas d’activité sexuelle ou de procréation, car, soutenaient certains gnostiques, cela n’aboutit qu’à susciter davantage de matière vivante, donc d’entité négative. Mais, sans même aller jusqu’aux gnostiques, posons-nous la question suivante : Si le monde, à l’origine, n’était pas bon et parfait, pourquoi serait-il destiné à le devenir? Pourquoi les hommes devraient-ils lutter pour qu’il le devienne? On ne voit pas très bien au nom de quoi il faudrait se battre contre les injustices, la maladie, etc. Le mal inhérent à tout, c’est simplement la nature des choses, il faut l’accepter et faire avec, point barre.

Eh bien, voyez-vous une vision du monde chrétienne qui prend la Genèse au sérieux ne peut accepter une telle position. Au contraire, elle lui lance un défi. Si elle reconnaît la présence du mal à tous les niveaux de l’existence, elle ne lui attribue pas un caractère absolu. Au commencement, il n’en était pas ainsi, et le Créateur lui-même n’accepte pas la perversion ou la destruction de son œuvre. En venant vivre dans sa création en la personne de son Fils éternel, Jésus-Christ, il a commencé le renouvellement de toutes choses. Et il appelle ses enfants à travailler à ce renouvellement dans toutes les sphères de l’activité humaine, en prenant Christ comme seul point de référence et d’appui.

Oui, le Christ qui a subi dans sa personne toute l’étendue du mal et de l’injustice, mais qui est sorti victorieux de la mort et du pouvoir des ténèbres au matin de Pâques. Sa résurrection est le recommencement de toutes choses, le début d’une nouvelle création destinée à être manifestée dans toute sa splendeur à la fin des temps. Mais dès aujourd’hui, vous et moi pouvons participer de sa vie nouvelle, par la foi et sous la direction de l’Esprit de Dieu. Voilà enfin une vraie vocation, n’est-ce pas? L’image que nous nous faisons de Dieu est déterminante pour l’image que nous avons de nous-mêmes. Or, si nous acceptons de voir Dieu à travers Jésus-Christ, qui en est l’image parfaite, nous aurons de nous-mêmes une image renouvelée, tendue vers l’éternité, vers ce qui est beau, ce qui est pur, ce qui est agréable à Dieu en toutes choses.

Avoir la vocation… Voilà une belle expression, qui indique que la personne à qui elle s’applique a trouvé un sens à sa vie. Cette personne sait ce qu’elle veut faire de son existence, elle a appris ou apprend à utiliser les dons qu’elle a reçus en vue d’un but qui sous-tend toute son énergie. La Bible enseigne que chaque être humain a reçu une vocation, un appel particulier qui a autant de valeur que la vocation adressée à une autre personne. Dieu accorde des dons et des talents à tous sans exception, et aucun don ou talent n’a une moindre valeur qu’un autre. La parabole des talents racontée par Jésus à ses auditeurs insiste sur le fait que les talents accordés par Dieu doivent fructifier grâce au travail et à l’énergie appliqués par ceux qui les ont reçus. En fait, à l’époque un talent constituait une grosse somme d’argent. Dans la sphère du Royaume de Dieu, celle où son autorité est reconnue, il n’y a pas de place pour la paresse, la nonchalance ou la négligence. Un jour, Dieu demandera à chacun des comptes de ce qu’il ou elle aura fait des talents qu’il lui aura accordés. Un talent est avant tout quelque chose qui doit être mis au service de Dieu et de son prochain. Et le faire c’est exprimer l’amour qui est dû à Dieu et à son prochain.

Ce qui signifie bien sûr que toute activité humaine n’entre pas dans le cadre du Royaume de Dieu : un trafiquant de drogue peut-être très malin, très habile à faire passer des quantités de cocaïne d’un pays à l’autre, en utilisant (parfois à leur insu) des voyageurs naïfs, cela ne comptera jamais comme une activité au service de Dieu et de son prochain. À dire vrai, si l’on regarde autour de soi, on n’en finira pas d’énumérer le nombre de talents dévoyés qui auraient pu être utilisés dans le cadre du Royaume de Dieu, en accord avec ses principes et pour le bien de la communauté dans son ensemble. Les amateurs de sarcasmes en tout genre (on n’en manque guère) se moqueront facilement de ce que je dis, en évoquant les talents de telle ou telle prostituée, de telle ou telle personne spécialisée en détournements de fonds, et que sais-je encore. Mais leur talent pour le sarcasme mal placé se retournera un jour contre eux. Ils devraient plutôt lire le livre des Proverbes, dans la Bible, où l’on trouve l’avertissement suivant :

« Jusqu’à quand, stupides, vous complairez-vous à des sottises? Et vous, moqueurs, jusqu’à quand prendrez-vous plaisir à vous moquer? Et vous, insensés, jusqu’à quand détesterez-vous la connaissance? » (Pr 1.22).

Or, la vraie connaissance consiste à savoir et accepter que la vocation reçue de Dieu, c’est avant tout un appel à croire en sa parole, en ses promesses, en son Évangile de salut. Comprendre la vocation particulière que Dieu adresse à chacun de nous, avec la mise en œuvre, le déploiement, des talents qu’il accorde à chacun, cela passe d’abord par l’acceptation de cette vocation primordiale, de cet appel à suivre Jésus-Christ, à vivre greffé spirituellement en lui, par l’action de l’Esprit Saint.

Au premier siècle de notre ère, l’apôtre Paul écrivait justement aux chrétiens de la ville de Thessalonique à propos de l’appel, de la vocation que Dieu leur avait adressée. Ses paroles retentissent avec la même intensité vingt siècles plus tard, pour tous ceux qui se savent appelés par Dieu. Écoutons-les donc :

« C’est pourquoi nous prions continuellement notre Dieu pour vous : qu’il vous trouve digne de l’appel qu’il vous a adressé et que, par sa puissance, il fasse aboutir tous vos désirs de faire le bien et rendre parfaite l’œuvre que votre foi vous fait entreprendre. Ainsi, le Seigneur Jésus-Christ sera honoré en vous et vous serez honorés en lui; ce sera là un effet de la grâce de notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ » (2 Th 1.11-12).