Cet article sur Matthieu 18.15-18 a pour sujet la résolution des conflits dans l'Église et la réconciliation, par une rencontre personnelle, puis avec deux ou trois témoins, puis la discipline ecclésiale, jusqu'à l'exclusion de la Cène, si nécessaire.

Source: Comment résoudre les conflits dans l'Église?. 4 pages.

Comment résoudre les conflits dans l'Église? (2) - La voie à suivre pour la réconciliation

« Si ton frère s’est rendu coupable à ton égard, va le trouver, et convaincs-le de sa faute : mais que cela se passe en tête-à-tête. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, reviens le voir en prenant avec toi une ou deux autres personnes, pour que tout ce qui sera dit soit appuyé sur les déclarations de deux ou trois témoins. S’il refuse de les écouter, dis-le à l’Église. S’il refuse aussi d’écouter l’Église, mets-le sur le même plan que les païens et les collecteurs d’impôts. Vraiment, je vous l’assure : tous ceux que vous exclurez sur la terre auront été exclus aux yeux de Dieu et tous ceux que vous accueillerez sur la terre auront été accueillis aux yeux de Dieu. »

Matthieu 18.15-18

Comment résoudre les conflits dans l’Église? Voilà le thème de ce second article consacré à l’enseignement de Jésus-Christ sur ce point si sensible, qui cause tant de tort au développement et à l’enracinement du christianisme. Dans l’article précédent, j’ai passé en revue un certain nombre de passages du Nouveau Testament (que ce soient les Évangiles, le livre des Actes des apôtres ou certaines lettres), qui montrent que des conflits entre chrétiens ont hélas surgi dès le début de l’Église. En fait, ceci démontre que les hommes et les femmes sauvés par la foi en Jésus-Christ ne sont pas des gens parfaits, sans l’ombre d’un défaut ou d’une action répréhensible. Le Nouveau Testament, avons-nous vu ensemble, ne gomme pas les différences, les désaccords, parfois les disputes ou même les sérieuses altercations que des chrétiens de la première génération ont pu avoir entre eux. C’est même une des preuves externes de l’authenticité du Nouveau Testament, qui ne cherche pas à brosser un tableau idéal de l’Église primitive, laquelle était composée d’hommes et de femmes pécheurs, parfois inconstants ou butés.

Nous n’allons pas répéter cette fois-ci la lecture de tous ces textes, mais plutôt bien réfléchir sur l’enseignement du Christ que l’on trouve au chapitre 18 de l’Évangile selon Matthieu cité plus haut, sur sa mise en pratique et ses implications.

Jésus montre de façon très claire la voie qui doit être suivie pour qu’une réconciliation puisse avoir lieu. La première étape est une rencontre personnelle, sur la demande de la personne qui s’estime offensée. L’esprit évangélique ce n’est pas de chercher à tout déballer sur la place publique ou de se répandre en plaintes et ragots pour se faire passer pour une victime, mais d’avoir l’honnêteté et le courage d’aller voir la personne qui nous a causé du tort. Parfois, nous pouvons penser qu’elle nous a offensés alors que nous ne sommes pas au courant de facteurs qui pourraient modifier notre jugement ou démontrer d’autres responsabilités pour l’action ou les paroles qui sont en cause. Il faut d’abord parler en tête à tête avec la personne qui nous semble responsable de l’offense.

Il est bien possible qu’un problème soit alors résolu de cette manière et qu’une bonne compréhension naisse d’une telle rencontre. Il est souhaitable qu’ensemble les deux personnes cherchent des solutions acceptables pour éviter le retour d’une situation née de malentendus ou d’incompréhension mutuelle. Car il est aussi possible que l’offense commise soit une forme de réponse négative à ce que la personne qui s’estime offensée a elle-même dit ou fait, qu’elle en soit consciente ou non. De toute manière, il faut arriver à cerner la nature et l’enjeu réels du conflit. Comme pour un abcès qui tend à s’étendre dans tous les membres et les infecter, il faut bien circonscrire la nature du mal pour pouvoir le percer, puis le guérir, même si cela fait mal.

La personne qui a commis l’offense peut aussi l’avoir fait par négligence ou oubli, par simple légèreté, mais aussi peut-être par volonté délibérée de nuire au bien ou à la réputation de l’autre. Dans tous les cas, un vrai croyant doit pouvoir examiner sa conduite et s’en repentir devant celui ou celle qu’il a offensé. Pour y contribuer positivement, la personne offensée se doit de faire un très gros effort de maîtrise de soi afin de ne pas se laisser aller à des contre-accusations, des diatribes amères qui ne feront qu’enfoncer son cas devant l’autre et envenimer la situation. Cette maîtrise de soi est du reste requise par le Seigneur Jésus-Christ lui-même, elle est un des fruits de l’Esprit Saint nommé par l’apôtre Paul au chapitre 5 de sa lettre aux chrétiens galates : « Mais le fruit de l’Esprit, écrit-il, c’est l’amour, la joie, la paix, la patience, l’amabilité, la bonté, la fidélité, la douceur, la maîtrise de soi » (Ga 5.22-23).

Car au fond, plus encore que notre propre réputation ou notre bien-être, c’est de l’honneur du Seigneur Jésus-Christ et de la bonne marche de son Église qu’il est question. En effet, l’Église c’est son corps, tous les fidèles en sont les membres, et si un membre inflige une blessure à un autre, c’est tout le corps qui en souffre et Jésus-Christ lui-même, alors que son corps a été martyrisé et percé sur la croix pour faire l’expiation des péchés de son Église.

Le passage suivant de la lettre de Paul aux chrétiens d’Éphèse, tiré du chapitre 4, indique quel doit être l’attitude des croyants les uns vis-à-vis des autres :

« Ne laissez aucune parole blessante franchir vos lèvres, mais seulement des paroles empreintes de bonté. Qu’elles répondent à un besoin et aident les autres à grandir dans la foi. Ainsi elles feront du bien à ceux qui vous entendent. N’attristez pas le Saint-Esprit de Dieu, car, par cet Esprit, Dieu vous a marqués de son sceau comme sa propriété pour le jour de la délivrance finale » (Ép 4.29-30).

Donc, l’objet de cette entrevue personnelle doit être d’amener une réconciliation durable, fondée sur une reconnaissance du péché commis à l’égard de l’autre lorsque tel est bien le cas, et une demande de pardon sincère, qui réconcilie le pécheur non seulement avec son frère ou sa sœur, mais avec Dieu lui-même, à travers l’œuvre rédemptrice de Jésus-Christ et sous l’action purificatrice du Saint-Esprit. La personne qui a subi l’offense se doit de démontrer une attitude sincère de recherche de réconciliation, avec toute la maîtrise de soi nécessaire, même si elle expérimente une souffrance morale réelle. Elle doit toujours avoir à l’esprit la demande du Notre Père, la prière enseignée par Jésus à ses disciples : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés » (Mt 6.12). Si quelqu’un me demande pardon pour m’avoir offensé, je me dois de lui pardonner sous peine de ne pas être pardonné par Dieu pour mes propres offenses à son égard.

Lorsqu’une telle rencontre personnelle n’aboutit pas au résultat escompté et que l’offenseur ne reconnaît pas ses torts et poursuit son comportement nocif, le Seigneur Jésus enjoint de prendre avec soi une ou deux personnes qui cette fois serviront de témoins pour que les paroles échangées ne soient pas déformées par l’une des deux parties. C’est la partie qui s’estime offensée qui se fera accompagner de deux témoins, lesquels doivent être sincèrement motivés par un désir de voir la réconciliation s’opérer, et non prendre aveuglément le parti de celui qui leur a demandé de l’accompagner pour le soutenir. « S’il ne t’écoute pas, reviens le voir en prenant avec toi une ou deux autres personnes, pour que tout ce qui sera dit soit appuyé sur les déclarations de deux ou trois témoins » (Mt 18.16). Le conflit est maintenant mis en présence de quelques autres membres de l’Église, mais il n’est toujours pas mis sur la place publique, en tout cas, pas devant toute l’Église.

Le rôle des deux témoins est de favoriser la demande de pardon et la réconciliation des deux parties qui n’a malheureusement pas eu lieu lors de la rencontre personnelle. Mais les témoins sont aussi là pour être à même de rapporter avec exactitude les paroles prononcées par les deux parties lors de cette rencontre. Le cas échéant, ils seront les garants de la véracité des propos tenus de part et d’autre. Ils doivent faire preuve de la même maîtrise de soi que celle dont j’ai parlé tout à l’heure, ne pas s’emporter, ne pas être partiaux. Ils doivent avant tout rechercher l’honneur de Jésus-Christ et le bien de son Église.

Il est évident qu’il faut que ces personnes soient des croyants mûrs et très sérieux. La Bible est pleine de récits où figurent de faux témoins qui obtiennent la condamnation d’innocents, suivie parfois de leur exécution. C’est d’ailleurs exactement ce qui est arrivé à Jésus durant son procès inique. Souvenez-vous aussi de la septième béatitude qu’il a prononcée lors du Sermon sur la Montagne : « Heureux les artisans de la paix, car ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5.9). Une autre traduction de ces paroles dit : « Heureux ceux qui répandent autour d’eux la paix, car Dieu les reconnaîtra pour ses fils. »

Il est possible qu’une seule rencontre ne permette pas de résoudre le problème, tout en manifestant un véritable progrès. Dans ce cas, et tant que la situation n’est pas complètement bloquée entre les deux parties, les rencontres avec ces deux témoins devraient se poursuivre jusqu’à la résolution du problème.

Mais si cette résolution n’intervient pas, si le pardon qui doit être obtenu ne l’est pas, alors l’affaire doit être portée devant l’Église : « S’il refuse de les écouter, dis-le à l’Église. » Là, il s’agit non pas de la communauté tout entière (enfants y compris), mais de ceux qui sont responsables de gouverner l’Église selon les préceptes de son Chef, Jésus-Christ : les pasteurs et les anciens, si vous voulez. Ils doivent alors former un tribunal ecclésiastique pour délibérer de l’affaire en question. Si, malgré les exhortations, les admonitions et les visites arrangées par les dirigeants de l’Église, rien n’a progressé, alors le membre qui est en tort doit être averti qu’il sera exclu de la table du Seigneur lors de la célébration de la sainte Cène. Il est momentanément écarté des bénéfices que procure l’accès à ce repas sacré institué par Jésus-Christ pour tous ceux qui se repentent de leurs péchés et recherchent leur vie en lui et non en eux-mêmes.

En dernier recours, le membre déjà suspendu de la communion de l’Église avec son Seigneur en sera exclu, jusqu’à ce qu’il se repente, fasse preuve de contrition et demande lui-même à être réintégré, ayant apporté des preuves solides de la sincérité de ses intentions :

« S’il refuse aussi d’écouter l’Église, mets-le sur le même plan que les païens et les collecteurs d’impôts. Vraiment, je vous l’assure : tous ceux que vous exclurez sur la terre auront été exclus aux yeux de Dieu et tous ceux que vous accueillerez sur la terre auront été accueillis aux yeux de Dieu » (Mt 18.17-18).

Voilà donc la voie prescrite par Jésus-Christ en Matthieu 18. Dans un prochain article, je vous parlerai de la manière dont le Catéchisme de Heidelberg explique cette dernière parole du Christ et ce qu’on appelle le pouvoir des clés du Royaume qu’il a confié à son Église. Je vous invite donc vivement à consulter l’article suivant de cette série.