Cet article a pour sujet la discipline ecclésiale exercée privément à l'égard de ceux qui commettent des péchés privés, et les corrections publiques par le conseil des anciens données à ceux qui commettent des fautes publiques.

Source: Comment résoudre les conflits dans l'Église?. 4 pages.

Comment résoudre les conflits dans l'Église? (6) - La correction des fautes publiques

Que faire lorsque, dans l’Église locale, un conflit entre deux personnes ou un péché devenu notoire dans la vie d’un ou plusieurs membres n’a pu être résolu par la médiation d’une ou de plusieurs personnes? Elles ont cherché à obtenir la réconciliation, elles se sont adressées avec patience et amour fraternel à la personne causant du trouble dans la communauté, mais cela n’a porté aucun fruit. Reprenons ensemble la question et réponse 85 du Catéchisme de Heidelberg à ce sujet :

« Comment le Royaume des cieux est-il ouvert et fermé par la discipline ecclésiale? Réponse : Selon l’ordre du Christ, ceux qui, se prétendant chrétiens, enseignent une doctrine ou mènent une vie non chrétienne reçoivent plusieurs avertissements fraternels. S’ils ne renoncent pas à leurs erreurs et à leurs vices, ils sont cités devant l’Église ou devant ceux qui ont été établis pour cela par l’Église. Et s’ils méprisent aussi ces exhortations, ils sont exclus, par l’interdiction des sacrements, de la communauté chrétienne et, par Dieu lui-même, du Royaume du Christ. Mais ils sont reçus à nouveau comme membres du Christ et de l’Église s’ils promettent et manifestent un réel amendement. »

Quant à l’ordre ecclésiastique dérivé du Synode de Dordrecht (qui, je le rappelle, s’est tenu aux Pays-Bas entre 1618 et 1619), aux articles 74, 75 et 76, il articule le principe énoncé dans le Catéchisme de Heidelberg. Je vous les cite à nouveau :

Article 74 : « Si quelqu’un, après qu’il ait été repris par deux ou trois personnes avec amour à propos d’un péché caché, ne veut rien entendre ou s’il commet un péché connu publiquement, l’affaire doit être soumise à l’attention du conseil de l’Église. »

Article 75 : « La réconciliation pour tous les péchés qui sont devenus publics par leur nature même ou à cause du mépris avec lequel les avertissements fraternels ont été reçus, doit prendre place de la manière que chaque conseil d’Église jugera utile pour l’édification de l’Église, à condition qu’il y ait suffisamment de signes de repentance et de contrition. S’il y a une différence d’opinions au sein du conseil de l’Église sur la question de savoir si dans certains cas il faut que la réconciliation ait lieu de manière publique, la décision doit être prise après avoir pris l’avis de deux conseils d’Église voisins. »

Article 76 : « Ceux qui rejettent avec endurcissement les admonitions du conseil de l’Église et ceux qui ont commis en public un péché grossier doivent être exclus de la table du Seigneur, c’est-à-dire du sacrement de la Sainte Cène. »

Posons maintenant la question suivante : Comment distinguer entre des fautes qui sont encore cachées, ou en partie cachées, et celles qui sont devenues publiques? L’apôtre Paul écrit ce qui suit à son ami Timothée, dans sa première lettre, au chapitre 5 :

« Il y a des personnes dont les fautes sont évidentes avant même qu’on les juge. Pour d’autres, on ne les découvre que par la suite. Il en est de même des bonnes actions : chez certains, elles sont immédiatement apparentes, mais là où ce n’est pas le cas, elles ne sauraient rester indéfiniment cachées » (1 Tm 5.24-25).

Voilà donc ce qu’enseigne l’apôtre Paul. En conséquence, dès qu’un effort pour reprendre et corriger quelqu’un de ses vices ou de ses erreurs a porté ses fruits, dès que le pardon a été demandé et accordé, dès que la réconciliation avec un frère ou une sœur dans la foi a eu lieu, il n’y a plus de raison de continuer cette action de discipline en privé, ou en présence de deux ou trois témoins. Il y a encore moins lieu de porter l’affaire sur le devant de la scène de l’Église, devant le conseil des anciens responsables.

À la toute fin de la lettre de Jacques, dans le Nouveau Testament, on lit ceci :

« Mes frères, si quelqu’un parmi vous s’égare loin de la vérité, sachez que celui qui ramène un pécheur de la voie où il s’égarait le sauvera de la mort et permettra le pardon d’un grand nombre de péchés » (Jc 5.19-20).

Dans la lettre aux Hébreux, qui précède celle de Jacques dans le Nouveau Testament, on lit également :

« Prenez donc bien garde, mes frères, que personne parmi vous n’ait le cœur mauvais et incrédule au point de se détourner du Dieu vivant. Mais encouragez-vous les uns les autres, jour après jour, aussi longtemps qu’on peut dire aujourd’hui afin qu’aucun d’entre vous ne se laisse tromper par le péché et ne s’endurcisse » (Hé 3.12-13).

Dans la même veine, on lit au chapitre 5 de la première lettre de Paul aux chrétiens de Thessalonique :

« Nous vous recommandons, frères, avertissez ceux qui mènent une vie déréglée, réconfortez ceux qui sont découragés, soutenez les faibles, soyez patients envers tous. Veillez à ce que personne ne rende le mal pour le mal, mais, en toute occasion, recherchez le bien, dans vos rapports mutuels comme envers tous les hommes » (1 Th 5.14-15).

Maintenant, il est clair qu’il y a des fautes, des comportements, des péchés qui sont commis en public ou qui sont devenus de notoriété publique. L’Église ne peut les traiter de manière privée, comme ceux dont il a été question jusqu’à présent. Ces fautes, ou vices, causent un scandale général, parfois même au-delà de l’Église, dans la société ou dans le milieu où se situe l’Église locale. Prenons l’exemple d’un membre de l’Église qui est convaincu par la justice de fraude à grande échelle, et dont les agissements sont rapportés dans la presse locale ou nationale. Il n’est pas possible d’aller le reprendre de manière privée seulement. Le scandale est public, et ne pas prendre des mesures de discipline appropriées laisserait à penser que le corps tout entier de l’Église est complice ou qu’il se laisse contaminer sans réagir. Cela donnerait le signal que les autres membres de l’Église peuvent impunément commettre de telles fraudes, personne n’en sera choqué ou ennuyé outre mesure. On continuera à prêcher sur la nécessité d’obéir à la loi de Dieu, de vivre dans l’honnêteté vis-à-vis de son prochain ou de l’État, mais en fait on donnera implicitement permission à tout un chacun de violer allègrement ce qu’on enseigne. Comment, dans un tel cas, le seul Chef de l’Église, Jésus-Christ, serait-il honoré? On ferait tout simplement fi de la parole qu’il a adressée à ses disciples à la fin de l’Évangile selon Matthieu : « Faites des disciples de toutes les nations et enseignez-leur à obéir à tout ce que je vous ai commandé » (Mt 28.19-20).

Il est bien sûr possible qu’il soit difficile de distinguer si un péché est encore relativement caché ou s’il est devenu notoire. Que faire dans un tel cas? La sagesse commande de pencher plutôt vers l’approche consistant à reprendre le pécheur de manière privée, afin de ne pas contribuer à déclencher un scandale qui n’a peut-être pas lieu d’être. Mais reprenons maintenant l’article 74 de l’ordre ecclésial.

« Si quelqu’un, après qu’il ait été repris par deux ou trois personnes avec amour à propos d’un péché caché, ne veut rien entendre ou s’il commet un péché connu publiquement, l’affaire doit être soumise à l’attention du conseil de l’Église. »

On pourrait se demander pourquoi ce sont les anciens de l’Église, et pas tous les membres ensemble, devant qui l’affaire doit être portée. C’est une question d’ordre décidée par le seul Chef de l’Église, le Christ. Car l’Église est bel et bien une monarchie — et certainement pas une démocratie ou une oligarchie —, mais seulement dans le sens où seul Jésus-Christ en est le Roi de droit divin.

Dès le début de la vie de l’Église, on voit comment les anciens, appelés à ce service par le Seigneur, servent son autorité à l’ensemble de la communauté. Par exemple, au chapitre 11 du livre des Actes des apôtres, lorsqu’une collecte est organisée pour subvenir aux besoins des chrétiens de Judée à la suite d’une sévère famine, ladite collecte est remise aux anciens par les mains de Barnabas et de Paul. Le conseil des anciens, ou conseil presbytéral, est de fait l’adresse de l’Église.

Les anciens, qui vont donc rapporter une affaire donnée devant le conseil dans son ensemble, devront montrer qu’ils ont tâché de toutes leurs forces de faire revenir le pécheur dans le chemin prescrit par le Seigneur. Les autres anciens leur poseront toutes les questions nécessaires afin de s’assurer qu’aucune plainte n’est déposée de manière légère et sans véritable motivation, ce qui violerait le droit du chrétien en Christ et ferait un tort considérable au corps tout entier. Si c’est nécessaire, une commission peut être nommée, sur la demande même de la personne incriminée, qui peut également y siéger, pour peu que cela se fasse dans un bon ordre. Le conseil des anciens jugera de l’affaire dans son ensemble après avoir reçu le rapport de la commission en question. La commission elle-même ne conclut pas l’affaire, elle rapporte à l’ensemble du conseil ce qu’elle a pu établir.

Toute enquête doit toujours répondre aux normes suivantes : justice, impartialité, honnêteté, vérité, intégrité, patience, dignité, intentions pures. Ce n’est du reste qu’exceptionnellement que l’on doit avoir recours à un serment solennel. Le rapport de la commission ne doit pas contenir de conclusions, de commentaires, de recommandations, afin que le conseil dans son ensemble puisse juger sur pièces de ce qui est en question, après avoir entendu les deux parties en présence. Insistons bien là-dessus : une commission ne formule pas des conclusions, elle ne doit pas chercher à pousser le conseil dans telle ou telle direction, c’est à lui de juger de l’affaire en définitive.

Disons aussi que dans le même temps, le plus haut degré de confidentialité doit être maintenu. Mais tout cela n’exclut pas que la personne incriminée puisse demander à être entendue par le conseil des anciens dans son ensemble, même si une commission a été nommée et qu’elle a déjà rendu son rapport. Le droit du croyant en Jésus-Christ l’impose. Du reste, le conseil doit à tout moment pouvoir contrôler le travail de la commission qu’il a nommée et corriger de possibles dérives dans la manière dont l’enquête est menée.

Dans un prochain article, j’aborderai la question de la réconciliation publique, dans l’Église, avec un pécheur repenti, et la forme que cela peut revêtir selon les principes donnés dans l’article 75 de l’ordre ecclésial hérité du Synode de Dordrecht.