Cet article a pour sujet la place de la mosquée dans l'islam, avec son architecture, son oratoire, sa cour, son minaret. La mosquée est le lieu de culte musulman pour la prière, mais aussi pour l'éducation, la politique et la vie sociale.

Source: Connaissance de l'islam. 4 pages.

Connaissance de l'islam - La mosquée et la théologie musulmane

Aucun credo religieux n’est aussi fréquemment récité et aussi familier, même à des non-musulmans, que le célèbre « la ilaha illa Allah; Muhammad rasul Allah », « il n’y a de Dieu qu’Allah, Mahomet est son prophète ». Cinq fois par jour, des millions de musulmans dans le monde entier se mettront à genoux pour réciter ce credo.

Jadis, on appelait improprement les musulmans des « mahométans ». Mais la religion de Mahomet s’appelle « islam » qui, nous l’avons vu, signifie soumission; son adepte est un « musulman », c’est-à-dire « celui qui se soumet ».

Il n’est guère possible au chrétien de communiquer l’Évangile au musulman sans prendre connaissance des principales doctrines et pratiques religieuses de l’islam. Le présent chapitre s’efforcera d’offrir un aperçu sur ce qui nous apparaît être les éléments principaux de la théologie islamique.

La mosquée et la théologie

Commençons par l’examen du signe le plus visible de la pensée théologique musulmane : la mosquée. La mosquée, de l’arabe « masdjid », est l’édifice du culte musulman. Le terme est le décalque moderne d’un vieux mot latin du Moyen Âge, « moschet », ou bien de l’italien « moschete », eux-mêmes dérivés de l’arabe « masdjid ». La mosquée est premièrement une maison de prière. « Prière » est un mot auquel on est habitué, mais il est impropre : la prière rituelle est un acte d’adoration de la divinité, à laquelle il serait malséant d’adresser une requête. Dans la mosquée, la prière est présidée par l’imam et, afin que tous les assistants puissent le voir, les rangs des fidèles se développent en largeur avant de s’échelonner en profondeur.

En effet, les personnes présentes répètent en même temps que l’imam la formule consacrée, se prosternent, s’inclinent, sont assises ou debout, ce qui est un rite comportant invariablement la prière musulmane.

Ces faits ont influé sur le plan architectural même de la mosquée. Celle-ci était jadis édifiée suivant les tendances régionales, comportant des plans variés, quoiqu’il n’en existe pas moins un type général. Le bâtiment est clos par des murailles, soit aveugles, soit percées de fenêtres; ces dernières jouent un rôle décoratif, l’éclairage étant assuré principalement par le côté de la cour intérieure.

On distingue des mosquées de quartier, des mosquées principales (« djami »), dites « grandes mosquées » ou « mosquées cathédrales », dans lesquelles se fait la prière solennelle du vendredi, pourvues de « m’mbar ». La première mosquée, construite à Médine en 622, en fait la demeure même de Mahomet, occupait un vaste espace entouré de quatre murs. Le long de ces murs, le prophète a fait aménager un toit plat, soutenu par des troncs de palmier, pour mettre les fidèles à l’abri du soleil pendant la prière.

Dans sa simplicité, ce premier lieu du culte comportait déjà deux éléments essentiels de la mosquée : l’oratoire, salle hypostyle, plus large que profonde, adaptée à l’ordonnance des fidèles rangés pour l’oraison collective, et la vaste cour, sur laquelle s’ouvre cette salle. Le « mihrab », niche d’orientation dans le fond de la salle, indique La Mecque. Celle-ci est parfois rappelée par une arcature dans la cour, qui peut être lieu de prière comme l’est la salle elle-même.

La cour, élément essentiel de la mosquée, pourrait avoir une double origine : la volonté de rappeler les premiers lieux de prière commune (au début, les fidèles se rassemblaient face à la lance de commandement, à l’extérieur des murailles de la ville), ou bien simplement la conséquence du climat de l’Orient, qui incite à la vie en plein air, ainsi que l’attestent les demeures particulières qui possèdent aujourd’hui une cour1.

L’originalité majestueuse de la mosquée est due à la splendeur du décor superbement tissé dans les murs et à la pureté des dômes façonnés, prétend-on, pour la plus grande gloire d’Allah. Un minaret sert à appeler les fidèles à la prière.

La bassine tient un double rôle important : d’ordre rituel, servant à l’ablution traditionnelle; d’ordre esthétique, servant de miroir pour les façades, et créant ainsi une symétrie dans l’espace, qui engendre un incomparable souffle de majesté.

Toutes les mosquées possèdent un aspect commun : l’existence d’une fontaine monumentale au centre de la cour extérieure pour l’usage des ablutions rituelles. D’autres aspects communs incluent des profusions de colonnes faites de bois ou de pierre; un arc spécial qui projette et se repose sur les colonnes aux chapiteaux; des stalactites utilisées sous forme de cellules d’abeilles. C’est un procédé original qui est spécifiquement arabe et permet de passer de la forme quadrangulaire à celle du cercle et de faire reposer le dôme sur la base du rectangle.

Au temps du prophète, les femmes pouvaient fréquenter les prières publiques dans les mosquées, mais restant derrière les hommes. Il existe cependant une tradition d’après laquelle (selon Mahomet) il était préférable aux femmes de rester au foyer. Beaucoup de mosquées ont une partie réservée aux femmes qui veulent y prier. C’est un coin isolé et plutôt sombre, marqué par de hautes grilles de bois sculpté. Les musulmans estiment que la prière est une affaire trop sérieuse et importante pour que les femmes s’en occupent! En tous les cas, la vue d’une femme dans une mosquée risquerait de distraire les hommes de la pratique de leurs dévotions…

Comprendre le rôle de la mosquée, c’est saisir le point focal, la source même du pouvoir, le lieu de rassemblement de toute communauté islamique. L’islam, nous l’avons vu, est une religion résurgente, forte, parfois agressive, voire féroce, bâtissant des mosquées aux fonctions diversifiées pour des communautés vivant là où il y en avait encore peu et où elles étaient quasiment inconnues. Un certain nombre d’édifices jadis au service d’Églises chrétiennes sont actuellement transformés en mosquées. Quel est le rôle profond de celles-ci, outre le fait qu’elles sont les lieux de la prière rituelle?

L’architecture de la mosquée est fascinante, reconnaissons-le, en dehors de toute considération missionnaire et sans porter un jugement de valeur; elle exerce un très grand attrait. Pourtant, des rituels bien malaisés à accepter par nous s’y pratiquent de manière monotone, jour après jour. Les traits extrêmes, voire extrémistes, de l’islam seront mieux compris à la lumière du sens et de la fonction de la mosquée, comme sera compris le large éventail d’activités rituelles qui s’y déroulent. Ce qui aujourd’hui y semble pacifique peut demain dégénérer en agressivité, voire en violence. La prolifération des mosquées est une preuve éclatante qui démontre que nous vivons un temps unique pour le christianisme occidental, que l’islam est en train de nous lancer un prodigieux et même un redoutable défi qu’il faut relever. Quelle sera la réponse, voire la réaction, que nous lui opposerons? Nous avons appris que chaque aspect, chaque facette de l’islam possède un parallèle chrétien, parallèle qui existe depuis nos origines. Pour commencer, et sans tarder, il faudrait se rendre compte que l’expansion de l’islam, consolidée par l’édification des mosquées, est le sûr indice que la lumière des Églises chrétiennes vacille et que faiblit la flamme de la foi chez les Occidentaux jadis christianisés.

Rappelons aussi qu’Église chrétienne n’est pas synonyme d’un édifice appelé soit chapelle soit temple. Selon l’Écriture, l’Église est essentiellement un organisme vivant, le peuple des fidèles. Il faut souligner ce fait et prendre garde à ne pas comparer l’Église avec la mosquée.

Du reste, même si on les compare, tels quels, ce sont des bâtiments totalement différents, qui témoignent de l’antithèse radicale de la religion qu’on professe. La seule véritable similarité consiste en leur matérialité, mais pas plus. L’usage de l’une est aux antipodes de celui de l’autre. Même le décor intérieur et l’ameublement témoigneront de profondes divergences philosophiques, culturelles, religieuses, entre la foi chrétienne et la religion islamique. Ces différences ne sont pas toujours perçues par les chrétiens, peu d’entre eux ayant eu l’occasion de pénétrer dans une mosquée, et encore moins la possibilité d’étudier la religion qu’elle représente.

Dans la vie musulmane, la mosquée est, outre le lieu des rassemblements pour la prière rituelle, le centre d’activités communautaires par excellence. Tel n’est pas le cas pour la majorité des églises, les chrétiens ne la fréquentant qu’à des heures fixes de la semaine, en dehors desquelles l’édifice peut rester fermé, au moins en ce qui concerne les chapelles ou les temples protestants. La mosquée, elle, constitue le noyau de l’existence et des activités politique, éducative, sociale et culturelle musulmanes.

Mahomet avait été aussi bien prophète que soldat, homme et chef d’État, fondateur d’empire; ses disciples furent soutenus par la foi en l’approbation divine, laquelle, croyaient-ils, se manifestait dans leurs éclatants succès et les victoires décisives qu’ils remportaient. L’association entre la religion et le pouvoir, la communauté des fidèles et le gouvernement, se voit clairement dans le Coran. Une conséquence en est que, pour l’islam, la religion ne couvre pas seulement un secteur de la vie. Elle s’adresse à la vie dans sa totalité, elle est une juridiction totale; aussi la religion et la cité y forment un seul organisme. Ce thème revient souvent dans les sermons prononcés dans les mosquées.

Par conséquent, le rôle que la mosquée tient est multiple. Celle du prophète à Médine était devenue, déjà, le centre de la première communauté islamique. La mosquée ne sert pas seulement de lieu d’adoration, mais d’institution éducative, de cour de justice, d’assemblée politique. À partir d’ici, le prophète et ses disciples établiront une société selon l’enseignement de l’islam.

L’architecture de la mosquée en a été le premier message, le plus caractéristique et le plus spectaculaire. Sa magnificence est fascinante et son originalité et l’élégance de sa décoration sont admirables en tant que centre et symbole de la vie religieuse : c’est là que le fidèle y priera et se prosternera devant Allah.

La prosternation lors de la prière n’est pas, comme on le pense souvent, une institution musulmane. Elle est essentiellement d’origine orientale, marquant l’attitude du suppliant envers son prince ou son souverain et, naturellement, elle a passé et a été adoptée par les religions orientales.

L’architecture de la mosquée n’est conçue ni pour offrir un cadre confortable à l’auditeur ni comme cadre liturgique à un simple drame religieux. Elle a été créée en vue de la discipline.

Depuis que l’islam est devenu plus militant et agressif, la mosquée et les offices qui s’y célèbrent sont devenus des centres de diffusion et de propagande. Dans certains pays islamiques, les complots contre l’autorité étatique y sont fomentés. Elle sert de sanctuaire dans lequel même la police de la sûreté intérieure hésite à s’en prendre à des conspirateurs.

Note

1Grand Larousse et Encyclopaedia Universalis, article « mosquée ».