Démonologie - Synthèse biblique
Démonologie - Synthèse biblique
Selon Rousas John Rushdoony que nous suivrons ici, l’enseignement biblique relatif aux démons et à Satan ne peut se comprendre en dehors de deux passages fondamentaux qui relatent, le premier, la tentation d’Ève, le second, celle du Christ au seuil même de son ministère public.
1. La tentation d’Ève⤒🔗
La tentation d’Ève jette les bases mêmes de toute religion fondamentalement démoniaque. Elle a été essentiellement la négation même de l’autorité de la Parole de Dieu : « Dieu a-t-il vraiment dit? », suivi du « sûrement vous ne mourrez pas »! (Gn 3.1,4).
Ainsi, à la parole souveraine de Dieu, le tentateur oppose une autre parole, qu’il prétend meilleure que celle du Créateur et Libérateur. Ensuite, il promet que les yeux du premier couple seront ouverts. La parole proposée pour éclairer et illuminer la créature n’est pas celle de Dieu, mais un discours qui jaillit d’une autre source. La première, la Parole de Dieu, est entièrement obscurcie, tandis que la seconde, celle de Satan, est élevée au rang d’un discours hautement illuminateur. Dès lors, l’homme, séduit par ce dernier, prétendra parvenir à la connaissance du bien et du mal en se référant à la parole d’une créature, et quelle créature! Même déchu, il est encore prince des ténèbres, entraînant derrière lui nombre de créatures spirituelles qui, depuis, se démènent et se déchaînent pour égarer la race humaine.
Notons l’arrogance de Satan. Il offre une sagesse étrangère à celle de Dieu. Il contredit ouvertement la Parole de Dieu et, lorsque cela lui convient, il en tord le sens. Satan est un rationaliste accompli, qui soumet la loi divine au jugement de la créature. De manière cynique, il cherche à répudier l’authenticité de la foi du juste. Il prétend faire un don grandiose, qui ne peut être pourtant que fictif! Dès sa première apparition, Satan se révèle comme le père des mensonges. Sans cesse, il se livre à une guerre ouverte, tantôt larvée, tantôt manifeste contre Dieu, contre la création et contre le peuple de Dieu.
Dans le récit de la Genèse, Satan apparaît véritablement sous les traits du Malin par excellence, le rusé qui n’a pas son pareil. Il n’attaque pas Ève de front, mais de façon insidieuse, en faisant planer le doute sur l’ordre du Dieu souverain : « Dieu a-t-il vraiment dit? » La question laisse entendre que Dieu avait imposé au couple humain une restriction malheureuse, inadmissible pour la liberté de celui-ci. Satan semble ignorer, ou bien il feint d’ignorer que le couple bénéficiait d’une entière liberté dans les limites de l’ordre divin, ayant le droit de toucher à tous les arbres du jardin et de goûter de leurs fruits. Mais rusé, cherchant à séduire et à égarer, Satan pointe son doigt vers un seul arbre. Ainsi, il enveloppe de sa suspicion la bonté même de Dieu. Après cela, il niera ouvertement le commandement en tenant Dieu pour menteur : « assurément, dit-il à Ève, vous ne mourrez pas ».
Il s’agit de la négation blasphématoire par excellence aussi bien de la justice que de la bonté divines; à celles-ci, Satan oppose sa propre bonté. Il accuse le juste Juge de la terre, le Tout-Puissant. Le prince des ténèbres se déguise en ange de lumière! Il offre les apparences d’un total désintéressement dans le seul souci de procurer au couple humain un bénéfice insoupçonné, autrement inabordable! « Vous serez comme des dieux », lance-t-il à notre mère à tous (Gn 3.5).
Satan remet en question la relation de bonne foi du couple avec Dieu, relation pourtant régie par les clauses gracieuses d’une alliance. En acceptant l’alternative satanique, Adam et Ève pénétrèrent dans un monde autre que le monde familier et propice dans lequel ils avaient été placés, le monde mauvais, le siècle méchant, dont il est question dans le Nouveau Testament. Il s’agira du monde assujetti à Satan. À la place de la foi en la révélation directement reçue du Créateur, le premier couple, et à sa suite le genre humain tout entier, établit le primat d’une raison devenue autonome, émancipée de Dieu. Adam et Ève deviennent leur propre référence. Au lieu d’un Dieu souverain qui fixe un ordre parfait, capable de procurer et de maintenir aussi bien la paix qu’une justice droite, permettant l’épanouissement de la perfection morale et d’atteindre la sainteté pour laquelle il est créé, l’homme s’arroge le droit de déterminer lui-même sa destinée ainsi que celle de son univers.
Notons en passant que le verbe « connaître » dans ce passage a le sens de « déterminer ». Selon le tentateur, l’homme peut devenir son propre dieu afin de décider à lui seul ce qui lui convient et ce qui lui est néfaste; car, au regard de Satan, il doit devenir sa propre source de prédestination. À la place du décret éternel de Dieu, il s’arrogera le droit d’établir sa propre destinée historique.
Notons également que la première tentation offre le premier exemple de possession démoniaque d’animaux! C’est un serpent qui devient le porte-parole du tentateur. On peut rapprocher ce fait du récit de l’exorcisme pratiqué par Jésus dans Luc 8.27-34, quand il laisse les démons entrer dans les pourceaux.
C’est que l’homme devint rebelle et apostat. Il pactisa avec Satan. La chute originelle ne fut donc pas une simple chute au sens d’un glissement plus ou moins grave, un accident fortuit sans conséquence, mais une catastrophe totale dont la mort fut l’inévitable et tragique conséquence.
2. La tentation de Jésus←⤒🔗
Lors de la tentation de Jésus, la manœuvre ou la tactique du diable ne fut pas essentiellement différente de la stratégie déployée au jardin d’Eden.
La lettre de Jacques nous informe que Dieu ne peut pas être tenté (Jc 1.13). Aussi, le Fils incarné sera-t-il abordé dans sa nature humaine. D’une certaine manière, la tentation de Jésus constitue la contrepartie de celle d’Adam et d’Ève. Mais la bataille se livrera sur le même terrain, celui de l’humanité. Contrairement au premier couple, Jésus-Christ, le second Adam, rencontrera le tentateur pour le rejeter, pour lui arracher toute prétention d’autorité, pour le mettre en déroute.
Jésus représente non seulement sa propre personne, mais encore le peuple dont il va devenir le Seigneur. Il ne faudrait pas faire de la tentation du Christ une simple réplique de celle d’Adam. Dans son cas, il est question de la tentation même du Messie et du Médiateur.
Dans l’incarnation du Fils de Dieu, Satan est confronté à une situation totalement nouvelle. Le Christ n’est pas seulement incarné, mais encore il l’est dans un état d’humiliation, il est venu se soumettre à l’ordre et au commandement de Dieu le Père. Satan pourra-t-il l’induire au mal, égarer le Messie et, en dernière analyse, le perdre?
Nous n’entrerons pas dans les détails de cet épisode dramatique de la carrière du Sauveur de l’humanité. Il suffit d’en relire les récits dans Matthieu 4.1-11 et Luc 4.1-13, l’Évangile selon Marc en donnant également une brève version (Mc 1.12-13). Cherchons à dégager les grandes lignes de la tactique déployée par Satan.
Remarquons qu’en approchant Jésus, Satan ne vient pas incognito. Au contraire, il apparaît tel qu’il est, avec son visage réel. Son arrogance va jusqu’à jeter le défi au Fils unique de Dieu.
L’essentiel consiste à revendiquer une domination universelle. Mais, ainsi que l’écrit Jean Calvin, il ne s’agit que d’une pure imposture. Jésus savait que Satan était un imposteur, un usurpateur. Il ne possède rien qui lui appartienne en propre. Le monde et ce qu’il contient appartiennent à Dieu (malgré certaines interprétations protestantes, notamment dispensationalistes, aux yeux de qui Satan n’est pas un menteur, car il détiendrait réellement le royaume sur terre).
Satan se montre sous son vrai jour, aspirant à un pouvoir qu’il ne possède pas. Mais si dans la mesure même où l’homme succombe pour se livrer à lui poings et mains liés, Dieu permet à Satan d’exercer sur lui un certain pouvoir! Mais la Bible affirme d’un bout à l’autre la transcendance souveraine divine. Nulle part, Satan ne peut prétendre être le propriétaire d’un seul pouce de terrain! (És 40.15-17; Ps 47.2-3). Reconnaître à Satan la moindre aire de domination serait de notre part le signe d’une franche incrédulité.
Si Satan est un usurpateur et un imposteur, le Christ, lui, est le Roi souverain et véritable de l’univers, sur les épaules de qui repose le gouvernement suprême de toutes choses, visibles et invisibles, dans les cieux et sur la terre. C’est la raison pour laquelle il n’a nul besoin d’accepter l’offre de l’adversaire, cette monnaie de singe d’un banqueroutier frauduleux. (Les passages suivants seront consultés avec profit : Ps 22.28-29; 47.2-3; 72; 89.28; Jr 10.6-7; Mt 28.20; Ap 1.5).
C’est dans le récit de ces deux tentations relatées par l’Écriture sainte, l’une dans l’Ancien Testament, l’autre au début du Nouveau Testament, que nous découvrirons l’essence de toute religion démoniaque; elle se manifeste également dans toutes les principales thèses des humanistes athées, qu’il s’agisse de l’humanisme ancien ou d’un humanisme nouvelle version, que ce soit sous forme de relativisme, de pragmatisme, de positivisme, d’existentialisme, de marxisme et de tout autre système philosophico-religieux de même nature. Tous ces systèmes de pensée et d’action suivent la même orientation fondamentale, tous sont animés de la même essence démoniaque.
Ces épisodes bibliques montrent que Satan se manifeste surtout à travers des affirmations doctrinales. Satan use de méthodes et de procédés doctrinaux qui lui sont propres pour s’infiltrer partout et pour s’imposer jusqu’aux plus rationnels des systèmes de pensée. Dès lors, toute forme d’humanisme athée, philosophique ou religieux, apparaîtra nécessairement comme étant d’origine et d’inspiration satanique, fruit de l’action des démons sur l’esprit humain. Il ne faudrait pas chercher le démonisme uniquement dans la brousse des pays primitifs ou dans les caves des grands ensembles des villes modernes auxquels nous faisions allusion plus haut. Là où la raison humaine s’impose comme critère de toute vérité et de toute réalité, sachons qu’il y a de sûres traces d’une action satanique. L’activité de Satan est une activité principalement intellectuelle, une action entreprise après mûre réflexion spirituelle, mais le rebours de la religion véritable.
La Bible refuse catégoriquement tout dualisme ultime entre les forces du bien et du mal, entre Dieu et Satan. Ce dernier et ses hordes d’anges déchus ne possèdent pas une force équivalente à la puissance du Dieu Créateur, dont la toute-puissance est notre garantie contre les ruses du diable, et qui, dans sa bienveillance même, sauvegarde sa création contre les assauts meurtriers de l’adversaire de nos âmes.