Cet article sur Exode 20.13 a pour sujet le 6e commandement qui interdit le meurtre et le suicide, mais aussi la colère, l'insulte, la vengeance. Le crime doit être puni par le gouvernement établi par Dieu.

Source: Les dix commandements (ÉK). 4 pages.

Les dix commandements (7) - Le sixième commandement

« Tu ne commettras pas de meurtre. »

Exode 20.13

Le sixième commandement déclare : « Tu ne commettras pas de meurtre. » Le Catéchisme de Heidelberg expose de la manière suivante la signification de ce commandement à la question 105 :

« Que Dieu veut-il dans le sixième commandement? — Que je n’insulte, ne haïsse, n’offense ou ne tue pas mon prochain, par mes pensées, mes paroles, mon comportement et encore moins par mes actes, mais que je me dépouille de tout désir de vengeance. Je ne dois pas non plus me nuire à moi-même ou m’exposer témérairement au danger. C’est aussi pourquoi le magistrat porte l’épée pour s’opposer au meurtre. »

Cette explication contient beaucoup d’éléments et mérite qu’on les examine chacun de plus près.

Tout d’abord, nous remarquons que le Catéchisme commence par nous parler d’autre chose que de meurtre : il mentionne les insultes, la haine, les offenses. Cela entre-t-il vraiment dans le cadre du sixième commandement? Dans le Sermon sur la Montagne (que nous trouvons en Matthieu 5 à 7), Jésus enseigne aux foules :

« Vous avez entendu qu’il a été dit aux anciens : “Tu ne commettras pas de meurtre”; celui qui commet un meurtre sera passible du jugement. Mais moi je vous dis : Quiconque se met en colère contre son frère sera passible du jugement » (Mt 5.21-22).

Il est clair que, pour Jésus-Christ, colère et insultes contre son prochain sont, devant Dieu, aussi graves qu’un meurtre physique. Cela ne fait qu’accentuer la gravité de la condition des hommes, lesquels sont inexcusables face à la loi de Dieu. Lequel d’entre nous peut en effet se targuer de ne s’être jamais mis en colère contre son frère?

Le deuxième aspect à noter, qui découle du précédent, concerne notre attitude à chacun. Il n’y a pas que les paroles ou les actes, qui peuvent nuire à notre prochain, mais notre comportement aussi, jusqu’à nos propres pensées. Les toutes premières pages de la Bible confirment cela avec l’exemple de Caïn, le premier meurtrier de l’histoire des hommes. Au chapitre 4 du livre de la Genèse, nous lisons ceci :

« L’Éternel porta un regard favorable sur Abel et sur son offrande; mais il ne porta pas un regard favorable sur Caïn ni sur son offrande. Caïn fut très irrité, et son visage fut abattu. L’Éternel dit à Caïn : Pourquoi es-tu irrité, et pourquoi ton visage est-il abattu? Si tu agis bien tu relèveras la tête, mais si tu n’agis pas bien, le péché est tapi à ta porte; son désir se porte vers toi, mais toi, maîtrise-le! Mais Caïn dit à son frère Abel : Allons aux champs. Et lorsqu’ils furent dans les champs, Caïn se jeta sur son frère Abel, et le tua » (Gn 4.4-8).

C’est d’abord en pensée que Caïn a tué son frère, à cause d’une colère intérieure qu’il n’a pas maîtrisée, malgré l’avertissement de Dieu, qui l’enjoignait pourtant à se contrôler. C’est en pensée que la préméditation du meurtre a germé. La pensée n’était pas innocente, même si Caïn n’était pas encore passé à l’acte. Le Catéchisme nous rappelle que la manière dont nous contrôlons nos pensées, surtout dans les moments de crise dans nos rapports avec d’autres hommes ou femmes, est soumise à la loi de Dieu. Dieu connaît tout ce qui se passe dans notre for intérieur et nous en demande des comptes.

Le troisième aspect que le Catéchisme soulève a trait à la vengeance. Chercher à se venger personnellement (ou en tant que groupe) est par nature criminel, nous dit Jésus. L’apôtre Paul enjoint aussi les chrétiens de Rome à ne pas chercher à se venger eux-mêmes des torts qu’on pourrait leur faire, car il y a des pouvoirs publics en place pour cela. Il leur écrit : « Ne vous vengez pas vous-mêmes, bien-aimés, mais laissez agir la colère, car il est écrit : À moi la vengeance, c’est moi qui rétribuerai, dit le Seigneur » (Rm 12.19). Et le Catéchisme souligne : « C’est aussi pourquoi le magistrat porte l’épée pour s’opposer au meurtre. »

La Bible n’enseigne pas que le crime doit rester impuni, mais que c’est à un pouvoir civil institué par Dieu qu’il revient de juger le crime. Si chacun se fait justice soi-même, on aboutit très vite au chaos social et politique. Chacun se persuade d’être dans son droit et laisse ses émotions l’emporter, jusqu’à commettre des crimes plus graves encore que ceux dont il réclame réparation. Certes, lorsque les pouvoirs publics ne fonctionnent plus, ou sont nonchalants, ou encore n’ont pas suffisamment de moyens pour assurer l’ordre et la justice, la tentation de se faire justice soi-même devient très forte.

Il faut pourtant résister à cette tentation, et suivre l’exemple de Jésus-Christ lui-même, condamné injustement par des hommes iniques, mais dont Pierre écrit, dans sa première lettre :

« Le Christ a souffert pour vous, vous laissant un exemple, pour que vous suiviez ses traces. Il n’a commis aucun péché, ses lèvres n’ont jamais prononcé de mensonge. Injurié, il ne ripostait pas par l’injure. Quand on le faisait souffrir, il ne formulait aucune menace, mais remettait sa cause entre les mains du juste Juge » (1 Pi 2,21-23).

Les croyants chrétiens, tout en refusant la vengeance personnelle, ont un devoir de contribuer à l’établissement ou au renforcement d’institutions qui assurent la justice publique. Cet objectif (et bien d’autres raisons encore) justifie leur engagement dans la politique de leur pays. L’État et le gouvernement qui le dirige sont voulus par Dieu, et cela fait partie du mandat confié à l’homme que de travailler à leur établissement, leur préservation et leur réforme toutes les fois que c’est nécessaire, en vue de la justice publique. Celle-ci doit refléter les normes de la justice divine.

Notez aussi qu’en parlant du « magistrat qui porte l’épée », c’est-à-dire toute arme ou tout moyen qui lui confère un pouvoir exécutif, et non une simple autorité de nom, le Catéchisme entérine le principe de la peine de mort, suivant en cela l’apôtre Paul qui écrit aux chrétiens de Rome, au chapitre 13 :

« Celui qui s’oppose à l’autorité résiste à l’ordre de Dieu, et ceux qui résistent attireront une condamnation sur eux-mêmes. Les gouvernants ne sont pas à craindre quand on fait le bien, mais quand on fait le mal. Veux-tu ne pas craindre l’autorité? Fais le bien, et tu auras son approbation, car elle est au service de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, sois dans la crainte : car ce n’est pas en vain qu’elle porte l’épée, étant au service de Dieu pour montrer sa vengeance et sa colère à celui qui pratique le mal » (Rm 13.2-4).

Ce passage définit aussi le devoir des autorités publiques vis-à-vis des ressortissants d’un État, puisqu’il leur enjoint, indirectement, mais tout à fait clairement, de chercher à récompenser le bien. Que de fois ne voyons-nous pas des gouvernants corrompus et criminels récompenser ceux qui les servent en faisant le mal, et persécuter ceux qui font le bien.

Si le principe de la peine de mort est clairement énoncé dans la Bible, aussi bien dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau Testament, en revanche son application est souvent elle-même criminelle quand elle est dévolue à des régimes politiques sanguinaires ou malhonnêtes. Ils ne recherchent pas la justice, mais leurs intérêts particuliers ou de groupe. Quoi qu’il en soit, notons que le sixième commandement doit être compris comme : « Tu ne commettras pas de meurtre », et non comme : « Tu ne tueras pas », en vertu de cette possibilité d’exécuter de manière légale des criminels endurcis dûment jugés et reconnus coupables.

Le Catéchisme nous présente un autre aspect lié au sixième commandement, celui du suicide : « Je ne dois pas non plus me nuire à moi-même ou m’exposer témérairement au danger », nous dit-il. Le suicide est un meurtre, le meurtre d’une personne créée par Dieu. Nous savons qu’il existe chez certaines victimes de dépressions nerveuses très profondes, ou d’autres troubles psychiques avancés, des pulsions de mort terribles, qui affectent la volonté et peuvent amener quelqu’un à se supprimer lui-même. De cela, il nous faut aussi tenir compte lorsque l’on juge un tel acte. Cela dit, le suicide demeure un acte contraire à la volonté de Dieu, le Créateur de toute vie. Beaucoup de suicides sont des actes de désespoir qui témoignent de l’absence de foi dans le Dieu Rédempteur. Là où Dieu est inconnu, là où le salut en Jésus-Christ et les fruits qu’il nous apporte sont ignorés, il ne peut y avoir aucune espérance, surtout dans les circonstances de la vie les plus amères. Mais là où la foi est vivante, l’espérance aussi est vivante. Notre vie a un sens aux yeux de Dieu, même lorsque nous souffrons. Cette souffrance n’est pas l’horizon ultime de notre existence, il existe quelque chose de plus élevé, qui peut donner un sens à notre souffrance et même nous apprendre à la dépasser. Comme celle qu’a endurée Jésus-Christ, notre souffrance n’est que temporelle, aussi aiguë qu’elle puisse être.

En nous enjoignant à ne pas nous exposer témérairement au danger, le Catéchisme nous rappelle que nous avons une responsabilité vis-à-vis de notre Créateur dans la conduite de notre vie et par rapport aux risques que nous prenons. Le don de la vie qui est fait à chacun de nous implique une gestion de nos actes, car nous aurons aussi des comptes à rendre de la manière dont nous nous serons comportés vis-à-vis de notre vie physique. On ne joue pas avec la vie humaine comme avec un ballon. Pratiquer la roulette russe ou certains sports violents et destructeurs, se droguer ou conduire sur la route en mettant sa propre vie comme celle des autres en danger est une attitude criminelle. Toute activité choisie dont nous savons qu’elle provoque à plus ou moins long terme la destruction de notre corps est une activité criminelle aux yeux de Dieu, même si elle n’est pas punissable par les lois humaines.

Le Catéchisme de Heidelberg nous enseigne d’autres choses au sujet du sixième commandement. Nous étudierons dans un autre article cet enseignement conforme à celui de la Bible.