Faut-il donner la dîme?
Faut-il donner la dîme?
« Faux-il payer la dîme? »
Question d’un correspondant
Cet article s’adresse naturellement en premier lieu à ceux qui, faisant partie d’une Église, se posent cette question par rapport à la pratique courante de la dîme. Cependant, la question a une portée générale dans la mesure où elle concerne l’enseignement biblique sur ce qui appartient à Dieu et comment le montrer concrètement.
Examinons donc ensemble ce qu’enseigne la Bible sur ce sujet.
« La terre et ses richesses appartiennent à l’Éternel. L’univers est à lui avec ceux qui l’habitent. C’est lui qui a fondé la terre sur les mers, qui l’a établie fermement au-dessus des cours d’eau » (Ps 24.1-2).
C’est ainsi que débute le Psaume 24, et ce n’est certes pas la première fois que je cite ce passage. L’univers appartient à celui qui l’a créé, cela détermine en soi l’utilisation que chacun doit faire des ressources qui sont à sa disposition. Avant d’examiner des passages bibliques qui concernent la dîme, disons simplement que celle-ci est l’offrande d’un dixième de ses biens à Dieu sous une forme ou une autre.
Dès le livre de la Genèse, le premier livre de la Bible, on trouve deux mentions de la dîme, qui concernent les patriarches Abraham et Jacob. Après avoir remporté une victoire sur une coalition de quatre rois, Abram rencontre Melchisédek, roi de Salem, c’est-à-dire de ce qui sera ensuite appelé Jérusalem. Melchisédek fait apporter du pain et du vin, car il est sacrificateur du Dieu très-haut. Il bénit Abram et dit :
« Béni soit Abram par le Dieu très-haut, Maître du ciel et de la terre! Béni soit le Dieu très-haut qui a livré les adversaires entre tes mains. Et Abram lui donna la dîme de tout » (Gn 14.19-20).
On voit ici que cette dîme payée par Abraham revient à un personnage qu’il considère comme supérieur à lui, car ce Melchisédek est sacrificateur du Dieu très-haut. D’ailleurs, comme l’auteur de la lettre aux Hébreux l’explique dans le Nouveau Testament, ce Melchisédek est tout d’abord roi de justice — c’est ce que son nom signifie en hébreu — et il est ensuite roi de paix, car il est roi de Salem, mot qui signifie « paix ». Puis, ajoute l’auteur de la lettre aux Hébreux à propos de Melchisédek :
« Il est sans père, sans mère, sans généalogie; il n’a ni commencement de jours ni fin de vie. Et, rendu semblable au Fils de Dieu, il demeure sacrificateur à perpétuité. Or, considérez combien il est grand, celui à qui Abraham lui-même, le patriarche, donna la dîme de tout! » (Hé 7.3-4).
Il y a ici une identification entre ce personnage qui n’est mentionné ni avant ni après dans la Genèse, et le Fils de Dieu lui-même. Abraham, le héros de la foi par excellence, le père de tous les croyants, lui doit la dîme.
L’autre passage du livre de la Genèse concernant la dîme est mentionné dans l’histoire de Jacob, le petit-fils d’Abraham qui vient d’avoir une vision. Après avoir construit un autel pour commémorer cette vision, il fait le vœu suivant :
« Cette pierre que j’ai érigée en stèle sera la maison de Dieu. Je te donnerai la dîme de tout ce que tu me donneras » (Gn 28.22).
La mention suivante de la dîme, dans l’Ancien Testament, se trouve à la fin du livre du Lévitique, donc dans la loi de Moïse :
« Toute dîme des produits de la terre, soit des semences de la terre, soit des fruits des arbres, appartient à l’Éternel; c’est une chose consacrée à l’Éternel » (Lv 27.30).
Mais à qui la dîme profite-t-elle directement? Que deviennent le produit des cultures ou les animaux offerts par ceux qui paient la dîme conformément à la loi donnée à Moïse? Le passage suivant du livre des Nombres nous le révèle. Il y est parlé des fonctions et des revenus des sacrificateurs du peuple et des lévites, qui rendent le service du culte à Dieu. Dieu s’adresse ici à Aaron, le frère de Moïse, chargé du culte avec sa famille et la tribu à laquelle ils appartiennent, celle de Lévi :
« L’Éternel dit à Aaron : Tu n’auras pas d’héritage dans leur pays, et il n’y aura point de part pour toi au milieu d’eux; c’est moi qui suis ta part et ton héritage au milieu des Israélites. Je donne comme héritage aux fils de Lévi toute dîme en Israël, en échange du service qu’ils font, le service de la tente de la rencontre » (Nb 18.20-21).
La dîme due à Dieu revient à l’entretien du culte, en particulier à subvenir aux besoins de ceux qui sont appelés à ce service particulier. Dans les écrits prophétiques de l’Ancien Testament, on lit maintes exhortations à s’acquitter de cette obligation qui rappelle à tout croyant qu’il est redevable à Dieu de tout ce qu’il possède. Payer la dîme, non de manière contrainte et forcée, mais avec joie et reconnaissance, est le signe qu’on sait de qui viennent nos ressources, quelles qu’elles soient d’ailleurs. Car la dîme n’est pas une obligation de reconnaissance faite aux riches seulement, elle s’applique à tous les croyants.
Voici un passage du dernier livre de l’Ancien Testament, le livre du prophète Malachie qui parle sévèrement au nom de l’Éternel à ceux qui négligent de payer la dîme :
« Depuis le temps de vos pères, vous vous êtes écartés de mes prescriptions, vous ne les avez pas gardées. Revenez à moi, et je reviendrai à vous, dit l’Éternel des armées. Et vous dites : “comment devons-nous revenir? Un être humain peut-il voler Dieu?” Pourtant vous me volez et puis vous demandez : “En quoi t’avons-nous donc volé?” Lorsque vous retenez vos offrandes et vos dîmes! Vous êtes sous le coup d’une malédiction parce que tout ce peuple, vous tous, me volez » (Ml 3.7-9).
On ne saurait être plus clair.
Le principe de la dîme n’est pas annulé dans le Nouveau Testament. Jésus ne l’abolit pas, mais condamne le formalisme avec lequel certains personnages soi-disant religieux s’acquittaient de la dîme telle qu’elle était prescrite de son temps, mais ne pratiquaient pas la justice et l’amour de Dieu. Donc nous pouvons dire avec certitude que l’enseignement biblique au sujet de la dîme reste toujours valable aujourd’hui pour les chrétiens dans l’Église. Bien sûr, les conditions ou circonstances peuvent varier, et la manière dont on s’acquitte de cette offrande n’est pas nécessairement la même partout. Certains peuvent apporter leur offrande en nature, d’autres en espèces. On peut même envisager que ceux qui ne disposent que de très maigres ressources donnent une partie de leur temps de travail à l’Église, ce qui correspondrait à une rémunération s’ils étaient employés.
Un principe clairement énoncé aussi bien dans l’Ancien Testament que le Nouveau, est que ceux qui prennent de la peine au gouvernement de l’Église et à la prédication, à l’enseignement dans l’Église, en y consacrant tout leur temps, doivent pouvoir vivre convenablement de ce service particulier, comme les Lévites dans l’Ancien Testament. Un passage de la première lettre de Paul à Timothée est explicite à cet égard.
« Que les anciens qui président bien soient jugés dignes d’une double rémunération, surtout ceux qui prennent de la peine à la prédication et à l’enseignement. Car l’Écriture dit : Tu n’emmuselleras pas le bœuf qui foule le grain, et ailleurs : L’ouvrier mérite son salaire » (1 Tm 5.17-18).
Le mot traduit par « rémunération » signifie aussi « honneur », mais dans le contexte du passage, avec les citations de l’Ancien Testament qui suivent, il s’agit clairement de l’entretien matériel des anciens de l’Église qui s’occupent d’enseigner et de prêcher à l’assemblée des fidèles, donc les pasteurs ou évêques.
Il faut beaucoup insister sur ce point, surtout dans le contexte de bien des jeunes Églises où l’on néglige souvent de prendre matériellement soin des dirigeants de la communauté, comme si ceux-ci, du fait même de leur vocation, étaient dispensés de se nourrir, se vêtir, se loger, avec leur famille. Les ressources limitées des membres de l’Église ne sont jamais une excuse pour ne pas pourvoir d’une façon ou d’une autre aux besoins de ceux qui les nourrissent spirituellement en leur apportant la Parole de Dieu. L’avertissement du prophète Malachie a aujourd’hui la même valeur qu’il y a 2300 ans.
Bien sûr, l’autre versant de ce principe est que les conducteurs spirituels de l’Église doivent s’acquitter de leur charge honorablement, sinon ils ne méritent pas le double honneur ou la double rémunération dont parle l’apôtre Paul. Si la prédication n’est pas fidèle au contenu de l’Écriture, si elle dérive vers des tendances sectaires, si elle ne glorifie pas Dieu qui s’est révélé de manière finale en Jésus-Christ, si elle ne met pas Christ au centre et ne sert qu’à exercer un pouvoir personnel, voire un contrôle mental sur les fidèles, alors verser la dîme n’a pas lieu d’être. Vouloir l’imposer n’est qu’un abus de plus, l’usurpation de ce qui revient en premier à Dieu, lequel ordonne sa distribution à ses serviteurs fidèles.
L’exhortation de l’apôtre Pierre aux anciens et aux fidèles de l’Église, que l’on trouve au dernier chapitre de sa première lettre, dans le Nouveau Testament, nous servira de conclusion :
« J’exhorte donc les anciens qui sont parmi vous, moi, ancien comme eux, témoin des souffrances du Christ et participant à la gloire qui doit être révélée : faites paître le troupeau de Dieu qui est avec vous, non par contrainte, mais volontairement selon Dieu; ni pour un gain sordide, mais de bon cœur; non en tyrannisant ceux qui vous ont été confiés, mais en devenant les modèles du troupeau; et, lorsque le souverain pasteur paraîtra, vous remporterez la couronne incorruptible de la gloire. De même, jeunes gens, soyez soumis aux anciens. Dans vos rapports mutuels, revêtez-vous tous d’humilité, car Dieu résiste aux orgueilleux, mais il donne sa grâce aux humbles » (1 Pi 5.1-5).