Cet article a pour sujet le décès de Matt Baugh en 2006 qui a oeuvré comme missionnaire en Haïti.

4 pages. Traduit par RC

Haïti - À la mémoire de Matt Baugh

En 2 Corinthiens 11.24-27, Paul donne un aperçu de l’étendue des souffrances qu’il a endurées pour le Christ :

« Cinq fois j’ai reçu des Juifs quarante coups moins un, trois fois j’ai été battu de verges, une foi j’ai été lapidé, trois fois j’ai fait naufrage. […] Souvent en voyage, exposé aux dangers des fleuves, aux dangers des brigands, […] aux dangers du désert, aux dangers de la mer, aux dangers parmi les faux frères, […] souvent dans les veilles, dans la faim et dans la soif; souvent dans les jeûnes, dans le froid et le dénuement. »

Paul savait que ses souffrances étaient un élément essentiel à sa vie chrétienne :

« Mais ce qui était pour moi un gain, je l’ai considéré comme une perte à cause du Christ. […] À cause de lui, j’ai accepté de tout perdre, et je considère tout comme des ordures, afin de gagner Christ, et d’être trouvé en lui. […] Mon but est de le connaître, lui, ainsi que la puissance de sa résurrection et la communion de ses souffrances, en devenant conforme à lui dans sa mort, pour parvenir, si possible, à la résurrection d’entre les morts » (Ph 3.7-11).

La persécution est certainement la façon prééminente d’avoir part aux souffrances du Christ, mais les paroles de Paul aux Corinthiens et aux Philippiens nous font bien comprendre que tout danger et toute épreuve durant cette vie font partie de cette communion aux souffrances du Christ.

Alors qu’elle servait Jésus-Christ en Haïti, la famille Baugh, comme beaucoup d’autres familles missionnaires qui ont œuvré dans bien d’autres champs missionnaires avant eux, a dû affronter plusieurs épreuves et dangers de cet ordre. La malaria, la fièvre dengue, la dysenterie, des conditions routières et maritimes dangereuses, des enlèvements, des fusillades, des vols et des troubles politiques font partie de la vie du peuple haïtien et de ceux qui vont leur annoncer l’Évangile.

Matt Baugh comprenait la réalité de ces dangers. Avant d’aller en Haïti, il a écrit ceci :

« Il a été difficile de quitter l’Église si chère à mon cœur et dont j’avais la charge dans l’état du Mississippi. De plus, considérant les nombreux défis qui nous attendaient, la perspective de déménager en Haïti avec nos cinq enfants m’a un peu découragé. Il me semble toutefois clair que le Seigneur m’a providentiellement accordé les dons nécessaires pour voir les doctrines de la grâce produire des changements dans la vie du peuple haïtien ainsi qu’un profond désir d’œuvrer parmi eux. J’ai très hâte de voir les choses merveilleuses qu’il accomplira et je m’attends à beaucoup. Bien que la plupart des Haïtiens croient que l’île appartient à Satan et qu’ils l’adorent au moyen du vaudou, nous savons que l’île a été donnée à Jésus-Christ lors de son ascension. Satan, l’usurpateur, a été lié pour qu’il ne puisse plus tromper les nations. C’est un réel privilège d’être ambassadeur du Christ en vue d’appeler le peuple haïtien à rendre hommage au Roi des rois et à trouver le pardon grâce à son si grand amour. Que Dieu nous donne la grâce d’être fidèles à son appel. »

Notre Dieu est souverain, bon et bienveillant. Depuis toute éternité, il a décrété les dangers que nous devrons affronter ainsi que les moyens par lesquels il nous retirera de ce monde. Ces moyens sont pour sa gloire et pour notre bien (Rm 8.28). Une fois, Matt s’est caché dans un conteneur utilisé pour le transport de marchandises pendant que des coups de feu d’armes automatiques pleuvaient autour de lui. À une autre occasion, il a enfoncé un barrage de pneus enflammés. Une autre fois, il a dormi dans un édifice en feu et rempli de fumée. Le Seigneur aurait pu venir le prendre à l’un ou l’autre de ces moments ou lors de n’importe quelle de ses traversées en bateau pour se rendre sur l’île de la Gonâve ou encore lorsqu’il circulait en tap-tap (camionnette transformée en taxi servant de moyen de transport public) sur les routes tortueuses du pays. C’est toutefois le 4 mai 2006 que notre Seigneur a choisi comme occasion, alors que Matt conduisait sa motocyclette.

Ce jour-là, Matt se dirigeait vers le sud sur la route nationale no 1 pour aller rencontrer le pasteur Charles Amicy afin de discuter des détails d’une rencontre de formation de dirigeants qui devait avoir lieu au mois d’août. Cette rencontre permettrait, pour la première fois, aux dirigeants d’Églises qui travaillaient avec le pasteur Matt et le pasteur Charles de se rencontrer.

Matt s’approchait d’une colline, juste au sud de Williamson, à l’embranchement qui mène au village de pêche de Luly. S’approchant du même sommet, en direction opposée, un tap-tap a traversé sur la voie de Matt pour éviter un nid-de-poule. Ils se sont frappés de plein fouet. Les Haïtiens qui ont vu la scène ont arrêté un autre tap-tap pour y faire monter Matt afin de l’amener à une clinique ouverte à temps partiel dans le village voisin de Centre.

Durant les deux heures qui ont suivi, la nouvelle s’est répandue jusqu’à Kaliko et son épouse Shannon a été informée de l’accident. Quelqu’un a composé le dernier numéro qui avait été composé sur le téléphone cellulaire de Matt; la personne est ainsi entrée en communication avec le pasteur Charles et lui a dit ce qui venait d’arriver. Environ deux heures après l’accident, Shannon est passée devant la motocyclette tordue de Matt. Le pasteur Charles est arrivé à Centre peu avant Shannon. Matt a été mis dans la voiture de la famille Baugh pour être amené à un hôpital.

Pendant le trajet, Shannon a pu parler avec Matt. Elle lui a récité des passages bibliques, elle a prié et chanté des hymnes avec lui et elle a essayé de l’encourager. Quand il a cessé de respirer, elle a pratiqué la réanimation cardio-respiratoire. Le moment était cependant arrivé pour le Seigneur de reprendre Matt auprès de lui. Son travail ici pour le Sauveur était terminé et il est mort avant d’arriver à l’hôpital. (Le conducteur du tap-tap et son véhicule ont été amenés au poste de police, mais le conducteur a été relâché sans accusation.)

Matt nous manque, mais la question de Shannon et de plusieurs est celle-ci : « Qui va continuer le travail? » Avant sa mort, nous cherchions un pasteur qui pouvait se joindre à lui. Nous en avons maintenant besoin de deux.

Nous ne sommes pas les premiers à faire face à de telles circonstances. En avril 1876, la Société missionnaire de Londres envoya cinq membres de sa première expédition missionnaire à Victoria Nyanza, en Ouganda. Avant de partir, les cinq ont eu l’occasion de prendre la parole. Le secrétaire de la société nous rappelle l’événement :

« Nous nous souvenons très bien de l’un de ces cinq petits discours, celui d’Alexander Mackay. […] “Il y a une chose que mes frères n’ont pas dite et que je voudrais dire. Je veux rappeler au comité que d’ici six mois ils vont probablement apprendre que l’un de nous est décédé.” Ces paroles étaient saisissantes et le silence était palpable. Puis il continua : “Oui, est-il vraiment possible que huit Anglais partent pour l’Afrique centrale et qu’ils soient toujours tous vivants six mois plus tard? L’un d’entre nous tombera sûrement avant cela, et ce peut être moi. Cependant, j’aimerais dire ceci : Quand vous recevrez la nouvelle, ne soyez pas découragés, mais envoyez immédiatement quelqu’un d’autre pour occuper le poste vacant.” »

Dieu avait fait Matt pour le travail de construction et d’édification de l’Église du Christ en Haïti. Peu avant sa mort, Matt a écrit une lettre qu’il s’apprêtait à envoyer aux Églises OPC (Orthodox Presbyterian Church). Voici un extrait de cette lettre :

« Chers amis, merci pour vos prières et votre soutien constant pour la mission en Haïti. La main du Seigneur bénit le travail ici et nous fortifie! Plusieurs visiteurs sont venus nous aider à la maison et sur l’île de la Gonâve. […] Nous espérons que la situation politique va s’améliorer suffisamment pour que nous puissions recevoir d’autres équipes : des équipes médicales, des équipes pour enseigner la Bible aux enfants durant les vacances, des équipes de construction et des équipes d’enseignants. […] Le Seigneur nous donne plusieurs possibilités de ministère. Quand je traverse des villages à pied pour me rendre là où je dois aller prêcher, il me pèse de voir que tant de ces villages n’ont aucun témoignage de l’Évangile. Je vois des enfants jouer autour de tombes décorées et de péristyles vaudou (lieux de culte) et je remercie le Seigneur pour “les bornes de ma demeure” (Ac. 17.26), tout en pleurant pour ces enfants perdus et désespérés. Veuillez prier le Seigneur pour qu’il envoie plus d’ouvriers dans la moisson! »
« Cela fait réfléchir de voir à quel point la mort nous côtoie ici. (1) L’année dernière, j’ai pris un raccourci par un chemin de terre et je suis passé près d’un cadavre qui gisait sur la route. L’homme avait été abattu d’une balle derrière la tête. Les vendeurs marchaient à côté avec leurs enfants et leurs ânes chargés comme si la scène était courante. (2) Un pasteur d’une Église avec qui nous travaillons sur le continent est mort soudainement il y a quelques semaines. Il était dans la quarantaine et a laissé sa femme dans le deuil. (3) La semaine dernière, nous étions en voiture dans Port-au-Prince après avoir fait l’épicerie et nous avons été pris dans un bouchon de circulation. Le corps d’un adolescent venait d’être frappé par un camion alors qu’il conduisait sa bicyclette sur une rue achalandée. […] (4) Nous avons récemment reporté une conférence qui devait avoir lieu sur l’île de la Gonâve parce que le jeune fils de notre hôte est mort de la dysenterie. L’importance de la mort dans cette culture et son acceptation comme une chose banale sont une indication de l’ignorance de l’Évangile, de l’ignorance de la signification de la mort et du besoin de l’espérance de la vie éternelle. Veuillez prier pour que nous soyons fidèles à prêcher et à enseigner l’Évangile de notre glorieux Seigneur Jésus-Christ qui donne la vie. »

Qui donc Dieu appellera-t-il maintenant pour poursuivre le travail de Matt? Le travail en vue d’établir la première Église presbytérienne et réformée dans l’histoire d’Haïti est à peine commencé. Qui ira là-bas? Qui est prêt à participer aux souffrances du Christ, à affronter les dangers, à être utilisé à la gloire du Christ et à participer à la construction de son Église?

Note de la rédaction : Depuis que cet article a été écrit l’année dernière, un nouveau missionnaire, le Canadien Ben Hopp, a été appelé, avec son épouse Heather, pour continuer l’œuvre missionnaire en Haïti. Nous pouvons être reconnaissants au Seigneur qu’il envoie des ouvriers dans la moisson et prier qu’il protège la famille Hopp dans ce nouveau travail qu’ils commenceront ce printemps.