Cette fiche de formation a pour sujet la prédication qui doit situer le texte biblique dans le plan de rédemption de Dieu. Jésus-Christ doit être au centre du message, sinon il tombera dans le moralisme et le légalisme.

Source: Cours d'homilétique - L'art de prêcher la Parole de Dieu. 6 pages.

Homilétique (4) - Construire des prédications rédemptrices

  1. La démarche de la prédication rédemptrice
  2. La condition humaine déchue
  3. L’orientation rédemptrice
  4. Les messages non rédempteurs
    a. « Soyez comme »
    b. « Soyez bons »
    c. « Soyez disciplinés »
  5. Le fond du problème
  6. Déchiffrer les signaux de la rédemption
    a. Le fondement rédempteur
    b. La progression rédemptrice

1. La démarche de la prédication rédemptrice1 🔗

Anecdote : Une femme de ménage, pendant la semaine de cours, a tenu à ce que sa fille (11 ans) vienne me rencontrer. La petite ne sait trop que dire. Je lui pose des questions pour l’aider à parler. Elle est en CM2. Elle est catholique. Elle ne connaît pas d’histoires de la Bible. Mais elle va au catéchisme. Qu’y a-t-elle appris? Qu’il faut être gentil avec ceux qui sont méchants avec nous. Cela a soulevé en moi des questions. Est-ce un principe de vie chrétienne ou un principe de morale universelle? Cette fillette ne va-t-elle pas imaginer que si elle parvient à être gentille, Jésus l’aimera? Est-ce ce que dit l’Évangile? Depuis quand l’amour de Dieu dépend-il de ce que nous pouvons faire? N’est-ce pas, en un sens, la négation de l’Évangile? La prédication évangélique peut aussi fonctionner comme cela : la lecture de la Bible, la sanctification, l’évangélisation, la prière… vont-elles contribuer, un tant soit peu, à ce que nous méritions l’amour de Dieu?

La nature humaine est viscéralement attachée à l’idée de mérites. La Confession de foi de Westminster (XVI, 5) dit : « Nous ne pouvons pas, par nos meilleures actions, mériter le pardon de nos péchés […] ni payer, par elles, la dette de nos péchés antérieurs. »

L’Écriture, dans sa totalité, est une révélation rédemptrice, inspirée pour apporter une réponse divine à la condition humaine déchue. Toute prédication doit donc garder une orientation christocentrique.

Cette démarche consiste à repérer les principes rédempteurs qui apparaissent dans le texte ou en arrière-plan du texte :

  • Mettre en lumière le ou les aspects de la nature divine qui sont à l’origine de la rédemption.

  • Mettre en lumière le ou les aspects de la nature humaine qui exigent la rédemption.

  • Définir l’application que ces principes rédempteurs devaient avoir dans la vie des auditeurs ou des lecteurs originaux du texte.

  • Appliquer ces principes rédempteurs à la vie présente, à la lumière des caractéristiques ou conditions humaines communes que les croyants d’aujourd’hui ont avec les auditeurs ou les lecteurs originaux.

Ce repérage ne sera pas aussi aisé pour tous les textes de l’Écriture, mais dans tous les cas, il aidera à situer le texte dans le plan rédempteur de Dieu2.

Chaque génération doit redécouvrir la grâce pour elle-même, car les hommes n’ont pas la capacité naturelle d’accueillir cette idée : nous ne pouvons rien faire qui soit susceptible de nous rendre acceptables aux yeux de Dieu. Nos meilleures œuvres ne sont que « vêtement souillé » à ses yeux (És 64.5). Elles ne peuvent devenir acceptables que si leur souillure est couverte par le Christ.

2. La condition humaine déchue🔗

L’aspect de la condition humaine que présente un texte fournit au prédicateur une orientation précise. Tout texte de l’Écriture (2 Tm 3.16) — et par conséquent toute prédication qui s’attache à l’Écriture — vise un aspect particulier de notre condition qui nécessite l’intervention de la grâce de Dieu. La prédication fidèle cherchera à comprendre la manière dont le texte présente la condition humaine et traitera cet aspect de notre condition à l’aide de la grâce révélée dans le texte. Le prédicateur doit donc aborder le texte en se demandant ce que ses auditeurs ont en commun avec les destinataires initiaux. Dieu a voulu en effet que la Bible soit au service d’une intention originelle et d’une utilisation actuelle3. L’aspect de la condition humaine évoqué doit donc être intégré dans la prédication.

Nous trouvons de cela des exemples bibliques.

« En effet, c’est bien dans la loi de Moïse qu’il est écrit : Tu ne muselleras pas le bœuf pendant qu’il foule le grain. Dieu s’inquiéterait-il ici des bœufs? N’est-ce pas pour nous qu’il parle ainsi? Bien sûr que si! C’est pour nous que cette parole a été écrite, car il faut que celui qui laboure le fasse avec espérance et que celui qui bat le blé puisse compter sur sa part de la récolte » (1 Co 9.9-10).
« Tous ces événements leur sont arrivés pour nous servir d’exemples. Ils ont été mis par écrit pour que nous en tirions instruction, nous qui sommes parvenus aux temps de la fin » (1 Co 10.11).

L’intention initiale fournit des directives précises concernant des pratiques présentes. Elle sert également de poteau indicateur pour la foi.

« Or si cette parole : “Dieu a porté sa foi à son crédit’ a été consignée dans l’Écriture, ce n’est pas seulement pour Abraham. Elle nous concerne nous aussi. Car la foi sera aussi portée à notre crédit, à nous qui plaçons notre confiance en celui qui a ressuscité des morts Jésus notre Seigneur » (Rm 4.23-24).

Pour construire une prédication christocentrique, il est bon de commencer par une description de la manière dont le texte rend compte de la condition humaine. Ce qui fait qu’une prédication est véritablement rédemptrice et fidèle à l’Écriture, c’est la manière dont le prédicateur va proposer de remplir le vide qui se trouve dans le cœur : par des efforts humains ou par ce que Dieu donne?

3. L’orientation rédemptrice🔗

Spurgeon a dit :

« Je n’ai jamais trouvé de texte qui ne conduise pas au Christ, et s’il m’arrivait d’en trouver un, je franchirais haies et fossés pour atteindre mon maître, car le sermon ne peut faire aucun bien s’il ne possède la saveur du Christ. »

Comment le prédicateur peut-il proclamer un message rédempteur lorsque le texte ne paraît pas en contenir?

Deux réponses sont à écarter :

  • Nier la validité des instructions bibliques sans orientation rédemptrice évidente.
  • Chercher à faire apparaître Jésus de façon magique.

Ces deux approches proviennent d’une conception erronée de l’Écriture dans laquelle la nature organique de l’ensemble du texte biblique n’est pas suffisamment prise en compte. Ce n’est pas parce que le prédicateur a réussi à placer une mention de la personne ou de l’œuvre de Jésus dans son message que celui-ci est christocentrique; mais c’est seulement quand le message rend compte du rôle que joue le texte choisi dans l’histoire de la rédemption.

Ainsi, Rahab ne renvoie pas à l’œuvre du Christ parce que le cordon de sa fenêtre est rouge, mais parce que Dieu démontre par son intermédiaire qu’il délivre ceux qui sont méprisés et faibles, y compris en dehors de son peuple. « Quiconque croit! »

Le prédicateur n’est pas tenu de retomber acrobatiquement sur ses pieds au mont Golgotha pour rendre le texte et le sermon christocentriques, car le Christ est déjà présent à l’étape de l’histoire de la rédemption dont parle le texte.

En se concentrant sur ce que Dieu cherche à accomplir, le prédicateur empêche son sermon de dégénérer en un message moralisateur. La prédication, si elle est théocentrique, devient inévitablement christocentrique, parce qu’elle démontre la réalité du problème humain qui exige une solution divine. Si l’on se concentre sur l’action rédemptrice de Dieu, on prépare le terrain à l’œuvre du Christ4.

4. Les messages non rédempteurs🔗

Les messages qui ne sont pas christocentriques deviennent inévitablement anthropocentriques.

Ces prédications ont souvent un thème repérable : elles exhortent les croyants à faire tous leurs efforts pour « être » quelque chose afin d’être aimés par Dieu. Ces prédications s’appuient sur la Bible, mais ne sont pas conformes à l’esprit de la Bible.

a. « Soyez comme »🔗

Après avoir mis en lumière les caractéristiques exemplaires d’un personnage biblique, le prédicateur exhorte ses auditeurs à être comme lui. La prédication biographique présente souvent l’inconvénient de ne pas suffisamment rendre compte de la manière dont la Bible veille à ternir l’image de presque tous les saints qu’elle présente.

Lorsqu’on invite à imiter la vertu d’un personnage biblique, il faut préciser que celle-ci a pour source la grâce de Dieu. Les vertus des personnages bibliques fonctionnent comme des aspects de la loi divine : il convient de les imiter, mais il est important de ne pas les considérer comme le fondement de l’acceptation divine.

b. « Soyez bons »🔗

Si un prédicateur consacre l’intégralité de sa prédication à exhorter les gens à être bons ou saints, il manque quelque chose à son message. La prédication évangélique qui laisse entendre que nous sommes sauvés par la grâce, mais que nous le restons par notre obéissance rend le salut suspect aux yeux de ceux qui évaluent honnêtement leurs imperfections.

Tous les croyants ont naturellement tendance à évaluer leur justification à la lumière des progrès de leur sanctification, mais selon l’Évangile la sanctification repose sur la valeur éternelle de ce que Jésus a fait. L’expérience que nous faisons des bénédictions divines dépend de notre obéissance, mais la réalité de notre relation avec Dieu ne dépend pas de notre capacité à faire le bien.

c. « Soyez disciplinés »🔗

Bon nombre d’entre nous vivent comme si notre pratique de la discipline ou de la piété nous rendait acceptables aux yeux de Dieu. La discipline spirituelle permet à ceux qui ont été justifiés par l’œuvre du Christ de puiser plus profondément dans les ressources que Dieu leur donne gratuitement et par amour.

La discipline est un moyen de ressourcement normal pour ceux qui ont faim et soif de communion avec Dieu, mais elle peut se changer en devoir désagréable ou en orgueil spirituel si nous pensons que notre consécration nous attirera la faveur de Dieu.

5. Le fond du problème🔗

Le problème des prédications non rédemptrices est qu’elles présentent une foi qu’il est difficile de distinguer de la pratique morale musulmane ou bouddhiste, y compris si le nom de Jésus est prononcé. Ce qui fait la spécificité de la foi chrétienne, c’est que Dieu donne ce qu’il ordonne. Cela est tout aussi vrai pour la sanctification progressive que pour la justification initiale. En d’autres termes, la foi qui reçoit prime toujours sur la foi qui fait (Rm 11.36; Ép 2.8-9; Ph 2.13).

Dire cela conduit-il à écarter les passages si nombreux qui soulignent la responsabilité de l’homme (Rm 12; 1-21; Ph 2.14-15; Jc 2.14; 1 Jn 3.18…) ou l’importance des œuvres de la foi? Bien sûr que non. Il s’agit de lire et de pratiquer ces textes en rappelant notre dépendance totale à l’égard de la grâce de Dieu qui est en Jésus-Christ. « Demeurez en moi… Sans moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15.4-5).

L’Écriture contient de nombreuses exhortations, mais elles sont toujours enracinées dans un contexte rédempteur. Les exhortations séparées de la grâce produisent le pharisaïsme ou le désespoir. Les prédicateurs christocentriques n’hésitent pas à présenter les commandements, mais ils veillent à ne pas ôter au Christ la place d’honneur.

Tout prédicateur devrait se dire ceci à la fin de son sermon : « Lorsque mes auditeurs franchiront les portes de l’Église pour aller accomplir la volonté de Dieu, avec qui marcheront-ils? S’ils repartent avec la grâce de Dieu, alors j’ai atteint mon but. »

Jay Adams a dit :

« Si le sermon que vous prêchez convient aux membres d’une synagogue juive ou d’une communauté unitarienne, cela pose un vrai problème. La prédication, si elle est véritablement chrétienne, possède des caractéristiques spécifiques, car le Christ sauveur et sanctificateur y est omniprésent. Jésus-Christ doit être au cœur du sermon que vous prêchez, qu’il s’agisse d’un sermon d’édification ou d’évangélisation. Vous ne devez pas exhorter votre communauté à faire ce que la Bible exige d’elle comme si elle pouvait le faire par elle-même, mais seulement en conséquence de la puissance salvatrice de la croix, de la présence du Christ qui demeure en nous et nous sanctifie, par son Saint-Esprit. »

6. Déchiffrer les signaux de la rédemption🔗

Pourquoi tout texte de l’Écriture révèle-t-il un aspect de notre condition humaine déchue? C’est pour justifier et définir la nature des éléments rédempteurs de l’Écriture, que l’on peut, dans un deuxième temps, appliquer à la condition humaine. Si l’on ne repère pas le but rédempteur du texte, alors il devient possible de prononcer des paroles justes tout en envoyant des signaux erronés.

a. Le fondement rédempteur🔗

  • Dieu nous donne sa justice.
  • Approprions-nous la justice que Dieu donne.
  • Manifestons la justice que Dieu donne.

Cette prédication met l’œuvre de Dieu à la base de la justice qu’il exige et qu’il fait croître. Elle n’appelle les croyants à l’obéissance qu’après avoir situé en Dieu la source de leur justice.

b. La progression rédemptrice🔗

  • Reconnaissez que Dieu exige une justice que vous n’avez pas.
  • Reconnaissez que Dieu peut vous donner la justice que vous n’avez pas.
  • Demandez à Dieu de vous donner la justice que vous n’avez pas.

Dieu est le héros du texte : il impose son exigence de justice à son peuple, donne l’accomplissement de ce qu’il exige et permet que cela soit mis en œuvre. Ce modèle met bien en lumière les devoirs et les bénédictions de l’obéissance, mais il clarifie ensuite la situation en montrant qu’il est impossible de suivre de telles instructions indépendamment de l’œuvre salvatrice et sanctifiante de Dieu.

Ce qui change dans la prédication christocentrique, ce ne sont pas les règles de l’obéissance, mais les raisons.

Notes

1. Cette partie et ce chapitre en particulier sont nourris de la pensée de Bryan Chapell, Prêcher, l’art et la manière. Excelsis, 2009.

2. L’exercice, chacun peut s’y essayer pendant quelques instants, est particulièrement facile avec le texte si significatif du prologue de Jean.

3. Le présupposé, c’est bien sûr que ni la condition humaine ni l’Évangile ne changent, avec les siècles.

4. Et quand le texte ne semble pas avoir de rapport avec la dimension rédemptrice? Voir mon article intitulé Relier un texte à l’œuvre de Christ.