Cet article sur les questions d'introduction à l'épître aux Philippiens traite de son auteur, des destinataires (ville de Philippes et son Église), de son message et de l'analyse de son contenu.

Source: Introduction au Nouveau Testament. 10 pages.

Introduction à l'épître aux Philippiens

  1. Auteur
  2. Destinataires
    a. La ville de Philippes
    b. L’Église de Philippes
  3. Message
  4. Analyse du contenu
  5. Questions

1. Auteur🔗

L’apôtre Paul est l’auteur de cette lettre qu’il rédigea à Rome en l’an 63. Il se trouve dans la prison de Mamertine, à moins qu’il ne soit emprisonné dans les baraquements de la Garde Prétorienne sur la colline Palatine. Il n’est pas assuré de sa prochaine libération, laquelle interviendra quand même plus tard. Il garde cependant un certain espoir. C’est dans le calme qu’il attend l’issue de son procès.

2. Destinataires🔗

a. La ville de Philippes🔗

La ville acquit une célébrité mondiale non du fait qu’elle porte le nom de Philippes, roi macédonien, père d’Alexandre le Grand, mais à cause de son association au ministère apostolique de Paul. Ce n’est pas une bataille livrée par des légions romaines qui laissera son nom dans l’histoire, mais la lettre qu’un juif itinérant, le missionnaire Paul, lui adresse en ce premier siècle de notre ère.

À l’origine, elle porte le nom de Cnides ou « Les petites fontaines », parce qu’elle se trouve à proximité de nombreuses sources. La région est riche en mines d’argent, voire d’or, qui se trouvent sous les montagnes bordant le sud. La route qui la traverse relie l’Orient à l’Occident et sert d’axe commercial entre l’Asie et l’Europe.

Philippe II de Macédoine, Père d’Alexandre le Grand, reconnut l’importance de cette région. Elle s’étendait jusqu’au-delà des confins de la Thrace. En 356 avant J.-C., quatre ans après avoir accédé au trône, il annexa ce territoire au royaume macédonien. Il élargit alors la ville et la fortifia en lui donnant son nom. L’exploitation des mines s’effectuait avec une telle efficacité qu’on en extrayait de l’or pour la valeur de près de mille talents annuellement. Ces vastes revenus permirent à Philippes non seulement d’augmenter ses forces militaires, mais encore de pratiquer la corruption, dont il fut un grand spécialiste. La légende veut que, d’après le souverain macédonien, il n’existât pas de forteresse imprenable si on en faisait le tour avec des ânesses chargées d’or qui en frottaient les murailles!

L’or de Cnides se répandra assez vite dans toute la Grèce, précédant les phalanges militaires et ouvrant sans peine les lourdes portes, que les plus lourdes batteries militaires n’auraient pu enfoncer.

À l’époque de la conquête romaine, quelque deux siècles après, ces riches mines seront presque épuisées. La conquête est achevée lors de la bataille de Pydna, en 168 avant notre ère. Elle revient au consul romain Paulus Aemilius, qui fait main basse sur tous les trésors de Persée, le dernier souverain macédonien. La province macédonienne est officiellement proclamée et établie. À cette époque, selon l’historien Strabon, la ville de Philippes était tombée dans l’insignifiance.

En l’an 42 avant J.-C., elle sortira de son obscurité. Durant l’automne de cette année, elle est le témoin de la célèbre bataille entre deux factions : d’une part celle des alliés Brutus et de Cassius; d’autre part les troupes d’Octave et de Marc-Antoine. Les deux premiers avaient été les principaux instigateurs de l’assassinat de Jules César dans l’espoir de rétablir la République. Des deux suivants, ce sera Octave, le fils adoptif de César, qui réunira entre ses mains l’autorité et deviendra le premier empereur, connu sous le nom d’Auguste. Ce conflit détermina donc le cours de l’histoire romaine et, par là même, fut vengée la mort de César. Peu après, Philippes devenait une colonie portant le titre de Colonia Julia Philippensis, témoignant par là du triomphe des partisans de Jules César. Quelque onze années après la victoire d’Octave sur Marc-Antoine, lors de la célèbre bataille navale d’Actium, en 31 avant notre ère, la colonie fut élargie et fortifiée par des partisans d’Antoine, lesquels avaient perdu leurs terres italiennes au profit des partisans d’Octave. La deuxième fondation de Philippes fut commémorée par un autre titre, celui d’Augusta, le titre complet de la ville de Philippes devenant ainsi Colonia Augusta Julia Victrix Philippensium. Il existe des pièces de monnaie frappées avec cette inscription. L’histoire atteste qu’effectivement la ville de Philippes fut une colonie romaine. Ce fait jette une vive lumière sur l’incident rapporté par Luc dans Actes 16 ainsi que sur le contenu de notre lettre.

Une colonie romaine était presque une extension de Rome. Elle jouissait de très nombreux avantages. Le principal en était le jus Italicum, un privilège fort convoité par d’autres citoyens de l’Empire. Cette loi procurait aux colons la liberté et des droits propres à un citoyen romain de droit naturel, le nom des nouveaux citoyens s’ajoutant à ceux des tribus d’origine romaine. En outre, ils étaient exemptés d’impôts. Ils jouissaient également du droit de posséder leurs propres terres placées sous juridiction romaine. Dans chaque colonie, les magistrats étalent au nombre de deux. Ils exerçaient l’autorité civile et militaire, indépendamment des gouverneurs provinciaux des colonies.

L’atmosphère de colonie romaine régnante transparaît sur les pages du livre des Actes aussi bien que sur celles de l’épître. Les magistrats s’arrogent le titre de préteurs ou de commandants. Leurs lieutenants sont des sergents ou des licteurs. Ils se considèrent comme les égaux des consuls romains. Ceux de Philippes semblent avoir été trop facilement entraînés par les accusations de la foule, et Paul et Silas sont taxés d’ignorants des coutumes romaines et de perturbateurs de l’ordre. Mais ils sont terrifiés en apprenant que Paul est citoyen romain et à l’idée d’avoir commis une grave injustice à l’égard de sujets de l’Empire. Dans sa lettre, qu’il rédige à Rome, Paul rappelle aux chrétiens qui habitent une colonie romaine leurs privilèges civils. Il leur rappelle également leurs devoirs et obligations politiques, mais surtout ceux de leur profession chrétienne. Leurs privilèges de citoyens devraient illustrer ceux dont ils jouissent par leur appartenance à la citoyenneté céleste.

Le développement et la prospérité dont jouit la ville à l’époque de notre lettre sont dus non seulement à son statut de colonie romaine, mais aussi à sa situation géographique privilégiée. La grande route appelée Egnata, qui va de Dyrrhachium sur la mer Adriatique jusqu’a Néapolis sur la mer Égée — et même plus loin jusqu’à l’Hellespont — la traverse aussi, après avoir déjà traversé Thessalonique (où elle existe encore de nos jours). Elle était considérée comme la première ville de toute la région, sans qu’on en sache de façon certaine la raison. Était-ce parce qu’elle était la première ville que rencontrait le voyageur pénétrant de la Macédoine du côté de l’est? L’hypothèse qui la fait la capitale de toute la Macédoine est moins probable, car on sait que Thessalonique avait cet honneur, suivi d’Amphipolis, à quelque 50 km au sud, et dépassant Philippes en étendue. Ce ne peut-être que sa position de ville-colonie romaine qui lui vaut cette appellation. Durant les siècles qui suivront la fondation de l’Église, elle perdra de nouveau de son importance. Actuellement, on rencontre des vestiges de la ville antique. Cependant, sa gloire persistera du fait d’avoir été la première ville d’Europe à avoir été évangélisée et à avoir vu la fondation de la première Église.

b. L’Église de Philippes🔗

L’histoire de la fondation de l’Église, due à la plume de Luc, auteur du livre des Actes (16), est à la fois dramatique et fascinante.

Durant son premier voyage missionnaire, Paul avait visité Antioche en Syrie, l’île de Chypre, et s’était rendu jusqu’au nord de l’Asie Mineure. Il y avait fondé les Églises d’Antioche en Pisidie, celle d’Iconium, de Lystre et de Derbes. Autour de l’an 50, après le Concile de Jérusalem, il commence une nouvelle tournée missionnaire à partir d’Antioche en Syrie, cette fois-ci accompagné de Silas. D’abord, il visite les Églises qu’il avait fondées lors de son voyage précédent; il est rejoint par le jeune Timothée, l’un de ses convertis devenu l’un de ses plus fidèles et intimes collaborateurs. Se rendant plus à l’ouest, il semble vouloir se placer sur la grande route romaine qui part d’Éphèse, la capitale du proconsulat d’Asie. Le Saint-Esprit l’empêche de prêcher dans ces régions, aussi se dirige-t-il vers la Bithynie, au nord de l’Asie Mineure. Il tournera ensuite plus à l’ouest, parviendra bientôt à Troas, un port situé sur la mer Égée. La volonté de Dieu pour son entreprise missionnaire se fait ici plus précise.

Lors d’une vision nocturne, il aperçoit devant lui un homme debout, l’implorant de passer en Macédoine pour les secourir. Luc ajoute à cela que, lorsque Paul eut la vision, il chercha aussitôt à se rendre en Macédoine, convaincu que Dieu l’appelait à y prêcher l’Évangile. À partir de ce moment, Luc en personne se trouve parmi l’équipe missionnaire. Le récit passe désormais de la troisième personne du pluriel à la première du pluriel, au fameux « nous ». Ce « nous » qui revient à partir de cette page est une sûre indication que le narrateur était un témoin oculaire des événements rapportés. On suppose que Luc était d’origine macédonienne et que ce fut sa rencontre avec Paul à Troas qui provoqua la célèbre vision nocturne de l’apôtre. Assurés de suivre la direction divine, Paul et ses compagnons quittent Troas, et après une brève et heureuse traversée ils débarquent à Néapolis. Sans trop s’y attarder, ils empruntent la route Egnatia, à quelque 16 km à l’intérieur, parcourant les vallées fertiles protégées par de hautes montagnes escarpées. D’ordinaire, Paul commençait son travail missionnaire auprès des juifs ses compatriotes. Telle avait été son approche à Antioche et à Lystre; il fera de même à Thessalonique et à Corinthe.

Philippes ne compte pas une forte colonie juive. Il n’y existe pas de synagogue. Cependant, le jour du sabbat l’apôtre et ses collaborateurs se rendent en dehors de la ville, vers un lieu de prière connu, sur les rives du fleuve, où ils rencontrent des femmes pieuses assemblées pour la prière. Parmi elles se trouve une certaine Lydie, probablement originaire de Thyatire en Lydie de l’Asie Mineure. Elle est marchande de pourpre et sans doute prosélyte, si on tient compte du fait qu’elle est appelée « adorant Dieu ». Elle accepte avec empressement l’Évangile, communiqué par Paul, se fait baptiser et devient la première convertie connue de nom du continent européen. Elle donnera la preuve de la sincérité de sa foi en conduisant toute sa maisonnée à Christ. Celle-ci comprend non seulement les membres immédiats de sa famille, mais encore des serviteurs et des servantes. Elle fait également preuve d’une grande et chaleureuse hospitalité en accueillant chez elle les apôtres chrétiens. C’est une femme propriétaire de grands biens et d’une solide réputation sociale.

On peut supposer que, grâce à son soutien matériel et moral, le ministère de Paul et de son équipe put s’exercer dans les meilleures conditions. L’esprit d’accueil de Lydie sera encore à l’œuvre plus tard, dans le soutien matériel que l’Église apportera à Paul. Celui-ci continua à fréquenter le lieu de culte et de prière en y prêchant selon son habitude, jusqu’au moment où un incident fâcheux mit un terme à l’exercice de ce ministère.

Une jeune fille, sans doute esclave, possédée d’un esprit de divination, s’était mise à suivre régulièrement les missionnaires chrétiens et à les importuner. Elle disait à haute voix dans les rues que ces hommes étaient les serviteurs du Dieu très haut proclamant la voie du salut. Or, il était hors de question pour Paul et ses collaborateurs de bénéficier d’une telle collaboration, non sollicitée et surtout négative. En outre, sachant que la pauvre créature était surtout victime du démon, Paul chercha à la libérer de son esprit tourmenté. Il l’exorcisa au nom du Christ et, sur le champ, la fille fut guérie.

La supplication du Macédonien dans la vision nocturne n’était point une chimère, mais répondait donc à un réel besoin. Mais bientôt, la guérison de la divineresse suscita la désapprobation, voire la colère de ceux qui l’exploitaient sans scrupules, car son « charisme » leur rapportait gros. Sous le prétexte fallacieux de patriotisme et de défense de l’ordre public, ils dénoncèrent les apôtres, les traînant devant les tribunaux. La population elle-même s’excita violemment à l’idée que certains juifs étrangers étaient venus troubler leur ville tranquille et prospère. Menaçante, la foule s’assembla devant les prêteurs qui, contaminés à leur tour par la tempête de la colère populaire et sans s’enquérir même de leur état civil, firent battre de verges les deux missionnaires. Sans défense, cruellement battus et saignant abondamment, nos évangélistes furent jetés en prison, gardés dans les quartiers de haute sécurité, leurs pieds solidement attachés. On connaît la suite de l’histoire.

L’essentiel est qu’à la suite de cette épreuve, la ville connaîtra au moins trois convertis avec leurs maisonnées : Lydie, la prosélyte, la fille exorcisée, esclave, et enfin le geôlier. Tous les trois acceptèrent l’Évangile et on peut les considérer comme le noyau de la future Église, si attachante et si chère au cœur de Paul, la première à être officiellement constituée sur le continent européen et dont le nom nous a été conservé.

Après leur libération, les prisonniers visitent la maison de Lydie, en encourageant les nouveaux convertis à se rencontrer régulièrement; après quoi Paul et ses compagnons prennent congé, laissant sur place une Église fidèle et pleine de promesses. Cependant, l’Église subira la persécution et connaîtra la disette. La dernière fois qu’on en entendra parler, ce sera en rapport avec la visite que lui rendra un chrétien du 2siècle, Ignace d’Antioche, sur son chemin de Rome où il se rend lui aussi pour subir le martyre. Hélas!, après l’aurore de l’ère chrétienne, l’Église ne laissera aucune trace. Il ne semble pas qu’elle ait connu et souffert d’une hérésie quelconque. La lettre fait allusion à une légère dissension entre deux femmes.

3. Message🔗

La lettre de Paul aux Philippiens est une grande lettre d’amitié fraternelle. Elle déborde d’affection chrétienne, de confiance, de bon conseil et d’une excellente humeur. Elle est qualifiée de la plus heureuse de toutes celles que Paul a écrites. Depuis les premiers jours de la formation de la communauté chrétienne jusqu’à la rédaction de cette lettre, la communion y est parfaite. Elle nous permet de saisir nombre de traits de la personnalité de l’apôtre. On pourrait presque parler ici d’autobiographie spirituelle. Toute la richesse de son caractère saute aux yeux. Sa tendresse surtout et sa sympathie chaleureuse envers les frères et les sœurs dans la même foi. Tandis que la deuxième lettre aux Corinthiens nous fait part des troubles et des agitations intérieures que lui cause l’état spirituel de l’Église, celle aux Philippiens reflète une force spirituelle exceptionnelle et étonnante chez un détenu dans une geôle romaine. En même temps, elle nous laisse apercevoir aussi la communion intime et réelle entre le disciple et serviteur Paul et son Maître et Seigneur, Jésus le Christ. La patience dont il donne les signes a achevé en lui une œuvre parfaite.

Cette lettre tient une place cardinale dans l’histoire de la vie de Paul, autant que la lettre aux Galates pour sa théologie. Un esprit désintéressé et plein d’amour, un courage calme et une joie sereine et surtout l’espérance s’y révèlent admirablement. Bien qu’apparentée à d’autres lettres dites de la captivité, elle occupe une place à part. A-t-elle été rédigée avant les trois autres? En jugeant du fait que l’apôtre attend son prochain élargissement, on pourrait en conclure qu’elle fut la dernière des quatre.

La prière du début rappelle celles de la lettre aux Éphésiens et aux Colossiens. Le célèbre passage christologique de Philippiens 2.5-11 témoigne d’une profonde conception théologique concernant à la fois la personne et l’œuvre du Christ, mais également du lien indissociable entre la théologie et l’éthique qu’elle fonde. Non seulement Christ est le Seigneur et Sauveur, mais encore il est celui que nous devons imiter. Un autre passage (Ph 3.9) témoigne encore du fait que la théologie paulinienne n’est jamais une théorie abstraite, mais qu’elle débouche sans faute vers la vie pratique. Les expressions qui, dans Philippiens 1.23 et 2.16-17, annoncent l’attente imminente de sa mort rappellent celles de la seconde lettre à Timothée, sa dernière lettre connue.

La lettre aux Philippiens est la lettre d’un prisonnier à une Église sous la croix.

« Dieu vous a fait la grâce, par rapport à Christ, non seulement de croire en lui, mais encore de souffrir pour lui en soutenant le même combat que vous m’avez vu soutenir et que je soutiens encore comme vous l’avez appris » (Ph 1.29-30).

Il ne s’agit pas d’une souffrance quelconque; il s’agit d’une souffrance endurée au nom de Jésus-Christ et pour lui. Une Église sous la croix est une Église témoin qui endure la persécution à cause du témoignage qu’elle rend à son Seigneur. Il s’agit d’un combat, non d’un combat quelconque, mais du combat de la foi. Le serviteur de Jésus-Christ, qui ne reconnaît qu’un Maître et Seigneur et affirme cette seigneurie à la face du monde, est aussitôt en butte à l’attaque du monde. Cette attaque, l’apôtre en connaît toute la virulence et toutes les subtilités. Il sait qu’elle ne procède pas seulement « de front », ce qui serait relativement facile, mais par infiltration, par désagrégation intérieure. La lettre aux Philippiens est la lettre d’un vieux combattant, aujourd’hui dans les liens, à la jeune Église militante qui en est encore à ses premières armes.

C’est une lettre magnifiquement humaine où le cœur du missionnaire s’épanche, par instants, et laisse transparaître ses joies et ses inquiétudes. Mais c’est aussi un testament; elle a la gravité d’un message dernier; elle est écrite par un homme qui se sait au bord de la mort et veut, une dernière fois, remettre les siens en présence de la seule chose nécessaire. « Soutenez, dit l’apôtre, ce même combat que vous m’avez vu livrer et que je livre encore » (Ph 1.30). La prison, la persécution ne sont pas pour lui chose nouvelle. Elles sont en quelque sorte le pain quotidien de son existence. Les Philippiens ont vu l’apôtre à l’œuvre parmi eux. Ils l’ont vu lutter et souffrir. L’Église naissante a eu, dès l’origine, la révélation de la puissance victorieuse de sa foi et de l’opposition qu’elle suscite, des risques qu’elle entraîne. Cette connaissance n’a en rien refroidi son zèle, bien au contraire. Des liens vivants subsisteront entre elle et l’apôtre. Des émissaires diront à plusieurs reprises la foi, le zèle, la générosité des Églises de Macédoine. L’Église de Philippes est la seule de laquelle il ait accepté des dons personnels, et ceci seul en dit long sur l’intimité et la confiance de leurs rapports mutuels.

Écrite au bord de la mort, cette lettre est placée tout entière sous le signe du Christ ressuscité et vainqueur dont le nom est au-dessus de tout nom, d’où la joie et la paix qui la caractériseront. Cette joie, cette paix, est une joie, une paix dans le Seigneur.

Il vaut la peine de s’arrêter un instant sur ces deux termes, qui reviennent sans cesse sous la plume de l’apôtre Paul, « en Christ » et « dans le Seigneur ». Il est essentiel de bien les comprendre si nous voulons saisir ce qu’est cette vie de la foi dont il sera question tout au long de l’épître.

Il ne s’agit pas d’une communion mystique, d’un état d’âme subjectif. Il s’agit d’une certitude objective, révélée à la foi et à la foi seule, mais qui n’en est pas moins réelle et actuelle pour cela.

Dieu est intervenu dans l’histoire humaine en Jésus-Christ. C’est à notre place que Jésus a fait tout ce qu’il a fait. C’est pour nous qu’il s’est rendu obéissant jusqu’à la mort. C’est pour nous qu’il a souffert et expié nos péchés d’hommes mortels. Il est mort de notre mort, celle dont logiquement nous aurions dû mourir. Mais en le ressuscitant des morts, c’est aussi notre humanité que Dieu a ressuscitée, élevée à la gloire. Dès lors, la mort de Jésus-Christ devient notre mort, son expiation notre expiation, sa victoire notre victoire. En lui, nous sommes condamnés et rachetés, en lui nous sommes pardonnés, justifiés, sanctifiés, élevés à la droite de Dieu. Avec lui, par lui, nous régnons. En lui, nous vivons d’une vie nouvelle, qui n’est plus de l’homme, mais de Dieu. C’est ce que saint Paul entend lorsqu’il déclare que notre vie est cachée avec Christ en Dieu (Col 3.1-4).

Pour celui qui vit en Christ, c’est-à-dire dans la foi en lui, le pardon, la délivrance, le royaume sont des réalités actuelles. Tout est donné. Il s’agit de croire et de vivre. « Devenez ce que vous êtes. » En Jésus-Christ, vous êtes pardonnés, graciés. Comportez-vous en hommes pardonnes, graciés, c’est-à-dire pratiquez à votre tour la miséricorde. En Jésus-Christ, vous êtes libres. Comportez-vous en hommes libres, dominez la chair. En Jésus-Christ, vous êtes justifiés; pratiquez la justice.

La vie de la foi nous met dans la réalité du Royaume de Dieu qui n’est pas un au-delà par rapport à un en deçà, un futur par rapport à un passé ou un présent, mais un autre plan de vie, le plan de la vie de Dieu, le plan de la vie éternelle qui, en Jésus-Christ, nous devient accessible.

La foi consiste à croire ce que Jésus-Christ a fait, ce qu’il est; à accepter ce fait que sans lui nous sommes perdus et qu’en lui nous sommes sauvés. Elle consiste à accepter l’absolu de la condamnation et l’absolu pardon enfermés dans sa croix.

Saint Paul s’adresse à ses Églises comme à des Églises qui sont « en Christ »; c’est-à-dire qui vivent de cette vie de la foi. Cette vie de la foi motive leur espérance, fonde leur attente; l’attente de la victoire finale au jour de l’avènement de Jésus-Christ commande leurs rapports mutuels, toute leur vie éthique et sociale. La communauté chrétienne subit dans toute sa rigueur la loi de l’incarnation. Elle vit d’une vie terrestre et charnelle. Elle subit la loi du péché, elle n’est encore « sauvée qu’en espérance ». Mais dans la foi, elle vit sous le signe du Christ ressuscité, dont la puissance agit incessamment en elle; dans la foi, elle vit déjà d’une vie qui n’est pas de ce monde; elle brille au milieu du monde comme un flambeau, porteur de la parole de vie.

C’est le caractère unique de cette vocation, c’est la grandeur du don de Dieu et les obligations qui en découlent que saint Paul va rappeler aux Philippiens dans la lettre placée sous nos yeux.

« Quel que soit le sujet abordé, un mouvement constant ramène sans cesse le lecteur au centre, à Jésus-Christ lui-même. C’est le rythme, c’est ce mouvement qui en constitue l’unité, une unité qui fait craquer tous les cadres de la logique humaine; une unité qui veut que tout parte de Jésus-Christ et que tout y ramène.1 »

4. Analyse du contenu🔗

1. Introduction (1.1-2)

L’introduction est légèrement différente des autres épîtres pauliniennes, en ce que l’apôtre adresse celle-ci à tous les saints en Jésus-Christ qui se trouvent à Philippes, avec leurs évêques et leurs diacres. La mention des ministres est, chez lui, plutôt inhabituelle, mais cela s’explique par la part qu’ils ont prise dans la collecte en faveur de l’Église de Jérusalem. En juxtaposant saints, anciens et diacres, il montre l’unité entre les membres de cette Église et leurs conducteurs spirituels. Tandis que d’ordinaire la partie doctrinale précède la partie pratique, ici les deux sont étroitement liées et se croisent continuellement. Il ne sera pas aisé d’en établir un plan rigoureux.

2. Réflexions de Paul le prisonnier (1.3-26)

Les membres de l’Église que Paul appelle « des coparticipants dans la grâce » avaient accompli des progrès considérables dans la conduite chrétienne. Leur vie spirituelle n’avait ni régressé ni stagné; bien au contraire, elle s’était développée harmonieusement, ce qui est tout à fait normal, et c’est la raison de la reconnaissance que Paul fait monter vers Dieu. Il est persuadé qu’avec le secours divin ils continueront leur développement. En ce qui concerne sa propre condition, il est reconnaissant d’être détenu, car cette expérience lui a valu une certaine bénédiction. Il a pu annoncer Jésus-Christ aux gardiens de prison qui veillaient sur lui jour et nuit. Certains d’entre eux se sont convertis, dont quelques-uns de la garde impériale. L’Évangile a pu donc pénétrer jusque dans le palais impérial.

3. L’exhortation à imiter le Christ (1.27 à 2.18)

Le but suprême du chrétien est d’imiter le Christ. Cette recherche à devenir semblable au Christ aboutit à :

  • l’unité de l’Église, car même une communauté aussi louable que celle-ci connaît des dissensions;
  • l’humilité, car même une personne profondément spirituelle est menacée par la tentation de s’enorgueillir spirituellement;
  • le renoncement à soi, la volonté de se renier pour le bien d’autrui, comme le Christ, qui s’est donné pour les siens;
  • une vie de piété dans un milieu perverti par le péché.

4. Rapports avec l’Église (2.19-30)

Après avoir recouvré la santé à la suite d’une grave maladie, Épaphrodite leur apportera la lettre de l’apôtre. Ils doivent l’accueillir avec joie, car il est un authentique ministre du Seigneur. Ensuite, Paul leur enverra Timothée pour qu’il prenne soin de leurs besoins spirituels et il espère leur rendre personnellement visite après sa libération. Car la fin de ses deux ans de détention est proche.

5. Avertissements (3.1-21)

Il ne faut pas conclure des avertissements qui suivent que l’Église était en proie à de mauvais enseignements. Elle semble plutôt en bonne forme, mais il ne faut pas qu’elle relâche sa vigilance.

a. Contre les judaïsants

Paul les traite de « chiens ». Les juifs avaient l’habitude d’appeler les païens des chiens par mépris religieux. Paul leur applique cet adjectif injurieux. Au Proche-Orient, les chiens sont des bêtes sans maître ni foyer, considérés comme impurs, ce sont des coprophages. Quelle épithète appropriée pour traiter ceux qui nuisent à la santé et au bien-être de l’Église du Christ!

b. Contre la fausse idée de perfection

On ne se contente pas des progrès spirituels accomplis. On doit persévérer et avancer sans cesse jusqu’au but final, car c’est une vocation reçue par tous. En cela, ils deviendront des imitateurs authentiques du Seigneur.

c. Contre la mondanité

Les mondains vivent pour les plaisirs sensuels et les choses terrestres. Le véritable chrétien use du monde correctement et n’oublie pas que, dans le sens le plus profond, il est citoyen du Royaume des cieux, sa vie temporelle étant une préparation pour l’entrée dans la vie à venir.

6. Exhortations finales et reconnaissance (4.1-20)

L’apôtre exhorte ses amis à demeurer fermes et à ne pas se laisser emporter par tout vent de doctrine, à vivre dans l’harmonie (Évodie et Syntyche, deux femmes actives dans l’Église doivent se réconcilier); à vivre dans la joie, car la foi nous permet une pratique constante de la joie, à éviter toute anxiété, car Dieu prend soin de nous; à penser de manière correcte, puisque notre pensée exerce une profonde influence sur notre action; à être en toutes circonstances satisfaits de notre sort. Paul remercie ses lecteurs pour les dons reçus.

7. Conclusion (4.21-23)

Salutations et bénédictions. « Les saints de la maisonnée de César » sont les croyants du palais impérial qui leur adressent leurs propres salutations.

5. Questions🔗

  1. Quel est le contenu de la prière en faveur de cette Église?
  2. De quelle manière la détention de Paul devient-elle une bénédiction?
  3. Quel est le remède spirituel contre l’anxiété?
  4. Décrivez d’après 3.18-19 le monde non croyant.
  5. Expliquer les imperfections du croyant.
  6. Que sait-on des judaïsants?
  7. Noter les prédictions dans 2.10-11 et 3.20.
  8. Établir une liste des enseignements concernant le contentement et le désintéressement chrétiens.

Note

1. Suzanne de Diétrich, L’Épître aux Philippiens. Publications du Conseil protestant de la jeunesse.