Cet article présente une introduction à l'épître aux Romains et explique les destinataires de la lettre, le christianisme à Rome, les circonstances, le but et la date de composition.

Source: Études bibliques sur l'épître aux Romains (GIW). 5 pages. Traduit par Beth Pham-Ngoc

Introduction à l'épître aux Romains

  1. Les destinataires
  2. Le christianisme à Rome
  3. Les circonstances, le but et la date

1. Les destinataires🔗

L’épître aux Romains commence par des salutations adressées aux destinataires, « à tous ceux qui, à Rome, sont bien-aimés de Dieu, appelés à être saints » (Rm 1.7). On peut noter le fait que Paul ne mentionne pas l’« Église » de Rome, car peut-être qu’à l’époque, il n’existait aucune communauté de croyants organisée en assemblée à l’échelle de la ville, comme c’était le cas, par exemple à Corinthe, où Paul lui-même avait établi l’Église et en avait pris soin. D’un autre côté, le fait d’adresser la lettre à tous les chrétiens de Rome peut impliquer qu’il savait qu’ils y auraient tous accès. Même si la vie de l’Église de Rome se manifestait au travers de petits groupes décentralisés ou d’Églises de maison, leur foi commune en Christ devait les lier dans une fraternité partagée.

2. Le christianisme à Rome🔗

Aucun document ne relate l’arrivée de la foi chrétienne à Rome. La position de cette ville en tant que centre de communications de l’Empire romain implique que le christianisme est parvenu assez rapidement à la capitale, après avoir pris racine fermement dans les provinces orientales. La mention de « ceux qui sont venus de Rome, juifs et prosélytes » (Ac 2.10) comme le seul contingent européen dans la liste des personnes présentes à la première Pentecôte de l’ère chrétienne peut suggérer que certains d’entre eux, impressionnés par ce qu’ils avaient entendu, ont rapporté le message à Rome. Au 4siècle, l’auteur romain connu sous le nom d’« Ambrosiaster », dans le préambule à son commentaire sur l’épître aux Romains, dit que ceux-ci avaient « embrassé la foi en Christ, bien que selon les rites juifs, sans avoir vu d’œuvres puissantes ou le moindre apôtre ». Il est probable que ces paroles reflètent la réalité. Ce qu’il appelle « les rites juifs » renvoie certainement au fait que les premiers à apporter l’Évangile à Rome furent des chrétiens juifs. Jusqu’à l’époque d’Hippolyte, au début du 3siècle, les cultes chrétiens à Rome garderont des éléments dérivés d’un judaïsme « non conformiste » et non d’un judaïsme selon les normes usuelles (par exemple le bain préliminaire de purification que les convertis devaient prendre le jeudi avant Pâques, en préparation pour leur baptême le jour même de Pâques1). Romains 11.13-24 semble confirmer que la base du christianisme romain était effectivement d’origine juive, bien qu’à l’époque où Paul écrivit son épître, on y trouvait davantage de croyants païens que de croyants juifs.

La colonie juive qui existait à Rome dès le 2siècle av. J.-C. grandit considérablement à partir de 63 av. J.-C., après l’incorporation de la Judée dans l’Empire romain. En 59 av. J.-C., Cicéron la décrivait comme un groupe nombreux, sectaire, puissant et influent. Les autorités de la ville tentaient de temps à autre d’expulser ces masses d’immigrés indésirables et parfois la colonie juive attirait leur attention inamicale. En 19 apr. J.-C., lorsque Tibère était empereur, il y eut une expulsion à grande échelle des juifs de Rome en raison d’un scandale financier2; mais une ou deux décennies plus tard, ils étaient de retour, toujours en plus grand nombre. Claude, au début de son principat (41 apr. J.-C.), prit certaines mesures pour les contrôler3, mais environ huit ans plus tard, il eut recours une méthode plus drastique et les expulsa. Cette éviction, mentionnée dans Actes 18.2, est attribuée par Suétone4 aux juifs romains qui manifestaient « un penchant constant pour l’émeute à l’instigation de Chrestus ». Ces derniers mots sont énigmatiques; il est concevable qu’à l’époque un agitateur juif nommé Chrestus, dont on ne connaît rien de plus, sévît à Rome. Toutefois, Suétone relatait plus vraisemblablement une version confuse d’émeutes à répétition qui se produisirent au sein de la colonie juive à l’arrivée du christianisme. Il est évident qu’à cette occasion, on trouvait parmi les juifs expulsés certains qui reconnaissaient Jésus comme le Messie, puisqu’Aquilas et Priscille figuraient parmi eux. Ils étaient apparemment chrétiens avant de rencontrer Paul à Corinthe, car Paul ne dit pas qu’ils se sont convertis grâce à son ministère.

Le bannissement sous le règne de Claude n’eut pas un effet plus durable que sous Tibère. L’édit d’expulsion a peut-être expiré à la mort de Claude (54 apr. J.-C.), voire auparavant; quelques années plus tard, la colonie juive de Rome prospérait comme jamais et incluait à nouveau des chrétiens juifs. Au moment de la rédaction de la lettre aux Romains, à peine huit ans après l’édit d’expulsion, la communauté chrétienne comprenait un nombre considérable de Gentils qui dépassait sûrement à ce stade le nombre de juifs. Quoiqu’il en soit, Paul pouvait assurer ses lecteurs que leur foi était « renommée dans le monde entier » (Rm 1.8).

On peut se faire une idée de la composition de l’Église romaine de l’époque à partir des salutations du chapitre 16, si l’on considère que ce chapitre est destiné aux Romains. Bien des personnes rencontrées par Paul au gré de ses voyages dans les provinces orientales résidaient alors à Rome, il s’y trouvait donc de nombreux amis, bien que l’apôtre n’avait jamais visité la ville. Parmi eux se trouvaient certains descendants de la famille d’Hérode, ainsi que deux compagnons de captivité, parents de Paul, qui étaient selon lui « très estimés parmi les apôtres » et devenus chrétiens avant lui, et un ou deux autres comme Rufus (probablement) dont les liens avec le christianisme remontaient aux tout premiers jours. La présence de tels individus, hommes et femmes, dans l’Église romaine, même s’ils n’étaient qu’une poignée en comparaison du nombre total des membres, a dû contribuer grandement à sa force.

Il se peut qu’à l’époque où cette épître fut écrite, le christianisme commençât à faire son chemin dans les strates supérieures de la société romaine. En 57 apr. J.-C., la femme d’Aulus Plautius (qui avait ajouté les îles britanniques à l’Empire romain quatorze ans auparavant) fut accusée devant une juridiction nationale d’avoir embrassé une « superstition étrangère » qui, à en croire la description de son mode de vie, pouvait être le christianisme5. Elle fut acquittée et bénéficia toute sa vie de l’estime de ses amis, malgré son tempérament réservé, qui contrastait vivement avec la frivolité sociale de nombre de ses contemporains. Pour appuyer la thèse selon laquelle sa « superstition étrangère » était en fait sa foi chrétienne, on soulignera des preuves archéologiques de la prévalence de cette foi dans sa famille durant le siècle suivant.

Au moment de la première grande persécution des chrétiens romains, qui éclata à la suite de l’incendie en 64 apr. J.-C., ils étaient si nombreux qu’un historien païen6 et un patriarche chrétien7 décrivirent tous les deux les martyrs de cet épisode tragique comme « une grande multitude ». L’Église romaine survécut à cette épreuve et continua de croître, profitant de l’estime des chrétiens de par le monde en tant qu’Église « digne de Dieu, digne d’honneur, digne de louange, digne de succès, digne en pureté, prééminente en amour, marchant dans la loi de Christ et portant le nom du Père8 ».

3. Les circonstances, le but et la date🔗

La rédaction de cette lettre est une étape importante dans le ministère de Paul en tant qu’apôtre des païens. Dans Actes 19.21, Luc dit que, vers la fin de ses trois années d’évangélisation à Éphèse et dans la province d’Asie, Paul avait prévu de visiter la Macédoine et l’Achaïe, théâtre d’une phase précédente de son ministère, avant de poursuivre à Jérusalem, ajoutant : « Après m’y être rendu, il me faudra aussi voir Rome ». Luc présente les choses selon sa propre perspective : Rome est l’objectif de son récit et lorsqu’il y décrit Paul, prêchant l’Évangile sans entrave au cœur même de l’empire, sous le regard des plus hautes autorités, il atteint son objectif. La perspective de Paul est toute autre; pour lui, Rome n’est pas un but, mais une étape à visiter en transit, au mieux une base depuis laquelle il peut repartir pour une nouvelle phase de son ministère, de manière à répéter dans l’ouest du bassin méditerranéen le programme qu’il avait pratiquement complété à l’est, à l’époque indiquée dans Actes 19.21. Une lecture attentive de cette lettre permet de comprendre que son projet de progression occidentale avait été conçu à peu près au moment indiqué par Luc.

Avec l’évangélisation de la province orientale, Paul avait complété son programme missionnaire pionnier en Asie Mineure et dans le bassin égéen. L’Évangile avait été prêché et des Églises avaient été implantées dans les villes principales et le long des voies de communication majeures de la Galatie, d’Asie, de Macédoine et d’Achaïe. Durant la brève visite dans la péninsule balkanique qui suivit son ministère à Éphèse, Paul porta l’Évangile plus loin encore à l’ouest, au moins jusqu’à la limite de l’Illyrie (Rm 15.19), une province sur la rive occidentale de l’Adriatique. Selon ses propres mots, il n’avait plus « de champ d’action dans ces contrées » (Rm 15.23). Son zèle missionnaire n’avait pas faibli pendant les expériences ardues des années antérieures; il y avait d’autres territoires païens à rallier à l’Évangile, et la responsabilité de ce travail reposait particulièrement sur Paul, l’apôtre des Gentils par excellence. Certains pays païens sur les côtes de la Méditerranée avaient cependant déjà été évangélisés par d’autres que lui. Il recherchait des terres vierges, où le nom du Christ n’avait jamais été entendu. L’Espagne, la plus ancienne province de Rome à l’ouest, bastion important de la civilisation romaine, était un de ces territoires. Paul décida donc de s’y rendre et d’y poursuivre son service apostolique.

Cependant, il résolut de commencer par un voyage à Jérusalem pour y rendre compte de l’œuvre accomplie jusque là, non pas à l’Église de la ville ou à ses dirigeants, car il niait être d’une quelconque façon leur envoyé, mais au Christ ressuscité. On peut se demander pourquoi il trouvait nécessaire d’effectuer un voyage jusqu’à Jérusalem pour ce faire. N’aurait-il pas pu accomplir cela à Éphèse ou à Corinthe? C’est possible, mais une analyse de ses motivations permet de comprendre la place qu’occupait Jérusalem dans la pensée de Paul. Bien que ce soit à Damas qu’il commençât à prêcher l’Évangile, il décrivit la première phase de sa mission comme partant de « Jérusalem et en rayonnant jusqu’en Illyrie » (Rm 15.19), comme si Jérusalem avait été son point de départ. C’est à Jérusalem que, bien des années auparavant (Ac 22.17-21), Paul avait eu une vision du Seigneur dans le temple et qu’il entendit l’ordre : « Va, car je t’enverrai au loin vers les païens » (Ac 22.21). Il retourna au même endroit afin de présenter à son Maître en sacrifice spirituel le fruit de son « service sacré de l’Évangile de Dieu » (Rm 15.16). Il projeta aussi d’emmener avec lui à Jérusalem les représentants des Églises de Gentils qu’il avait fondées dans les provinces égéennes, porteurs des dons de leurs Églises pour contribuer à soulager la pauvreté de l’Église mère à Jérusalem. Ce faisant, il espérait consolider les liens fraternels entre ces Églises et le quartier général du christianisme juif, étant donné que la mission auprès des païens en général et que l’activité de Paul en particulier avaient tendance à être perçues avec appréhension et méfiance. Après ce service et non avant, il serait libre de se tourner vers l’Espagne. En route pour la province ibérique, il aurait l’occasion de concrétiser une ambition qu’il chérissait depuis des années : voir Rome. Citoyen romain de naissance, il n’avait jamais visité la ville. C’est donc en grande mesure pour préparer les croyants de Rome à cette visite prochaine qu’il leur envoya cette lettre.

La date de la rédaction de la lettre doit vraisemblablement se situer pendant l’hiver 56-57 apr. J.-C. On peut établir la chronologie de cette phase de la carrière de Paul en partie grâce à des inscriptions à Delphes datant du début du proconsulat de Gallion en Achaïe (voir Ac 18.12) à l’été 51 apr. J.-C. (ou éventuellement à l’été 52 apr. J.-C.), ainsi que par des preuves numismatiques de la succession de Festus à la place de Félix en qualité de procurateur en 59 apr. J.-C. (voir Ac 24.27). En ce qui concerne le récit des Actes, la rédaction de cette lettre se situe durant les trois mois que Paul a passés en Grèce (Ac 20.3). La référence à son hôte Gaïus (Rm 16.23), qui est une preuve valide quels que soient les destinataires du chapitre 16, désigne Corinthe comme la ville où résidait Paul à l’époque (voir 1 Co 1.14). Cette conclusion est confirmée par la référence à « Éraste, le trésorier de la ville » (Rm 16.23), pourvu que cet Éraste fût bien, et c’est fort probable, l’homme dont le nom figure en tant que curateur d’édifices publics dans une inscription corinthienne mise à jour en 1929.

Outre la préparation de sa visite à Rome, Paul espérait que les chrétiens romains veuillent bien lui servir de base avancée pour sa mission en Espagne, à la manière, par exemple, qu’Antioche en Syrie avait servi de base pour Barnabas et Paul lorsqu’ils évangélisèrent Chypre et les villes du sud de la Galatie. Il savait qu’en dehors de son propre champ de mission (et même dans une certaine mesure à l’intérieur de celui-ci) sa réputation souffrait des critiques de ses opposants. C’est pourquoi il profita de l’occasion pour envoyer aux chrétiens de Rome une présentation systématique de l’Évangile telle qu’il la comprenait et l’enseignait, ainsi que sa politique d’apôtre des païens. Il n’impose pas son autorité à ses lecteurs comme il le fait lorsqu’il écrit à ceux dont la conversion résulte de son ministère; néanmoins, il affirme que l’autorité par laquelle il mène son ministère lui est impartie par le Christ ressuscité qui l’a appelé à être son apôtre.

L’Évangile détaillé dans cette épître peut certainement s’appeler « l’Évangile selon Paul », comme il l’affirme dans ses autres lettres, en particulier dans celle aux Galates. Alors que l’épître aux Galates fut une réponse urgente à une situation critique dans le champ de mission de Paul, celle aux Romains expose de manière plus sereine et ordonnée le même thème. Il a été dit que la relation entre Galates et Romains est celle « d’une ébauche avec la statue achevée9 ». Une part importante de l’épître qui nous intéresse est donc d’intérêt général et il est probable que, dès le début, à l’instigation de Paul lui-même, des copies furent envoyées à d’autres Églises aussi bien qu’à Rome.

Il est difficile de déterminer dans quelle mesure la lettre accomplit son objectif premier. Paul ne put se rendre à Rome pendant trois ans et, lorsqu’il y parvint, il n’était pas un homme libre, mais un prisonnier sous bonne garde, qui devait se présenter devant César à la Cour suprême, ayant fait appel du jugement du procurateur de la Judée. La réception de cette lettre explique peut-être l’accueil qu’il reçut de la part de certains croyants romains, alors qu’il était encore à plus de soixante kilomètres de leur ville, sur la voie Appienne. Luc, son compagnon, rapporte cette information : « Les frères de cette ville, qui avaient eu de nos nouvelles, vinrent à notre rencontre jusqu’au forum d’Appius et aux Trois-Tavernes. Paul, en les voyant, rendit grâces à Dieu et prit courage » (Ac 28.15).

Le but de cette étude10 est d’encourager un effort direct de compréhension du texte de la Bible. Les questions sont conçues pour stimuler la réflexion, l’analyse et la discussion. Pour cette étude, nous suivrons généralement le plan présenté par le regretté professeur John Murray, du Séminaire de Westminster, dans son Commentaire sur Romains.

Notes

1. Selon La Tradition apostolique d’Hippolyte.

2. Josèphe, Antiquités juives, XVIII, iii, 5ss.

3. Dio Cassius, Histoire romaine, ix, 6.

4. Suétone, Vie de Claude, 25.

5. Tacite, Annales, xiii, 32.

6. Tacite, Annales, xv, 44.

7. Clément de Rome, Épître aux Corinthiens, 6.1.

8. Ignace, Épître aux Romains, préface.

9. J. B. Lightfoot, St Paul’s Epistle to the Galatians, 1890, p. 49.

10. Série de 25 articles intitulés Études bibliques sur l’épître aux Romains (GIW), avec un complément de 24 articles intitulés Études bibliques sur l’épître aux Romains (GIW) – Corrigé.