La providence divine
La providence divine
Pourquoi cela m’arrive-t-il, pourquoi suis-je éprouvé de la sorte, pourquoi les événements se sont-ils déroulés de cette façon et pas d’une autre? Y a-t-il un plan dans le cours des choses, ou bien tout n’est-il que chaos et confusion? Voilà des questions qui ont dû bien souvent vous préoccuper, voire vous tourmenter. Peut-être à la suite d’un accident ou d’un malheur quelconque qui vous a frappé, avez-vous passé des nuits entières à vous poser ces questions de manière lancinante.
Lorsqu’en effet on reçoit un bienfait inattendu, on a tendance à se réjouir et à l’accepter sans se poser de telles questions, sans non plus remercier l’auteur de nos jours. On se dit facilement qu’après tout on mérite certainement ce bienfait. En revanche, lorsque nous sommes atteints par un malheur ou que nous sombrons dans une crise qui nous paraît insurmontable, alors nous nous posons avec intensité ce genre de questions, nous lamentant sur l’injustice profonde de l’existence. Nous parlons du destin, de la fatalité, des forces obscures, du hasard et de la malchance, espérant un quelconque revirement de notre sort; beaucoup consultent des astrologues, des voyants ou les tarots.
La Bible a une réponse bien différente. Elle nous parle de la providence divine, c’est-à-dire du gouvernement de Dieu sur l’univers qu’il a créé et dont il contrôle la moindre parcelle, le moindre événement. Le mot « providence » n’apparaît pas comme tel dans la Bible, et pourtant la réalité de cette doctrine transparaît au cours de toutes ses pages. On pourrait par exemple l’illustrer en long et en large à l’aide du récit concernant Joseph et ses frères, à la fin du livre de la Genèse, dans l’Ancien Testament. Un dictionnaire donne la définition suivante du mot providence : « Sage gouvernement de Dieu sur la création et, par extension, Dieu gouvernant la création ».
Beaucoup demanderont : mais qu’est-ce qui distingue la providence divine du hasard ou de la chance? Car en ce qui me concerne, ce qui m’arrive reste incompréhensible. Je le ressens comme une injustice encore plus inacceptable si elle est le fait d’un être divin qui joue avec ma vie comme on déplace un pion sur un échiquier. Comment parler d’un Dieu bon qui gouverne le monde avec sagesse lorsqu’on voit tout ce qui arrive aux hommes sur terre? La Bible reste pourtant très claire à ce sujet : rien n’arrive « par hasard », même lorsque nous avons du mal à comprendre le pourquoi des choses, même lorsque nous ne parvenons pas à dénouer l’écheveau compliqué des causes et des conséquences.
Mais la Bible parle aussi de la providence comme d’une source de confiance et de certitude pour le croyant, qui sait qu’il n’est jamais livré aux forces obscures. C’est au contraire le Père céleste qui sait et détermine avec sagesse et amour ce qui va arriver, pour le bien ultime de ses enfants. Ainsi, l’enseignement biblique sur la providence est tout le contraire d’un fatalisme inéluctable; bien plutôt, il réconforte le croyant, même et surtout au temps des épreuves les plus dures.
Écoutez ce qu’enseigne Jésus-Christ à ce propos au chapitre dix de l’Évangile selon Matthieu. Il parle ici de ceux qui peuvent persécuter les croyants, une situation malheureusement d’actualité dans bien des régions du monde aujourd’hui :
« Ne craignez donc pas ceux qui peuvent tuer le corps, mais qui n’ont pas le pouvoir de faire mourir l’âme. Craignez plutôt celui qui peut vous faire périr corps et âme dans l’enfer. Ne vend-on pas une paire de moineaux pour un sou? Et pourtant pas un seul d’entre eux ne tombe à terre à l’insu de votre Père. Quant à vous, même les cheveux de votre tête sont tous comptés. N’ayez donc aucune crainte; car vous, vous avez plus de valeur que toute une volée de moineaux » (Mt 10.28-31).
Quelques autres textes bibliques nous aideront à mieux cerner l’idée de la providence. Tout d’abord Proverbes 22.2 : « Riche et pauvre ont ceci en commun : c’est l’Éternel qui les a faits l’un et l’autre. » Ensuite Actes 14.16-17. Ici, l’apôtre Paul s’adresse aux habitants de la ville de Lystre, qui sont des païens :
« Dans les siècles passés, ce Dieu a laissé tous les peuples suivre leurs propres chemins. Pourtant il n’a jamais cessé de leur donner des témoignages de sa bonté, car il vous envoie du ciel la pluie et des fruits abondants en leur saison. Oui, c’est lui qui vous donne de la nourriture et comble vos cœurs de joie. »
Le même Paul, s’adressant cette fois aux habitants d’Athènes, au chapitre 17 du même livre, leur dit ceci :
« Dieu, qui a créé l’univers et tout ce qui s’y trouve, et qui est le Seigneur du ciel et de la terre, n’habite pas dans des temples bâtis de mains d’hommes. Il n’a pas besoin non plus d’être servi par des mains humaines, comme s’il lui manquait quelque chose. Au contraire, c’est lui qui donne à tous les êtres la vie, le souffle et toutes choses » (Ac 17.24-25).
Écoutez maintenant comment le Catéchisme de Heidelberg définit la doctrine de la providence, au dixième dimanche. Question 27 :
« Qu’entends-tu par la providence de Dieu? » Réponse : « La force toute-puissante et partout présente de Dieu par laquelle il maintient et conduit, comme par la main, le ciel et la terre avec toutes les créatures, de sorte que les herbes et les plantes, la pluie et la sécheresse, les années de fertilité et celles de stérilité, le manger et le boire, la santé et la maladie, la richesse et la pauvreté, bref toutes choses ne nous viennent pas du hasard, mais de sa main paternelle. »
Question 28 :
« À quoi nous sert-il de connaître la création et la providence de Dieu? À être patients dans l’adversité, reconnaissants dans la prospérité, et à garder confiance, quoi qu’il arrive, en notre Dieu et Père fidèle. Aucune créature ne peut nous séparer de son amour puisqu’il les tient toutes tellement dans sa main qu’elles ne peuvent agir ni se déplacer sans sa volonté. »
Nulle part la providence divine n’apparaît de manière plus claire que dans la manière dont Dieu a conduit l’histoire pour aboutir à l’incarnation de son Fils éternel, il y a deux mille ans. Tous les événements étaient en place pour la venue de Jésus-Christ, dans les conditions et circonstances déterminées de tout temps par Dieu le Père.
Paul, encore lui, le dit au passage, dans sa lettre aux chrétiens de Galatie : « Mais lorsque le moment fixé par Dieu est arrivé, il a envoyé son Fils, né d’une femme et placé par sa naissance sous le régime de la Loi, pour libérer ceux qui étaient soumis à ce régime » (Ga 4.4-5). En lisant attentivement les Évangiles, on se rend compte que tous les acteurs, même ceux qui sont les plus hostiles envers Jésus, contribuent en fait à réaliser le plan divin, qui passe par la crucifixion et la résurrection de son Fils. On est saisi de crainte en saisissant la puissance de Dieu qui organise les événements sans que rien ne puisse en dévier le cours qu’il leur a tracé.
Mais alors, dira-t-on à nouveau, n’avons-nous en tant qu’humains aucune responsabilité? Devons-nous nous laisser porter par les événements, quels qu’ils soient, puisqu’ils sont de toute façon déterminés par Dieu? Rien ne saurait être plus éloigné de la conception biblique de la responsabilité humaine, laquelle est avant tout une réponse obéissante à la Parole de Dieu, à ses commandements et à sa vision de l’existence. Vivre en communion avec Dieu, par la foi en Jésus-Christ, n’est pas une attitude passive. La confiance de savoir que notre Père céleste dirige notre existence n’amène pas la paresse ou une attitude fataliste. Au contraire, elle nous place sur des sentiers d’expansion, de croissance spirituelle, de découverte et d’émerveillement.
Cette confiance nous conduit à entrer de plain-pied dans le plan divin, non en rechignant, mais en allant de l’avant, avec les dons et les talents que Dieu nous accorde. Elle nous conduit à témoigner de son amour, de sa fidélité et à endurer avec patience les diverses épreuves dont notre existence est jalonnée. La foi en Dieu et la confiance en sa providence sont une force dynamique pour notre vie, elles ouvrent notre regard sur le but ultime de notre existence et nous en font comprendre le sens toujours plus profondément. Elles nourrissent à la fois notre méditation et notre action, car c’est justement par la foi en la providence de Dieu que nous nous savons ouvriers au sein du Royaume de Dieu : c’est Jésus-Christ qui en est le chef, et le Saint-Esprit l’inspirateur.
Voici en quels termes extraordinaires Paul parle de l’assurance que nous pouvons avoir en ce Dieu qui gouverne toutes choses par sa providence céleste. Nous terminons avec ces paroles inébranlables du chapitre huit de sa lettre aux Romains qui nous parlent du plan de salut de Dieu pour une humanité autrement perdue :
« Que dire de plus? Si Dieu est pour nous, qui peut tenir contre nous? Lui qui n’a même pas épargné son propre Fils, mais l’a livré pour nous tous, comment ne nous donnerait-il pas aussi tout avec lui? Qui accusera encore les élus de Dieu? Dieu lui-même les déclare justes. Qui les condamnera? Le Christ est mort, bien plus : il est ressuscité! Il est à la droite de Dieu et il intercède pour nous. Qu’est-ce qui pourra nous arracher à l’amour du Christ? La détresse ou l’angoisse, la persécution, la faim, la misère, le danger ou l’épée? Car il nous arrive ce que dit l’Écriture : À cause de toi, Seigneur, nous sommes exposés à la mort à longueur de jour. On nous considère comme des moutons destinés à l’abattoir. Mais dans tout cela nous sommes bien plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés. Oui, j’en ai l’absolue certitude : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni le présent ni l’avenir, ni les puissances, ni ce qui est en haut ni ce qui est en bas, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous arracher à l’amour que Dieu nous a témoigné en Jésus-Christ notre Sauveur » (Rm 8.31-39).