Cet article sur Luc 24.5 a pour sujet la parole des anges aux femmes allées voir la tombe de Jésus et leur disant de ne pas chercher le vivant parmi les morts, car le Christ est ressuscité.

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Luc 24 - Ne cherchez pas le vivant parmi les morts

Luc 24.5

Si vous vous êtes déjà promenés dans certains cimetières, vous n’aurez pas manqué de remarquer des pierres tombales avec des inscriptions gravées, telles que : « Nous ne t’oublierons jamais », ou bien « À la mémoire éternelle de notre cher père », ou encore : « Regrets éternels ». Parfois, une petite chapelle est érigée sur la tombe, avec un autel à l’intérieur. Les membres de la famille peuvent y venir prier pour le repos de l’âme du défunt. Il est aussi frappant de constater que nombre de ces chapelles sont abandonnées et en très mauvais état. Cela fait des années que quelqu’un n’est pas venu y déposer quelques fleurs. Le vent fait grincer les portes branlantes de la petite chapelle grise; la pluie tombe à l’intérieur à travers les fenêtres restées ouvertes, et après plusieurs décennies, la mousse a poussé partout. Ce spectacle offre quelque chose de morbide. Qu’il est alors tragique de lire des inscriptions telles que : « Nous ne t’oublierons jamais », alors qu’on réalise que ceux-là mêmes qui ont fait ériger la stèle ou la petite chapelle sont eux aussi morts depuis bien longtemps. On est presque saisi d’un sentiment de désespoir à cette vue, comme si le pouvoir de la mort demeurait intouchable de génération en génération. Qui pourrait se souvenir de tous ceux qui sont décédés depuis le début de l’humanité?

Et pourtant, une des constantes de la nature humaine est de bâtir des monuments autour des ossements, afin de perpétuer la mémoire de ceux qui sont décédés. Pensez par exemple aux imposantes pyramides égyptiennes, ou encore au fameux Taj Mahal en Inde. De cette façon, pense-t-on, ceux qui sont morts peuvent encore faire partie des vivants. Des constructions majestueuses sont érigées pour transmettre la mémoire des défunts aux générations suivantes, comme si l’âme des morts vivait encore dans leurs pierres. Ceux à qui un tel honneur est dévolu deviennent ainsi une pierre visible de l’édifice jamais achevé de l’histoire humaine, qui se construit de génération en génération. N’est-ce pas là le rêve d’un grand nombre, de laisser justement un nom dans l’histoire, un nom dont on se souviendra encore dans plusieurs siècles? Certains n’hésiteront pas à accomplir des actions insensées, à battre des records sans aucun intérêt, afin que le futur ne les oublie pas; d’autres agiront héroïquement ou atteindront un idéal qui leur vaudra l’admiration de leurs contemporains, voire des générations suivantes. Le besoin de surmonter sa propre mort d’une façon ou d’une autre restera toujours une obsession du genre humain.

Mais interrompons ces considérations pour nous tourner vers la Bible, plus précisément vers le récit de la résurrection de Jésus-Christ, tel que nous le rapporte l’Évangile selon Luc, au chapitre 24. Après quoi, nous reprendrons notre méditation. Ce récit suit celui de la crucifixion de Jésus, c’est-à-dire de sa mort infamante sur une croix de bois sur laquelle les autorités religieuses et politiques de son temps l’avaient fait clouer comme un brigand, après un procès sommaire et une série de tortures physiques et morales. Les femmes qui avaient suivi Jésus pendant qu’il enseignait son peuple avaient assisté de loin à sa crucifixion. Elles avaient vu où l’on avait déposé son corps, à savoir dans une tombe creusée dans le roc, devant laquelle une grosse pierre avait été placée, comme c’était la coutume à l’époque :

« Le premier jour de la semaine, elles se rendirent à la tombe de grand matin, en apportant les huiles aromatiques qu’elles avaient préparées. Elles trouvèrent que la pierre avait été roulée de devant le tombeau; elles entrèrent, mais ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus. Pendant qu’elles en étaient encore à se demander ce que cela signifiait, deux personnages vêtus d’habits étincelants se tinrent tout à coup devant elles. Elles étaient tout effrayées et baissaient les yeux vers le sol. Ils leur dirent alors : Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant? Il n’est plus ici, mais il est ressuscité. Rappelez-vous ce qu’il vous disait quand il était encore en Galilée : “Il faut que le Fils de l’homme soit livré entre les mains des pécheurs, qu’il soit crucifié, et qu’il ressuscite le troisième jour.” Elles se souvinrent alors des paroles de Jésus. Elles revinrent du tombeau et allèrent tout raconter aux onze disciples. C’étaient Marie de Magdala, Jeanne, Marie, la mère de Jacques. Quelques autres femmes, qui étaient avec elles, portèrent aussi la nouvelle aux apôtres; mais ceux-ci trouvèrent leurs propos absurdes et n’y ajoutèrent pas foi. Pierre, cependant, partit et courut au tombeau. En se penchant, il ne vit que des linges funéraires. Il s’en retourna, très étonné de ce qui s’était passé » (Lc 24.1-12).

Je reprends le fil de la méditation entamée tout à l’heure, en vous posant une question : Les femmes, qui de grand matin au premier jour de la semaine se sont rendues à la tombe de Jésus en y apportant des huiles aromatiques, voulaient-elles perpétuer la mémoire de Jésus? Voulaient-elles s’assurer que son nom ne serait pas oublié de sitôt? Nous savons que les Juifs n’embaumaient pas les corps des morts, car une telle pratique, largement répandue parmi les nations païennes environnantes, était en contradiction directe avec leur foi : elles croyaient — avec raison — que seul Dieu peut rendre la vie aux morts. Il ne convient même pas de tâcher de conserver l’apparence de la vie à un corps mort, car tous nous avons été tirés de la poussière, et tous nous sommes destinés à redevenir poussière. Bien plutôt, avec les huiles aromatiques, les femmes voulaient donner à Jésus un ensevelissement décent, après la mort infamante qui avait été la sienne sur la croix.

Que des mains respectueuses lui témoignent un dernier hommage, après que sa vie se soit achevée entre les mains d’hommes sans respect. Que le Fils de l’homme repose désormais en paix, après l’agitation ayant marqué tout son ministère, lui qui n’avait pas même eu une pierre sur laquelle reposer sa tête. Que ces pieuses femmes contemplent une dernière fois son corps martyrisé, et conservent dans leur cœur le souvenir de cet homme exceptionnel, mêlé aux larmes causées par sa mort cruelle et injuste. Pour un peu de temps, une lumière a brillé dans leur vie, inoubliable, mais tout est maintenant bien fini.

Mais la piété, les larmes et les souvenirs ne sauraient changer la mort en vie. Car ce sont des mouvements du cœur qui eux aussi sont destinés à disparaître. Seule une force divine pourrait accomplir un tel changement. Et lorsque les deux personnages aux vêtements resplendissants se tiennent devant les femmes, elles entendent de leur bouche cette étonnante parole : « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant? » (Lc 24.5). Mais où auraient-elles dû aller le chercher? Si ce n’est pas dans la tombe où son corps a été placé, il n’y a plus aucune logique dans le cours de l’existence! Si le cycle de la naissance et de la mort n’existe plus, il n’y a plus d’ordre dans le monde. Tout devient alors incompréhensible… Le processus du deuil, des derniers hommages et des souvenirs auxquels les femmes s’étaient préparées ne peut avoir lieu, elles s’en trouvent soudain privées!

Il y a quelque chose de choquant dans cette parole : « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant? » Tout ce qui est naturel aux hommes, ce à quoi nous sommes habitués, même s’il s’agit de l’expérience pénible de la mort d’autrui, se trouve ici renversé, tout comme la pierre du tombeau qui a été roulée. Non, on n’édifiera pas une pyramide sur la tombe de Jésus, car son corps deviendra un temple universel fait de pierres vivantes, c’est-à-dire de tous ceux qui, par la foi en sa mort et sa résurrection, seront greffés en lui. Les disciples ne construiront pas non plus un musée à l’endroit de sa tombe, avec toutes sortes d’objets ou d’habits lui ayant appartenu, car ce n’est pas de cette manière qu’on se souviendra de lui. Jésus-Christ ne se laisse pas enfermer dans un cercueil, que ce soit par ses ennemis ou par ses disciples.

Plus d’une fois, il a dit de lui-même : « Je suis », de telle manière que ceux qui l’écoutaient comprenaient immanquablement qu’il s’attribuait le nom révélé par Dieu à Moïse dans l’Ancien Testament : Yahweh, « je suis celui qui suis ». Il est, il était et il vient, c’est-à-dire : il est éternel et ne peut être retenu par les liens de la mort. Nous pouvons en fin de compte nous demander qui, des anges ou des femmes, sont les plus choqués : n’y a-t-il pas en effet quelque chose de choquant pour les anges, qui connaissent le Fils de Dieu comme celui qui est, à voir comment les humains le cherchent parmi les morts?

Et c’est alors que se produit la chose la plus étonnante dans ce récit : les anges rappellent le souvenir des paroles de Jésus :

« Rappelez-vous ce qu’il vous disait quand il était encore en Galilée : Il faut que le Fils de l’homme soit livré entre les mains des pécheurs, qu’il soit crucifié, et qu’il ressuscite le troisième jour. Elles se souvinrent alors des paroles de Jésus » (Lc 24.6-8).

Certes, les souvenirs ont une place dans notre vie, mais ils doivent être d’une autre nature que ce à quoi nous sommes habitués. Il nous faut nous souvenir, en effet, mais pas de nos idées toutes faites sur la personne de Jésus-Christ. Il nous faut nous souvenir de ses paroles, telles qu’elles nous ont été rapportées. Jésus-Christ lui-même a donné la seule vraie interprétation de tout ce qui lui est arrivé, de tous ces événements sur lesquels il a eu un contrôle total. Souvenez-vous de ce qu’il vous disait, tout cela faisait partie d’un plan préétabli; rappelez-vous et comprenez maintenant!

Que veut dire aujourd’hui cette parole étonnante prononcée par deux personnages aux vêtements resplendissants devant le tombeau vide de Jésus-Christ? « Ne cherchez pas le vivant parmi les morts. » Ces paroles s’adressaient à quelques femmes venues témoigner un dernier hommage à celui qu’elles avaient suivi depuis qu’il avait commencé à enseigner les foules de son peuple, quelque trois ans auparavant. Elles l’avaient vu crucifié sur une croix, elles avaient observé où l’on avait mis son corps supplicié, dans une tombe creusée dans le roc devant lequel une grosse pierre avait été placée.

Le matin de ce premier jour de la semaine fut-il un matin comme tous les autres? Comme tous les matins, Dieu fit lever son soleil. Mais depuis ce matin-là, le lever du soleil ne serait plus jamais le même pour tous ceux qui, par la foi, seraient devenus membres du corps du Christ ressuscité. Enfin, quelque chose de nouveau s’était passé sous le soleil, quelque chose qui venait de briser le cycle immuable de la vie et de la mort. Le dimanche de Pâques signifie la fin des lugubres pierres tombales.

Notre mort à chacun doit certes recevoir toute notre attention, mais non pas notre mort physique : bien plutôt la mort progressive de notre vieille nature, cette nature qui est vouée à la destruction, cette nature qui ne connaît pas Dieu et ne veut pas le connaître, cette nature qui cherche ses propres voies sans se soucier de la volonté du Créateur. Pour ceux qui croient, cette nature est journellement crucifiée et ensevelie avec Jésus-Christ, durant tout le voyage que dure notre vie. Mais avec Jésus-Christ, ceux qui croient sont aussi revenus de la mort, ils sont dotés d’une vie nouvelle et impérissable, parce que désormais enracinée en celui qui a vaincu la mort. Voilà donc la mort qu’il nous faut rechercher avidement jour après jour, car elle mène à la transformation progressive de tout notre être. Il est un signe visible qui la symbolise parfaitement : c’est le baptême chrétien, par lequel le croyant est greffé en la mort et en la résurrection de Jésus-Christ.

« Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts? » Aujourd’hui encore, cette question est des plus actuelles pour l’Église chrétienne. Si par exemple vous visitez la ville de Jérusalem, vous constaterez que sur l’emplacement présumé du tombeau du Christ, quelques églises vieilles de plusieurs siècles ont été érigées, comme si leur position géographique leur conférait une dimension spirituelle supérieure. Des cérémonies immuables y sont célébrées, qui ont remplacé la proclamation et l’explication de la parole vivante du Christ. Le souvenir et la transmission dynamique au monde des paroles qu’il a confiées à ses disciples ont laissé la place à une pierre tombale en forme d’église. Cette pierre tombale ne diffère pas essentiellement de celles que l’on peut voir dans un cimetière. Jésus crucifié est devenu une image fixe, complètement statique, comme l’Église qui se souvient de lui de cette façon.

Mais, dans le christianisme moderne, il existe une autre façon de rechercher le vivant parmi les morts : toute une école de théologiens prétend découvrir le Jésus de l’histoire, sans prendre en compte sa résurrection, sans y ajouter foi. Comme pour les disciples, qui au début ne crurent pas au témoignage des femmes revenues du tombeau vide, cette nouvelle de la résurrection de Jésus-Christ apparaît comme une niaiserie pour la plupart de nos contemporains. Il y a déjà trois siècles que des théologiens sceptiques ont — pour ainsi dire — commencé à fouiller le tombeau vide dans un effort désespéré pour retrouver les ossements du Christ. Qui était-il vraiment?, se demandent-ils. Que s’est-il réellement passé après sa mort? De quels autres témoignages disposons-nous pour nous faire une idée du personnage de Jésus sans tomber dans une foi aveugle et irrationnelle en ce que rapportent les Évangiles? Bien qu’ils n’aient jamais rien trouvé, ils cherchent encore. En fait, tout ce qu’ils trouvent c’est leur propre théologie des ossements, une théologie de l’échec dont le Saint-Esprit est absent. Cet esprit de scepticisme, né du courant philosophique du 18siècle qu’on appelle « les Lumières » a remplacé l’illumination du Saint-Esprit par ces soi-disant « lumières ». Elles ont placé la raison humaine au centre du monde, rejetant Dieu à la périphérie des préoccupations de l’homme. Nos théologiens sceptiques bâtissent sur le tombeau vide des monuments de raisonnements faux destinés à tomber en ruines.

Puisque le Christ vivant ne peut être trouvé, ceux qui cherchent sa trace dans la tombe vide se placent nécessairement au centre du message qu’ils proclament. Ne sont-ils pas en effet seuls avec eux-mêmes dans ce tombeau vide? Et quel espoir un tel message peut-il contenir? De fait, c’est le sort de tous ceux qui ne veulent pas prêter attention à la voix des anges que d’annoncer une sombre religion purement humaine, qui n’a d’autre horizon que la misère humaine. Il n’est pas étonnant que la mission ne reçoive aucune attention dans ces milieux religieux. Pourquoi devrais-je aller proclamer la nouvelle de ma propre misère et finitude au monde? Personne ne s’y intéressera de toute façon. Ce sera le sort de tous ceux qui auront entendu la vérité sur Jésus-Christ, mais n’auront pas cru en sa résurrection, que de demeurer éternellement dans cette même tombe obscure où ils l’auront relégué, sans aucun espoir que la pierre soit roulée.

En contraste avec cette obscure religion humaine, les femmes venues au tombeau tôt le matin du premier jour de la semaine sont immédiatement allées rapporter la nouvelle aux disciples de Jésus, désemparés après sa mort sur la croix. Plus tard, ces mêmes disciples sont allés porter la bonne nouvelle aussi loin qu’ils l’ont pu. Aujourd’hui encore, cette dynamique proclamation de l’Évangile est la marque d’une Église vivante, qui par l’Esprit vivifiant du Christ croit au Seigneur ressuscité, le tout à la gloire du Dieu vivant et éternel.

Il existe plus d’une manière de rechercher le vivant parmi les morts. Une Église qui ne repose pas sur l’Esprit du Christ témoignant de sa résurrection est condamnée à creuser sa propre tombe. Une telle tombe peut être impressionnante et jouir d’un grand prestige, sa forme visible peut attirer beaucoup d’hommes et de femmes, elle n’en demeure pas moins le siège d’ossements spirituels desséchés, à moins que l’Esprit vivant de Dieu ne vienne ébranler jusqu’à ses fondements cette institution humaine. Elle n’aura de part à la vie éternelle que si elle est rebâtie sur le fondement inébranlable de la résurrection de Jésus-Christ.

L’Esprit du Christ ressuscité appelle tous les hommes et les femmes, sans distinction de race, de couleur, de culture, d’âge ou de nationalité, vers la lumière, comme en témoignent les vêtements resplendissants des anges rencontrés par les femmes devant le tombeau vide. Cet Esprit libère l’homme des ténèbres de la tombe; il fait de ceux qui croient les pierres vivantes d’un monument éternel, un temple spirituel, le corps du Christ ressuscité. À lui, le Seigneur qui règne, l’honneur, la louange et la gloire pour l’éternité.