La maîtrise de soi
La maîtrise de soi
La maîtrise de soi est une vertu indispensable dans la vie en général et dans les relations avec les autres en particulier. Elle devrait caractériser tous les croyants. Dans cet article, je voudrais vous en parler à la lumière de ce qu’enseigne la Bible à son sujet.
Commençons par ouvrir le livre des Proverbes, dans l’Ancien Testament. Le thème de la maîtrise de soi revient fréquemment sur ses pages, soit de manière positive (en soulignant les bienfaits de cette vertu) soit de manière négative (en pointant vers les conséquences néfastes de son absence). « Mieux vaut être lent à la colère que puissant, mieux vaut savoir se dominer que de conquérir des villes » (Pr 16.32). « Celui qui ne sait pas se dominer est comme une ville démantelée qui n’a plus de remparts » (Pr 25.28). « Le sot donne libre cours à ses passions, mais le sage les retient et les calme » (Pr 29.11).
Dans le Nouveau Testament, plus précisément dans la lettre que l’apôtre Paul écrit à son ami et collaborateur Tite, il adresse une exhortation à l’égard des hommes plus âgés : « Dis aux hommes âgés d’être maîtres d’eux-mêmes, respectables, réfléchis, pleins de force dans la foi, l’amour et la persévérance » (Tt 2.2). Paul enjoint aussi par trois fois dans le même passage de mener une vie équilibrée : « Recommande aussi aux jeunes gens de mener une vie équilibrée » (Tt 2.6). Dans une autre lettre de Paul, celle aux chrétiens de Galatie, il met la maîtrise de soi au nombre des fruits de l’Esprit : « Mais le fruit de l’Esprit c’est l’amour, la joie, la paix, la patience, l’amabilité, la bonté, la fidélité, la douceur, la maîtrise de soi » (Ga 5.22-23). Et l’apôtre Pierre, au quatrième chapitre de sa première lettre, souligne que la maîtrise de soi conduit à la disponibilité pour la prière : « La fin de toutes choses est proche. Menez donc une vie équilibrée et ne vous laissez pas distraire, afin d’être disponibles pour prier » (1 Pi 4.7).
La maîtrise de soi est une vertu particulièrement nécessaire pour les dirigeants d’Église, écrit Paul dans sa première lettre à Timothée :
« Il faut que le dirigeant soit un homme irréprochable : mari fidèle à sa femme, maître de lui-même, réfléchi et vivant de façon convenable. Qu’il soit hospitalier et capable d’enseigner. Il ne doit pas être buveur ni querelleur, mais au contraire aimable et pacifique. Que l’amour de l’argent n’ait sur lui aucune prise » (1 Tm 3.2-3).
Ce passage nous donne une idée de ce contre quoi la maîtrise de soi doit lutter : un tempérament querelleur, la boisson, l’amour de l’argent, la convoitise sexuelle et la tentation des relations extra-conjugales.
Paul écrit à ses correspondants de l’Église de Thessalonique à ce même sujet, au chapitre quatre de sa première lettre :
« Ce que Dieu veut, c’est que vous meniez une vie sainte; que vous vous absteniez de toute immoralité; que chacun de vous sache gagner une parfaite maîtrise de son corps pour vivre dans la sainteté et l’honneur, sans se laisser dominer par des passions déréglées, comme le font les païens qui ne connaissent pas Dieu. Qu’ainsi personne ne cause du tort à son frère dans ce domaine en portant atteinte à ses droits. Dieu, en effet, fait justice de toute faute de ce genre : nous vous l’avons déjà dit et nous vous en avons avertis. Car Dieu ne nous a pas appelés à nous adonner à des pratiques dégradantes, mais à vivre d’une manière sainte » (1 Th 4.3-7).
Un peu plus loin, au chapitre cinq de la même lettre, Paul établit le cadre de cette maîtrise de soi. Il s’agit de l’attente de la venue du Seigneur Jésus-Christ :
« Ceux qui dorment, écrit-il, dorment la nuit, et ceux qui s’enivrent s’enivrent la nuit. Mais nous qui sommes enfants du jour, soyons sobres : revêtons-nous de la cuirasse de la foi et de l’amour, et mettons le casque de l’espérance du salut. Car Dieu ne nous a pas destinés à connaître sa colère, mais à posséder le salut par notre Seigneur Jésus-Christ : il est mort pour nous afin que, vivants ou morts, nous entrions ensemble, avec lui, dans la vie » (1 Th 5.7-10).
Dans un autre passage du Nouveau Testament, le début de la seconde lettre de Pierre, la maîtrise de soi fait partie d’une série indissociable de vertus qui sont des dons de Dieu et qui séparent les croyants de ceux qui vivent encore enchaînés à leurs passions :
« Ainsi, écrit Pierre, nous bénéficions des dons infiniment précieux que Dieu nous avait promis. Il a voulu, par ces dons, vous rendre conformes à ce que Dieu est, vous qui avez fui la corruption que les mauvais désirs font régner dans ce monde. Pour cette raison même, faites tous vos efforts pour ajouter à votre foi la force de caractère, à la force de caractère la connaissance, à la connaissance la maîtrise de soi, à la maîtrise de soi l’endurance dans l’épreuve, à l’endurance l’attachement à Dieu. À cet attachement l’affection fraternelle, et à l’affection fraternelle l’amour » (2 Pi 1.4-7).
Voyez-vous, la maîtrise de soi était une vertu fort prisée dans certains cercles de l’Antiquité. Pour les adeptes de la philosophie stoïque, il fallait s’endurcir vis-à-vis de l’épreuve et de la douleur, et ne pas se laisser emporter par les sentiments de pitié à l’égard de soi-même. Mais ce dont nous parlent Paul et Pierre dans leurs lettres est d’un tout autre ordre. La maîtrise de soi a pour but l’obéissance et l’attachement à Dieu, elle prend sa source dans la foi et aboutit à l’amour. Elle est un des éléments qui nous rend conformes au caractère de Dieu lui-même.
« Soyez saints comme je suis saint », déclare l’Éternel au livre du Lévitique dans l’Ancien Testament (Lv 19.1). Cet enseignement est repris par le Nouveau Testament. La sainteté dont il est question marque une rupture radicale avec le style de vie dont faisaient preuve les chrétiens qui étaient sortis du paganisme. Les lettres de Paul et de Pierre sont remplies d’évocations de ce style de vie ancien caractérisé par une absence totale de maîtrise de soi. Écoutez par exemple comment Pierre en parle au chapitre quatre de sa première lettre :
« Ainsi donc, puisque le Christ a souffert dans son corps, armez-vous aussi de la même pensée. En effet, celui qui a souffert dans son corps a rompu avec le péché afin de ne plus vivre, le temps qui lui reste à vivre dans son corps, selon les passions humaines, mais selon la volonté de Dieu. C’est bien assez, en effet, d’avoir accompli dans le passé la volonté des païens en vous adonnant à la débauche, aux passions mauvaises, à l’ivrognerie, aux orgies, aux beuveries et aux dérèglements associés aux cultes idolâtres. Maintenant, ils trouvent étrange que vous ne vous précipitiez plus avec eux dans la même vie de débauche, et ils se répandent en calomnies sur vous. Ils en rendront compte à celui qui est prêt à juger les vivants et les morts » (1 Pi 4.1-5).
Ici, nous voyons clairement que la maîtrise de soi n’est pas une vertu à pratiquer simplement par rapport à soi-même, mais avant tout par rapport au Dieu saint et tout-puissant auquel chacun devra rendre compte des actes commis durant cette vie. Tout au long des pages de la Bible, la sainteté de Dieu est inséparable de son jugement.
Mais en fin de compte, qui d’autre que Jésus-Christ, Dieu incarné, a manifesté avec plus de perfection cette vertu, au milieu de la plus redoutable épreuve? C’est ce que Pierre a écrit à ses lecteurs auparavant, en mettant devant eux l’exemple du Christ, qui a enduré la souffrance non pas comme un châtiment exercé à l’encontre d’actes mauvais qu’il aurait commis, mais au contraire comme punition injuste alors qu’il n’avait fait que du bien. La maîtrise de soi implique au plus haut niveau l’endurance face à une souffrance injuste, l’aptitude à se maîtriser pour ne pas répliquer par la même violence injuste.
« Si vous endurez la souffrance tout en ayant fait le bien, écrit Pierre, c’est là un privilège devant Dieu. C’est à cela que Dieu vous a appelés, car le Christ aussi a souffert pour vous, vous laissant un exemple, pour que vous suiviez ses traces. Il n’a commis aucun péché, ses lèvres n’ont jamais prononcé de mensonge. Injurié, il ne ripostait pas par l’injure. Quand on le faisait souffrir, il ne formulait aucune menace, mais remettait sa cause entre les mains du juste Juge. Il a pris nos péchés sur lui et les a portés dans son corps, sur la croix, afin qu’étant morts pour le péché, nous menions une vie juste. Oui, c’est par ses blessures que vous avez été guéris. Car vous étiez comme des brebis errantes, mais, à présent, vous êtes retournés vers le berger qui veille sur vous » (1 Pi 2.20-25).
Si nous recherchons la maîtrise de soi, faisons-le non pas comme un exercice de perfectionnement moral, pour apparaître meilleur aux yeux des autres ou pour nous accorder à nous-mêmes une satisfaction quelconque; faisons-le en gardant constamment les yeux fixés sur l’exemple de Jésus-Christ, l’homme nouveau qui nous a ouvert le chemin vers Dieu le Père et qui, par son Esprit vivant en nous, est la source unique de notre propre renouvellement à l’image de Dieu.